The Mutiny : Molybaron sort les griffes

Chez la Face B, il est un courant musical que l’on a peu l’habitude d’évoquer : le Metal. Cependant, le groupe franco-irlandais Molybaron a récemment posé une pépite – ou plutôt un météore – sur la scène musicale Rock. Il fallait que l’on vous en parle.

Pochette de The Mutiny dessinée par l’artiste russe Oleg Smirnov

Le groupe, formé à Paris en 2014, à dévoilé il y a peu son second album, nommé The Mutiny. Sorti quatre ans après un premier effort très remarqué et unanimement salué par la critique, Molybaron remet le couvert pour venir croquer nos sens à pleines dents. Plus affirmé que son prédécesseur dans le style mais jamais bourrin pour dire de l’être, Gary Kelly et ses comparses nous livrent un Metal accessible, sophistiqué et tout en nuances. Une chose est sûre, le quatuor ne s’enferme pas dans les clichés d’un genre très codifié et souvent mal connu.

En effet, les 10 pistes de l’album frappent par leur éclectisme sonore. Il s’agit ici de trois quarts d’heure d’épopée des genres, que Molybaron allie avec brio. Pléthore de sous-genre dont ils semblent à peine conscients. Car Molybaron c’est avant tout leur son, tel qu’ils l’imaginent, le construisent et l’aiment. Gary Kelly avoue être incapable de dire ce que les gens trouvent cool ou pas. Il déclare : « C’est mieux pour moi, cela me permet d’écrire ce que je ressens sans avoir à me soucier de coller à telle ou telle case » (« This has been pretty healthy for me, it allows me to write what I feel, without the worry of fitting a certain category »).

Ainsi, l’album démarre sur Animals, une claque qui met tout de suite d’accord. Tout y est, passé l’intro intrigante et psychotique, un son massif se dessine et ne déçoit pas. Le morceau de plus de 5 minutes ne cesse de muter, allant de riffs entraînants en breaks massifs, retombant toujours sur un refrain obsédant jusqu’à délivrer un post-refrain taillé pour le live. Même seul.e chez soi, on a envie de chanter à tue-tête ce hook irrésistible, avant qu’un solo de guitare ardent ne vienne nous couper la chique. Le texte dénonce la cupidité de l’être humain et son comportement, justement, inhumain. Le tout soutenu par un clip esthétiquement très intéressant et sanglant.

Lucifer vient s’ancrer plus profondément dans un style Metal « classique » tout en se rapprochant par moment d’un Post-Rock furieux. Un déferlement ardent en forme d’ode à Lucifer, ange déchu et être de lumière, promis au néant. C’est un thème récurrent dans l’univers Metal, traité ici avec une belle habilité d’écriture. Le son est lourd, frontal, sans compromis. Le clip est une descente aux enfers, semblant dire que le Mal a vite fait de se glisser en nous.

Une légère accalmie semble s’ouvrir avec le magnifique Amongst the Boys and the Dead Flowers et son intro à la silhouette Progressive Metal. Le répit est de courte durée : refrain épique et chant habité, Gary Kelly nous montre l’étendue de ses capacités vocales sur un texte qui évoque la guerre, thème encore une fois récurrent du genre. Abordé avec fougue, cet hommage aux sacrifiés des trop nombreux conflits que l’humain a subi semble pouvoir se lire sur plusieurs niveaux. En effet, le chanteur est tellement prit dans la musique qu’il finit par se projeter sur le champs de bataille. La chanson se termine sur ces mots : « Please tell my mother I was brave / Even though I was afraid / This may be my last song ». Dans les heures sombres qu’a connu le milieu de l’art ces dernières années, l’artiste est-il un Résistant face à l’obscurantisme ?

Molybaron s’attaque ensuite à un autre sujet sur le quatrième morceau du disque, Prosperity Gospel. Pied-de-nez caustique à l’encontre des représentants de l’Église et leurs morales que beaucoup ne respectent pas eux-mêmes. Kelly dénonce les dérives de la religion, l’avidité de ses plénipotentiaires et hèle sur la manipulation de masse. Le ton acerbe est magnifié par une instrumentation bouillonnante. Un Groove Metal qui dans ses passages les plus pêchus nous fait penser aux meilleurs drops de Royal Blood.

Arrive ensuite l’un des morceaux les plus prenants de l’album. The Lighthouse prend aux tripes, que ce soit la basse atomique de Sébastien de Saint-Angel, son breakdown vertigineux ou encore une fois la performance vocale sans faille de Gary Kelly qui se rapproche par moment du timbre de Serj Tankian (System of a Down). La musique est puissante, plus en émotions que les précédentes, le texte est aussi plus personnel, plus intime. Bien que sombre de prime abord, le texte laisse filtrer quelques rayons de lumière. C’est en effet de la bienveillance que le groupe partage à son public. La lumière d’un phare qui nous guide quand tout est noir.

En un roulement de batterie endiablé, Camille Greneron donne le ton de ce sixième morceau déchaîné. Slave to the Algorithm est sans aucun doute LE morceau qui vous donnera envie de secouer la tête frénétiquement (headbanger pour les puristes). La section rythmique balance un groove jouissif et exaltant. La batterie est complètement dopée, Camille nous offrant une folle démonstration de sa grande technicité. L’album revient donc sur une belle complexité musicale qui touche au Metal Progressif. La chanson alerte sur les dérives du progrès technologique et sa propension à s’immiscer au plus profond de notre intimité. L’être individuel se transforme peu à peu en un amas de données, un ADN complet en langage binaire.

La musique suivante reprend également sur une lancée Prog avec encore une impressionnante section rythmique architecturale. Something for the Pain est sans conteste notre morceau préféré de l’album. Il s’en dégage une telle énergie, le groupe tout entier est à son meilleur ! Steven André couronne le tout d’un solo de guitare magistral. Cette fois encore, le texte semble avoir plusieurs niveaux de lecture. D’un côté désespéré, il décrit de manière sinistre une conscience humaine qui souffre trop. D’un autre parle des drogues et autres addictions qui permettent de se détacher de ces souffrances physiques ou psychiques. Kelly traite le sujet intelligemment, ne plaçant pas la drogue comme cause, mais comme résultat d’une société malade, gangrenée par trop de problèmes ignorés par les institutions.

Les trois derniers morceaux de l’album retombent dans un style de Metal un peu plus méchant, plus mordant mais aussi plus commun. Bien que l’identité de Molybaron soit toujours reconnaissable et vraiment très appréciable. The Hand That Feeds You est parmi les titres plus obscurs du disque, son solo de guitare brille pourtant par sa maestria d’interprétation. Pour Twenty-Four Hours, le groupe a invité Whitfield Crane, chanteur emblématique de Ugly Kid Joe. Un délire psychotique tiré d’un film noir dans lequel un couple fait du meurtre son jeu favori. Les voix de Crane et Kelly s’agencent à merveille, tout comme ce solo à deux guitares digne d’Avenged Sevenfold à leur meilleur époque. Ordinary Madness, qui parle de la part de folie enfouie au fond de chacun de nous, vient fermer le disque en beauté : break galvanisant, chant hanté et outro enfin apaisée.

Ainsi, tout est réuni sur cet album pour en faire un must-have du genre. Molybaron a tout pour devenir un grand groupe qui a su se tailler un son unique en usant d’éclectisme. Oscillant sans cesse entre le Post-Rock, le Nu-Metal, le Metalcore et le Metal Progressif pour en faire une musique progressiste qui est une tornade de fraîcheur dans un genre majeur qui globalement peut avoir tendance à se refermer sur lui-même. Un quatuor de musiciens prodigieux, avant tout bluffants de technicités, qui nous font vivre de véritables épopées dans lesquelles les murs de son s’effondrent parfois pour laisser place à des mélodies somptueuses. Un groupe qui enfin n’a pas peur de dire ce qu’il a à dire. Un groupe qui soutien, dénonce les dépendances de toutes sortes qui viennent ronger les existences au travers d’un disque puissant qui brille superbement entre l’ombre et la lumière.

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