Cette année, on s’est pris dans la tronche Niente Da Offrira de Ada Oda dans la tronche. Alors quand on les a vu à l’affiche des nuits secrètes, on a décidé d’aller à leur rencontre pour les découvrir un peu plus, avant de les retrouver cet automne, notamment au MaMa Music & Convention et au Crossroads Festival.
La Face B : Salut Ada Oda comment ça va ?
Victoria : Bien.
César : Mieux. On était un peu stressés, parce que c’est notre première grosse scène, et voilà.
Victoria : Et après les deux concerts, on se sent plutôt relax maintenant.
César : Ouais non, c’était cool.
LFB : J’ai une première question pour détendre un peu l’atmosphère : est-ce que vous savez que c’est très compliqué de préparer une interview d’un groupe qui n’a qu’un seul titre de sorti ?
Victoria : J’imagine.
César : J’imagine ouais, j’imagine que t’as bien taffé les 2 minutes 30 de morceau.
LFB : Comment vous est venue cette idée, en tant que Belges, de faire du post-punk en italien ?
César : Alors en fait, tout a commencé, comme à mon avis, septante pour cent des nouveaux projets, pendant le Covid.
Victoria : Septante ! (rires)
LFB : Ca va, je comprends ! Je suis du nord !
César : Donc voilà, ça a commencé pendant le Covid, où j’ai fait des maquettes, et je voulais relancer un nouveau projet après mes nombreux autres projets d’avant. Et au moment de chercher quelqu’un pour chanter sur les maquettes, je voulais quelqu’un que je ne connaissais pas, qui n’avait pas trop traîné dans la scène à Bruxelles, enfin voilà…
Victoria : Quelqu’un de neuf.
César : De neuf, voilà. Ne pas refaire la même soupe qu’avant, et donc j’avais parlé brièvement avec Victoria parce qu’on s’était un peu connus sur un réseau social de rencontres…
Victoria : On s’est rencontrés sur Tinder ! (rires)
César : Et en fait, elle m’a dit qu’elle chantait, tout ça, et j’ai vu son nom, je lui ai dit : « Putain, tu parlerais pas un peu italien ? ». Elle m’a dit « Ouais », et on a commencé vraiment là-dessus. Donc c’est vraiment venu de la consonance de son nom, et Victoria a des racines siciliennes, via son père, donc elle m’a dit « Ouais, banco, vas-y, on y va, on écrit des trucs et on verra comment ça sonne ».
LFB : Du coup pour toi à la base ce n’était pas évident de faire de la musique, quoi.
Victoria : J’en faisais vite fait dans ma chambre, mais ça ne sortait pas de là. Je faisais un autre… enfin, j’ai toujours un autre métier, rien à voir, et donc c’est un peu ça la différence, c’est que j’ai commencé vraiment la musique à 30 ans, plus ou moins. Enfin, la scène en tout cas.
LFB : Ce qui est pas forcément une mauvaise chose, hein.
Victoria : Ah non, c’est génial.
LFB : Le Fait de chanter en italien était voulu dès le départ. En quoi était-ce important pour vous d’utiliser cette langue-là ?
Victoria : Je pense que toi, t’as des affinités avec la langue parce que tu l’aimes bien…
César : Ouais.
Victoria : Et moi, je trouve que c’est une langue hyper chantante, et j’ai commencé à l’apprendre vers huit ans, parce que je ne parlais pas italien chez moi. Les chanteurs italiens, les films italiens tout ça, ça me parlait, donc quand il m’a proposé le projet… C’est vrai que ça changeait un peu de faire du rock en anglais… Enfin, on n’était pas partis sur une autre langue que l’italien finalement, qui sonne tellement bien.
César : Et en fait, ça nous permettait d’écrire des trucs beaucoup plus… Sans vraiment réfléchir à la tournure de phrase à la base tu vois, et d’avoir vraiment un truc qui sonne, dont on était contents. Après, on a du faire corriger par des gens… Enfin, pas faire corriger, mais se faire un peu aider… Et voilà, je pense qu’il y a plus un lâcher-prise que si on avait commencé avec du français, ou l’anglais, qu’on chante mal, enfin, que moi je chante mal.
LFB : Ouais, c’est ce que j’allais dire, il y a plus de liberté pour toi de chanter en cette langue-là, en sachant que la majorité des gens qui vont te voir sur scène, sauf si tu joues en Italie, ne vont pas forcément comprendre ce que tu chantes.
Victoria: Oui, et puis on n’est pas influencés par ce qu’on entend tous les jours à la radio ou quoi, la manière de chanter en français ou en anglais. Là c’était tout neuf, et pour lui et pour moi, donc on a eu une grande liberté pour improviser, crier… Les thèmes et tout, c’était… Je ne sais pas, comme si on prenait une langue comme ça et qu’on se disait « Allez, on y va, on a jamais entendu ça et on le fait ». Du post-punk en italien, tu n’en avais jamais entendu, je n’en avais jamais entendu non plus.
LFB : Ce qui est marrant je trouve, pour vous avoir vus sur scène, c’est qu’il y a un truc qui colle bien avec l’énergie, il y a un truc de presque un peu théâtral dans l’interprétation que tu en fais, avec l’italien, qu’il n’y aurait pas forcément avec l’anglais ou le français je pense.
Victoria : Ouais. J’ai vu trop de films de Fellini (rires). Avec des personnages haut en couleur, voilà !
LFB : Je trouve qu’il y a des langues qui se prêtent plus à ce côté expansif, et l’italien en fait partie en fait.
Victoria : Ouais, ouais ! C’est vrai. C’est une langue hyper expressive. Même si j’ai conscience que les gens ne comprennent peut-être pas, ils peuvent peut-être s’imaginer l’histoire avec l’intonation et la manière dont je dis les choses, et c’est intéressant aussi.
LFB : Au niveau de la composition, comment vous couplez ça? C’est le son qui vient avant, ou c’est les paroles, ou un mélange des deux ? Comme la langue est hyper chantante, tu peux te dire qu’avec l’écriture ça te donne déjà une base de composition sur ce que tu vas faire après.
César : En fait les maquettes ont été faites avant qu’on sache que c’était de l’italien. A la base, j’avais contacté un pote qui chante en néerlandais, tu vois… ce qui n’a plus ou moins rien à voir, et donc je pense que c’est vraiment un heureux hasard, enfin je sais pas comment l’expliquer d’autre…
Victoria : C’est une belle rencontre au final… T’aurais pu me dire : « Allez, rentre chez toi, ça ne me plaît pas », mais ça matchait bien entre nous.
César : Ouais, je crois que c’est un coup de bol. Franchement, je ne l’explique pas autrement. Et maintenant, je suis en train de refaire… comme tu l’as dit tout-à-l’heure, on n’a qu’une demi-heure de set, et comme on va repartir à l’automne… il faut deux-trois morceaux en plus. Maintenant je sais pour qui je fais les musiques et comment ça va se passer. Je sais ce que Victoria sait faire, je sais ce dont elle est capable. Ca va être un autre exercice, mais ça va être aussi intéressant.
LFB : Oui du coup en fait, finalement les futurs morceaux risquent d’être quand même différents de ce que vous avez fait jusque là.
César : Je pense qu’on va exploiter d’autres palettes, essayer de ne pas se répéter, et je pense qu’il y a plein de trucs à explorer, autant… Parce qu’on fait quand même beaucoup de parlé et de crié, et on aime aussi bien la petite mélodie de temps en temps qui reste dans l’oreille, tu vois.
Victoria : Ouais, mélanger la variété italienne…
César : Au crié. (rires)
LFB : Le premier titre que vous avez sorti, j’ai dû l’écouter sept-huit fois d’affilée, tellement la mélodie, elle me restait dans la tête. Même si tu comprends rien aux paroles, le truc est là. Comme tu dis, tu peux inventer une histoire autour du truc même si tu ne comprends pas. Je trouve que les autres morceaux que vous avez faits sur scène ont cette idée-là aussi. Il y a vraiment un sens mélodique qui est assez prononcé, et qui fait que… il y a toujours quelque chose qui t’accroche et qui te donne envie d’y revenir.
César : Dans ma manière de composer les trucs, je suis pareil que toi, j’aime bien quand il y a un petit air catchy qui t’accroche l’oreille et qui te fais… « Ca m’enjaille un peu », et voilà. C’est ça qu’on va essayer de ne pas perdre de vue sur la suite, que ce soit dans la mélodie de voix, dans les petits gimmicks de guitare… C’est un truc auquel on porte vachement d’importance.
LFB : Et du coup, malgré tout, qu’est-ce que t’as envie de raconter dans tes morceaux et qu’est-ce que tu racontes dans tes morceaux justement ?
Victoria : Alors, ça va d’une chanson où je parle à mon chat ou ça peut aussi être plutôt une critique de l’autre ou de la relation amoureuse qui ne fonctionne pas. Ça, il y en a quelques-unes, quand même. La plupart en fait, c’est sur des histoires d’amour un peu… un peu compliquées. Et c’est vrai que ça me demande un peu de montrer les dents sur une histoire qui ne me plaît pas, mais toujours avec une petite légèreté derrière, ce n’est jamais très méchant non plus.
LFB : Justement, est-ce que ça t’amuses entre guillemets… Parce que t’as l’air très calme, tout ça, d’être dans une version plus expansive de toi sur scène ?
Victoria : Ah, c’est un vrai exercice. Le premier concert, je n’ai pas du tout réussi à regarder le public et à bouger d’un centimètre carré ! Donc maintenant, c’est vraiment… je ne sais pas, c’est une bonne expérience de se lâcher un peu sur scène et de crier.
César : J’ai un peu l’impression… Enfin, moi j’ai vu ça de près ouais, on était dans sa cave à faire les maquettes à deux, et j’ai vraiment l’impression d’avoir vu quelqu’un, enfin, une sorte de personnalité, naître au fur et à mesure des trucs.
Victoria : Ouais.
César : On n’était pas du tout partis là-dessus, et puis je lui ai dit : « Vas-y, crie un peu ».
Victoria : Je ne savais même pas que je savais chanter comme ça. C’est nouveau.
LFB : Et justement, je trouve que depuis un an ou deux, et c’est un peu tant mieux tu me diras, il y a une explosion de groupes qui sont soit 100% féminins, soit avec une chanteuse et une leadeuse féminine, un groupe comme Gustav, comme Wet Leg, ou Ottis Coeur et je me demandais si c’était une mouvance dont vous vous sentiez proches en fait.
Victoria : Tu viens de citer des références qu’on adore ! (rires). Oui, pour nous, l’importance… Enfin, il y a quand même quelque chose où on y tient, qu’il y ait une présence féminine sur la scène… je ne sais pas si c’est post-punk, mais en tout cas la scène un peu guitare.
César : Ouais. Enfin, j’ai vu Gustav cette année et c’était vraiment mon meilleur concert depuis super longtemps, et je trouve que de voir des mecs et des meufs sur scène mélangés, c’est un peu la vraie vie. On essaie de prolonger ça sur scène nous, quoi.
Victoria : Ouais, quand on va sur des festivals, on regarde quand même… qu’il y ait une présence féminine dans les autres groupes, puis dans ce qui se passe, et c’est important pour nous. Évidemment.
LFB : Et justement, je vais partir sur un truc très… Est-ce que vous trouvez pas ça un peu malheureux qu’un truc qui est très naturel devienne finalement un sujet de quelque chose de politique. De se dire… Ouais, des meufs dans un groupe de rock, c’est devenu un truc politique, alors que ça devrait pas l’être quoi.
César : Ben je crois que ça doit passer par là pour que dans cinq ans ce soit naturel, quoi.
Victoria : Qu’il y ait une prise de conscience.
César : Ouais.
Victoria : Pour les organisateurs de festivals en tout cas, que ce soit normal, et plus une consigne. Maintenant, c’est 50/50 en fait. Et qu’onne se demande pas… qu’on ne se dise pas : « Oui, mais c’est parce qu’il y en a pas » ou quoi, mais juste que… C’est là pour nous, et il faut saisir le truc.
LFB : J’ai une question un peu plus légère : du coup, un groupe de Belges, avec un guitariste français, qui chante en italien, est-ce que vous avez l’impression de représenter l’Europe ?
César: (rires)
Victoria : Ben on va piocher dans les racines de chacun, et je trouve ça beau finalement. On ne se voit pas comme des italiens, on ne se représente pas en tout cas comme tel, on est un grand mix de plein de choses. Moi, je me sens pas italienne non plus, mais je suis… le mélange de plein de choses… Belge, avec un guitariste Lillois…
Aurélien: Un peu tchétchène aussi.
Victoria : Ouais !
César : T’as une grand-mère polonaise…
Victoria : J’ai une grand-mère polonaise, enfin… Je pense que ça aussi, c’est le message à passer en Italie, on n’est pas Italiens avec la prétention d’être Italien, on a mélangé toutes nos racines et on en fait un truc à nous.
LFB : C’est quoi le futur proche pour Ada Oda là ?
César : Donc là, c’est notre dernier concert cet été, puis on réattaque en septembre avec une tournée en Italie, en France, Suisse, Luxembourg, Belgique… On sera notamment au Crossroads Festival, on sera au MaMA… Et on sort un album fin octobre, et un single en septembre, notre deuxième single, voilà.
LFB : Et ma dernière question, est-ce que vous avez des coups de cœur récents à partager avec nous ? Pas forcément en musique, mais des choses qui vous ont plu récemment… Un film, un livre…
Victoria : Qu’est-ce que j’ai vu récemment ? J’ai été voir le film sur Elvis Presley… (rires). J’ai été voir le dernier François Ozon… Non je sais pas, vas-y, musicalement…
César : Ben tu les as cités, moi mon coup de cœur vraiment cette année c’était Gustav en concert…
Victoria : Ouais, c’est vrai. Les Wet Leg et Gustav.
César : Après ça… Ouais, tous les trucs de post-punk, rock…
Victoria : Dry Cleaning !
César : Dry Cleaning, on adore… Toute cette scène rock qui fait un peu bouger les choses.