Fin 2021, Cashmire a sorti coup sur coup les deux parties du projet 018. Un matricule qui fait directement référence à son lieu de vie, le 18ème arrondissement de Paris. Un lieu polarisé entre son atout charme touristique et un mode de vie précaire qui a inspiré le jeune rappeur pour ce projet. Si son lieu de vie est le fil rouge de sa musique, c’est aussi là dessus que nous avons échangé avec Cash.
LFB : Récemment, tu as sorti la seconde partie de ton projet 018, quelle était ta volonté avec ces sept nouveaux titres ?
Cashmire : Pour moi, c’est vraiment un deuxième projet qui tourne autour du même thème. J’avais l’envie d’accentuer le projet, de combler l’attente parce qu’il y avait un peu une attente entre mon premier projet et celui-là donc je voulais vraiment le défendre le mieux possible.
Artistiquement j’avais envie de faire un 018 de jour, plus ouvert avec le premier projet et des morceaux comme Yaki, Gucci Bae, Samuel Eto’o et puis après envoyer quelque chose de plus sombre et personnel avec des titres comme : Barbès-Rochechouart, Casino, Loyauté,…
Il y a un projet un peu plus sombre et personnel et l’autre qui est plus ensoleillé. Le premier, je le vois un peu comme le 18ème de jour et le second comme le 18ème mais la nuit.
LFB : T’as été content des retours qui ont suivis sur ces deux projets ?
Cashmire : Franchement ouais, il y a eu pas mal de retours et de bons retours.
Étant donné que les titres sont assez éclectiques, je retrouve des gens qui aiment différents morceaux en fonction de ce qu’ils aiment et c’est cool ! Ça a aussi permis aussi de confirmer les retours du premier projet.
Je suis content d’avoir pu envoyer une palette assez large, il y a vingt titres, et je pense que mon public les méritait.
LFB : Le fil rouge des deux projets, c’est ton lieu de vie, qui comme tu l’as dit est le 18ème arrondissement de Paris. D’où vient cette idée de l’incorporer à ta musique ?
Cashmire : J’ai pas vraiment calculé mais je pense qu’à ce stade là de ma carrière, c’est la peinture que je voulais faire. Je voulais peindre sur mon quartier, sur ce que je vis et apporter mon regard sur tout ça. Déjà cette manière d’appeler le quartier « 018 » c’est quelque chose qui n’existait pas, qui vient de ma vision.
Je dépeins le quartier avec mon regard. À ce stade là de ma carrière où j’ai signé en maison de disques, je sors un second projet, j’avais envie de faire un projet pour mon quartier. J’aimerais que 018 ça soit le code de réussite des petits de n’importe quel quartier.
LFB : Tu penses que c’est plus en regardant par ta fenêtre et en voyant ce qui se passe dans ton quartier que tu t’es mis à la musique ou c’est en faisant du rap que tu t’es penché sur la vie de ton quartier ?
Cashmire : Je ne sais pas trop. Je pense que c’est ni l’un ni l’autre. On a vécu des choses qui nous ont mis dans certaines positions, par la grâce de Dieu, j’ai certaines bénédictions sur ma tête qui ont fait que j’ai pu vivre, voir ou éviter certaines choses que je peux retracer dans ma musique.
C’est aussi pour montrer aux petits qu’on est pas obligés de vendre de la drogue ou d’être des criminels. On peut très bien croire en ses idées et ses rêves et je voulais le montrer à travers mon parcours, c’était ça mon objectif. Je suis un mec qui préfère laisser une trace d’espoir plutôt que de faire l’apologie de mes crimes.
LFB : La musique a toujours été un milieu qui t’attirait ?
Cashmire : Ouais, c’est vrai que quand j’étais petit et que je voyais 50 Cent, Lil Wayne (que je dédicace dans Loyauté quand je dis « J’suis hip-hop depuis l’époque d’A Milli »), ils avaient l’image de l’homme noir successful avec un style et une manière de penser bien à eux. Ça m’a tout de suite parlé !
Après il y aussi eu Tupac, Pop Smoke, XXXTentacion, Travis Scott, A$AP Rocky,… Ils m’ont tous personnellement plu.
Au début, le rap c’était un peu une passion, un rêve jusqu’au moment où ça m’est un peu tombé dessus et je suis devenu un rappeur sans vraiment le chercher.
LFB : Du coup tes influences sont plus américaines que francophones?
Cashmire : En vrai, j’ai les deux. Lyricalement j’ai des influences françaises parce que le rap français est riche et il a une belle histoire. C’est vrai qu’artistiquement, au niveau créatif mes influences sont plus américaines.
LFB : D’ailleurs, le 18ème ça a toujours été un lieu de rap. Actuellement il y a toi, Guy2Bezbar, Slkekra et d’autres, avant il y avait notamment la Scred Connexion. Quel rapport tu as avec l’histoire rap de cet arrondissement ?
Cashmire : En vrai, j’ai un peu plus créé mon univers par moi-même, avec mes références mais je reste quand même très connecté avec cette scène. Par exemple, juste avant l’interview j’étais dans la boutique de la Scred, on a eu de grandes discussions. Je suis fier de représenter cette scène !
Après, il y a quand même des oeuvres du 18ème qui m’ont parlé, comme Première Consultation de Doc Gynéco dans lequel je me retrouve beaucoup, même dans le personnage de l’artiste.
Après, c’est difficile à dire parce que tout s’est fait naturellement mais je ne pense pas avoir poncé la scène du 18ème pour devenir un artiste du 18ème. J’ai fait mon bout de chemin et aujourd’hui je suis super fier de faire partie de cette scène historique parce qu’il y a trois ans je n’y aurais pas cru.
LFB : Un de tes gimmicks fait référence à ce lieu de vie : « 018 c’est pas touristique« . Pourtant une partie de l’arrondissement voit passer beaucoup de touristes puisque c’est aussi là que se situe le Sacré-Coeur. Comment as-tu apporté ta vision de ce lieu dans ta musique ?
Cashmire : Historiquement c’est un quartier d’artistes et je pense que c’est vrai, il y a tellement de rappeurs, de mecs passionnés d’arts, les gens font aussi gaffe à leur style, les mecs du 18 ont vraiment une patte à eux.
Quand je dis « 018 c’est pas touristique« , je fais une différence entre le 18 plus chic et bobo qui va plus être lié à Montmartre et celui que l’on vit tous les jours dans les quartiers. La vie y est bien différente, c’est pour ça que je rajoute un « 0 », c’est pour parler de la face cachée de l’iceberg, celle qui est tout sauf touristique. Les touristes ne viennent pas chez nous, le quartier est pollué par le crack et la misère sociale. Il y a des pompes funèbres à tous les coins de rues, c’est clairement pas touristique ce que je vois depuis que je suis petit.
À partir du moment où je me suis dit que j’allais faire un projet sur mon quartier en dépeignant ce que je voyais autour de moi, ça a donné cette gimmick. Je trouve que c’est une bonne définition de là où je vis.
LFB : C’est aussi un quartier multiculturel et j’ai l’impression que ça se retrouve dans ta musique qui est chargée de différentes sonorités. C’était important pour toi d’avoir une palette musicale assez ouverte ?
Cashmire : C’est une bonne question ! Ouais, je pense que dans la toile que j’ai voulu peindre du 18ème, il fallait ce côté un peu culture africaine, dansant comme sur Madame Franc CFA qui fait référence aussi à la monnaie coloniale africaine imprimée en France. Pour la plupart on est originaire d’Afrique et pour autant on est français, on a cette double culture. On écoute forcément des musiques fortement africaines, surtout par nos parents. Puis quand on sort on écoute autre chose, des morceaux plus américains. Je pense que j’ai digéré toutes ces choses qui font nos trains de vies et au final c’est ressorti dans le projet. Ça ne pouvait qu’être comme ça que je pouvais décrire la chose.
Dans le deuxième projet, je suis sur des sonorités plus froides, avec des riffs de guitare, des choses plus trap. La nuit ici est un peu plus sombre, à partir d’une certaine heure, le quartier fait peur : il y a beaucoup d’addicts aux drogues, des seringues par terre,…
Il y a ce côté lueur d’espoir quand même parce que quand tu te lèves à 8h, il y a pleins de gens dehors qui essayent de s’en sortir, puis ça reste Paris, c’est actif.
LFB : Ca serait envisageable pour toi de quitter le quartier ?
Cashmire : Je vais pas te mentir, je suis très attaché à mon quartier qui me porte aussi. Forcément il y a une attache. En parallèle, je pense qu’aucun jeune homme noir issu d’un quartier à l’intention d’y rester. La réussite dans un quartier c’est de faire monter son quartier, de l’aider et évidemment de mettre sa famille à l’abri en la sortant du quartier. Le chemin de la réussite pour n’importe quel mec de quartier, il est là.
Après, il faut faire attention, je ne dis pas qu’il faut fuir le quartier pour devenir un bobo du 11ème.
Carrément dans l’Interlude je l’ai appelé Sauve toi STP, c’est un peu la devise pour tout le monde. Le but ce n’est pas de finir éteint dans le quartier, ça ça ne fait bander personne.
LFB : Sur le projet tu quittes un peu la capitale en invitant Nemir qui vient du sud. Comment s’est faite la connexion entre vous deux ?
Cashmire : C’est magique, elle s’est vraiment faite au hasard, il n’y avait rien de prévu (rires).
Comme d’habitude, j’étais au studio pour poser Go Fast, sur une instrumentale de Boumidjal, tout se passait bien, j’étais content de ouf. Puis à un moment, je sors faire une pause clope, je monte dehors et il y a Nemir, il y a un mec qui nous présente. Je parle avec lui direct, parce qu’en plus j’aime grave ce qu’il fait. En tant que parisien, je me suis beaucoup buté à Nekfeu et Princesse c’est vraiment un morceau qui m’a giflé de ouf. Du coup j’en parle avec Nemir, il y a un bon feeling, je lui dis que je fais de la musique et je lui propose de venir écouter. Il vient et il a trouvé le morceau trop chaud, je lui ai proposé de poser dessus. Là, il a annulé son rendez-vous et on avait 45 minutes pour faire le morceau. On a écrit ensemble, il a posé sa topline et puis tout s’est enchaîné super naturellement. Après ça, on a gardé contact.
LFB : Il y a aussi Slkrack sur le projet et lui aussi vient du 18ème. Quelle relation avez-vous tous les deux ?
Cashmire : Il est sur le titre La Colline avec Olazermi. Sl c’est notre champion, notre GOAT, notre porte-parole. Il est plus âgé que moi et quand j’étais petit, on se référait à lui. Ça fait longtemps qu’il fait de la musique, et on l’a toujours soutenu et poussé. On était des grands fans, je le mettais au même niveau que les grands artistes que j’écoutais à l’époque. C’est le mec de chez nous qu’on écoute, même s’il était pas connu, en tout cas dans la zone on l’a toujours écouté. C’est un mec qui a aussi fait beaucoup de pauses, il y a eu beaucoup d’arrêts,…
Avant même de faire de la musique, je lui avais dit de continuer ne fut-ce que pour la zone qui avait besoin de l’écouter.
Comme je te l’ai dit je suis un peu devenu rappeur par hasard et maintenant avoir Slkrack sur mon projet, en plus avec Olazermi, c’est un peu un accomplissement, la boucle est bouclée. C’est pareil pour Nemir et Abou Tall, je les écoutais avant sans même me dire que je ferais ça de ma vie. Je regarde le moi enfant, il est surpris et fier de moi (rires).
LFB : T’as aussi un talent pour les mélodies, quel est ton rapport au chant ?
Cashmire : J’ai jamais pris de cours de chant. Je chante pas très bien (rires). J’ai un bon rapport à l’autotune qui, je pense, vient de mon inspiration Travis Scott. J’ai souvent des mélodies dans la tête de manière innée. Mais non, j’ai pas pris de cours de chants, j’ai passé beaucoup de temps à comprendre comment le logiciel d’autotune marchait pour savoir comment j’aimais qu’elle sonne chez moi. Ça s’est fait au fur et à mesure des choses et c’est venu naturellement à force de le travailler.
Je peux être devant n’importe quel logiciel d’autotune je sais le régler comme je le veux en fonction du morceau que je veux faire.
LFB : À l’inverse tu as aussi un sens du banger, je pense à Samuel Eto’o, par exemple. C’est important pour toi d’ambiancer les gens ?
Cashmire : Ouais, c’est important d’ambiancer la Calle (rires)
LFB : Là ça a été réussi non ?
Cashmire : Ouais, Samuel Eto’o je pense qu’à un moment j’avais envie de voir les plus jeunes sur ma musique. Ça m’a fait kiffer que les gens puissent aussi s’ambiancer, mettre leurs problèmes de coté, taper des barres,… C’est le côté entertainement qui me plait aussi.
La science du banger je m’y suis seulement essayé cette année, avant Gucci Bae, il y en avait pas vraiment. Mais moi, j’en écoute beaucoup des morceaux comme ça et je me suis dit que moi aussi j’avais envie de casser le club (rires).
LFB : Je pense qu’en plus ce sont des morceaux qui ont bien marché.
Cashmire : Ouais à l’heure actuelle, ce sont mes deux plus gros titres.
LFB : Pour conclure, qu’est ce que je peux te souhaiter pour la suite ?
Cashmire : Une bonne santé, plus de musiques encore, plus de visuels.
Je vous donne rendez-vous bientôt pour mon nouveau projet qui aura une couleur musicale différente. Que de la réussite, dans la mode aussi et après c’est Dieu qui dessine notre destin !