Une voix envoutante, un goût certain pour la poésie et l’étrange, une fragilité intérieure, ça, c’est ce que l’on connaissait de l’univers de Florence Welch; mais avec ce nouvel album, Dance Fever, tout prend une dimension nouvelle.
Quoi de mieux pour entrer directement en matière que ce premier titre, King, que nous avons eu le plaisir de découvrir grâce au clip réalisé par le talentueux Autumn de Wilde il y a trois mois. Florence nous y apparaît en pleine affirmation d’elle-même. Comme elle l’explique, une femme a, qu’on le veuille ou non, des choix existentiels qui s’imposent. Le désir d’avoir un enfant et/ou une carrière demande une détermination qui ne s’applique pas aux hommes. Tout cela s’exprime notamment en une phrase par ce refrain limpide et puissant “ I am no mother, I am no bride, I am King”. Parenthèse : Ce clip, réalisé en Ukraine quelques temps seulement avant les évènements que l’on connaît, nous rappelle les liens étroits que crée la culture entre nos pays.
Ces interrogations, on les retrouve avec le titre Love, magnifique morceau comme un cri dans le vide destiné à la fois à une conscience intérieure et au monde extérieur qui ne répond plus. Et pour cause, il faut dire que cet album initié avec Jack Antonoff à New York s’est principalement construit durant le confinement à Londres. On comprendra alors encore mieux ce désir d’expulser et d’extérioriser toute l’énergie contenue par l’artiste, que Dave Bayley de Glass Animals épaule dans la production et les arrangements. Les confessions personnelles de Florence nous éclairent sur la condition de l’artiste lorsqu’il est privé de son art, aussi essentiel que l’air ou l’eau.
Pour contrecarrer l’angoisse, il y a la danse. La danse comme moyen de se sentir vivant, et ce jusqu’à l’épuisement. C’est d’ailleurs la définition de ce titre très évocateur Choreomania, entre déferlement et transe. Après l’immobilité forcée, l’idée d’une liberté retrouvée se fait vitale. Ce sentiment résonne dans Free, chanson qui, transportée par les accélérations folk, nous fait danser n’importe comment, sans jugement. Bref, des morceaux qui nous font retrouver la joie de vivre. Si son précédent album, High as Hope, a été largement salué par la critique, on pouvait encore reprocher un manque de puissance, d’explosivité et de lâcher prise. Avec Dance Fever, on en est largement servi.
Touchée par cette période de mars 2020, entre tristesse et espoir, Girls against God ou Back in Town transforment cette dualité par les thèmes de l’horreur et de la résurrection. En effet, les inspirations pour l’artiste ont toujours été nombreuses et variées, puisant dans l’esthétique des peintures préraphaélites comme dans les œuvres cinématographiques tel que The Wicker man, ou plus récemment Midsommar, mélangeant fascination et épouvante. Cette association détournée lui permet d’articuler ses textes avec des postures évanescentes et poétiques. C’est ainsi qu’elle devient “la petite voix dans la tête” dans Dream Girl Evil. Au-delà d’une simple opposition entre anges et démons, désobéir ou se réaliser nous apparaissent alors comme des choses on ne peut plus humaines.
Ces références jalonnent l’album sous différentes formes. Sur plusieurs pistes, comme Restraint, de volatiles sonorités de chœurs ainsi que les variations vocales de Florence, passant de sons gutturaux à de grandes envolées en écho, contribuent à ce mysticisme.
Ainsi après les frustrations assez macabres dans Cassandra et Prayer factory, Welch trouve une lueur dans Daffodil. Puisque Dieu ne peut plus rien, la place est libre pour cette déité qu’est la musique. Devenue prêtresse du rythme, madone de la danse, elle nous guide vers son Eden avec Heaven is Here, accompagné d’un clip sublime où l’on retrouve encore une fois les chorégraphies orchestrées par Ryan Heffington.
Avec ce cinquième album, Florence and the Machine nous fait une démonstration de ses nouveaux pouvoirs pour nous envoûter. En effet, aucun fidèle ne peut être déçu à l’écoute de ces quatorze titres. Au contraire, ses rangs se rempliront, à n’en point douter, de nouveaux adeptes.
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