Yard Act, percutant et brillant sur the Overload

Après un premier EP Dark Days acclamé par les médias à l’aube du premier confinement, le quatuor de Leeds s’élance dans un premier long format, nommé The Overload sur les labels Zen FC et Islands Records, avec onze titres totalement inédits et très attendus. Yard Act ouvre une nouvelle brèche au post-punk moderne qui a le vent en poupe et offre un album qui marquera les esprits pour le reste de l’année..

Yard Act, c’est l’histoire de deux potes de pubs qui se rendent compte qu’ils sont complémentaires dans leurs projets musicaux. Tout a commencé en septembre 2019 quand James Smith (chanteur et parolier) invita chez lui Ryan Needham (bassiste) qui était à la recherche d’un toit provisoire. Cette union inopinée de comptoirs les a conduits à sortir le strokien The Trapper’s Pelt qui frappe d’entrée par « What a day to be alive ! » en début de pandémie. Une coïncidence non volontaire mais qui fera écho très rapidement durant cette période très particulière. La sortie de l’EP Dark Days marqué par ses guitares nerveuses ne fit qu’enflammer le buzz autour d’eux. Le groupe s’étoffe par la suite de musiciens rodés sur la scène de Leeds : Sam Shjipstone (ex-guitare de groupe Hookworms) et Jay Russel (batterie).

En plus de ce cheminement atypique, la force de Yard Act réside également par ses narrations subtiles qui nous plongent au cœur d’une Angleterre abimée par le Brexit. On y retrouve les déboires d’un prodige du football, le buveur hargneux ou encore les entourloupes d’un magicien. L’ouverture de l’album, également titre éponyme, démarre par des lignes évocatrices de notre temps : “I’m shakin’ up my eight ball coz I’m trying to see / What tomorrow’s world has got in store for me”. Emporté par une boite à rythme pressante, The Overload marque le cynisme de la conformité. Moqueur et agité, James brandit par toutes les intonations possibles tous les tares d’une société remplie d’inégalité et d’incohérence

Le quatuor embraye très rapidement par deux hymnes anticapitalistes Payday et Rich sans être des manifestes politiques. Le premier navigue dans un trip électro-flutiste scolaire où James sombre dans la folie tandis que le second est plus minimaliste. Dans les deux cas, l’humour sarcastique fait mouche et marque la fracture sociale en plaçant notamment l’égocentrisme de la richesse riche comme une victime incomprise.

Yard Act semble suit les traces des groupes post-punk tels Parquet Courts, shame ou IDLES, les plus fougueux du moment. Les titres sont immédiats et efficaces. Parfois un poil trop court comme peut l’être (logiquement) l’hommage punk 70s Witness (Can I Get a A ?) qui ne servira que de pont vers la deuxième partie moins énergique de The Overload. C’est le cas de Tall Poppies qui bénéficie d’une durée de plus de six minutes. James y présente une image sombre mais condescendante de la vie provinciale (big up Model Village).

Au fil de l’écoute de l’album, la panoplie de divers effets sonores rende l’album encore plus abouti. On y retrouve des secousses funky sur Dead Horses, les touches de piano digitales sur Quarantine the Sticks ou encore des percussions afro sur Payday. Rien n’est laissé au hasard pour appuyer davantage la voix sardonique de James. Le morceau le plus résolument accessible est Land of the Blind qui déboule plein d’arrogance avec son refrain entêtant « Baba Bow » repris en chœur qui nous pousse à le chantonner aussi. Il s’agit surement du moment où James se montre le plus incisif et caustique envers les présomptueux qui entretiennent les illusions du quotidien. La pièce de 50 P honorant le Brexit sert de symbolique historique à cette comédie perpétuelle “We all get a commemorative fifty pence piece each For the peace treaties breached”.

Mais au fond, malgré tous ces déboires qui peuvent aboutir à la colère ou à la consternation, James propose de faire fi et promeut un certainespoir. Le final contient les deux pistes les plus mélodiques. En s’inspirant de Tiny Dancer d’Elton John, Pour Another a pour but de prendre à contre-pied l’auditeur sur le style du groupe. Il mêle un sentiment étrange de partage et de nostalgie dans un monde en feu. 100% Endurance clôt l’ensemble par des lignes touchantes de sincérité qui vient nuancer l’apparence brusque et incisive de Yard Act : « All you ever needed to exist has always been within you ».

Une fois n’est pas coutume, le buzz aperçu en 2020 méritait d’exister. Yard Act a dépassé toutes les attentes en proposant un premier essai authentique et percutant où chaque titre équivaut à un tube. Le groupe de Leeds, pris en étau dans une société malade, ne se laisse pas submerger par ses émotions primitives et préfère profiter de ses envies avec le recul nécessaire sur ce monde impitoyable. The Overload est une totale réussite qui représente finalement toute l’énergie créative et débordante d’un groupe qui souhaite donner du sens à ce qu’il vit. Finalement, 2022 ne commence pas si mal..

Coups de cœur de l’album : The Overload, Payday, Land of the Blind, Tall Poppies, Pour Another, 100% Endurance