2022 – Les coups de Coeur de La Face B – Acte V

Peut-être plus que les autres années, 2022 aura été riche d’albums forts, et ce, dans tous les genres possibles et imaginables. La rédaction de La Face B a donc aiguisé ses plus belles plumes pour vous offrir ses albums coups de cœur du cru 2022. Sans plus attendre, la cinquième partie de notre sélection.

Orville Peck – Bronco (Clémence)

Après le sombre et sublime Pony en 2019, Orville Peck s’impose un peu plus cette année avec le vertigineux western Bronco, le cheval sauvage. Ses 15 titres sont autant d’histoires qui dépoussièrent la country et les (mauvaises) idées qu’on peut se faire à son sujet : les clichés conservateurs ne font ici pas long feu.

Pourtant parfaitement aligné avec les racines de ce genre musical, le cowboy masqué incarne toutefois un renouveau flamboyant, et son succès mérité témoigne qu’il a su charmer les convaincu.e.s comme les plus sceptiques. Il est ici question de solitude, de fantômes du passé, d’hommes qui sont passés sur son cœur et qui arrachent le nôtre (ou en tous cas, le mien) par extension à l’écoute de ce disque.

Résolument plus mainstream que ses prédécesseurs dans la discographie de Peck, ce nouvel album fait excellent usage de cette décision. Bronco est ainsi un disque spectaculaire et cinématographique, qui nous embarque sur les plus imposantes routes américaines, bien que l’artiste se trouve en réalité plutôt à mi-chemin entre l’Afrique du Sud et le Canada.

En mélangeant des sonorités traditionnelles et une production plus moderne, puis en associant des codes des cultures LGBTQ à ceux de la culture country (plus semblables que ce que l’on pourrait croire, mais il s’agit d’un autre sujet pour un autre jour), ce Lone Ranger des temps modernes ouvre le champ des possibles.

À travers son personnage mystérieux et quasi-fantastique, Orville Peck utilise l’anonymat pour mieux se dévoiler via ses chansons et rendre accessible un chemin qui était bien sagement balisé. Plus de ça qui tienne : tout le monde est invité à ce rodéo, et ce n’est pas pour déplaire à mon petit cœur de cowboy. 

Aloïse Sauvage – SAUVAGE (Cassandre)

Une fois de plus, mon album de l’année sera celui d’Aloïse Sauvage.

Après avoir été consummée et avoir consommé Dévorantes, son premier opus sorti quelques mois avant le début de l’épidémie du Covid et tout le folklore qui a suivi, ça a été un réel plaisir d’avoir enfin l’occasion de pouvoir la voir défendre ses titres sur scène, et quel show !

Je dois avouer que, ayant tellement écouté Dévorantes, j’avais peur d’être décue par ce deuxième album. La magie pouvait-elle opérer deux fois ? La réponse est sans appel : oui, et pas qu’un peu.

Il m’a même permis de me replonger dans son premier EP et ses tout premiers singles, comme Alors Ailleurs ou Aphone, que j’ai du aller digger au fin fond de mon Soundcloud et YouTube.

Sauvage, sorti en octobre 2022, est un album que, personnellement, je lis en deux parties distinctes :

Une partie plus intense que l’autre, qui relate les tourments vécus par la chanteuse ces dernières années, ses montagnes russes personnelles, ce vécu qui l’a fait grandir avec des titres forts comme Montagnes russes, Fumée, M’envoler, Soulages… Des morceaux qui parlent autant de souffrance que de résilliance. On y retrouve certes les fragilités de la chanteuse, mais toujours exprimées avec la grande force que l’on lui connaît et lui prête volontiers en la voyant vivre sur scène. 

Le milieu du disque vient faire transition vers la suite, en finissant cette première partie d’album sur des titres plus musclés, plus engagés et combatifs, avant de regagner le côté de la douceur.

Dans cette seconde partie, plus légère, plus sensuelle, dédiée à l’amour et ses sujets, on retrouve des titres comme XXL, Paradis, que la chanteuse incarne avec beaucoup de volupté sur scène.

Cet album est un voyage intense dans les hauts et les bas de la chanteuse, un trip émotionel à réaliser sans crainte, guidé par la verve d’Aloïse Sauvage, ce que je vous conseille d’ailleurs de faire de préférence dans une salle sombre, avec une Aloïse qui tournoie sur scène pendue à son micro.

Son Little –  Like Neptune (Jonathan)

Cette année 2022 a vu la naissance du quatrième album de ce talentueux musicien de Pennsylvanie intitulé Like Neptune. Depuis sa sortie en septembre dernier, pas un jour ne passe sans que dans mes oreilles résonne un 6 AM ou un Inside Out. Au-delà des textes touchants et profonds et d’une musicalité extrêmement riche, c’est avant tout un flow coulant, un sens du timing et une force tranquille qui donnent à cet album toute sa substance et son équilibre parfait entre puissance et fragilité. 

Contrairement aux disques précédents, Like Neptune ne se limite plus à ce mélange de soul, de jazz et de gospel. Cette recette que Son Little maîtrise à la perfection glisse dans un style plus RNB. Ceci pare sa musique de nouvelles couleurs, certes parfois romantiques, voire mélancoliques, mais aussi d’une légèreté délicieusement flottante qui nous fait du bien à n’importe quelle heure et dans n’importe quelle situation. A la différence de certains artistes venant de la pop ou du rap, Son Little débarque dans cet univers avec toutes ses références musicales, tirées du blues, et ses bagages sont remplis de ses expériences de New York ou Philadelphie, avec notamment l’emblématique groupe The Roots.

Faites rien qu’une fois l’expérience de marcher dans la rue en écoutant Deeper, toutes les scènes que vous observez revêtent un parfum de sublime. Cette musique détient le pouvoir d’embellir le monde et d’apaiser toute les émotions, à l’image d’un Gloria d’une douceur folle. Vous l’aurez compris, Like Neptune est un bonbon  dont je ne suis pas prêt de me lasser.

The Toxic Avenger – Yes Future (Matthieu)

Pour 2022, et comme chaque année, mon album favori de l’année est un projet électronique. J’aurais pu vous parler de mon amour de jeunesse pour les Swedish House Mafia et leur retour avec leur album Paradise Again, qui a su me ramener une décennie en arrière sur certains morceaux. J’aurais également pu citer un autre retour, celui de Kavinsky avec son très réussi Reborn.

Mais l’album qui m’a le plus marqué au cours de cette année a sans aucun doute été le très récent Yes Future de Toxic Avenger. Les dix-huit titres de ce projet ont tous su me conquérir à leur manière.

Avec ce cinquième album, c’est l’état du monde d’aujourd’hui qui est mis en avant et pour la première fois, une dimension très politique est présente dans les productions électroniques de l’artiste. Entre optimisme et résignation, l’écoute de chacun des titres nous permet de passer par différentes phases.

De nombreuses voix viennent se poser sur des compositions élaborées en grande partie sur Twitch. Les collaborations figurant sur cet album permettent d’enrichir d’une belle façon cet univers à l’ambiance nuancée. Ma préférée étant celle avec Alain Chamfort sur Te souviens-tu du futur ?.

Un peu plus d’un mois après sa sortie, ce projet n’a toujours pas quitté mes écouteurs.

Fontaines D.C. – Skinty Fia (Thomas)

Tout simplement le meilleur album Rock Alternatif de l’année pour moi. Du moins, celui qui m’a le plus frappé. Paru en avril, je me rappelle encore la claque que j’ai pris lorsque le bras de ma platine se relevait après Nabokov. Bordel.

Les Fontaines redessinent les frontières du genre avec maestria. Un Post-Punk soigné à l’extrême, équilibré et d’une profondeur caverneuse. La section rythmique est inébranlable, la poésie des textes touche au sublime. Harmoniquement très intéressant, le groupe a réellement trouvé son identité sonore en sortant des sentiers battus.

Jamais une chanson d’amour (intitulée le plus simplement du monde I Love You) ne m’avait autant percuté. Exit le gnian-gnian, bienvenue dans une poésie solide et mûrie. Des titres comme Roman Holiday ou encore Nabokov sont purement magistraux. Jackie Down the Line a tout d’un tube underground. The Couple Across the Way, quant à elle, prouve que Fontaines D.C. se permet désormais de sortir complètement des attentes d’un public de Post-Punk, surprennent et le font bien.

En bref, chacun de ces 10 morceaux est excellent, mais surtout forment un tout ultra cohérent, jamais lassant, prenant du début à la fin. Avec Skinty Fia, l’aura du groupe irlandais prend une ampleur considérable.

Nu Genea – Bar Mediterraneo (Lena)

Après Nuova Napoli sorti en 2018, les napolitains Massimo Di Lena et Lucio Aquilina sont revenus cet été avec leur nouvel album, Bar Mediterraneo. Neuf titres entre disco et afrobeat, aux sonorités latines, italiennes ou orientales, avec des invités comme le percussionniste et chanteur italien d’origine tunisienne Marzouk Mejri sur Gelbi, ou encore la chanteuse française d’origine camerounaise Célia Kameni sur Marechià. 

Faisant ainsi écho à l’héritage cosmopolite de la ville de Naples, dont sont originaires les deux musiciens, l’album ne manque pas de lui rendre hommage, en intégrant du dialecte napolitain sur Marechià, ou avec le titre La Crisi. L’on rappellera que les deux acolytes sont à l’origine des compilations Napoli Segreta, explorant le côté groovy de la musique napolitaine. Entre arpèges de guitare, synthés vintages et grooves explosifs,

Bar Mediterraneo nous emmène tout droit sur la côte amalfitaine, avec le désir d’offrir une expérience collective, comme l’explique le duo: « 

Bar Mediterraneo est l’idée d’un lieu partagé où les gens se rencontrent et fusionnent ; un espace qui laisse ses portes ouvertes aux voyageurs et à leurs vies, toujours exposées aux caprices du destin. […] En s’ouvrant aux voix de nombreuses personnes différentes, séparées par les langues mais unies par la mer et la musique, la ville natale de Nu Genea, Naples, devient un véritable lieu de rencontre. »

Une source d’énergies positives dans laquelle on vous invite à puiser au besoin en ces temps froids ou en cas de baisse de moral, ou simplement pour un moment groovy sur la piste de danse !

Kaelin Ellis – The Funk Will Prevai & Easy Life – Maybe In Another Life…(Léo)

Kaelin Ellis a démontré une nouvelle fois son talent avec son sixième album. Sorti le 1er avril, The Funk Will Prevail nous offre quatorze nouveaux titres quasi-instrumentaux, aux sonorités mêlant Funk, Soul, Jazz, Pop et Électro. Beaucoup d’artistes comme Carrtoons, Kyla Moscovich, Tony Rosenberg, Sw8vy et j’en passeont collaboré sur cette album. Le rendu est très bien produit et plaisent à écouter. En somme, un projet à retenir de cette année.

Un an après la sortie de leur premier album, Easy Life sortent leur second : Maybe In Another Life… paru le 7 octobre. Ces nouveaux morceaux sont dans la continuité musicale que nous offre le groupe anglais depuis 2020, c’est-à-dire une indie pop toujours aussi maîtrisée, fraîche, colorée et utilisant des sonorités hip-hop et électro. Tout ceci est accompagné de quelques arrangements au violon et piano. Les musiciens Kevin Abstract, BENEE et Gus Dapperton sont de la partie dans ce projet, et continuent leur parcours musical de manière cohérente, mais toujours en cherchant cette pâte inédite à chaque projet.