Après les avoir croisés en festival cet été, notamment lors de leur passage très apprécié à la Route du Rock, nous avons eu le plaisir de retrouver Honeyglaze à l’occasion de leur date parisienne. Retour notamment sur leur premier album, aux sonorités délicates et brumeuses, mais toujours pointues.
Version Anglaise plus bas // English Version Below Honeyglaze
Interview et photographies réalisées par Clara de Latour Honeyglaze
LFB: Cet été, nous avons eu le plaisir de vous voir jouer à la Route du Rock et ce soir, vous jouez au Supersonic. Comment votre public français vous a accueilli jusqu’ici?
Yuri: En fait, plutôt bien! On a joué à Angers hier, et l’ambiance était tellement agréable – tout le monde était super sympa, dans l’ensemble c’était une atmosphère sincèrement bienveillante. On a la chance d’avoir un public le plus souvent très attentif, et on leur en est reconnaissants.
Tim : Et puis, on a essayé de leur en mettre plein la vue avec notre niveau de français, évidemment on a échoué. Mais d’avoir traversé ça ensemble nous aura encore plus soudés en tant que groupe (rires).
LFB: Avec vos propres mots, comment présenteriez-vous votre musique à quelqu’un qui n’aurait pas entendu parler de vous? Comment caractérisez-vous l’essence de Honeyglaze?
Tim : Je me rappelle, une fois, l’un de nous disait que nous n’étions que des amis qui aiment faire de la musique ensemble. J’aime vraiment bien cette idée. J’ai l’impression qu’à part cet aspect-là, il n’y a pas d’ “essence” particulière qui décrit notre musique. Et comme ça, nous ne nous sentons pas coincés dans un style ou une manière de faire particulière.
LFB : Vous avez commencé à sortir vos premiers singles assez récemment, en 2021. Comment le groupe s’est-il formé? Aviez vous d’autres projets musicaux précédemment? Ou même à l’heure actuelle?
Anouska : Nous étions tous dans des groupes différents, parce qu’on aime faire partie de différents projets musicaux. Mais ensuite, on m’a demandé de jouer un solo show – sauf que je n’avais pas envie de jouer en solo. Donc j’ai simplement demandé à ces deux là (Tim et Yuri), chacun de leur côté. Ils ne s’étaient jamais rencontrés avant notre première séance de répets, et ça a juste très bien fonctionné dès le départ.
Yuri: Oui, on jouait tous les deux dans d’autres groupes avant – en fait, on gravitait surtout tous les trois autour de la scène musicale Londonienne, et c’est grâce à ça qu’on s’est rencontrés.
LFB : Est-ce que votre processus artistique vient d’une approche plutôt DIY (do it yourself)?
Anouska : Carrément.
Yuri : Et bien, je ne sais pas. Je pense qu’il existe différentes manières d’utiliser l’étiquette “DIY”, mais malgré tout, on reste un groupe signé en label, tout ça.
Tim : C’est vrai, mais avant qu’on signe, on était dans une manière de travailler où on produisait tout chez nous. C’était clairement un projet très DIY, on enregistrait sur nos ordis portables, en faisant avec les moyens du bord.
LFB : Vous êtes signés chez Speedy Wunderground, un label qui a révélé pas mal de groupes qui constituent la nouvelle scène rock, indie et post-punk anglaise. Comment en êtes-vous arrivés là? Et qu’est-ce que ça fait d’en faire partie? Speedy Wunderground est devenu une vraie référence à présent.
Tim : Et bien, on en est arrivés là en envoyant une vidéo d’un live à Dan Carey (fondateur de Speedy Wunderground).
Anouska : D’ailleurs, on ne savait même pas que cette vidéo allait être envoyée, notre manager (Charlie Williams) l’avait fait sans que nous soyons au courant. En fait, on ne savait même pas qui était Dan jusqu’à ce que Charlie nous dise « oh my god, Dan Carey adore la vidéo de votre live », et j’étais là: « je ne sais même pas qui c’est » ! Et puis en fait, on s’est rendus compte qu’il avait produit des albums plutôt stylés.
Tim : Oui, c’était vraiment chouette. Je pense qu’on connaissait déjà pas mal la musique du label, si ce n’est tout leur catalogue. C’est une communauté très sympa parce que Dan fait l’effort de rester en contact avec tout le monde, et on se rencontre tous.
Yuri : Je pense que ce qui nous a réellement fait rentrer dans cette communauté aura été de jouer au Brixton Windmill avec Honeyglaze. Ça nous a menés à être catégorisés dans la même sphère que les groupes qui forment la nouvelle scène londonienne actuelle. Je ne pense pas que nous évoluions tous au sein de cette scène auparavant, Tim peut-être plus, mais Anushka et moi n’y connaissions pas vraiment grand chose avant Honeyglaze.
LFB : Comment avez-vous construit ce premier album? Quelle est la dynamique lorsque vous travaillez ensemble?
Anouska : Alors, l’album a été enregistré pendant le confinement. On a eu une période de trois mois pendant laquelle nous n’avions pas de concerts, on jouait dans une salle de répétition – la plupart des chansons, je les avais déjà écrites auparavant, voire bien longtemps avant tout ça. On a juste continué à répéter et puis on a enregistré l’album!
Yuri : Vu que c’était pendant le confinement, qu’il n’y avait plus aucun concert à cette période, Dan nous a simplement dit : allez dans cette pièce que j’ai préparée pour vous, et restez-y deux mois, trois mois, peu importe, et répétez inlassablement l’album. Je pense que c’est comme ça que notre premier album est né, en fait : beaucoup de pratique, et puis ça a débouché sur un enregistrement qui s’est fait plutôt rapidement.
LFB : Y a t il un entourage, des artistes en particulier qui vous accompagnent? Aimeriez-vous potentiellement collaborer avec d’autres artistes et/ou groupes?
Yuri : Il y a quelques groupes qui sont toujours autour de nous, comme Lime Garden ou encore Keg. En fait, on joue souvent aux mêmes festivals, et on se retrouve à se croiser régulièrement.
Tim : On s’est aussi créé des cercles d’amis parmi les groupes de musique qui gravitent autour de nous. On va souvent à la George Tavern – beaucoup de nos amis y jouent, nous-mêmes y jouions souvent. On a pas encore collaboré avec d’autres groupes cependant.
LFB : Vous avez un univers visuel très spécifique, plutôt ténébreux et onirique, qui se voit particulièrement à travers les artworks de vos singles. Qui est la personne derrière ces visuels ? Pouvez-vous nous en dire plus sur vos choix esthétiques ? C’est aussi quelque chose que l’on remarque dans vos vidéos, notamment “Shadows”.
Anouska : J’ai l’impression qu’on n’a pas tant fait cela intentionnellement, mais finalement on a clairement construit un univers visuel qui colle au style de musique que l’on fait. Tous les visuels des singles ont été réalisés par Agnes Treherne, et Bug Shepherd-Barron est derrière celui de “Burglar”. On leur a envoyé la musique, et ensuite iels sont revenu.es vers nous avec leurs propres interprétations – je pense, d’une certaine manière, que ce sont iels qui ont commencé à construire tout cet univers. Puis, avec les vidéos ça s’est fait un peu de la même manière, on s’est retrouvés à travailler avec des personnes qui ont su mettre en images nos idées.
Tim : Tout cela est un mélange de couleurs très nocturnes, et de ressentis qui y sont associés. Je pense qu’on aime explorer ces idées, particulièrement avec le visuel de “Burglar”.
Yuri : Je pense qu’on a pas vraiment de concept clair et précis, ou quelque chose de ce genre. C’était généralement juste une histoire de goûts communs – les couleurs que nous aimons sont celles-ci, les ambiances que nous aimons sont celles-là, et après on a essayé de modeler tout ça pour en sortir les visuels et les vidéos.
LFB : Avez – vous des coups de cœur récents – peu importe le champ créatif – qui vous inspirent ?
Yuri : En ce moment, j’écoute beaucoup de musique électronique, de l’ambient, et récemment je me suis lancé dans le jazz. Ce sont des genres, je pense, avec lesquels je suis moins familier, qui m’inspirent et que j’utilise ensuite dans mes contributions à Honeyglaze.
Anouska : Je sens que je reviens pas mal sur mes classiques, j’écoute beaucoup de pop, et j’essaie de réfléchir à ce qui fait une bonne chanson pop. Mais j’écoute aussi beaucoup Leonard Cohen et Bill Calahan, des chansons à l’écriture travaillée. J’essaie d’y être attentive, puis avec tout ça de me dire : qu’est-ce que la “bonne” pop, comment écrit-on quelque chose d’accrocheur mais porteur de sens?
Yuri : Personnellement, j’ai aussi été beaucoup inspiré par les performances de Kae Tempest. C’est une artiste que j’ai eu l’occasion de voir plusieurs fois récemment, et elle arrive à créer cette atmosphère très concentrée, et dans laquelle elle t’entraîne inévitablement. Il n’y a plus de frontière entre la performeuse et l’audience. C’est comme un sentiment transcendental, hors de la réalité. On s’efforce d’atteindre et de créer ce genre d’expériences quand on joue, afin de laisser un impact fort sur les gens qui viennent nous voir.
English Version Honeyglaze
LFB: This summer, we had the pleasure to see you perform at la Route du Rock and tonight, you’re playing at the Supersonic. How’s your French audience been treating you?
Yuri : actually pretty well! We played a show yesterday in Angers, and it was such a good vibe – everybody was really nice, overall a genuinely wholesome atmosphere. We’re lucky to often have a very attentive audience, which we are grateful for.
Tim : Then we tried to impress them with our French, and failed, of course. But I guess it brought us closer together, which is quite nice.
LFB: In your own words, how would you present your music to someone who hasn’t heard of the band yet? How would you characterise the essence of Honeyglaze?
Tim: I remember one time, one of us said that we’re just friends who like to make music together; I really like to stick to this idea. I feel like there’s no particular “essence” to our music, except for that. In that way, we also don’t feel like we have to stick to a particular style or way of doing things.
LFB: You started to release your first singles quite recently, in 2021. How did the band come together? Did you have other musical projects before? Or even now?
Anouska : We were all in separate bands, as we like pursuing musical projects. But then, I got asked to play a solo show – except I didn’t want to play solo. So I just asked these two (Tim and Yuri) separately. They had never met each other before our first rehearsal together, and it just worked out really well.
Yuri: Yeah, we also both played in other bands before – we were all really just gravitating around London’s live music scene, and that’s how we met.
LFB: Do you come from DIY in your artistic approach?
Anouska: Definitely.
Yuri : I don’t know, though. I think there are different ways you could label “DIY”, because we remain a signed band and stuff.
Tim : Sure, but before we were signed, we came from a place where everything was home produced. It was all definitely a very DIY project, recording with our laptops, getting by the best we could.
LFB: You’re signed with Speedy Wunderground, a label which revealed a lot of bands of the current british rock, indie and post-punk scene. How did you get there? And how does it feel to be part of this? It’s becoming quite a serious reference these days.
Tim: Well, we got there by sending a live video to Dan Carey (founder of Speedy Wunderground).
Anouska : Actually, we didn’t even know it was being sent, our manager (Charlie Williams) sent it to him without us knowing. I mean, I actually didn’t even know who Dan was, until Charlie told us “oh my god, Dan Carey loves your live music video”, and I was like: “I don’t even know who that is!” – and then it turns out he’s made some pretty sick records!
Tim : Yeah, it was really nice. I think we all knew some of the music on the label, if not most of it. It’s a really good community because Dan really keeps in touch with everyone, and we all meet each other.
Yuri : I think how we really entered it was through Honeyglaze playing the Brixton Windmill. This led us to getting categorised into the same slot as the bands currently forming the new London live scene. I don’t think we were all in that scene before, maybe Tim was, but Anushka and myself didn’t know much about all that before Honeyglaze.
LFB: How did you build this first album? What’s the dynamic of the three of you working together?
Anouska : So it was recorded in lockdown. We had a three month period where we didn’t have any live shows, and we were kind of just practicing in this rehearsal room – most of the songs, I wrote them before, some even way before. We just went on practicing and recording the album!
Yuri : Since it was during lockdown, there was no live scene anymore, really, at that time. So Dan just said: go to this room that I’ve prepared for you, and stay there for two months, three months, whatever, and relentlessly practice the album. I think that’s how our first album came to be, really: hard practicing and then really fast recording.
LFB: Is there a particular entourage, other artists who accompany you in your work? Would you like to potentially collaborate with other artists / formations?
Yuri : There are a few bands that are always around us, such as Lime garden or Keg. We’re always kind of playing the same festivals, just always bumping into each other.
Tim: We’ve also created groups of friends within related bands in London. We go to the George Tavern – we’ve just got a lot of friends who play there, we ourselves used to play there a lot. We haven’t collaborated with anyone as a band yet though.
LFB: You have a very specific visual universe, rather dark and dreamy, which is particularly visible through your singles’ cover artworks. Who is the person behind these visuals? Can you tell us more about this aesthetic choice? It’s also something we notice in your videos, like in “Shadows”.
Anouska : I feel like we’ve not really purposely done it. We’ve definitely built this visual world that matches the kind of music we do, I guess. All the singles’ artworks were done by Bug Shepherd-Barron, who did ‘Burglar’, and then Agnes Treherne who did the rest of them. We sent them the music, and then they came up with stuff and i think it was more them that started building it, in sense. Then with the music videos it was kind of like a similar thing where we just worked with people who brought our ideas to life.
Tim : It’s all a mix of very “night time” colours and feeling, and I think we like to explore that, especially since the “Burglar” artwork.
Yuri : I think we didn’t really have a concept or anything. It was really just generally a collective taste thing – these are the kinds of colours we like, this is the kind of mood we like, and then we just tried to pour that into a packaging with the artwork and the music videos.
LFB: Do you have any recent favorites – in any artistic field – that inspire you to create?
Yuri : I listen to a lot of electronic music, ambient music, and recently went more into jazz. These are genres that I’m less familiar with I guess, that I get inspired by and get to use in my contributions to Honeyglaze.
Anouska : I feel like I’m going back into the classics, falling back into pop and thinking about what makes a good pop song. But also a lot of lyrical stuff, such as Leonard Cohen and Bill Calahan, just thinking about lyrics a lot more, kind of combining that and asking myself: what’s good pop, what are good catchy words that mean something.
Yuri : In a live show sense, I’ve been really inspired by Kae tempest. She’s an artist I’ve seen a few times quite recently, and there’s this really focused atmosphere that they create live, and that you’re really dragged towards. There’s no boundary between the performer and the audience. It’s this kind of transcendental, kind of like “not reality” feeling, and we really strive to create those experiences when we perform, trying to leave a really strong impact on the people who see us perform.