Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux. Aujourd’hui, dans notre nouvel épisode de format court, on vous parle des EPs de Walter Astral, Laurent Damont et Grégoire Jokic.
Walter Astral – Hyperdruide
Deux âmes qui se superposent pour ne faire qu’un donnent souvent naissance à un être supérieur. Des esprits de Tino et Tristan naquit donc Walter Astral, être céleste, druide de haut level qui arpente les univers dans une quête de sens et de son.
Une histoire de transformation qui trouve un écho superbe dans la pochette qui accompagne ces cinq premiers titres. Tout y est dit : Hyperdruide, c’est la fusion, la complémentarité pas si évidente de deux mondes, deux personnalités fortes. Le côté organique de l’un, l’amour des machines de l’autre, réunis autour de la passion des histoires folles, de l’onirisme et des mondes féériques.
Car au final, du psychédélisme à la transe, il n’y a qu’un petit pas, et ces deux-là réunissent le tout dans une pop protéiforme magistrale et entêtante.
Hyperdruide, c’est donc un terrain de jeu libre absolument fou. Walter Astral s’amuse et guide le chemin des éléments pour les transformer en musique. Le Feu; L’Air, La Terre et L’Eau sont des étapes qui mènent à la grande révélation, celle de l’Hyperduide, morceau final complètement dingue qui joue le rôle de feu d’artifice transcendantal et instrumental, point d’orgue d’une histoire d’amour et amicale qui fusionne totalement.
Avant ça, les garçons s’amusent de leur thématiques, créent des histoires dans lesquelles se confrontent storytelling et mantra. Des petits contes musicals qui prennent corps dans les éléments qui les guident, mais pas que. Ici, on parle aussi d’amour, de naissance, de transmission et de l’amour d’une planète qu’on détruit un peu n’importe comment.
On danse autour du feu avant de respirer l’air frais et les braises fumantes, cherchant des trésors dans la terre avant de retourner se ressourcer dans l’eau, mère de toutes les naissances.
Ceci est très élémentaire mes chers Walter, et absolument réjouissant. Avec ce premier EP, le duo nous offre une rencontre improbable sur le papier, mais réussie dans nos oreilles, où les éléments se rencontrent dans une fête folle et unique. Que demander de plus ? Laissez-vous donc guider par l’Hyperdruide.
Laurent Damont – N N
Le 30 septembre sortait le second opus de la trilogie initiée au mois d’avril par le compositeur français Laurent Damont. Après un chapitre introductif, nommé S O, le pianiste dévoile le deuxième volet, lui intitulé N N. Ce nouvel EP explore un mélange de sonorités en partant de bases composées de boucles de piano, initialement utilisées pour S O, mais retravaillées. Ces dernières se sont vues être revisitées en compagnie de Théo Philippe, et ont comme ambition d’offrir une bulle, une parenthèse méditative à leurs auditeurs.
Pour cela, les deux artistes ont décidé de mêler ces mêmes boucles écrites au piano avec des sonorités tirant leur origine d’horizons divers. On peut alors retrouver des touches de musique électronique, faisant leur apparition sur la piste conclusive Club Paradis, ou encore des influences Hip-Hop au sein de Amour par Chaos. Tout cela est fait en prenant le parti de mettre en avant une ambiance méditative, avec des paysages auditifs contemplatifs et chaleureux.
La vraie force de ce projet de trilogie d’EP est de démontrer un certain éclectisme en termes de couverture des genres. Après avoir exploré le Néo-classicisme à travers S O, c’est cette fois-ci le Jazz, fusionné à d’autres mondes, qui est mis à l’honneur. De plus, l’aspect introspectif se voit renforcé de par la présence d’une musique complètement dénuée de paroles. Les instruments et seulement les instruments s’expriment et laissent les mélodies et les boucles raconter leur histoire.
À travers un projet nourri par l’ambition et l’amour des pièces épurées et sincères, Laurent Damont offre avec N N une bulle de calme délicate et lumineuse. Ces quatre pistes, élaborées en compagnie du saxophoniste et maniaque de la MAO (Musique Assistée par Ordinateur) Théo Philippe, montrent un visage serein et joueur de l’artiste. Ce dernier est en maîtrise de son art, et nous en donne une merveilleuse preuve avec second des trois opus de cette trilogie.
Grégoire Jokic – Silent Impact
Douze minutes et trente-cinq secondes, qui se sont transformées naturellement en heures. Car j’ai répété en boucle et en boucle cet EP de Grégoire Jokic, pianiste talentueux. Silent Impact est sorti le 21 octobre, tandis que les jours commençaient à décliner, synonyme pour moi de mélancolie et de solitude. Les murs de l’appartement qui accueillent les émotions, et les cris dans l’oreiller. Silent Impact a fait taire tout ça. Les voix qui se contredisent et la peau qui marque. 4 titres, empreints de poésie et de finesse, où le piano rencontre l’électronique.
Le musicien, originaire de Caen, porte la musique au creux de lui depuis son plus jeune âge. Ainsi, dès six ans, il rencontre son instrument de prédilection puis entre au conservatoire. Il étudie la musique improvisée, une musique qui tend à se libérer de toute contrainte. Alors Grégoire Jokic explore et s’intéresse peu à peu au jazz et à la composition. Et après un premier album auto-produit en 2021, Kairos, le voilà de retour avec Silent Impact. Il a été enregistré dans son home-studio et masterisé par Zino Mikorey, qui a notamment travaillé avec Nils Frahm, Hani Rani ou encore Christian Löffler.
Le musicien, qui cite volontiers comme référence Ölafur Arnalds, Grandbrothers ou encore Jon Hopkins, se détache néanmoins de ces représentants de la scène néo-classique et préfère flirter du côté de la pop.
Avec cet EP, il marie avec délice l’élégance du piano et la densité des boucles électro. S’écartant doucement d’une démonstration trop technique, l’artiste est à la recherche de l’émotion. Pure. Brute. Et en effet, elle est bien présente.
Awake, tout de suite. La fusion de deux mondes en apparence si différents. Un morceau énergique, qui donne envie au corps de se réveiller, oui. Et d’exister. Piano et techno s’entremêlent, tandis que les synthés se révèlent et s’intensifient. Je pense à Saycet, qui me procure lui aussi des frissons.
Et si j’ai le cœur déjà prêt à exploser, alors je n’ai plus qu’à tout lâcher. Car survient Everything Goes. Une courte pièce où seul le piano résonne. À partir d’une simple improvisation, Grégoire Jokic construit une mélodie, qu’il aiguise encore et encore jusqu’à chasser tout le superflu. Il ne reste rien d’autre que l’émoi. Tellement de simplicité que ça en est renversant.
Puis, Seven Seas se dévoile, tel un miroir d’Awake. Ici, on entend les marteaux du piano, mais aussi les craquements. Telles des fêlures que l’on porterait en soi, avec lesquelles il faut vivre pour grandir. Avec ce morceau, il est question de voyage et de découverte de nouveaux espaces. C’est une montée progressive, tel un monde qu’on explore, toujours plus haut, toujours plus fort, les sens affûtés grâce à l’intensité mélodique des beats répétitifs.
Finalement, The Silent Impact conclut cet EP. Les synthétiseurs, vibrants, n’en font qu’à leur tête et planent au-dessus de nos épaules. Les nappes électroniques se diffusent et prennent place tandis que, subrepticement, le piano se révèle. Une phrase, qui survole çà et là le morceau. Comme pour mieux souligner la fragilité de l’univers et la puissance de nos émotions intérieures.
Sans savoir d’où ils proviennent, laisser les sentiments aller et venir. Déverser la douleur et le ressentiment.
Avec cet EP, Silent Impact, Grégoire Jokic réconcilie les cicatrices et la vie. L’épure se pare de trésors, au sein desquels les émotions peuvent exister, dans leur plus simple apparat.
Le musicien sera en concert au POPUP du Label le 25 janvier 2023 (Paris) et vous pouvez le retrouver en support de Thylacine sur sa tournée d’automne ! En définitive, ne le ratez pas.