Faux real : “Notre complémentarité, on la trouve au-delà du niveau artistique”

Après maintes tentatives, nous avons enfin eu la chance d’interviewer l’iconique fratrie de Faux Real. En effet, c’est à l’occasion de leur concert au Point Éphémère en avril dernier que nous sommes allés à la rencontre d’Elliott et Virgile Arndt. Rencontre durant laquelle on y a parlé du mystère ambiant au sein de leur projet ou encore de la peur qu’ils ont appris à transformer en énergie créatrice. Retour sur cet échange.

La Face B : Depuis la sortie de votre premier EP en 2020, les singles sortent au compte-gouttes. Qu’en est-il de la possibilité d’un premier album pour Faux Real ?

Elliott : La possibilité est là. (rires)

Virgile : La possibilité existe on va dire. (rires)

Elliott : On ne va pas en dire beaucoup plus que ça, car on aime garder un certain mystère autour de ça, et aussi parce que l’on n’a aucune idée de ce qu’il se passe.

Virgile : On avance…

Elliott : Au compte-gouttes. (rires)

Virgile : On avance au compte-gouttes nous-mêmes, c’est-à-dire que ce n’est pas forcément un effet de style, c’est aussi parce qu’on avance étape par étape. On fait tout tout seuls, en autoproduction et ce, depuis le premier EP. Les choses prennent un peu de temps, et au final on n’est pas contre.

LFB : Ca fait partie de votre mythe en tout cas, c’est très énigmatique.

Virgile : Nous sommes plein de secrets, même nous on ne sait pas toujours ce qu’il se passe. (rires) On est conscients du côté mystérieux, mais en même temps c’est comme ça, on ne va pas changer.

LFB : Il y a près d’un mois, vous avez joué une seconde fois pour le festival américain South by SouthWest à Austin. Qu’avez-vous conclu de cette expérience, comparé à la première de 2019 ?

Elliott : C’est drôle car les débuts de Faux Real étaient un peu à SXSW en 2019. On est un peu partis avec notre mallette et nos costumes sans avoir de plan, alors que c’est vraiment un festival où il faut avoir booké des trucs un an à l’avance, c’est très demandé et dur d’avoir de bons créneaux. On s’est pointés complètement à l’arrache et c’est marrant car on a fini par rencontrer du monde, à jouer dans des coins de rues, ça a fait parler de nous, on a fait pas mal de shows mais c’était complètement non-officiel. Les gens d’Austin ne sont pas nécessairement très fans de ce festival car les bracelets coûtent cher, mais tout ce qui est organisé en semaine et qui ne fait pas partie du programme officiel est assez bien reçu par les locaux. On a donc fait une grande impression auprès de la scène locale et c’est un peu devenu le berceau du projet. C’était cool de revenir cette année en officiel pour faire des gros trucs mais aussi des teufs à droite, à gauche, et c’est quelque chose que l’on espère continuer à faire quoi qu’il arrive. Pour nous, c’était un grand retour.

LFB : Pour vous avoir vu plusieurs fois en live, on peut dire que vous avez pour coutume de ne faire qu’un avec l’environnement qui vous entoure, de l’épouser toujours sans crainte mais avec entrain et détermination. Tout cela laisse alors supposer que la peur est un sentiment quasi absent chez vous, non ?

Virgile : Je ne sais pas, je pense que ce n’est pas forcément de la peur au sens propre mais elle est toujours là. On a plutôt appris à transformer ça en une énergie créatrice. Par exemple, en termes de scénographie, lorsque l’on joue dans des endroits qui ne se prêtent pas forcément à un concert « classique », on essaie de se l’approprier, de le détourner pour qu’il serve notre propos et nos fausses acrobaties. C’est souvent assez instinctif.

Elliott : Il y a un truc qu’on se disait pas mal autour du single Spooky Bois qui est « there’s no place for fear when you’re dancing frantically » et qui résume assez bien cette attitude. Si tu danses comme un fou, sans penser à la peur, tu laisses place à d’autres forces, d’autres énergies.

LFB : Vous définissez d’ailleurs vos chorégraphies comme l’expression la plus profonde de ce que vous êtes. Qu’il y a-t-il alors dans le langage corporel de plus sincère que dans la musique  ?

Virgile : Ce n’est pas forcément plus sincère, mais pour nous, puisque l’on n’est pas danseurs… Enfin, on fait de la musique depuis longtemps mais on ne danse pas sur scène depuis très longtemps. Je pense que puisque nous n’avons pas de vrai training, tout ça sort de manière moins réfléchie que la musique. Il y a certaines chorégraphies que l’on travaille quand même un peu, mais on essaie toujours de garder ça très brut pour que ça nous parle et que ça puisse transmettre des choses. La manière qu’on a de danser c’est juste la manière dont on danse naturellement. C’est-à-dire que moi j’ai l’impression d’être le plus moi-même à ce moment-là sur scène. Ça ne veut pas dire qu’on ne joue pas un personnage, mais peut-être que les personnages qu’on joue reflètent qui nous sommes profondément.

LFB : Dans votre dernier single en date, The United Snakes of America, vous mettez en avant l’importance de l’union et de l’amour pour contrer les paradoxes du système politique américain actuel. Pourtant, vous avez choisi de poser vos valises outre-Atlantique plutôt qu’ici. Quelles sont les raisons qui ont motivé ce choix, au-delà des raisons personnelles ?

Virgile : Eh bien, c’est surtout pour des raisons personnelles à vrai dire.

Elliott : Non, pas vraiment. Virgile a habité à Paris pendant longtemps, j’habitais à Londres et c’est surtout parti de l’envie de vivre dans la même ville depuis qu’on fait ce projet.

Virgile : C’était pour pouvoir travailler de manière plus organique.

Elliott : Et plus organisée aussi. (rires)

Virgile : On s’est dit que c’était pas mal d’essayer d’être voisins, on a donc décidés de faire ça à l’autre bout du monde pour simplifier les choses. Et la grande chance que l’on a, c’est de ne pas avoir à se soucier de toutes ces histoires de visa car nous avons un passeport américain. Il y a énormément de musiciens pour qui les Etats-Unis sont un endroit difficile d’accès, mais pour nous ça ne l’est pas. On a cette chance et ça serait dommage de ne pas en profiter.

LFB : Pour ce morceau, vous avez par ailleurs choisi de garder la main mise sur la réalisation du clip. Bien que vous tenez à défendre une polyvalence artistique certaine, est-ce qu’il serait envisageable pour vous de déléguer un jour ?

Elliott : Bien sûr. Je pense que pour le moment ça fait sens et que ça nous permet aussi d’établir notre esthétique et notre univers encore plus directement, ce qui nous plaît. C’est une chose super que de travailler comme ça, on aime beaucoup ce côté-là. Ce n’est pas toujours très fun de s’occuper de toute la prod, mais c’est vrai qu’à la fin, faire un clip nous-mêmes c’est le kiff.

LFB : En 2020 lors d’une interview pour Manifesto, vous disiez être « des humains aspirant à devenir des robots ». J’en viens alors à me demander quel était votre rapport au temps, et plus particulièrement au futur ? S’il vous effraie ou s’il vous attire, voire vous intrigue ?

Virgile : Nous sommes des robots aspirateurs. (rires)

Elliott : Dyson ! (rires)

Virgile : Plus sérieusement, je pense qu’il nous effraie autant qu’il nous attire, comme tout robot normalement constitué.

Elliott : C’est chaud de nous quoter en 2020. (rires)

Virgile : On n’avait pas les idées claires à l’époque. (rires) Je rigole, mais je ne sais pas dans quel contexte on avait dit ça. Je pense que l’on n’est pas du tout passéistes, on n’a pas du tout les lunettes nostalgiques du « c’était mieux avant »… Pour certaines choses, peut-être, mais on est assez facilement excités par les idées nouvelles. Ce qui nous intéresse et nous motive, c’est de faire des nouvelles choses ensemble, d’utiliser notre énergie créatrice à deux, afin de rebondir l’un sur l’autre et de faire des trucs nouveaux, qui puissent se traduire pour ceux qui nous regardent et nous écoutent. Il y a un côté d’entre-nous, où l’on fait nos petits trucs dans notre coin avec toujours un regard un peu rétro-futuriste. Ce que nous trouvons futuriste ne l’est peut-être pas forcément pour d’autres.

Elliott : On écoute beaucoup de musique et de films qui ont déjà été faits, donc forcément très rétro. (rires)

Virgile : « Attends, mais ton film est déjà sorti ? Trop nul. » Ca serait une vraie vibe ça, ne jamais regarder de films mais lire que des scénarios de films pas encore réalisés. (rires)

LFB : À la manière du yin et du yang, vous vous considérez comme complémentaires l’un et l’autre, bien qu’opposés sur plusieurs points. Si je vous demandais de me dire ce que vous vous apportez à chacun, que me diriez-vous ? Sur le plan artistique principalement.

Virgile : J’allais dire des conneries. (rires)

LFB : Si ça sort dans une autre interview dans deux ans, c’est problématique. (rires)

Virgile : C’est ça ! « Qu’est-ce qu’il m’apporte ? Du café. » (rires)

Elliott : En parlant de robot, je pense apporter un côté un petit peu robotique au projet parce que je suis vraiment obsédé par l’organisation et les choses qui n’ont pas trop de cœur, qui marquent et qui font sens.

Virgile : Elliott c’est un peu l’angle droit si tu veux.

Elliott : Et Virgile fait le 45 degrés, celui qui se repose sur moi. (rires)

Virgile : Ouais, je suis l’hypoténuse. (rires)

Elliott : L’hypoté-naze oui. (rires)

Virgile : C’est vrai qu’il y a un côté comme ça, Elliott est très carré et moi je suis… (il réfléchit)

LFB : Passif ?

Virgile : Non, je ne dirais pas ça. Nous sommes juste actifs différemment, car certaines choses m’animent plus qu’Elliott, et vice-versa. On a juste la chance d’avoir certaines choses qui nous animent tous les deux suffisamment pour que ça aille de l’avant. Ce n’est pas sans tension évidemment. Comme dans tout projet, il en faut pour que ça tienne, car si tout se passe toujours sans accroc, c’est tout lisse et c’est nul. Notre complémentarité, on la trouve au-delà du niveau artistique, on a dû apprendre à être amis plus que frères. On partage beaucoup de choses en tant qu’amis et ça définit plutôt pas mal notre relation.

LFB : Enfin, avez-vous un coup de cœur récent à partager avec nous ?

Elliott : Moi, un truc qui me passe par la tête, c’est un artiste texan qui s’appelle Yalc123. C’est un génie basé au fin fond du Texas et qui avant a fait pas mal de trucs plus expérimentaux, rock, électronique, etc., et qui joue maintenant quelque chose d’hybride emo-électronique, à la croisée des genres. C’est très chelou mais incroyable.

Virgile : On l’a vu à SXSW quand on y était et c’était trop cool. On est des fanboys, on était dix dans la salle mais c’était trop stylé.

Elliott : On a bossé sur quelques trucs ensemble, et à mon avis ça va continuer. Côté ciné, il y a plein de choses mais c’est vrai qu’on n’est pas très forts à cette question.

Virgile : On a essayé de répondre à cette question il y a quinze minutes en fait, mais ce n’est pas de ta faute, c’est nous qui n’avons pas fait nos devoirs. Disons qu’on regarde ce qui sort, on se tient au courant. Elliott regarde surtout nos clips, moi je lis surtout nos paroles. (rires)

© Crédit photos : Inès Ziouane