ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent et les influencent. Alors qu’elle a récemment dévoilé son premier titre Sirop, Novaé Lita est de passage sur La Face B pour nous raconter son ADN musical.
Richard Strauss – Métamorphoses
FR : Pour moi une véritable Madeleine de Proust.
L’élégance de l’élysie émeraude, puissance d’un manticore, on traite ici de la poésie pure, d’un langage lumineux, ça relève presque de l’hymne orphique, d’un battement d’ailes d’Urania leilus.
L’Expérience (et non l’écoute) est ecclésiastique. Métamorphoses appartient à l’horizon, à un autre temps, un autre lieu. Zodiacale et subtile. Synesthésie et dopamine.
Cet hymne est la preuve que la destruction est une étape pour accéder à la sublimation. Je dirais même « Clarum per obscurius » Le Clair par l’obscur. La musique c’est un peu une recherche à caractère cathartique, et sans fin. C’est à dire que même lorsque la purification a lieu, on veut qu’elle se répète.
EN : A true Proust’s Madelaine.
The elegance of an Elysia chlorotica, the power of a manticore, we are dealing here with pure poetry, a luminous language. It’s almost an orphic hymn. Alike an Urania leilus’s flight.
The Experience (not the listening) is ecclesiastical. « Metamorphosis » belongs to the horizon, to another time, another place. Zodiacal and subtle. Synesthesia and dopamine. This hymn is the proof that destruction is a step towards reaching sublimation. I would even say « Clarum per obscurius » The light by the dark.
Music is a bit of cathartic research, never ending. Even when the purification takes place, we want it to repeat itself.
Jonas Rathsman – Tobago
FR : J’ai vécu une bonne partie de mon adolescence dans les Caraïbes. L’Ouragan Dean a subitement poivré mon quotidien en 2007. Lorsqu’un frisson effleure la terre, on se sent petit face aux vents. J’écoutais Tobago. Comme une odeur de pluie qui effleure une brique en chute libre. Tobago c’est l’un des premiers titres house que j’ai collecté. Je me souviens l’avoir gravé sur un CD et passé en Loop sur mon Walkman. Il n’y avait que du Zouk Love et du Compas à la radio, ici, en outre-mer. Des rythmiques lentes et oisives. Quand j’ai découvert la musique électronique, ça a été un véritable soulèvement, j’étais en lévitation. Mes pieds quittaient l’Île. J’avais soif d’infini. Tobago était l’alarme, puis j’ai mis la main sur Julio Bashmore, Iron Curtis, Timmy P, Fulbert, Glenn Underground (…) C’était exactement ça : L’Ouragan.
Après Dean, la Martinique a été touchée par un séisme de magnitude 7,4, j’y étais, encore une fois. C’est la house qui m’accompagnait, nuits et jours, avec et sans secousses sismiques.
EN : I lived much of my teenage years in the Caribbean. Hurricane Dean suddenly peppered my daily life in 2007. When a shiver grazes the earth, you feel small in the face of natural forces.
I was listening to Tobago. A smell of rain that brushes a brick in free fall. Tobago is one of the first house songs I collected. I have the remembrance of me playing it : “Loop mode” on my Walkman. There was nothing but Zouk Love and Compas music on the radio here, overseas.
Slow and idle rhythms. When I discovered electronic music, it was a real uplift, I was levitating. My feet were leaving the Island. I thirsted for infinity. Tobago was the alarm, then
I got hold of Julio Bashmore, Iron Curtis, Timmy P, Fulbert, Glenn Underground (…) It was exactly that: The Hurricane.
After Dean, Martinique Island was hit by a magnitude 7.4 earthquake, I was there, once again. House music accompanied me, night and day, with and without temblor.
Yellow Jackets – Politics
FR : Yellow Jackets pour ses discordances magiques, une incitation au tapage nocturne expérimental. Des drums aussi parfaits que l’écliptique. J’ai des flashs de moi, enfant, insomniaque, les paumes, déjà, chromatisées d’huile et d’encre. Album relique.
Vestige d’un moi mineure.
EN : Relic album. Remnant of a minor self.
Yellow Jackets for thoses magical discordances, an incitement to experimental nocturnal uproar. Drums as perfect as the ecliptic. I have flashes of myself, as a child, insomniac, my palms already chromatized with oil and ink.
Frank Zappa – Apostrophe
FR : Zappa, Feu du ciel, décharge électrique, cubozoaire. Pour l’anecdotique : enfant, mon père me redressait toujours avec du Frank Zappa, il me passait en boucle les albums les plus expérimentaux. Déroutant mais efficace. Je ne souffrais pas, j’écoutais, disséquais, comprenais. Jeune fille, Zappa m’a accompagné dans mes instants de solitude. Mais l’art est un cadeau pour ceux qui le comprenne. Apostrophe c’est stricto sensu : dans mon ADN.
EN : Zappa, sky fire, electric shock, cubozoan.
Anecdotally: as a child, my father always straightened me up with Frank Zappa, he played the most experimental albums over and over. Confusing but effective. No pain. I was listening, dissecting, understanding. Young girl, Zappa accompanied me in my solitude. Art is a gift for those who understand it. « Apostrophe » is stricto sensu: in my DNA.
Drab Majesty – « Ellipsis«
FR : Pour moi, un sans-faute. Si Drab savait combien de fois il m’a fait tanguer.
J’ai beau disséquer tous ces albums, tout m’édulcore. Caresse sur Eagle Mark XIX. Le spasme assuré. L’esthétique est addictive, un polyèdre démentiel. Une émanation de feu de bois avec Dot in the sky, un voyage que rien n’arrête, pas même la nuit. Deux mots me viennent en tête : Cinétique chimique. Comme une explosion parfaitement contrôlée, secrètement illicite.
EN : A lunacy polyhedron. For me, faultless. No matter how much I dissect all these albums, everything dulcified me. Caress on Eagle Mark XIX, the guaranteed spasm. The aesthetic is
addictive. With Dot in the sky, I devine an emanation of wood fire and enter a pilgrimage that nothing can stops, not even midnight. Two words come to my mind: Chemical kinetics.
Like a perfectly controlled and secretly illicit explosion.