Spill Tab : « Tout le monde a des choses à raconter »

De passage à Paris depuis sa Californie, Spill Tab s’est posée avec nous pour discuter de sa musique mais pas uniquement. Autour d’un café, on a pu aborder sa famille, ce que lui ont apporté ses diverses origines mais également la manière dont elle travaille sa musique. Une discussion qui nous en apprends plus sur cette jeune artiste au potentiel déroutant.

Zoé Renard

LFB : Hier tu as dévoilé lors d’une release party le projet qui arrive courant octobre, comment ça s’est passé ?

Spill Tab : Super bien ! C’était une des premières performances que j’ai fait depuis longtemps.

LFB : Tu te sens comment vis-à-vis de la sortie du projet ?

Spill Tab : En fait, le projet il est pas encore totalement fini encore (rires). Donc, dans ma tête je suis encore en train de penser à comment on va affiner les chansons. Je suis toujours dans cette mentalité de comment ça va sortir.

LFB : Ca sera ton premier projet depuis ta signature, as-tu ressenti des changements ?

Spill Tab : Oui ! La première chose c’est que ça va plus vite. Avant je bossais à côté et je faisais de la musique quand j’avais le temps. Le fait que ça soit vraiment mon job, ça fait un peu bizarre mais c’est cool ! Je pense que je développe mes compétences beaucoup plus vite qu’avant.

LFB : Du coup, ça t’as permis de faire avancer ta musique ?

Spill Tab : Je pense que signer, c’est toujours s’élancer avec beaucoup de nouvelles personnes. Ce que j’ai appris, c’est pourquoi changer quelque chose qui marche si ça marche déjà.
J’ai beaucoup appris que de faire les choses comme je les faisais avant, ça marchait beaucoup mieux. Continuer de travailler avec la personne avec laquelle je travaillais avant (David, ndlr) c’est aussi important.

LFB : Au final, tu n’as pas été trop biaisée et tu as pu garder une certaine liberté même en signant.

Spill Tab : Exactement ! La chose la plus importante pour moi, en signant, c’est déjà d’avoir le contrôle créatif de mon projet. Ce n’est pas comme si je venais de commencer, ça fait un voir deux ans que je travaille dessus et je n’avais pas envie de changer pour quelque chose de différent. Trouver un équilibre qui marchait, c’était nécessaire.

LFB : Qu’as-tu tiré de ton expérience en indépendant ?

Spill Tab : Le fait qu’on a pu avoir des playlists sur les plateformes avant d’être signée, il y avait une sorte de fierté, tu te disais que tu avais beaucoup bossé pour ça et c’était cool.
Mais c’était surtout d’avoir une équipe et de juste penser à la musique et pas au marketing.

LFB : Tu parlais de développer tes compétences, c’est peut-être aussi ton passage en indépendant qui a forgé cette envie de toucher à tout (composition, production, interprétation,…), je me trompe ?

Spill Tab : Il y a de ça, mais c’est aussi naturel. Au début, on travaillait entre Los Angeles et New York parce que moi j’étais à NY et Davis à LA. C’était un peu une nécessité que je puisse enregistrer mes propres morceaux pour les lui envoyer. En même temps, pour moi, la musique c’est la chanson mais c’est aussi très important pour moi la production, d’avoir mes propres kicks, que ça soit cohérent. Je suis très intéressé par la production aussi, donc je veux être sur de bien m’exprimer en production et pas simplement de dire « je veux quelque chose de plus heureux ». Le langage de la technique est super important pour moi.

LFB : Quel rôle David occupe dans ta musique ?

Spill Tab : Simplement, j’ai confiance en ses gouts. Je peux envoyer des idées et avoir des retours. On peut vite se sentir seule quand on fait tout soi-même.
En plus, c’est un de mes meilleurs potes. On a commencé à faire de la musique ensemble et on est devenu très proche, c’est cool de travailler avec quelqu’un qui est aussi ton ami.

LFB : Maintenant, on va parler de ta musique. Elle est à la fois complète, on y retrouve plusieurs sonorités et elle est aussi diversifiée en terme d’influences. Comment est-ce que toi tu décrirais ta musique ?

Spill Tab : De mon côté, le truc qui me motive, c’est d’expérimenter, tester de nouvelles choses. Le côté expérimental est nécessaire pour moi, c’est ce qui rend les choses plus intéressantes. Il y a donc ça mais j’ai aussi envie de garder un côté accessible et ne pas tomber dans quelque chose de trop vagues ou qui essaye d’être cool. Il faut que ça soit accessible pour que les gens qui ne connaissent pas la musique puissent accrocher quand même. Au final, il fait voir la balance des deux.

LFB : Tu trouves ça nécessaire de définir la musique ?

Spill Tab : Je pense qu’en ce moment, les spécifications des styles musicaux deviennent presque non-catégorisable. Dans cette génération, on a grandi avec 10 000 points de ressources : YouTube, Spotify,… Finalement on a tous des influences variées et je pense que ça s’entend. Il y a beaucoup de fusion et c’est super important !

LFB : Tu penses que les plateformes de streaming ont apporté une nouvelle manière de consommer et de produire la musique ?

Spill Tab : Oui, les plateformes et aussi les réseaux sociaux. En ce moment, il y a TikTok avec ses formats courts et dynamiques.
Pour un stage, je devais écouter beaucoup de musiques et quand j’écoutais, je me concentrais sur un couplet et un refrain, après je passais à autre chose. Du coup, j’ai voulu créer des chansons que je pouvais écouter sans skipper un moment.

LFB : On va revenir un peu sur ton premier EP, Oatmilk. Dedans tu passais aisément de l’anglais au français. Est-ce que c’est quelque chose que tu vas continuer à développer ?

Spill Tab : Oui, j’en ai envie mais évidemment c’est assez dur de retenir mon français quand je suis en Amérique.
Ma famille est en France donc y retourner comme maintenant, c’est super important pour moi et pour retenir la syntaxe du français.
Je voudrais plus travailler en français, mais j’oublie mon français (rires).

LFB : Il y a un morceau en collaboration avec Metronomy qui vient de sortir. Qu’est ce que ça représente pour toi de partager ta musique avec d’autres artistes, car c’est une de tes premières collaborations ?

Spill Tab : Je ne l’ai pas beaucoup fait mais j’adore ça ! Ca ouvre la possibilité d’avoir une conversation avec des gens qui travaillent dans la musique.
Aussi avec le covid, c’est difficile de rencontrer de nouvelles personnes quand ils ne sont pas spécialement dans le même pays. Donc, c’est trop cool d’avoir pu faire ça !

LFB : Vous l’avez travaillé comment ce titre ?

Spill Tab : A distance, sur le net. Il a envoyé pleins de morceaux à différents artistes et on a pu choisir celui qu’on voulait. J’ai beaucoup aimé les drums d’un des morceaux, du coup je l’ai prise, je l’ai retravaillé avec une partie de basse et puis ma partie de chant et je les ai envoyé et ça c’est fini comme ça (rires). C’était assez simple !

LFB : Sur le futur projet, on retrouvera des invités ?

Spill Tab : Oui, il y en a beaucoup (rires) ! Ils sont fait avec des amis à moi, comme Tommy Genesis. C’est super fun et une bonne manière de retrouver des amis dans la scène musicale.

LFB :

Zoé Renard

LFB : J’ai pu voir que tes parents étaient tous les deux musiciens. La musique a donc toujours été présente autour de toi. Ça ne t’as jamais « dégouté » ou ça sonnait comme une évidence pour toi de faire de la musique ?

Spill Tab : Ils faisaient surtout de la musique orchestrale, pour des films. C’était assez différente de ce que j’écoutais.
En 2009, tout s’est écroulé. Entre 13 et 20 ans, on a tout perdu, c’était un peu l’exemple de comment ça va quand ça se passe bien mais aussi quand ça se passe mal de faire un boulot qui sort des normes.
Du coup j’ai eu aussi bien l’aspect positif que négatif de ce métier.

LFB : C’est un peu grâce aux réseaux sociaux que la musique est devenue sérieuse pour toi, en postant des covers. Comment vois-tu l’influence que ce nouveau prisme peut avoir sur les jeunes créateurs à l’heure actuelle ?

Spill Tab : Je trouve ça super cool. Il suffit que quelqu’un ait un téléphone et se filme pour proposer quelque chose qui peut intéresser des gens. Je pense que ça devient démocratique et que donc tout le monde peut le faire. Mais il commence à y avoir des rubriques consacré à ce qui marche et je trouve que là ça devient un peu plus dur parce que l’on sait qu’il y a des stratégies marketing derrière.
Il faut aussi que ça match avec le profil de l’artiste, sinon ça ne marchera pas. On a toujours connu des gens qui reprennent une recette qui marche mais s’il n’y pas d’authenticité je ne trouve pas ça intéressant et souvent ça ne fonctionne pas.

LFB : Comment as-tu vécu ce moment où tu as commencé à avoir de l’exposition ?

Spill Tab : C’est super bizarre (rires) mais c’est cool aussi parce que c’était à une période où je ne pouvais pas faire de tournée donc c’était exclusivement sur les réseaux. Ça a été avantageux pour communiquer avec les gens qui ont aimé ma musique.
Je pense que sans le covid je n’aurais jamais fait de musique de toute façon. Donc je le prends avec le bien et le mal.

LFB : Tu as plusieurs origines, tu voyages beaucoup et j’ai l’impression que ça se ressent dans ta musique. Qu’est ce que tout ça t’as apporté ?

Spill Tab : Je pense que ça donne envie de faire plus de recherches, de découvrir de nouvelles choses, de sortir de sa zone de confort pour vivre quelque chose de différent.
D’avoir été en confinement ça a été pas fun parce que voyage pour moi c’est super important. J’y trouve de nouvelles sonorités et de l’inspiration.
Je m’intéresse aussi beaucoup aux gens, parce que je pense que tout le monde à des choses à raconter. En voyageant, on rencontre beaucoup de personnes et en parlant avec eux on s’en rend vite compte.

LFB : Du coup, tu t’es aussi intéressée sur la musique des pays que tu visites ?

Spill Tab : Oui ! J’adore enregistrer des bruits de la vie quotidienne des pays dans lesquels je vais pour les mettre dans mes chansons. Ca devient un peu comme un journal de mes voyages. Ce qui donne aussi un côté plus personnel à ma musique.

LFB : Du coup, est-ce que ton inspiration peut changer en fonction du lieu où tu évolues ?

Spill Tab : Oui, absolument ! Chaque fois que je reviens en France, il y a toujours de nouveaux mots, de nouvelle façon de dire les choses. Il y a beaucoup de rythmes aussi dans le français, on dit des mots de différentes manières. On oublie ça quand on est pas en France.
Du coup, j’aime être ici et juste écouter des conversations pour mieux m’exprimer dans ma musique.

LFB : Pour le moment tu es de retour à Paris, c’est une ville que tu apprécies ?

Spill Tab : Oui, beaucoup (rires) !

LFB : Los Angeles ne te manques pas trop ?

Spill Tab : En fait, c’est mon lit qui me manque, il est trop confortable (rires). La climatisation aussi, à Paris je pense qu’il n’y en a pas et tant mieux pour la planète mais ça me manque de rentré dans un centre commercial et d’avoir la clime (rires).

LFB : Hormis une belle sortie de projet, qu’est ce que je peux te souhaiter ?

Spill Tab : Merci !
Je vais partir en tournée à l’automne et après j’en ai aucune idée, donc on verra (rires).

L’ADN de Spill Tab est disponible juste ici.