(Exclu) Cœur-joie : Léovènement du week-end

L’affiche en lambeaux placardée sur un abattement de porte serait-elle annonciatrice de ce mystérieux Léovénement ? Nul doute en tous cas que ce titre cryptique, extrait du 7 titres « Allumettes au bout des îles » à paraître le 18 février prochain chez Hidden Bay Records & Melotron Recordings, marque l’arrivée fracassante d’un nouveau groupe francophone sur la scène indie-pop : Cœur Joie.

Crédits photos : Peter Hallais

De l’ère post-Twee pop

Depuis leur rencontre dans les bas-fonds des salles de concert de la capitale, Martin (guitare et chant), Paul (basse), Milia (batterie) et Adrien (synthé), ont parcouru du chemin… Pourtant, ces deux années compliquées ont quelque peu entamé la candeur du quatuor ; au sujet de Cœur Joie, on choisira désormais le qualificatif de post-twee pop, tant pour la gravité douce qui se dégage de ses textes que pour la fraîcheur conservée des arrangements et mélodies.

Du post-rock (non) binaire

Un claquement sec et percussif à 0’3 secondes ouvre le bal et donne l’impulsion à hymne lancinant, au rythme binaire se laissant aller à quelques écarts… Des temps irréguliers créent une claudication – on trébuche, vite rattrapé par la voix au grain unique de Martin. De doux chœurs soutiennent d’une harmonie éthérée sur fond de guitares lourdes. La mélodie rappelle le hululement des sirènes de police new-yorkaise – son d’urgence, riffs dissonants : ce groupe a du jus et veut le faire savoir. Et si, contrairement à la tradition ancrée dans le post-rock de se laisser acculturer à l’anglo-saxonne, le français s’est imposé, c’est dans la dynamique de proposer quelque chose d’imbriqué, avec une musique et des textes qui se font écho. En l’occurrence, pour Léovènement, ils répondent aussi à l’image, esthétisée à souhait…

Un clip entre ruinporn et Caravage

Car pour son premier titre, Cœur Joie frappe fort et nous emmène en virée urbex à Djibouti, sur les rives du Lac Abbé. Flash lumineux, palette chromatique contrastée à l’extrême… Vanille Fiaux (le Chœur des femmes) pare ce morceau de bravoure d’une esthétique qui n’est pas sans rappeler celle des clips pop early 2000’s. Le clip s’ouvre sur une dualité : les couleurs chamarrées transfigurent un environnement en délabrement où évoluent des figures sublimes. Dans des sanitaires dépeints façon Caravage, deux silhouettes, parfois entièrement plongées dans l’obscurité, se découpent sur fond or et bleu roi. On y découvre un Martin halluciné et une acolyte (Laurie Decaillon) tout en clair-obscur, communiquant à travers la paroi. Quelques incartades dans le désert viennent extraire ce conte onirique de son huis clos nocturne où tout est possible, même la communion entre espèces – une libellule se laisse apprivoisée, instant de grâce suspendu aux lèvres de celui qui se réclame autant de Women que d’Anne Sylvestre :

« L’oreille posée sur ses baisers / J’écoute grésiller ses rêves ».