Avec la sortie de son premier album, Tallisker nous remet les cadrans à l’heure. On voyage dans ses territoires musicaux, entre les mélodies persanes, le hip-hop des Etats-Unis et l’onirisme de textes écrits en français. CONTREPOINTS semble hors du temps, de par la modernité de certaines sonorités qui fusionnent à des mélodies plus anciennes.
C’est en prenant le Concorde que débute notre grand voyage. Ce premier titre donne le ton, entre quelque chose de vaporeux, d’éthéré en bruit de fond, puis des sonorités électroniques puissantes qui soutiennent le tout, et sur lesquelles vient se poser la voix aérienne de Tallisker. Il y a comme un symbole dans le fait d’ouvrir l’album sur ce titre. Concorde est le premier morceau composé par l’artiste. Il y est question de croisements, de retrouvailles, mais de manquements aussi, comme un signe mystérieux : « Je repars d’où je viens, Si je l’ai croisé sans y croire, Non je t’ai trompé par hasard, Périr d’amour ou braver l’incendie. »
Fuis-moi, je te suis, suis-moi, je te fuis. Comme un adage qui résumerait ce premier titre et prendrait la forme d’un fil qui se déroulerait dans d’autres morceaux. On pense alors au morceau Désir. Sur des motifs rythmiques répétitifs dignes de clubs du Proche ou Moyen-Orient, Tallisker conquière et impose son indépendance : « J’irai vivre là-bas, sans navire, sans roi, mon empire c’est moi. » Un hymne à se reconquérir, quitte à faire face à la solitude, pour assouvir tous ses désirs. Cette idée est reprise par Mateusz Bialecki, qui signe le clip du morceau. On y aperçoit Tallisker en déesse orientale.
Ensuite, il y a un certain contraste avec le titre Somewhere. Comme si au creux de ce voyage, l’artiste nous emmenait vers un ailleurs. On retrouve dans les influences des airs de pop – r’n’b, allant de Banks à Rosalía. Un morceau qui contraste également dans les thèmes abordés. Cette fois-ci, il faut faire confiance au destin, au futur, pour d’éventuelles retrouvailles : « I wanna get back to where we were seen. » Pourtant il est évoqué deux personnes qui se rejettent comme des aimants, avec des répétitions de « You waste my time. »
Tel un hommage au compositeur iranien Serge Rezvani, qui évoquait son rêve de Cocagne, Tallisker rêve également de ce pays imaginaire où tout serait idyllique. L’artiste parvient à nous emmener loin par le lyrisme de ses paroles. Nos sens se réveillent à l’écoute des mots suivants : « Ce n’est pas le jardin des doutes, c’est la sueur, le parfum des routes. » On peut y voir un certain engagement dans ce titre, puisque la chanteuse évoque : « Nul n’est prophète en son pays ». Elle évoque son désir de « (laissez-moi) danser dans les flammes. » comme une allusion aux mœurs restringentes et au désir brûlant de vivre à contre-courant.
Avec Parvenue, l’atmosphère s’assombrit puisqu’il est question d’un clair-obscur entre deux rives, de mort, de renaissance, autant que d’espoir et de désespoir. Elle chante alors : « J’ai perdu le repos, depuis le temps que tu n’es plus des nôtres, mon âme se perd dans le bonheur des autres. » Il y a musicalement quelque chose d’harmonieux car les sonorités sont légères, aériennes, et nous entraînent comme pourrait le faire le vent.
On change de registre avec Davam, car les teintes de musiques urbaines sont affirmées. Il y a autant du r’n’b que du hip-hop, ou encore du rap. Autre nouveauté, ce morceau combine les trois langues faisant l’identité de l’artiste. On retrouve alors deux autres artistes, Roody et Likwuid, dans un trio en français, en anglais et en persan. Il convient par ailleurs de rappeler que cet album est en partie enregistré en Iran.
D’autres paysages aux teintes musicales proches des musiques traditionnelles d’Iran et du hip-hop se dessinent. On pense alors à L’été, qui évoque l’espoir d’un retour; comme le refus de laisser derrière soit de doux moments, des aventures et la crainte de laisser le futur se dérouler. Puis, on pense aussi au titre L’Arène. A travers ce titre, les influences semblent s’éloigner de la mer Caspienne et des montagnes iraniennes, bien que l’on y entend Davood Sarabadan chanter en persan. On y entend aussi des sonorités qui pourraient provenir de Méditerranée, autant de Turquie que du rebétiko grec.
On poursuit notre voyage en Cavale. Ce morceau est l’une des chansons les plus pop, lumineuses et dansantes de l’album. Si les précédents titres évoquaient la séparation, la rupture et la solitude, cette fois-ci il est question d’amour, de duo. Une cavale amoureuse qui se cartographie autant à Manille qu’à Marseille, qu’en Floride ou encore à Shiraz. Puis, l’on retourne à nos premiers amours avec Azadi, ayant entre autres fait connaître l’artiste au grand public.
Enfin, l’album se conclue sur l’énigmatique Petrol. D’entrée, on est frappés par des violions et des chants vibrant. Ce titre en anglais est un duo avec Mo Laudi et Sebastien Forrester. Il y a encore ici quelque chose d’engagé, une vision du monde où l’or noir aurait une place dominante, comme le reflet artistique d’enjeux géopolitiques au Moyen-Orient.