On commence la saison 2 de CRAFT avec un coup de cœur personnel : l’artiste texan Phil Hollie. Découvert notamment grâce au label TOMIKA Records, co-fondé par Theo Lawrence et Leila Benbouriche, Phil Hollie s’est très rapidement imposé comme un artiste incontournable de la scène folk et country, grâce à ses chansons intemporelles, à la fois rétro et résolument modernes. Dans cet épisode, Phil nous parle de son titre « I Just Can’t Wait », sorti sur Tomika. Il raconte son envie de faire des chansons qui font danser, son envie de s’amuser, son envie de faire exactement la musique qu’il veut faire, sans se soucier du reste.
Ecoutez I Just Can’t Wait de Phil Hollie. Pour suivre son actualité musicale, c’est par ici !
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Interview française
CRAFT : Salut Phil ! Bienvenue, merci de venir dans l’émission !
Phil : Merci de me recevoir !
CRAFT : Je t’ai invité pour parler de ton titre « I Just Can’t Wait ». Il est sorti il y a environ un mois, chez Tomika Records. Déjà, félicitations, tu rejoins un label très cool ! Je me demandais : quel âge a cette chanson ?
Phil : Je dirais environ un an. J’ai gardé la démo un moment avant de me remettre à travailler dessus.
CRAFT : Tu te souviens de quand tu as commencé à l’écrire ?
Phil : Oui ! A l’époque, j’écoutais beaucoup de country – George Jones, Buck Owens… C’était mes influences principales, et j’essayais de faire quelque chose dans la même veine. Quelque chose de sixties, un truc assez fun. J’y ai pas pensé plus que ça, je me suis juste dit « tiens, celle-ci est cool ! » mais j’avais seulement l’intro, et un couplet.
CRAFT : C’est rare qu’un artiste me dise qu’il avait des influences précises en tête au moment d’écrire un morceau. En général, la réponse est plutôt « les choses me viennent un peu par hasard ». J’ai tendance à travailler plutôt comme toi personnellement, avec des références. Une fois que tu as l’intro, combien de temps ça te prend de finir la chanson ?
Phil : Tout dépend du niveau d’investissement qu’on donne à une chanson. Personnellement, j’ai besoin de m’y mettre à fond, de m’installer avec la chanson… ça peut prendre un petit moment pour que les roues se mettent à tourner – en tout cas, pour moi. Parfois, il s’agit de l’écouter en boucle, ou bien de tâtonner un peu… jusqu’à trouver ce dont parle le titre : ce qu’il me fait ressentir, là où il doit aller.
CRAFT : Tu dirais que tu ne pars pas avec une histoire prédéfinie alors. D’un point de vue thématique, c’est une chanson d’amour que j’appellerai « traditionnelle » : elle ne s’adresse pas à quelqu’un que tu connais vraiment, elle reprend des thèmes bien usités.
Phil : Non, non, pas encore. J’ai pensé à en écrire des comme ça, mais pas celle-ci en tout cas. Celle-ci vient tout droit des influences dont je parlais à l’instant, c’est l’histoire classique. Généralement, je fonce directement dans l’écriture, et si j’ai une mélodie en tête à ce moment-là, les mots viennent assez naturellement.
CRAFT : C’est impossible de distinguer complètement les mots de la mélodie quand on parle d’une chanson, mais tu dirais que tu te concentres plus sur la musique que les paroles ?
Phil : Oui, pour moi ce qui compte c’est le côté catchy – est-ce qu’on va la chantonner ? C’est ma partie préférée. Je veux que les gens chantent en l’écoutant, c’est hyper important pour moi. C’est ce que je fais quand j’écoute les chansons que j’aime, dans la voiture par exemple, j’ai juste envie de chanter !
CRAFT : Tu as à cœur de faire une chanson compacte, un « tube » ?
Phil : Ça dépend entièrement de la chanson, de ce qu’elle exige comme format. Si elle doit faire deux minutes, elle fera deux minutes, tandis que certains titres, comme les ballades par exemple, sont plus étirées, plus lentes…
CRAFT : Tu es du genre à avoir un millier de démos sur ton portable ?
Phil : Complètement ! Je fais plein de versions d’une même chanson, au fur et à mesure qu’elle avance.
CRAFT : Est-ce que tu changes la tonalité, en l’appelant « Capo 1 », « Capo 2 », etc… ?
Phil : Non ! (rires) Je les appelle « version 1 », « version 2 »… Je les laisse dans la même tonalité, au moins pendant que j’écris. Une fois qu’une chanson est finie, ça peut m’arriver de changer la hauteur, mais quand je l’entends la première fois, je l’entends dans une tonalité spécifique.
CRAFT : Est-ce que tu te retrouves parfois un peu pris au piège dans les mêmes progressions d’accords ?
Phil : Oui, ça m’arrive. Mais je pense qu’il reste encore beaucoup à faire dans ces progressions – tout dépend de notre capacité à trouver une bonne mélodie.
CRAFT : Concernant l’enregistrement de « I Just Can’t Wait », tu avais un studio particulier en tête, ou une ambiance ?
Phil : Pas du tout, à vrai dire. Tout ça s’est mis en place quand on s’est mis à bosser sur la chanson ensemble, Theo [Lawrence] et moi – pour trouver les arrangements et tout. Il m’a proposé d’aller au studio de Billy Horton. J’y avais jamais mis les pieds, et j’avais jamais rencontré Billy avant qu’on y aille ensemble.
CRAFT : J’imagine que c’était un moment plutôt cool ?
Phil : Oui, et intimidant aussi !
CRAFT : Je veux bien te croire.
Phil : C’est un environnement inconnu, un groupe avec qui j’ai pas l’habitude de jouer, ça fait beaucoup d’un coup !
CRAFT : Je crois savoir que d’habitude, tu joues seul avec ta guitare.
Phil : Oui, c’est comme ça que je joue depuis des années. J’essaie de m’en éloigner un peu récemment, mais c’est vraiment difficile – j’ai tellement l’habitude d’être un chanteur folk…
CRAFT : Carrément, et maintenant que tu vas devenir une star de la country, il te faut un groupe ! C’était comment cette expérience avec eux ?
Phil : C’était hyper fun. Un peu intimidant, mais j’ai beaucoup appris. Je dirais que j’étais vraiment dans l’instant présent – je vivais les choses un peu en spectateur… tu vois ce que je veux dire ?
CRAFT : Absolument – absorbé et heureux quoi. Comme tu disais, ça fait un moment que tu écris et que tu joues, mais ces deux titres, « I Just Can’t Wait » et « Why Do You Still Love Me ? » sont les deux premières sorties officielles de Phil Hollie. Ça doit être satisfaisant, non ?
Phil : Oui, je suis vraiment fier de ces deux chansons. C’est très cool de voir les gens les écouter, de savoir qu’elles plaisent.
CRAFT : Les deux titres ont des harmonies tout du long. Je sais que tu es un grand fan des Everly Brothers, et c’est quelque chose qu’ils emploient énormément – ils sont trop forts d’ailleurs. C’est pas forcément quelque chose de facile à reproduire – il faut vraiment que ça tombe juste. Je me demandais : c’est toi qui chantes les deux voix ou est-ce que Theo chante aussi ?
Phil : Theo chante la voix basse.
CRAFT : J’avais du mal à être certaine en écoutant ! Est-ce que c’est quelque chose que tu envisageais de faire dès le début, ces harmonies ?
Phil : Oui, on savait qu’on allait l’enregistrer comme ça dès le départ. En fait, avant que Theo ne vienne à Austin, c’est comme ça qu’on échangeait : on s’envoyait des pistes, des démos, etc. On a même repris une chanson des Everly Brothers justement, « Problems ». On était curieux de savoir ce que ça rendrait, et c’était vraiment cool ! Nos voix marchent très bien ensemble, il a un registre bas très solide, et ma voix se cale pile au-dessus.
CRAFT : Ça sonne vraiment très bien ! Pour revenir aux influences que tu mentionnais plus tôt, tu parlais de George Jones, de Buck Owens… qu’est-ce qui te plaît dans leur musique ?
Phil : J’aime bien qu’elle se trouve à la croisée des chemins entre la country et le rock n’roll. J’aime les deux genres et j’ai pas envie d’être seulement dans l’un ou l’autre. C’est aussi de la musique faite pour danser, c’est une musique qui bouge. Et c’est ce que je préfère. Ah, et bien sûr, c’est une musique hyper charismatique !
CRAFT : Je trouve ça assez intéressant : quand on sort de la musique de ce genre, il y a parfois une sorte de réaction de « ah, c’est de la musique nostalgique, du style ‘né-à-la-mauvaise-époque’ ». Est-ce que tu y prêtes attention ?
Phil : Non, à vrai dire, ça m’est complètement égal. Je sais ce que cette musique provoque chez moi, je sais ce que je veux provoquer avec la mienne… Et tous ces gars, ils avaient le meilleur style ! C’étaient des super musiciens, des super chanteurs…
CRAFT : … et super bien habillés !
Phil : Oui, aussi ! Je veux dire, pour moi, la country c’est ce qu’on en fait. On peut carrément reproduire ce qu’ils faisaient, ça m’est égal si certaines personnes trouvent ça rétro. Les chansons, c’est ça qui compte au fond.
CRAFT : Et en termes de clips, c’est quelque chose que t’aimerais faire ?
Phil : Oui, je pense que ce serait un bon moyen de casser mon image de chanteur folk, de sortir un clip avec un groupe.
CRAFT : C’est vraiment quelque chose qui t’intéresse en fait, de passer de cette figure un peu à la Dylan à quelque chose de plus… Buckaroos !
Phil : Oui, ça a l’air juste tellement plus fun… J’ai pas envie de me prendre trop au sérieux, j’ai envie de m’amuser à jouer de la musique avec mes potes en fait !
CRAFT : Oui, je vois tout à fait. Et c’est d’ailleurs quelque chose que j’adore dans la country : il y a une vraie culture du spectacle. Les artistes le savent, et se mettent au service du show. Les paillettes, les chapeaux, les costumes Nudie… c’est vraiment « on va passer un bon moment ! »
Phil : Oui, c’est vraiment inclusif je dirais… « on va tous écouter de la bonne musique ensemble et s’amuser » !
CRAFT : Aux Etats-Unis bien plus qu’en France bien entendu, il y a aussi la culture du two-step, des bars dansants, etc. Et d’une certaine façon, ça met moins de pression sur les chansons elles-mêmes, jouées dans ce contexte-là de partage. Pour revenir au groupe, tu sais déjà à quoi ça va ressembler ?
Phil : Pas encore tout à fait non, je pense que ça va se faire petit à petit. J’ai déjà joué en groupe par le passé, mais c’était plus des chansons à la Buddy Holly, moins country. J’ai ça dans les tiroirs, avec des solos rythmiques et tout.
CRAFT : Tu dirais que tu as des démos qui traînent qui ne vont pas nécessairement avec ton image ou ton style actuel, et que tu penses sortir plus tard ?
Phil : Je pense que ça serait cool oui ! Ce serait aussi pas mal de sortir des chansons qui datent vraiment, et dont j’ai jamais rien fait… même si j’ai dépensé de l’argent pour les enregistrer ! (rires) Mais tu connais la chanson, le temps passe et tes goûts changent… je crois que je les ai laissé traîner trop longtemps en fait.
CRAFT : Tu dirais que tu écris beaucoup ? Au moins une fois par semaine, disons ?
Phil : J’essaie ! Mais honnêtement, c’est plutôt lié à l’inspiration. Et personnellement, je trouve ça assez difficile de m’imposer un rythme de travail, je trouve ça épuisant. Je chante tout le temps quand je conduis, ou quand je joue de la guitare à la maison… Si j’attrape quelque chose en vol, alors là, oui, j’essaie de le noter et d’en faire quelque chose. Mais ça reste un processus détendu.
CRAFT : Et dernière question : pourquoi avoir choisi ce titre aujourd’hui ?
Phil : Parce qu’il est fun ! Il t’attrape dès le début et c’est ce que je préfère. Ouais, il est fun.
CRAFT : Une excellente raison ! Phil, merci beaucoup d’être venu dans CRAFT !
Phil : Merci à toi !
Interview & Illustration originale : Claire Le Gouriellec
Photographie originale : Kate Liddy
Jingle : Dela Savelli