Quand deux amis se retrouvent, de belles choses peuvent naître. Lorsque deux vieux amis musiciens se retrouvent, de l’art saisissant peut voir le jour. Presque 20 ans après leur rencontre, Philippe Cohen-Solal et Keziah Jones se sont réunis en studio. En résulte leur EP Class of ‘89, directe référence au moment du début de leur amitié.
English Version Below – Version anglaise plus bas
La Face B : Salut Keziah et Philippe ! Merci beaucoup d’être ici aujourd’hui. C’est un vrai honneur. Comment allez-vous ?
Keziah Jones : Merci, ça va très bien ! Un peu tôt, mais tout va bien (rires)
La Face B : Oui il est un peu tôt, désolé (rires)
Philippe Cohen-Solal : C’est pas grave, c’est pas grave ! On devait se lever de toute manière.
Keziah : Globalement je vais bien, je suis arrivé sur Paris hier je crois. Ça fait du bien d’être de retour en Europe. Et puis on est là pour parler de musique, donc c’est un bon début d’année !
La Face B : Super ! Donc, en parlant de musique, votre EP, Class of 89, sort le 3 février. Pouvez-vous nous dire comment vous avez eu l’idée de ce projet ? Était-ce quelque chose de prévu depuis longtemps ou alors quelque chose de très spontané ?
Philippe : C’était très spontané je pense. Au départ on avait même pas prévu de faire un EP, quand on s’est retrouvés il y a quelques années, quelque chose comme il y a trois ou quatre ans, on a parlé d’essayer de collaborer, mais juste pour un morceau. Il n’y avait pas de vrai gros plan, il n’y avait pas de plan d’ensemble du tout. C’était juste pour voir comment ça allait sonner parce que bon, tous les deux on se connaît depuis tellement longtemps et nous n’avions jamais fait de musique ensemble pendant ces nombreuses années. Donc on voulait voir comment ça pouvait sonner parce qu’on a tous les deux cultures et vibes différentes, on voulait les mélanger et voir ce que ça donne. Donc on a fait un morceau, qu’on a aimé, donc on en a fait un second et on l’a aimé aussi, et de là on en a fait un troisième et un quatrième puis on s’est dit : “OK, c’est un EP !”.
Keziah : J’ai l’impression que ce n’est que le début du chemin tu vois, c’est le début de quelque chose. On a essayé de trouver un terrain d’entente entre les deux mondes dont nous venons. Puis à chaque fois qu’on a fait un morceau, c’était quelque chose d’intéressant. Plus on en fait, plus on trouve de nouvelles choses. Donc vraiment, c’est comme ça qu’on a commencé. Je le vois comme une exploration parce que je n’ai jamais vraiment beaucoup collaboré, donc c’est cool de pouvoir le faire dans un environnement sain avec quelqu’un que je connais depuis longtemps. Ça m’a vraiment aidé pour explorer tout ça.
La Face B : Donc au début, c’était juste deux amis qui jouaient de la musique au final ?
Philippe : Exactement !
La Face B : Je sais que le projet n’a pas encore été rendu public, est-ce que vous avez déjà eu quelques feedbacks dessus ? De la part de certains de vos collaborateurs par exemple ?
Philippe : Ouais, on a sorti le premier morceau, Give Thanks and Praises (au moment de l’interview), il est sorti vendredi dernier. On a déjà eu quelques retours, notamment de la part des médias. Comme tu l’as dit, ça va sortir dans le courant du mois prochain, donc on en aura plus à ce moment-là. Pour le moment, on a eu de très bons retours. Je pense que les gens se disent qu’ils peuvent entendre le son de Keziah et le mien mélangés ensemble de manière très homogène. C’est pour ça que les gens sont contents, le mélange fonctionne et n’est pas forcé.
Keziah : J’ai plus ou moins fait un test avec des amis tu vois, parce que bon, je les connais et ils me connaissent et c’était assez inhabituel que je travaille avec quelqu’un de prime abord et ils se sont dits : “Eh, qu’est-ce qu’il se passe ?”. Donc je l’ai d’abord fait écouter à des amis, et j’ai eu comme retours que c’était cool. La plupart de mes amis apprécient le fait que je garde mon identité avec quelque chose de nouveau qui vient inexorablement se rajouter. C’est sur ça que je me repose, des amis en qui j’ai confiance et des gens qui me connaissent assez pour me donner des retours honnêtes, et qui ont été positifs.
La Face B : Toi Keziah, qui disait que tu n’es pas habitué à collaborer avec des artistes, est-ce que c’était pas un peu étrange d’essayer d’écrire de la musique avec quelqu’un d’autre ?
Keziah : La seule fois ou je l’ai fait, c’était à l’école avec mes meilleurs amis, que je connais depuis très longtemps, c’est la seule collaboration que j’aie connue. Ça n’a pas été compliqué, passer du studio au live était un mouvement intéressant pour moi parce que quand j’écris, j’écris aussi pour le live en même temps, je performe comme j’écris en fait. Donc maintenant, penser à la performance, c’est presque séparé de ce qu’on est en train de faire, tu vois. C’est la seule difficulté que j’ai ressentie, mais globalement, c’était très cool de travailler ensemble. Il m’a donné beaucoup d’espace. Il ne me disait pas : “Tu dois faire telle chose comme ça, ou fait ça comme ça”, il m’a donné des conseils sur comment acheminer une certaine idée musicale. Donc c’était très utile, c’était en quelque sorte le genre de choses que j’avais besoin d’entendre. Parce que si tu ne collabores pas avec quelqu’un, tu n’as pas à trouver ce terrain d’entente ou cette safe place.
La Face B : Vous avez dit que vous vous connaissiez depuis longtemps. En fait, vous vous êtes rencontrés en 1989. L’EP est une référence directe à l’année durant laquelle vous vous êtes rencontrés. Dans quelle mesure diriez-vous que ça symbolise cette période-là ?
Keziah : Pour moi en 89, c’était la dernière fois où j’ai été capable de rencontrer des gens directement dans la rue. À Londres, tu pouvais jouer dans les rues, je crois qu’à Paris après 89 les choses ont changées aussi, ils ont commencé à contrôler et donner des licences. En ce qui concerne l’esprit de l’EP, c’était à propos de cette libre association, cette rencontre libre entre deux esprits, et on devait s’en servir pour créer quelque chose. C’est comme ça que je l’ai vu.
Philippe : Musicalement dans cet EP, je pense que tu peux entendre le son qui a été construit dans nos manières respectives pendant nos carrières personnelles. En ‘89 j’ai vraiment commencé à produire ma propre musique, ce qui à cette époque était de la House Music et de la Techno, la musique du moment, ce qu’on appelle aujourd’hui la Musique Électronique. Ça avait déjà commencé en 1989. Keziah commençait à l’époque son son Blue-Funk, il était en train de le construire et de le modeler. Le nouveau son qu’il a créé, tu vois. Tout type de musique a un ADN composé de différents ingrédients comme nos deux musiques, et ça n’est pas seulement vrai pour nous mais aussi de la scène musicale dans sa globalité, mélangée. Avant, je me souviens avoir commencé à faire de la musique électronique avec quelques-uns de mes amis et tu sais, à cette période-là, on était très radicaux. On disait: “Tu ne fais de guitare dans un morceau de House, il n’y a pas de guitare dans la House Music.” Je n’aimais pas la manière dont ils voyaient tout cela, mais évidemment, je comprends le fait qu’ils essayaient de laisser la Pop Culture derrière eux, c’était l’esprit du mouvement. Maintenant, ça n’est plus le cas. Bien sûr qu’on mélange ce que l’on veut. De 1989 à aujourd’hui, la musique dans son entièreté s’est mélangée. Tu peux faire tout ce que tu veux, cette liberté que l’on s’accordait pour mélanger différentes cultures et musiques ensemble n’était même pas une question qui se posait. On ne le prévoyait pas, on ne se disait pas : “OK, on va mélanger ce synthétiseur analogique avec ta guitare.”, c’était très naturel, parce que maintenant, beaucoup de portes sont ouvertes donc on peut créer de cette manière.
Keziah : N’importe quelle autre personne qui était dans cette même situation, en réfléchissant à la musique et le fait de faire évoluer son style, nous sommes toujours ici et on se souvient toujours de ce qu’on a essayé de créer quelque chose d’autre.
La Face B : On parlait du fait que maintenant, toutes les cultures sont mélangées les unes aux autres. Quelle vision avez-vous concernant le fait que la musique autour de laquelle vous vous êtes rencontrés en 1989 est maintenant prise en exemple ? Je veux dire, la musique populaire d’aujourd’hui est très marquée par l’empreinte de la musique des années 80s. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Philippe : Ouais, comme par exemple The Weeknd avec Blinding Lights ?
La Face B : Ouais exactement !
Philippe : (à Keziah) C’est en quelque sorte un nouvel arrivant, sa musique est en quelque sorte un mix entre Michael Jackson et une sorte de son new-wave des années 80s dans des morceaux de Pop. Je pense qu’aujourd’hui, dans un sens, le public s’en fout des genres musicaux. Quand tu demandes à un enfant ce qu’il écoute, il va te répondre qu’il écoute de tout. Ça peut être du Hip-Hop, de la Jungle, de la Pop, de la musique africaine or n’importe quoi d’autre.
Keziah : Le fait que nous vivons dans cette période pour la musique est absolument magnifique, parce que quand j’ai commencé, c’était le problème, le fait qu’il y avait autant de catégories. J’écoutais de tous les genres de musique et je voulais créer de tous les genres de musique. Mais le fait que la barrière des genres s’effondre était ce que je souhaitais à l’époque pour la musique, pour que différentes personnes puissent avoir accès à plus de choses. Je pense que le fait que nous soyons dans cet espace aujourd’hui est une très bonne chose.
Philippe : Si tu te souviens, à l’époque il y avait des disquaires ou les gros vendeurs de disques et tu devais aller dans certaines catégories. C’était mon problème, je ne savais pas si je devais aller dans la Funk, dans le Blues ou autre chose d’autre, tu vois. Pour moi, tout était pareil ! Tu devais choisir, maintenant il n’est plus question de ça.
La Face B : Est-ce vous pouvez me dire approximativement combien de temps ça vous a pris de finir ces quatre morceaux ?
Keziah : Ça a pris beaucoup de temps parce que j’étais en tournée, je voyageais et je faisais d’autres choses. Je dirais trois ans peut-être ?
Philippe : Ouais, trois ans. Dans l’ensemble je dirais trois années exactement.
La Face B : Vous êtes tous les deux très occupés, donc c’est en quelque sorte logique au final.
Philippe : Ouais bien sûr, et des fois c’est aussi bon de laisser la musique reposer et d’y revenir pour voir quels changements tu peux faire. Keziah disait : “Oh j’aimerais bien qu’on change telle ou telle chose.”. On n’avait aucune pression, il n’y avait aucune grosse entreprise derrière nous.
Keziah : C’était la chose cruciale pour moi, le fait que c’était dessiné très précisément. C’était plus quelque chose du genre : “Jouons de la musique ensemble.”, il n’y avait pas de label qui nous guidait. En ce sens, sans un label pour nous dire comment faire, c’était la chose la plus importante pour moi. C’était un espace libre pour créer.
La Face B : Super ! Donc, vous avez créé chaque partie de l’EP dans un cadre très paisible ?
Philippe : Ouais on avait pas d’autres musiciens, il y avait juste nous deux et un gars qui s’appelle Marc Damblé, aussi connu sous le nom Babylotion, il produit des choses pour La Dame Blanche, qui est un projet avec une chanteuse cubaine, mais on était que tous les trois en studio. Je vis dans le même immeuble, mon appartement est juste au-dessus et j’ai tout le matériel nécessaire pour commencer à écrire de la musique. J’ai mon matériel de DJ, un piano, des guitares, donc on était tous les deux dans mon appartement à jammer, essayer des choses et écrire de la musique. Puis après ça, on est allés au studio, qui est dans le même bâtiment juste en bas, on a commencé à produire la musique, à enregistrer et un peu plus élaborer les structures, tout ça. Mais au départ c’était juste comme deux amis à la maison qui prennent les instruments pour jouer.
La Face B : Pendant le processus de création de l’EP, est-ce que vous diriez que vous avez retrouvé les mêmes vibes que vous aviez pendant les sessions studios parisiennes de 1989 ?
Keziah : Et bien il y a quelques moments, il y a un morceau qui s’appelle How Many Times, écrit dans une pièce avec uniquement moi et une guitare, il y avait quelque chose de très ouvert et, créer un morceau comme ça, ça m’a vraiment aidé à comprendre l’essence de cette période en 1989, parce que quand je faisais ça, j’étais libre, j’étais capable de créer quelque chose très librement. ‘89 était comme ça pour moi. Créer comme tu le sens, marcher avec la spontanéité. Et juste explorer, tu vois. Donc ouais j’ai un peu retrouvé ça.
Philippe : Ouais, pour moi 1989 c’était comme une terra incognita, il n’y avait absolument aucune pression venant de l’industrie de la musique sur ce genre de musique parce que c’était comme une niche à cette époque, particulièrement à Paris. Et quand tu étais à des soirées ou que tu les organisais, il n’y avait que 80 personnes qui y allaient. Dans les premières raves, il n’y avait que 80 personnes, puis après 200. Et là où on produisait de la musique, c’était tellement underground, et Paris ou même la France n’était même pas sur la carte du monde de la musique comme elle peut l’être maintenant avec la French Touch, Daft Punk et tous ces groupes. À l’époque, quand tu étais Français et que tu faisais de la musique à Paris, c’était très très underground et ça, ça rime ici avec liberté. Et c’est toujours quelque chose que j’aime recréer, partir de rien. Ton premier album (en parlant à Keziah) est magnifique, ceux d’après sont géniaux aussi, mais plus élaborés. Et c’est la même chose pour moi avec le Gotan Project, le premier album a une sorte de magie, même si les deuxièmes et troisièmes albums sont géniaux et plus élaborés, je ne peux pas dire qu’ils ont la même magie que le premier. J’ai toujours aimé l’idée de faire le premier album tu vois, parce que quand tu as aucune référence, quand les gens n’ont aucune attente envers toi, tu es libre. Dès que tu as du succès, les gens vont automatiquement avoir des attentes. En tant qu’artiste, tu veux évoluer, tu ne veux pas faire la même musique tout le temps. Tu veux expérimenter de différentes manières et ça n’est pas exactement ce que les gens attendent parfois. En ce sens, je peux voir certaines similitudes avec 1989, quand on a tous les deux commencé à produire de la musique.
La Face B : Donc vous avez retrouvé un espace de création libre en termes de musique. Vous n’avez pas pensé à certaines attentes que des personnes pourraient avoir ?
Keziah : Ouais, tu sais, si tu vois ça comme ça, ça fait plus sens à cause de la période dans laquelle nous sommes. J’essaye de faire un nouvel album et souvent je pense à comment va être le futur, comment approcher la musique. Et c’est intéressant ce qu’on a dit à propos du fait de produire notre premier album, parce que si tu peux garder cette sensation quelque part dans le cheminement, ça va être de la musique intéressante. Je pense que les temps dans lesquels nous sommes requièrent un peu de cette attitude pour pouvoir arriver avec quelque chose qui va inspirer les gens. Parce que notre monde demande que la musique que l’on fait soit de cette qualité, tu vois. La musique doit avoir du sens en quelque sorte, puissante mais aussi fraîche. Autrement, je pense que le fait que les genres se soient un peu écroulés va rendre ça bien plus possible. La période dans laquelle nous sommes va permettre à toute la musique intéressante de voir le jour.
La Face B : Vous parliez de l’effondrement de la barrière des genres etc… Il y a t-il des artistes, albums ou même des genres que vous définiriez comme étant des influences claires pour l’EP ?
Keziah : À l’époque il y avait la musique africaine, l’électro et la Dance Music, que j’écoutais et je me disais que sur le plan purement rythmique, c’était magnifique, parce que c’était des batteries programmées, mais c’était fait d’une manière rugueuse, dure, presque brutale, dans une musique exclusivement instrumentale. Et ce son qui m’est très familier, la manière dont je joue de la guitare avec. (À Philippe) Et je pense que tu as joué quelque chose de similaire et je me suis rendu compte que c’est là où était mon esprit, donc on a essayé et on a mis de la guitare dessus. Et c’est comme ça qu’on a procédé.
Philippe : C’est la même chose pour moi. On aime tous les deux le nouveau son digital qui vient d’Afrique. C’est magnifique ! C’est marrant, parce que l’Afrique a été la principale inspiration pour la Dance Music, tous les gamins blancs en Angleterre… même la Techno a été créée par les afro-américains à Detroit. C’est la première fois au 21è siècle que les blancs ont vraiment dansé, mais pour de vrai tu vois, pas juste comme une danse de salon. C’était peut-être la toute première fois. Et tout ça, c’est grâce aux racines africaines de la Dance Music. Et maintenant c’est génial, le boomerang revient vers l’Afrique, là où la majorité de Dance Music intéressante est faite. C’était certainement une sorte d’influence pour cet EP, avec quelques éléments qui viennent de la Pop Culture. Par exemple, le premier morceau, Give Thanks and Praises, c’est une espèce de mix de quelque chose de très brut et bluesy, quelque chose de feel-good avec quelque chose de très années 50s tu sais, comme un orchestre qui appuie sur des guitares à la Jack White.
Keziah : C’est clairement un mélange, et rythmiquement les éléments africains étaient le déclencheur initial, parce que quand on a mis de la guitare dessus, c’était autre chose. J’avais jamais entendu ça, et je voulais voir comment ça allait sonner.
Philippe : Exactement, et pour moi c’était très intéressant d’entendre le son de Keziah, sa guitare et son chant, sur les rythmiques, ces rythmiques digitales. Avec son jeu très précis. Je voulais savoir comment il allait sonner avec le beat, je pense que ça sonne super !
La Face B : Pour être très honnête avec vous, je pense aussi que ça sonne très bien. L’EP est très bon.
Keziah & Philippe : Merci !
La Face B : C’est très diversifié, en termes de son on retrouve plein de textures qu’on peut sentir tout au long de l’EP. On peut sentir que le spectre est très riche, vous avez plein d’influences différentes et que vous vous amusez à les mélanger dans l’EP. Était-ce quelque chose d’intentionnel, ou c’était plutôt un processus naturel ?
Keziah : Je dirais plutôt que c’était naturel, non ?
Philippe : Je sais pas. On n’a pas pensé qu’on pouvait faire un morceau lent ou quoi. On a juste suivi nos inspirations et, la chose intéressante avec la musique, c’est que quand tu commences à en créer, dès le début tu es le Deus Ex Machina. C’est toi qui rassemble les choses ensemble. Mais quand ça sort, cette musique te quitte, tu n’en es plus le maître. La musique va te dire si tu dois aller à droite ou à gauche. Tu ne peux pas forcer la direction, on commence et après, la musique nous dit quoi faire.
Keziah : Je pense que ça a aidé d’avoir autant d’expérience, on a tellement d’expérience dans la musique, tellement de connaissances musicales en général. C’était spontané, délibéré, mais c’était une grande ressource. Il est très cultivé musicalement parlant, c’était agréable aussi de se servir de ça. Si tu me suggérais quelque chose, comme jouer de la guitare en rajoutant de ce son à lui par-dessus, c’est uniquement dû à sa connaissance. La mienne est basée sur le fait de jouer de manière très violente dans la rue, donc je le fais de manière très logique, tu vois. Donc peut-être que c’est à la fois un mélange intentionnel, mais aussi spontané. Mais c’était le résultat de la connaissance, de beaucoup d’expérience.
Philippe : Ouais c’est vrai.
La Face B : L’EP va bientôt sortir. J’aimerais savoir si vous avez prévu de tourner pour défendre l’EP sur scène ou pas ?
Philippe : Non, pas encore, c’est trop tôt.
Keziah : Selon comment ça se déroule, on suivra le chemin que l’histoire prendra d’elle-même. Même si on a créé l’EP, on verra comment ça se passe, comment ça marche et comment les gens le sentiront. Mon truc sur l’instant, c’est d’essayer de créer plus, pour qu’on puisse voir ce que ça donne, avant de partir en tournée. On a fait quelques petits lives à la radio qui étaient assez intéressants, ce qui est à la fois organisé mais aussi plutôt libre. C’est plutôt intéressant.
Philippe : On a des prestations télévisuelles de prévues dans les prochaines semaines et ça va être intéressant, parce que comme Keziah l’a dit, ça va être nos morceaux, mais en même temps on va improviser. On essaye déjà de recréer sur scène ce qu’on a fait à la maison. Je vais lancer quelques boucles et quelques samples et Keziah va commencer à jouer dessus, à improviser. Je vais apporter quelques éléments supplémentaires avec mes synthés et on ne sait pas comment ça va sonner. C’est très différent des groupes avec lesquels on peut tourner. La plupart du temps, on va partir de rien et improviser.
La Face B : Exceptées vos évolutions naturelles respectives, vous avez tous les deux une carrière très riche, avec beaucoup d’expérience, diriez-vous qu’il y a des choses qui ont changé depuis 1989 ?
Philippe : Oh oui ! (rires) Beaucoup de choses ont changé, même dans la vie, mais aussi ce qu’on fait nous, le monde.
Keziah : Et bien ouais, beaucoup de choses ont changé. Tout dépend de la direction dans laquelle tu veux orienter la conversation mais, depuis 1989 j’ai commencé sur le plan personnel, et je suis devenu plus expérimenté, plus mature, j’ai appris des choses sur le monde. Tu sais, je suis passé de la Grande-Bretagne, aux bancs de l’école privée avec des anglais aux rues. Mon parcours n’est pas très conventionnel. Donc beaucoup de choses ont changé, ouais, déjà le business de la musique a changé, mon monde a changé et le monde entier aussi.
Philippe : Ouais, en pensant à ‘89, même le mur de Berlin. Et maintenant on a une sorte d’effet sociétal en Ukraine. Tu vois, le bloc communiste s’est effondré et maintenant on a un nouveau dictateur qui essaye de recréer le pouvoir dont il a pu jouir à un certain moment. Il y a tout un truc politique, de ‘89 à aujourd’hui, dans lequel tu peux voir un effet papillon. Évidemment, le mur de Berlin n’était pas un papillon (rires), c’était quelque chose de très important, mais nous ne savions pas où aller, jusque maintenant, où ne connaît toujours pas les effets collatéraux de tout ça…
Keziah : Un autre énorme changement évident est simplement le fait qu’à l’époque où j’ai commencé, au Nigéria c’était presque tabou pour un jeune garçon d’une certain sorte de famille de faire de la musique ou de l’art en général, jusqu’à aujourd’hui, où chaque jeune Nigérian est un artiste, un musicien, un chanteur, un modèle, un photographe, et les parents sont derrière eux. C’est un énorme changement culturel au Nigéria. Et maintenant tu as de la Pop nigérienne. La Pop africaine est presque partout. À l’époque, quand j’ai commencé, je parlais du Nigéria et du fait que la plupart de la population avait moins de 25 ans et que le futur avait quelque chose à faire avec ça. Je disais ça à l’époque et maintenant c’est devenu un fait, la musique noire alternative est devenue un fait aux États-Unis. Comme on l’a dit, la barrière des genres s’est effondrée, les rues ont totalement changées depuis cette époque, quand on parle de jouer dans la rue. Personnellement, beaucoup de choses sont arrivées. Donc dans un sens, Class of ‘89 nous a donné un cadre de cette époque.
Philippe : Et les photos sur la pochette, celle de nous enfants, c’est dans un sens ce qu’on aime dans cet EP, même si on est pas des petits nouveaux, avec ce projet c’était un peu comme si. La manière avec laquelle on a fait cet EP était plutôt innocente. Nous n’avions pas d’attente concernant son succès ou quoi que ce soit. On l’a fait juste pour nous et avec l’espoir que les gens l’aiment. C’est la seule chose que nous avions en tête, un peu comme des enfants qui ne pensent pas aux conséquences. C’est une manière de penser que je pense que tu verras dans la vidéo qu’on a faite. C’est un cartoon dans lequel nous sommes tous les deux des enfants et qui raconte l’histoire de notre rencontre, et de quand on a commencé à faire de la musique ensemble. L’enfance est toujours très créative, et quand tu es un musicien ou un artiste, tu veux aller chercher quelque chose à l’intérieur de toi, ton enfance, quand tu crées juste, colorie etc…Cette création, c’est la plus chose la plus intéressante dans la vie, pour moi bien évidemment.
La Face B : Malheureusement, je vois que nous arrivons à court de temps. Avant que l’on mette fin à l’interview, est-ce que vous avez un dernier mot ?
Keziah : De manière générale, on espère que la musique va vous inspirer à tenter de faire de nouvelles choses, quel que soit votre domaine de compétences. Et on espère que les gens puissent en comprendre ses magnifiques messages et que la musique continue d’être sans genres, continuer à abattre la barrière des genres musicaux encore et encore, avec comme conséquence d’avoir de la meilleure musique. C’est mon souhait.
Philippe : J’espère que la musique va créer la surprise. Je pense que ça serait la meilleure chose pour nous, de surprendre les gens, positivement bien sûr, et ça nous donnerait envie de continuer, de faire plus de morceaux et d’évoluer vers un format plus long, comme un album. D’ailleurs, il n’y a aucun plan de prévu (rires), on fait juste ce qui nous fait envie. On est dans une période de notre vie dans laquelle on veut profiter du moment, et c’est déjà super si on peut faire ça, garder notre liberté.
La Face B : Super ! Merci beaucoup, ça a été un vrai honneur. Je vais vous libérer, je suppose que vous avez du travail.
Philippe : Ouais ouais ! On répète aujourd’hui !
La Face B : Du coup merci beaucoup, prenez soin de vous et à la prochaine !
Keziah & Philippe : Ouais carrément, à la prochaine !
Crédit Photos : Clara de Latour
English Version
La Face B : Hi Keziah and Philippe! Thank you very much for being here today. It’s a true honor. I really appreciate it. How are you doing?
Keziah Jones : Thanks, very good! Early but all good (laughs)
La Face B : A bit yeah sorry (laughs)
Philippe Cohen-Solal : It’s ok it’s ok! We had to get up anyway
Keziah : I’m genuinely ok, you know I just got to Paris a day ago I think. It feels good to be back in Europe. We’re basically here to talk about the music, so it’s a good start of the year!
La Face B : Great! So, to talk about music, your EP, Class of 89, will be released on the third of February. Can you tell us how you had the idea of that project? Was it something that you planned for a long time or is it something very spontaneous?
Philippe : It was pretty spontaneous I think. We didn’t even plan to do an EP first, when we met again like a few years ago, like three or four years ago now, we talked about trying some collaborations about doing just one track. That was not a real big plan, there was no master plan at all. It was just like to see how it sounds because you know, we know each other since so much time now and we never did music together for these many years. So we wanted to see how it sounds because we have two very different backgrounds and vibes, and see what it would look like mixed together. So we did one track, and we liked it, so we did a second one and we also liked it and from that we did the third and the fourth and we said to ourselves “Ok that’s an EP!”.
Keziah : It feels like an on-going thing you know, this is the beginning of something. We tried to find a middle ground between where we are both coming from. And every time we did a song it was an interesting thing. The more we do, the more we find new things. So that’s how it started, really. I saw it as the beginning of an exploration cause I didn’t collaborate that much, so it’s nice to be able to do that in a safe environment with someone that I know for a long time. It really helped to explore.
La Face B : So at the beginning, it was just two friends who were playing music together actually?
Philippe : Exactly!
La Face B : I know that the project isn’t public yet, but have you already received some feedbacks about it? Maybe from some of your collaborators for instance?
Philippe : Yeah we released the first track Give Thanks and Praises (at the time of the interview), it has been released last friday. We already have some feedback mostly from the media. As you said it will be released next month, so we’ll have more of them during the month. For now we have very good feedback on that. I think that people said that they can hear Keziah sound and mine to be mixed very homogeneously together. That’s what people are happy about, the mix is very genuine and not forced.
Keziah : I more or less did a little feedback test with friends you know, because you know what I mean, I know them and they know me and it was quite unusual that I was collaborating with someone in the first place and they said “Yo what’s going on?”. So I played it to friends first, and the feedback that I got was that it’s cool. Most of my friends like the fact that I maintain my identity with something new that came out as a result of it. That’s what I rely upon, friends that I trust and people who know me enough to give me honest feedback, and it’s been positive.
La Face B : For you Keziah who said that you’re not used to collaborating that much with artists, wasn’t it kind of strange to try to write music with someone else?
Keziah : The only time I’ve done it was at the school with my best friends that I know for a very long time, that’s the only collaboration I knew. It wasn’t difficult, translating it from studio to the live was for me an interesting move because when I write, I’m also writing for the live at the same time, I perform basically as I write. So for now to think about performing, it’s almost separate from the actual thing you know. That’s the only difficulty I felt, but overall, to work together was very cool. He gave me a lot of space. He wasn’t like “you have to do this thing or do it like that”, he gave me advice on how to go about a certain musical idea. So that was very useful, that’s the kind of thing that I needed to hear in a way. Because if you don’t collaborate you don’t have to find a common ground with someone or safe ground.
La Face B : You said that you know each other for a very long time. Actually you met in 1989. The EP is pretty much a direct reference to the period you met each other. In which measure would you say that it symbolizes these times?
Keziah : For me in 89, it was the last time I was able to encounter people directly on the street. In London you could play freely in the streets, I think in Paris after 89 things have changed as well, they started to control it and give licenses. In which concerns the spirit of the EP, it was about that free association, that free meeting between two minds and we had to create something out of it. That’s how I look at it.
Philippe : Musically I think that in this EP you can hear the sound that had been built in our two careers with our proper ways. In ‘89 I really started to produce my own music, which was at the time House Music and Techno, you know what we call now Electronic Music. It already started in ‘89. Keziah was starting at that time his Blue-Funk sound, he was building it and modeling it. You know this new sound that he created. Every kind of music has a DNA made of different ingredients and so our two musics also, and it’s not only about us but all the whole music scene, melted together. Before, I remember I started to do Electronic Music with some of my friends and you know, at the time we were very radical. We were saying “You don’t do the guitars on House Music, there’s no guitar on House Music.” I didn’t like the way they were seeing this, but of course I understand that they were trying to leave the Pop culture behind them, that was the spirit of the scene. Now it’s not the case anymore. Of course we mix what we want. From ‘89 to today, the music has mixed everything together. You can do whatever you want, this freedom that we had for ourselves to mix different backgrounds and music together was not even a question. We didn’t plan it, we didn’t think “Ok we gotta mix this analog synth with your guitar.” it was very natural, because now, many doors are opened so we can create this way now.
Keziah : Anybody else out there who was in a similar situation thinking about music and evolving themselves, we are all still here and we still remember that we tried to make something else happen.
La Face B : We were talking about the fact that now, everyday backgrounds are mixed with each other. What vision do you have concerning the fact that the music around which you met each other in 1989 is now taken as kind of an example? I mean, nowadays’ popular music is very marked by the eighties music print. What do you think about that?
Philippe : Yeah like for example The Weeknd with Blinding Lights?
La Face B : Yeah exactly!
Philippe : (to Keziah) He’s kind of a newcomer, his music is like a mix of Michael Jackson and some eighties new-wave synths in pop songs.
I think today, in a way the audience doesn’t care about genres. You know when you ask a kid what he listens to, they say everything. It can be Hip-Hop, Jungle, Pop Music, African Music or whatever.
Keziah : The fact that we are living in these times for music is absolutely amazing because when I started out, that was the problem, the fact that there were so many categories. I was listening to all kinds of music and wanted to create all kinds of music. But the fact that the genres are breaking down is what I was wishing at that time for music, so there will be more access to different kinds of people. I think that the fact that we’re in that space today is a beautiful thing.
Philippe : If you remember at that time there were record shops or the big department record stores and you had to go in certain categories. It was my problem, I didn’t know if I had to go to Funk, Blues or whatever you know. For me everything was the same! You had to choose for that, now it’s not a question anymore.
La Face B : Can you tell us approximately how long did it take to finish these four songs?
Keziah : It took a lot of time because I was touring and he was traveling and doing his things. I would say three years maybe?
Philippe : Yeah three years. Altogether I would say two or three years exactly.
La Face B : You are both very occupied so it’s kind of logical actually.
Philippe : Yeah of course, and sometimes it’s also good to leave the music to rest and to come back to it and see what changes you can do. Keziah was saying “Oh I’d like to change this thing or that one.”. We had no pressure, there was no big company behind us.
Keziah : That was the crucial fact for me, the fact that it was designed very precisely. It was more like “Let’s play music together.”, there was no label guiding us. In this way, without a label telling us how to go, that was the crucial thing for me. It was a free space to create.
La Face B : Great! So you created every inch of the EP very peacefully actually?
Philippe : Yeah we didn’t have additional musicians, there was only the both of us and a guy called Marc Damblé, who’s also known as Babylotion, he’s producing things for La Dame Blanche which is a project with a Cuban singer but we are just the three of us in the studio. I’m living in the same building, my apartment is upstairs and I have all the equipment that I need to start the creation of music. I have my DJ tools, a piano, guitars, so the two of us were in my apartment and just jamming, trying things and writing music. And after we came to the studio, which is just downstairs in the basement, we started to produce the music, to record and to elaborate more the structures and everything. But first it was like just two friends at home taking the instruments and jamming a lot.
La Face B : During the creation process of the EP, would you say that you found back the same vibes that you had during the studio sessions in Paris in 1989?
Keziah : Well there is moments in there, there is a song called How Many Times, written in a room by myself with just a guitar, there was something very opened and, create a song like that, it really helped me to understand what that time was about in 1989 because when I was doing that, I was free within there, I was just able to create something very free. ‘89 was pretty much like that for me. Creating as you go, go with spontaneity. And just exploring you know. So yeah I got that a little bit.
Philippe : Yeah, for me 1989 was a terra incognita, there was absolutely zero pressure from the music industry on this kind of music because it was like a niche at the time and particularly in Paris. And when you were at parties or organizing them there were only 80 people going to raves. In the first rave there were only 80 people, and after 200. And where we were producing music, it was so underground and Paris or even France was not even on the map of the music world like it is now with the French Touch, Daft Punk and all these bands. At the time, when you were French and doing music in Paris, it was very very underground and underground also means freedom. And it’s always something that I like to recreate, starting from scratch. Your first album (talking to Keziah) is amazing, the following ones are also great, but more elaborated. And it’s the same for me with the Gotan Project, the first album has some magic, even if the second and third albums are more elaborated and great, I cannot say that they have the same magic touch as the first one. I always liked the idea of doing the first album you know, because when you have no reference, when the people are not expecting anything from you, you’re free. As soon as you have success, people will automatically have some expectations. As an artist you want to evolve, you don’t want to do the same kind of music all the time. You want to continue your experimentation in different ways and it’s not exactly what people are expecting sometimes. In that way, I can see the similarity with 1989, when we both started to produce our music.
La Face B : So you find back a very free space of creation in terms of music. You didn’t think about any expectations that some may have?
Keziah : Yeah, you know if you look at it like that it makes more sense because the times we’re in. I’m trying to make a new album and I often think about how the future will go and how to approach music. And it’s interesting what we said about producing like it was our first album because if you can keep some of that feeling somewhere along the way, it will be interesting music. I think the times we’re living require some of that attitude in a way to come up with something that will inspire people. ‘Cause these times require that the music that we make to be of that quality you know. The music now has to be meaningful in some way, powerful in some way and fresh. Otherwise I think the fact genres have broken down will make this a lot more possible. The times we’re in will make possible for very interesting music to come through.
La Face B : You were talking about the genres breaking down etc… Are there some artists, albums or even genres that you would define as clear influences for the EP?
Keziah : At the time there was African music, Dance and Electronic music, that was listening and I thought that just on a rhythmic level, it was amazing because it was machine drums, but it was done in a very ruggy, rough, almost brutal way, in purely instrumental music. And that sound very familiar to me, the way I played guitar with it. (To Philippe) And I think that you played something similar to me and I figured that that was where my head was at so we tried it out and played guitar on this. And that’s how I did it.
Philippe : It’s the same for me. We both like the new digital sound from Africa. It’s amazing! It’s funny because Africa has been the main inspiration for Dance Music, all the white kids in England, or even Techno was created by the Afro-Americans in Detroit. It’s the first time in the 21st century that the white people were really dancing, but for real you know, not like a dance de salon. It was maybe even the first time ever. And all of that is thanks to the African roots of Dance Music. And now it’s great, the boomerang is back to Africa where the most interesting Dance Music is made. And it was certainly like an influence for this EP, with some other elements related to Pop Culture. For instance the first track, Give Thanks and Praises, it’s kind of a mix of something very rough and bluesy and feel-good music with a spiritual vibe and some 50’s brass you know like orchestra hits and kind of Jack White guitars.
Keziah : It definitely blends things, and rhythmically the African element was the initial trigger because when you put guitar on that, it was something else. I’d never heard it, and I wanted to figure out how it was gonna sound.
Philippe : Exactly, and for me it was very interesting to hear Keziah sound, his guitar and vocals, on the beats, on these digital beats. With his very precise play. I wanted to hear how he sounds with the beat you know, for me it sounds great!
La Face B : To be honest with you, I think it also sounds great. The EP is very good.
Keziah & Philippe : Thank you!
La Face B : It’s very diverse, you have a lot of different textures which concern sounds and we can feel it all along the EP. We can feel that the spectrum is very rich, you have a lot of different influences and that you’re mixing them in the EP. Was it something done intentionally or was it a very natural process?
Keziah : I would say that it was very natural, no?
Philippe : I don’t know. We didn’t think that we wanted to do a slow track or whatever. We just followed our inspirations and, the interesting thing with music it’s when you start to create music, you are the Deus Ex Machina at the beginning. It’s you who is really puts things together. But when it’s out, this music is leaving you, you’re not the master of it anymore. The music will tell you if you have to go left or right. You can’t force its direction, we start and after, the music tells us what to do.
Keziah : I think that it helped to have so much experience, we have so much musical experience, so much musical knowledge in general. It was spontaneous, it was deliberate, but it was a great resource. He has a lot of musical knowledge, it was quite nice to also pull from that. If you suggested to me something like playing the guitar and he puts on some sound that I would never do, it was all to his knowledge. Mine is based on playing in a very violent way on the street, so I apply that to something very logical you know. So maybe it’s both an intentional mixture and also spontaneous. But it was a result of knowledge, a lot of experience.
Philippe : Yeah, it’s true.
La Face B : The EP will be released soon. I would like to know if you may have planned to tour to defend the EP on stage?
Philippe : No, not yet, it’s too early.
Keziah : As it will go on, we will follow how the story goes by itself. Even if we created the EP we will see how it is going, see how it works and people feel about it. My immediate thing is trying to create more, so we can see what it actually is, before we go on touring. We’ve done a couple of live things on the radio that were quite interesting, which is organized but also pretty free at the same time. It’s quite interesting.
Philippe : We have TV live shows to come in the next weeks and it’s gonna be interesting, because as Keziah said, it’s gonna be our tracks, but at the same time we will improvise. We are already trying to recreate on stage what we did at home. I’m gonna put some loops and some samples and Keziah will start to play on it, to improvise. I’m gonna bring some other synth elements and we don’t know how it will sound. It’s very different from the bands with whom we can tour. At most, we’ll improvise from scratch.
La Face B : Except your respective personal natural evolution, you both have very rich careers with a lot of experience, would you say that there’s things that have changed since 1989?
Philippe : Oh yeah! (laughs) A lot of things have changed, even in life, but also what we do, the world.
Keziah : Well yeah a lot of things have changed. It depends on which direction you want to develop the conversation along but, since 1989 I started on a personal level, and I’ve become more experienced, more mature, and I got more knowledge about the world. You know, I went from the UK, to a private boarding school with English people to the streets. My journey has been quite unusual. So a lot of things changed, yeah, first the music business has changed, my world changed and the whole world too.
Philippe : Yeah, I’m thinking about ‘89, even the Berlin wall you know. And now we have some kind of societal effects on Ukraine. You know, the communist bloc fell down and now we have a new dictator who tries to recreate the power that he enjoyed at a certain time. There’s a whole political thing, from ‘89 to now, in which you can see the butterfly effect. Of course the Berlin wall was not a butterfly (laughs), it was something very important but we didn’t know where to go until now where we still don’t know all the side effects etc…
Keziah : Another obvious massive change is just the fact that when I started then, in Nigeria it was almost taboo for a young guy from a certain type of family to do music or art in general until now when every young Nigerian is an artist, a musician, a singer, a model, a photographer and the parents are behind it. So that’s a massive cultural change in Nigeria. And now you have Nigerian Pop music. African Pop music is pretty much everywhere. At that time, when I first started, I was talking about Nigeria and the fact that most of the population was beyond 25 years old and that the future may have something to do with that. I was saying things then that now became a fact, alternative Black Music in the US became a fact. Genres broke down like we said, the streets totally changed from then ‘til now, you know in terms of playing in the streets. Personally, a lot of things have happened. So in a way, doing Class of ‘89 gave us a frame of that time.
Philippe : And the photographs on the album cover, you know we were kids, that’s what we like in a way because in this EP, even if we’re not newcomers, this project is a newcomer kind of thing. The way we did this EP was pretty innocent. We didn’t have any expectations regarding success or anything. We just did it for ourselves and with the hope that people will like it. That’s the only thing that we had in our minds, it’s like kids you know they don’t think so much about the consequences. It was a way that you’ll see I think in the video that we did. It’s a cartoon where we’re both kids and it tells the story of when we met and started to do music together. Childhood is always very creative and when you are a musician or an artist you want to go to something inside yourself, your childhood, when you were just creating, coloring etc… This creation is the most interesting thing in life I think, for me obviously.
La Face B : I see that time is running out unfortunately, before we end up the interview, you may have a quick final word to say?
Keziah : Generally speaking, we hope that this music will inspire people to try other things, in whatever areas of art they’re in. And we hope that people can get the really beautiful messages from it and that music continues to be genreless, to continue to break down music genres more and more, and getting better music as a result of that. That’s my wish.
Philippe : I hope that this music will surprise. I think it would be the best thing for us, to surprise people in a good way of course, and that it would give us the wish to continue and to do more tracks and do longer formats like an album. By the way there is no masterplan (laughs), we just do what we want. We are in a time of our life when we want to enjoy the moment and it’s already great if we can do that, to keep the freedom.
La Face B : Ok great! So thank you very much, it’s been a true honor. I’ll just let you go, I mean I guess that you have to work.
Philippe : Yeah yeah! We rehearse today!
La Face B : So thank you very much, take care and see you next time!
Keziah & Philippe : Yeah absolutely, see you!