Oete : Ceci est son corps, ses armes et ses paillettes

Par son titre évocateur, Armes et Paillettes annonce la couleur. Le premier album d’Oete remplit ses promesses de grandeur en conservant l’équilibre entre puissance, fragilité et sensualité, toutes des caractéristiques que l’on retrouve comme étant propres au chanteur. Ce premier projet est prometteur par ses sonorités, son écriture et les thèmes abordés.

C’est en figure presque christique qu‘Oete se présente à nous. Par ses plaies mortifères et la cambrure de son corps la Piéta, il y a quelque chose de sacré dans la pochette de cet album. Une aura mystérieuse ou un souffle créateur ? Un souffle que l’on devine être celui du poète. Car Oete tient son nom du mot poète. On devine alors un artiste maudit sous ses traits : une probable évocation à La Mort d(u poète) Chatterton, peinte par Henry Wallis.

Puisque nous évoquons des thèmes subtils et spirituels, nous pouvons faire un parallèle avec l’ouverture de l’album. Oete prend le pouls de son âme en observant autant son rapport au corps qu’à l’ego. Le morceau d’intro, Corps & Ego donne le ton. On retrouve une forme de résilience, d’amour, par rapport à un corps en souffrance, à la forme d’une prison. Un sujet qui semble être en écho indirect avec le premier titre dévoilé par Oete, intitulé HPV, en référence au Papillomavirus. Une fois encore, il semble être question de maladie, de blessures à guérir. Celles du corps, mais aussi de l’ego, relié à la place que l’on prend, ce qui donne une importance encore plus symbolique à ce morceau : Oete s’affirme, s’impose et prend sa place.

Si avec Corps & Ego, il est question de son propre corps, Ami à mort évoque avec sensualité le corps de l’autre. Celui que l’on aimerait serrer, caresser du bout des doigts ou encore embrasser. Dans une atmosphère disco, feutrée et légère, Oete dévoile une sensualité insoupçonnée avec ce titre. Les mots, les phrases, sont prononcés entre quelques silences, comme s’il s’agissait de paillettes étincelantes. Or, si l’on suit les dires d’Oete, qui dit paillettes, dit armes. Et pour preuve, l’artiste prend des allures de soldat avec le titre Défense.

L’introduction du titre est brumeuse, avant d’être rapidement bombardée par des rythmes entraînants. On se sent comme pris dans une tension, une transe, qui réveille un phénomène inexplicable en nous. Nos corps se tordent, une force s’enracine en nous, voire même une rage de vivre et de danser. « Histoire de partir, de tout laisser voler »

Comme évoqué précédemment, c’est en hommage au poète en lui que Oete choisit son identité… ou sa renaissance personnelle à travers ce projet. Et l’artiste le montre, jouant avec la langue dans son titre Feu rouge, ou encore en rendant hommage à d’illustres poètes avec Liberté Chérie. Avec ses airs de morceau sorti des années 1980, Feu rouge semble être un terrain de jeu littéraire pour l’artiste. Oete fait une analogie entre l’amour et ses règles, ses codes, son trajet et ses arrêts, ses stops et ses feux rouges ou ses prises de vitesse.

Quant à Liberté chérie, son nom est une référence au poème Liberté de Paul Eluard. Ce titre est puissant, poignant par le thème qu’il évoque aussi bien que par la manière de le faire. Il y a quelque chose de théâtral dans ce morceau, rappelant presque avec nostalgie les débuts des classiques de la chanson française. 

La voix d’Oete est faite d’air et d’éther. Comme en complémentarité, il y a des sonorités rythmées, frappantes, qui viennent soutenir et structurer la mélodie chantée. On ressent cela notamment dans le titre La tête pleine, comme aux confins de paradoxes multiples, qu’il s’agissent de celui de la fragilité opposée à la force, ou celui alliant passé et futur. Ce titre évoque en effet une séparation que l’on suppose récente, le souvenir que l’on porte, et le questionnement de comment avancer avec des pensées obsédantes pour celui ou celle qu’on aime encore. 

L’album se conclut sur le titre éponyme Armes et Paillettes. L’artiste déclame dans un style spoken word rappelant la touche de Fauve. Oete se définit dans un clair-obscur, entre les carences, les névroses qui ne seraient plus des faiblesses mais des armes, la candeur, et les rêves qui seraient des paillettes.

Coups de cœur de l’album : Ami à mort, Défense, Liberté chérie, La tête pleine