Thomas Baignères revient là où on ne l’attendait pas. Avec la parution de son projet solo, le chanteur qui a tracé sa route aux côtés des plus grands – de Pete Doherty à Louis Bertignac -, s’écarte d’un chemin qu’on aurait pu croire tout tracé pour s’affranchir des codes du rock’n’roll en anglais de Gasoline ou Flare Voyant. Cinq titres en français font éclater un univers poétique et intimiste qui nous entraîne dans une plongée en eaux troubles au cœur de ses fêlures intimes. Y affleure la sensibilité d’un personnage aux multiples facettes…
S’aimer encore – et malgré tout
Une prod irréprochable : c’est ce qui frappe en ouverture de cet EP. Bercés d’accents éthérés aux consonances quasi séraphiques, on est rapidement ramenés sur Terre par les sons percussifs rythmant un premier hymne pop des plus prometteurs… Le timbre mi-affable mi-susurrant du chanteur de Pigalle semble vouloir renouer avec ses racines : le romantisme jamais suranné de ces lieux où Thomas a ses quartiers hante la supplique un tantinet cynique « N’arrête pas de pleurer ». (On imagine aisément la protagoniste, le cœur en miettes, arpentant la rue des Martyrs, toute désirante d’un hypothétique retour de l’être aimé se riant de ses larmes.)
À vif, lui succède le hit de l’EP : une chanson à fleur de peau sous forme de questionnement lancinant, « Alors ? Tu m’aimes ? ». Ceux qui ne l’ont pas encore entendue en live auront la primeur de découvrir des arrangements riches, jamais attendus. La mélodie, assurément, vous restera longtemps en tête, tandis que le refrain en fait une chanson parfaite à partager à son crush un soir d’ivresse (NDLR : on vous déconseille).
Le grand panel des sentiments
A contrario, il faudra sans doute éprouver le si dansant « Nuit d’orage » en concert pour en prendre la pleine mesure. Obsédant, entraînant, les rimes reprises en chœur par un public survolté donnent du relief à une chanson qui semble pensée pour la scène. Enfin, la mélancolie de « J’aimerais » nous habitera longtemps d’un sentiment mitigé, au sortir de l’écoute de cet EP…
Le grand talent de Thomas Baignères est sans doute, paradoxalement, de ne jamais trop en dire. À la grâce de la juste mesure, l’espace laissé à l’auditeur d’une fugace et libre interprétation s’éprouve comme un poème cryptique, susurré à l’oreille par un amour contrarié…
Ode à ces rendez-vous manqués – de ceux qu’on décèle en filigrane, sous-jacents aux textes poétiques et émotionnels -, leur récit fait de ce projet un diamant brut de sensibilité et de précision.