Gustaf, transcender la folie en délire punk

Une comédie noire, une séance chez le psy sous psychotropes, un pamphlet rageur contre la nature humaine… Difficile de décrire le style hautement théâtral de Gustaf, il faut surtout le vivre. Après avoir écumé les scènes New-Yorkaises, accepté les pires plans, bossé comme des dingues, le groupe créé sur un coup de tête a bien évolué. D’un festival au Texas booké sans avoir le moindre son jusqu’à la secret party de Beck et Cage the Elephant, on peut dire que leur folie et leur acharnement a fini par payer. Gustaf sort dorénavant son premier album Audio Drag for Ego Slobs, du Art-punk pur produit de la ville qui ne dort jamais. Un lancement complètement névrosé, habité par les différents personnages maniaques que Lydia Gammill transcende.

Quelques notes de basses graves saturées par une guitare grésillante. Une ouverture sombre sur laquelle va s’appuyer Lydia pour appuyer sa rythmique post punk hautement dramatique. Mine est la parfaite introduction à toute l’originalité du groupe. Des chœurs qui résonnent comme des pensées véhémentes et omniprésentes, une auto dérision monstrueuse, et un sens de la théâtralité rarement égalée. Chanson sur l’appropriation abusive, la jalousie compulsive, elle est illustrée à merveille dans un clip qui permet de se plonger encore mieux dans la folie. Mimiques délirantes, gestuelle saccadée, Lydia est un monstre de scène complétement habité.

Place aux rythmiques sautillantes et percutantes avec Book. Le jeu de réponse entre les différents membres du groupe est absolument délirant. Les voix s’additionnent, s’engueulent presque, résonnent les unes entre les autres, exprimant le côté ultra symbiotique et fun du groupe. Un procédé que l’on retrouvera notamment au cœur de The Motion et ses airs de secte sous emprise. Chaque mot devient un mantra répété en chœur avec plus ou moins de conviction. Un trip entre psychédélique et hallucination collective.

Best Behavior reviendra au rythme plus slow et une instrumentale plus minimaliste afin de se pencher un peu plus sur l’interprétation. On se régale a écouter Lydia énumérer à quel point c’est une bonne fille qui n’a insulté personne aujourd’hui devant un auditoire peu convaincu. Le regard fou, attitude nonchalante qui cache un corps tendu, prêt à se jeter sur sa proie. Tout retranscrit la violence contenue. Transformée en animal de laboratoire, Lydia se cantonne à balancer un refrain obsessionnel « I’m good, I’m very very good, I’m good, I’m very very good. » qui résonne en boucle dans nos têtes. Vraiment une vilaine fille.

Le summum du WTF interviendra avec Dog, lorsque Lydia déclamera « I forgot that I’ve ever loved you, and then I saw your dog.” Qui se terminera par un kidnapping en bonne et due forme poursuivi par la police. On fait ce qu’on peut pour obtenir l’amour inconditionnel. On observera cette superbe utilisation de l’aboiement avec un « Would would woof ! » de toute beauté. On ne s’y attendait pas à celle-là.

Même quand Gustaf déclame son amour, cela prend des airs de psychopathes. On est plus prêt de la série You que de la romance à l’eau de rose avec Dream. Le groupe sait aussi prendre des tournures plus mélodiques avec Liquid Frown, qui teinté de désespoir permet d’apporter un peu d’empathie pour les névrosés que le groupe illustre. La guitare se fait plus claire, une flute se rajoute, la voix s’envole dans des envolées poétiques. Une certaine forme de mélancolie qui conclura notamment l’album avec un Happy toute en contradiction. La voix manque de conviction lorsque Lydia prononce « I hope you’re happy, I hope you’re singing alone. ». Une chanson qui résonne comme une tentative de récupération désespérée. Le bonheur oui, mais pas sans moi.

Qui n’a jamais fait face à ses propres contradictions, à des sentiments honteux, des comportements antisociaux? Bien que relevant du cas clinique, Gustaf ne fait que transcender la nature humaine, et surtout ce qu’il y a de pire en nous. On est partagé entre l’effarement, et l’envie de mourir de rire. Mais sous couvert d’autodérision absolue et d’acting complétement fou, Gustaf permet une jolie remise en question et peut être une voie pour évoluer. Un peu comme un pote qui se fout de nous pour dédramatiser une situation complétement absurde. Un album qui procure ce sentiment d’être toujours au bord de la falaise, mais sans savoir à quel moment on sautera. Une expérience à vivre on a dit.

Retrouvez l’ADN et l’interview de Gustaf