On attendait le trio berlinois Moderat depuis 2017. En effet, ils avaient annoncé leur séparation pour une durée indéterminée, afin de se consacrer à leurs projets musicaux respectifs. Le groupe, habitué à remplir les grandes salles et entendu sur toutes les ondes vient de sortir aujourd’hui son quatrième album, MORE D4TA. Toujours aussi planant, toujours aussi vibrant.
Fast Land ouvre le projet MORE D4TA. Un morceau écouté en boucle pour un album créatif, qui signe le grand retour de Sascha Ring (Apparat), Gernot Bronsert et Sebastian Szary (Modeselektor). Des nappes hypnotisantes, des mélodies surprenantes ; il est impossible de s’en défaire. Car cela fourmille de détails, de percées et d’envolées. Du côté de l’image animée, les musiciens lorgnent vers le numérique, l’uniformisation des corps et ainsi… la rébellion. Lorsqu’on nous assigne un cadre et que l’on souhaite en sortir alors il faut lutter. Faire bouger les corps et entrer en résistance. Voici donc l’histoire de Fast Land.
Easy Prey révèle ensuite la voix de Sascha Ring, entre évocation d’amour, de dépendance et de vulnérabilité. Le clip, (chroniqué ici) nous immerge encore plus au sein de cette nouvelle ère. Celle des data centers, de l’obsolescence programmée et de la destruction massive des ressources planétaires.
Mais si le nom de l’album est un anagramme de « Moderat 4 », cela va bien au-delà du simple jeu de mots. En effet, MORE D4TA soulève les questions liées à la surcharge d’informations et s’intéresse aux sentiments d’isolement dont nous avons tous été victimes pendant ces deux longues années de confinement. Ce disque cherche alors à nous reconnecter les uns aux autres afin de créer tous ensemble un nouveau monde, loin des algorithmes, des fake news et de la communication de masse. Extraire finalement l’art et l’humain de cette société autocentrée.
Lorsque Drum Glow, débute, c’est la nuit. Effectivement, des bruits d’animaux sauvages viennent peupler le morceau tandis que la voix éthérée et modulée de Sascha martèle quelques mots en boucle. Neon Rats ravira celles et ceux qui souhaitent danser, un beat lancinant et toujours ce timbre qui interpelle et accroche. Le morceau ne cesse de monter, pour un final explosif. Et à mi-parcours de MORE D4TA, Moderat casse le rythme pour introduire Soft Edit, une minute à peine de vocodeurs et de robotique.
Peut-être est-ce pour magnifier Numb Bell, ce morceau sombre où personne ne chante. Les synthétiseurs mènent la danse et embrassent la folie, de petits bruits épars, des glitchs agrémentent le titre.
Puis survient Undo Redo et la voix claire de Sascha. Il règne ici un côté inquiétant, accentué par tous ces petits sons qui fourmillent près de nos oreilles. Et les paroles soulignent encore plus cet aspect défaitiste : « I fight the past to be erased » ou encore « A crystal ball but all I saw was glass ».
Doom Hype apporte lui une touche plus pop. En effet, c’est un titre facile d’accès, où les chœurs prennent le pouvoir. Où le corps ne demande qu’à se libérer et danser. La voix fredonne, jusqu’à finalement s’éteindre.
Ensuite surgit More Love, en écho au nom de l’album, MORE D4TA. Un morceau emblématique, qui ravira les fans de la première heure. Sans doute parce qu’on y retrouve ces sonorités électroniques qui nous font hocher la tête et marcher vite, dans les nuits noires et alcoolisées. More Love comme une invitation à aimer et y croire. Encore. Toujours. « The night is worn / The night’s reborn / From lost to loved / It never ends ».
More Love pour célébrer l’élan vital sous fond de vocodeur. Comme souvent, Sascha Ring trouve l’inspiration au musée Gemäldegalerie de Berlin, qu’il fréquente assidûment ces dernières années, se réfugiant dans les tableaux de maître pour échapper au présent désastreux. Cette chanson ne déroge donc pas à la règle et est en partie inspirée par la Vénus de Botticelli, peinte nue, seule et puissante. Ici, le musicien s’est ainsi pris à rêver d’une vision similaire où une femme danserait le soir, éclairant par sa vitalité intérieure l’obscurité alentour.
Copy Copy clôt l’album. Entre mélancolie et puissance émotionnelle, ce morceau signe la fin d’un règne et d’une ère.
Avec MORE D4TA, Moderat réaffirme sa place au sein de la musique électronique. Et peut-être qu’ils ne l’avaient jamais quitté. Peu importe les années d’absence. Avant même la création de cet album, ils ont pris le temps de se retrouver et d’expérimenter. Les idées sont venues au fur et à mesure, les plongeant dans la composition modulaire et autres étrangetés sonores. C’est de ce vivier intense et mouvant qu’est né cet opus. Au sein d’une société déchirée et déchirante. MORE D4TA mêle subtilement composants informatiques et sonorités atmosphériques, timbre aérien et mots enveloppés.
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