Le 11 février dernier, quelques heures avant une Boule Noire qui affichait complet à l’occasion de la sortie de son second album Global Crush, nous sommes allés à la rencontre d’Alex Van Pelt. Rencontre durant laquelle on y parle de sa volonté de teinté l’amour de réalisme ou encore de sa passion pour le cinéma indépendant des années 90. Retour sur cet échange.
La Face B : Hello, comment vas-tu ?
Alex Van Pelt : Ca va, je suis fatigué je l’avoue et je ressens un peu de stress par rapport au concert. Avec tous ces trucs de Covid, ça fait un moment que je n’ai pas fait de scène et en plus, c’est la première fois que je le fais en groupe donc il y a une petite pression supplémentaire mais je suis quand même content malgré tout ça.
LFB : Ce soir, tu donnes ton premier concert depuis deux ans (interview réalisée lé 11 février dernier, ndlr). Comment anticipes-tu tes retrouvailles avec la scène ?
AVP : J’ai très hâte car c’est la première fois que je vais jouer les morceaux du nouvel album devant des gens, je n’ai pas encore pu tester pour de vrai les réactions donc j’ai maxi hâte. Je sais que ce sera dans des conditions particulières car le public sera assis et avec un masque mais bon, ça reste de l’intéraction.
LFB : Tu es un artiste qui as multiplié les expériences musicales, que ce soit aux côtés de Coming Soon il y a quelques années ou encore Mont Analogue. En quoi ces expériences t’ont elles aidées à façonner le projet d’Alex Van Pelt ?
AVP : Je pense que ça fait vraiment partie de mon ADN actuel car à la base, Coming Soon m’a appris à écrire des chansons vu que j’ai commencé lorsque j’avais quinze ans. J’étais également entouré que de gens qui étaient forts en anglais donc ça m’a un peu donné l’amour de la langue. Mont Analogue m’a beaucoup aidé dans l’aspect plus expérimental et m’a donné l’amour des synthétiseurs. Ce que je fais aujourd’hui est un mix des deux finalement.
LFB : En novembre dernier, tu dévoilais ton second album : Global Crush, un album qui s’appuie sur les ruptures, qu’elles quelles soient. Des problématiques dont les prémices étaient déjà présentes sur ton premier disque et où tu mettais en avant la complexité des relations sentimentales à l’ère du digital. En quoi les problématiques relationnelles t’inspirent-elles ?
AVP : Tout d’abord, il faut savoir que mes chansons préférées sont les chansons de rupture, je suis très fan des morceaux de The Everly Brothers ou des trucs comme ça, ça me touche à chaque fois. Je trouve que c’est souvent dans ces moments-là qu’il y a le plus d’inspiration pour écrire parce que l’on est triste et le sentiment est très fort donc les mots coulent facilement. Les premières chansons que j’ai écrites c’était ça, je suis un peu resté sur ce genre de thème depuis. Dans Coming Soon par exemple, l’une de mes premières chansons s’appelait déjà Broken Heart donc le fait que je ressorte une chanson qui s’appelle Broken Heart aujourd’hui c’est un peu comme dans les Marvel lorsqu’ils font des reboots. (rires) Je fais des reboots de mes chansons.
LFB : D’ailleurs, je trouve qu’au fil de ta discographie, le romantisme semble de plus en plus se désacraliser. Aujourd’hui, comment définirais-tu alors ta relation avec l’amour ?
AVP : C’est vrai et c’est parce que je trouve qu’écrire des chansons d’amour classique m’intéresse un peu moins maintenant, j’ai envie de rajouter du réalisme. Pour moi, il y a toujours des complexités, ce n’est jamais simple, ce n’est pas un film Disney une histoire d’amour. C’est peut-être le fait de vieillir, j’ai trente ans aujourd’hui et plus quinze donc je ne peux plus écrire comme un adolescent triste même si j’essaie de le rester. (rires)
LFB : L’amour figure d’ailleurs parmi les sujets les plus abordés dans les chansons pop. Alors que musicalement tu t’engages à déconstruire les codes de ce genre musical, pourquoi ne pas s’engager à faire de même avec les thématiques que tu traites ?
AVP : Quand j’écris c’est souvent spontané, je ne réfléchis pas à un thème pour écrire dessus ensuite. Ces thèmes me tournent toujours un peu dans la tête donc les déconstruire c’est un peu plus difficile à faire car c’est trop intéressant de parler d’amour tout le temps. Dans la pop moderne d’aujourd’hui, les thèmes sont encore les mêmes, ça évolue certes mais on en parle différemment car on est obligés d’en parler. L’amour est le thème le plus universel qui soit et ça permet aussi de ramener l’aspect pop. Ceci étant dit, j’essaie quand même d’écrire des choses différentes pour les prochains albums.
LFB : Tu anticipes déjà la question qui arrive car en effet, je me demandais si tu avais déjà quelques ébauches d’idées quant aux thèmes que tu souhaites explorer pour la suite ?
AVP : J’essaie de parler de lenteur essentiellement dans les prochains morceaux car j’ai l’impression que tout va très vite pour moi. Quand tu vis dans une grande ville, c’est encore plus présent et tu te sens un peu dépassé. C’est peut-être le fait de vieillir, je ne sais pas, mais j’ai l’impression qu’il y a un flux constant qui va très très vite, tu te sens un peu déconnecté et donc voilà, ce sera les prochains thèmes c’est-à-dire prendre le temps et respirer, c’est du yoga musical.
LFB : Global Crush est né entre Paris et Annecy, composé le plus souvent seul, entre les murs de ta chambre, pièce synonyme de sécurité et de confiance. Travailler dans un endroit qui t’est familier t’est-il essentiel pour réussir à raconter ton intimité ou l’intimité de manière générale ?
AVP : Oui, carrément. Je trouve ça plus simple en tout cas parce que dans un espèce de nid on est quand même plus confortable. Ma manière de travailler est ultra bordélique, j’ai besoin d’avoir des instruments, de les prendre, je fais un truc et j’arrête, je joue aux jeux vidéos, je reprends mes instruments, je regarde un film… La chambre est l’endroit où je me sens le mieux et surtout, ces deux dernières années j’y ai passé beaucoup de temps avec tout ça. C’est vrai qu’avant je le faisais plus en tournée, je pouvais écrire sur la route. Cette fois j’en ai moins eu l’occasion mais je trouve que ça apporte une autre vision.
LFB : Nostalgie, mélancolie et solitude sont des sentiments qui t’ont guidés dans la composition de cet album. As-tu eu, à un quelconque moment, l’impression de t’égarer ? D’être étouffé par des sentiments aussi forts ?
AVP : Oui, absolument. La mélancolie c’est super beau mais ça peut aussi devenir intense. Après justement, le fait de faire de la musique permet de sortir ces sentiments-là. Dans le vie, je suis assez pudique et un peu secret donc la musique permet de canaliser tout ça.
LFB : Tu définis d’ailleurs cet album comme plus introspectif mais aussi et surtout thérapeutique. En quoi l’a t il été ?
AVP : Le fait de verbaliser des sentiments ça les fait sortir de toi, tu peux alors les regarder et prendre du recul. C’est le principe même de la méditation et c’est pour ça que je le fais aussi.
LFB : Tu as collaboré avec Jeremy Rassat dans la production de ce disque, chose que tu n’avais jamais osé faire jusqu’ici. Qu’est-ce qui t’a poussé à changer d’avis ?
AVP : Avant, j’avais un côté un peu control freak dans ce que je faisais, je préférais travailler seul car j’avais peur de dénaturer l’élan et la spontanéité. Mais je crois qu’après avoir passé autant de temps dans ma chambre, j’en avais un peu marre, il fallait que j’en sorte et que j’aille ailleurs. De plus, Jeremy Rassat n’est pas totalement un étranger, il nous aide depuis Coming Soon, il a également produit The Pirouettes avec Leo (Leo Bear Creek, ndlr) qui était le batteur des Coming Soon, on reste en famille. Ça m’a beaucoup aidé car il a une vision extérieure à moi, ce qui permet de simplifier les idées, de les rendre plus claires. J’avais besoin de ça sinon ça aurait été trop moi, trop dans ma tête.
LFB : Avec Global Crush, tu sembles avoir exploré en profondeur les textures musicales et les expérimentations sonores possibles. Est-ce que tu t’es ici octroyé davantage de libertés sur le plan instrumental ?
AVP : Oui et non en même temps car ce que j’ai essayé sur cet album, c’est de revenir à ma manière d’écrire d’avant. Sur l’album précédent, ce que je faisais c’était partir de sessions Logic, de l’ordinateur du coup alors que ce que j’ai fait là, c’est partir d’une guitare-voix, de réécrire des chansons pour revenir à l’essentiel c’est-à-dire la mélodie, le texte et les accords pour après construire là-dessus.
LFB : Tes inspirations cinématographiques dans la composition de ce nouvel album et son esthétique ont été multiples. Quelles sont alors les références filmiques qui t’ont influencé pour ce disque ?
AVP : Je suis très fan des films des années 90, un peu indépendants, surtout ceux de Todd Solondz qui a fait Welcome to The Dollhouse que je trouve super. J’aime beaucoup Hal Hartley aussi, tout le cinéma américain de ces années-là à vrai dire, avec les couleurs et les ambiances qui sont proches de la BD indépendante comme avec Charles Burns par exemple, il y a le même ton cynique et ça m’inspire tout le temps. J’ai été dans une phase Takeshi Kitano aussi qui travaille souvent avec Joe Hisaishi, tous les sons ultra digitaux comme ça m’ont un peu matrixé. Et bizarrement, c’est très calé dans les années 90, je ne sais pas pourquoi mais c’est ce que je consomme le plus.
LFB : As-tu des coups de cœur récents à partager avec nous ?
AVP : La claviériste de mon groupe, Norma, va sortir son album et j’ai un peu participé sur des trucs, ça va être super. C’est surtout tous mes potes du moment mais je suis super fier de ce qu’ils font à vrai dire. (rires) Il y a le film de Jazzboy, Sound of Metamorphosis, très stylé et le pote que j’ai invité en première partie de mon concert ce soir (Alex Van Pelt a joué à la Boule Noire le 11 février dernier, ndlr), World Brain, on se connaît d’Annecy car on faisait de la musique ensemble et c’est vraiment trop bien ce qu’il fait, je suis très fan.
© Crédit photos : Clara de Latour