La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans attendre, voici la seconde partie de la 162ème sélection des clips de la semaine.
Ottis Cœur – Laisse-moi
Il y a différentes façons de faire passer un message. Si la plume des filles d’Ottis Coeur est trempée dans le sérieux d’expériences passées, c’est pourtant vers l’humour et le décalage qu’elles se dirigent. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça marche.
Laisse-moi, le dernier single de leur nouvel EP, en est l’exemple parfait. Un morceau cash, porté par une énergie dévastatrice et qui parle de manière assez fine et intelligente de certaines formes de harcèlement en soirée. Un petit uppercut qui fera bien réfléchir tout ceux qui se sont un jour retrouvés dans la peau du mec relou et insistant qui ne réalise pas à quel point sa façon d’être est problématique.
Margaux Fremaux perpétue se sens du décalage et emmène nos deux héroïnes dans un parc pour enfants, habillées de leur plus beaux tailleurs . Au programme, fous rires, meilleures chorés et danses endiablées.
De bonne augure, avant de les retrouver le 16 mars prochain pour leur release party à La Flèche d’Or.
Xameleon – Sur Ta Joue
Il y a parfois des hasards qui ressemblent à un coup du destin… Un mail pas passé à la trappe, et nous voilà fracassés par la musique de Xameleon et son titre Sur Ta Joue.
Dans nos oreilles, une évidence, de la pop qui se mélange à des élans folks et un côté anglais qui se mêle parfaitement à un texte en français aussi poétique que fatalement direct…. Et sur nos joues, des larmes encore et encore. Parce que le titre de Xameleon vibre étrangement avec une actualité qui nous atteint, une santé mentale qui s’effrite, un cœur qui pèle et qui s’autodétruit et ce morceau qui apparaît et se transforme sans le savoir en pommade, en hymne qui soigne et qui nous permet de nous retrouver, de nous sentir un peu vivant à nouveau.
Après le morceau, c’est le clip de Aaron BENJAMIN qu’il nous est donné de découvrir cette semaine, mettant en image cette solitude que l’on connaît si bien, permanente, même si l’on est entouré, ce monde où l’on se sent en permanence en décalage, ce corps qu’on ne comprend plus, au risque parfois de se dédoubler, de cloisonner au fond de nous une partie de soi qui a pourtant envie de crier.
Sur ta joue est une évidence et elle le sera sans doute pour tout ceux qui ont vécu ces émotions trop fortes, ces pulsions de destruction. Et pour tout ça, on a envie de dire merci Xameleon.
Pi Ja Ma – Les Sites de rencontre
Il faut croire que Pi Ja Ma en avait encore sous la frange… la musicienne la plus cool et gentimment déjantée de la pop française est de retour cette semaine avec une extension à son album Seule sous ma frange, composé de 4 titres inédits.
Parmi eux, on retrouve ce petit bonbon sobrement intitulé Les Sites de rencontre. Et une nouvelle fois, Pauline nous offre un petit tube drôle et léger… enfin, en apparence. Car derrière cette rythmique enjouée et ces paroles simples et répétitives, on retrouve la folie d’une chose qui ne fait pas forcément du bien. Des slides jusqu’à l’exaspération, des attentes trop fortes pour être comblées, des prénoms qui finissent par donner la nausée… On finit par devenir un peu cinglé, comme lorsqu’on mange trop de sucre.
Étrangement, le clip d’Alice Monvaillier fait aussi penser à ça. Hyper coloré, accueillant et entêtant, la vidéo animée finit pars e transformer en trip psychédélique qui nous plonge doucement dans une folie douce. Les images se répètent et s’incrustent dans nos cerveaux, attaquent les yeux et nous transforment jusqu’à la rupture du morceau et de la vidéo. Un changement salvateur, qui nous entraîne vers une fin où l’on s’envole littéralement.
Un swipe droit comme toujours pour Pi Ja Ma, en attendant de la retrouver le 29 novembre 2023 à La Maroquinerie (le 31 mars au Hasard Ludique étant complet complet.)
Ysé – Demain n’existe plus
La dystopie semble revenir en force ces derniers temps. Rien de plus normal dans un monde où les angoisses prennent de plus en plus de place et où les incertitudes gagnent en puissance.
Cette sensation prégnante est au centre du dernier morceau d’Ysé, Demain n’existe plus. Dans une ambiance particulièrement sombre et lourde, la musicienne s’interroge sur l’avenir du monde, sur ce qui nous restera à vivre et expérimenter dans un univers où l’on préfère regarder nos écrans plutôt que les yeux des gens qui nous entourent.
Un morceau en opposition total avec Les Acacias, le précédent morceau d’Ysé, et qui prouve tout le talent et toute la palette musicale de l’artiste.
Le clip de Jonathan Verleysen est à l’avenant de ces idées. On y retrouve une Ysé robotique, piégée dans un monde sur des rails et qui retrouve au fur et à mesure une certaine humanité, une colère qui la pousse à réaliser la folie de cet univers et à chercher à le fuir, à échapper à des ombres qui ne lui veulent pas du bien.
Martin Luminet – Silence
À peine remis de l’euphorie de son premier album, Deuil(s), sorti vendredi (chronique complète à lire sur la Face B), le coeur à peine réparé de ses soubresauts d’émotion, on se réjouit déjà de Silence, clip à fort impact, issu de l’univers actuel et honnête – miroir de notre société et de sa violence d’un nouvel ordre – de Martin Luminet.
Le chanteur, témoin abattu mais pas vaincu, raconte ce monde sensible et désordonné, sa profonde ambivalence, dont il laisse défiler sous son regard perplexe les images tragiquement réelles, archives d’événements pour la plupart pitoyables, de quoi alimenter une rage et une colère noires et les faire taire, aussi. C’est tout le propos de cette chanson : un silence radio en guise d’armure, le murmure du désespoir en dernier recours.
Ce mutisme n’empêche pas les cris du coeur de survenir à toute heure, les larmes intérieures de gonfler la gorge d’amertume, face à l’impossibilité d’agir.
Reste à observer cette chute libre avec distance, à trembler depuis son salon.
Notre environnement résonne déjà suffisamment dans nos têtes, son bruit n’en est pas moins agressif pour nos acouphènes, pour nos âmes en peine. Il secoue, retourne la tête de Martin Luminet et creuse des marques indélébiles sur son front. Des rides d’une jeunesse déjà lasse.
Il ressasse. Il se passe ce film raté sans faire autre chose, si ce n’est céder à ce point de non-retour en nous confrontant à nos torts. Car chacun a son rôle à jouer dans ce mélo-drame maladroit et gênant à souhait que nous inflige l’époque. Ce qui nous sauve : la fin est encore floue et tout n’est pas figé. Un flash-back suffirait à éteindre les hurlements, cette voix de l’impuissance. Ah, si seulement.
Oracle Sisters – Hot Summer
Hot Summer est le deuxième extrait dévoilé par le trio Parisien Oracle Sisters de leur album Hydranism, qui sortira le 7 avril prochain sur le label américain 22Twenty.
Avec Hot Summer, le groupe incorpore de nouveaux éléments de cuivres et de bois dans ses arrangements bucoliques caractéristiques, nés d’une rencontre fortuite avec un saxophoniste un soir d’été. Ce titre, qui évoque un sentiment heureux de nostalgie, monte doucement en crescendo avec une grande fanfare de cuivres pour souligner sa nature douce-amère. « Cette chanson s’est écrite toute seule en Grèce. Nonchalante et pas trop compliquée dans son allure, c’est un monologue que l’on se raconte à soi-même, sous le souffle, lors d’une promenade clandestine », explique le groupe.
Le clip qui accompagne le morceau a été tourné à Paris par la réalisatrice et étalonneuse Jade de Brito Lopes, reconnue pour son travail de la couleur, qui a su donner au clip une atmosphère onirique. L’on y retrouve les membres du groupe glissés dans des costumes d’animaux excentriques et ludiques, causant des ravages dans les rues de Paris.
En attendant la sortie d’Hydranism, retrouvez notre chronique de l’EP Midnight Afternoon.
I Me Mine – Elephant in the Doorway
Troublant, ce clip de I Me Mine. Dans cet appartement d’une autre époque règne une atmosphère froide, limite glaciale. Tremblant, ce clip de I Me Mine. La présence inattendue de cet éléphant dans la cuisine secoue le plancher, range nos cœurs dans le tiroir de l’inconfort.
L’enfance est heurtée de plein fouet, Dumbo n’est plus cet éléphant rassurant de nos dimanches après-midi sous la couette. L’animal s’empare de la noirceur dérangeante de nos nuits cauchemardesques. Ses oreilles et sa trompe démesurées n’en deviennent que plus monstrueuses, sa blancheur voilée est celle d’un fantôme s’invitant dans notre quiétude.
Mais une forme de pitié attendrissante émane de cette créature un peu brute de décoffrage, abrupte dans sa démarche. Cela se lit dans le regard de la jeune fille, davantage navrée que terrorisée à l’idée de cohabiter avec elle.
Mais dans cet univers sombre à la Stranger Things, on se prend au jeu, parce qu’on aime être bousculés par la créativité de Lisa Tiebout et parce qu’avant tout, on se réjouit de revoir les prouesses de ce groupe franco-néo-zélandais, nos « Beatles de la pop », après trois longues années…
Sandór Waïss – Memories
Sandór Waïass s’efforce de montrer qu’il est un artiste à multiples facettes, capable de produire des titres originaux accompagnés de clips magnifiques. Il l’a déjà prouvé avec sa série de morceaux en 3 actes : The Eyes, Kill You et Broken Blue, des compositions parcourant les conditions humaines avec des images aussi belles que poignantes. Il est de retour cette semaine avec le clip du titre entraînant Memories.
Pour cette sortie, Le Parisien a fait confiance à l’artiste Juan Pablo Machado et à son équipe de dessinateurs. Le clip est en fait un magnifique dessin animé aux inspirations asiatiques, où l’on peut découvrir les aventures de Helda et son fils Milan dans une France post-apocalyptique, détruite par d’immenses inondations. Ils parcourent les rues à bord de leur bateau de fortune à la recherche d’un trésor, ou d’un quelconque objet utile à leur survie. Ces différentes trouvailles plongent Helda dans ses souvenirs, et vont en créer des nouveaux pour son fils.
C’est ce qui fait sans aucun doute la beauté de cette vidéo. Suite à leur situation, presque tout fait référence à de magnifiques souvenirs, qu’il est important de se remémorer. D’un flacon de parfum se dégage une danse planante avec, on se doute, un ancien amour perdu de la jeune maman ; les restes d’un paquet de chocolat font référence à un moment précieux avec le père de Helda. Le tout est accompagné d’un électro « léger », une mélodie que Sandór Waïass connaît parfaitement. Le refrain est efficace et nous fait passer par plusieurs émotions.
Sandòr Waïass offre plus qu’une musique. Dire qu’il propose une expérience est un peu cliché, mais c’est la vérité. Chaque sortie est synonyme pour lui de permettre à n’importe quel auditeur de voyager dans un univers précis, et rien que pour cela, un futur album est très attendu.
Oré – Le Spectacle
Lorsque les lumières s’éteignent sur scène, la vie redevient ordinaire. La magie du spectacle nous a emportés le temps d’une représentation et c’est avec les yeux encore un peu humides et éblouis que l’on quitte le décor. Oré, associée à Louis Dureau, dépeint, en chanson, ces sentiments empreints d’exaltation et de mélancolie ; pour que leur évanescence devienne palpable.
Accompagné par les notes d’un piano qui résonnent en échos, le ton délicat d’Oré nous berce avec tendresse. C’est beau et doux, à la fois. « Un court passage à travers l’irréel, ils passent de ils à elles », La Sale Affaire – toujours elle – suit Mademoiselle Kiss en train de se maquiller et se démaquiller pour que l’illusion opère. Le Spectacle ce soir-là se déroulait au Hasard Ludique lors d’une Soirée Velu.e, orchestrée par Üghett.
Guillaume Léglise – L.O.V
Direction Guillaume Léglise, pour un coup de foudre au confessionnal. Deuxième extrait de son futur album – Auto fictions – à paraître mi-mars, L.O.V nous propulse dans une atmosphère sensuelle et amoureuse. Ego te absolvo, le tempo des percussions résonnent comme les battements d’un cœur.
En quelques touches carmin, la passion s’éveille. Les confidences susurrées font évoluer défi en désir et désir en attente. Le jeu amoureux se met en place, lorsque la pénitence se met à rimer avec concupiscence. « Suis-je vraiment prêt pour ça ? ».
Accompagné à la basse et aux chœurs par Clémence Lasme, Guillaume Léglise délivre, dans L.O.V, une pop efficace au diapason de la montée de la passion qui l’enflamme. C’est incandescent et grisant.
Arthur Ely – à nous
Alors que son nouvel EP – hello – vient tout juste de sortir, Arthur Ely nous dévoile, illustré par une somptueuse vidéo, le morceau qui clôt son non moins somptueux mini-album. à nous porte en lui – au travers de ses couplets et de ses refrains – la conscience que l’on éprouve lorsqu’on sent qu’il est temps d’entrer dans l’âge adulte. Cet âge où l’on se rend responsable de sa vie et de celles que l’on partage. « C’est à nous de danser maintenant – à nous d’se lancer maintenant ». On ne demande qu’à grandir, mais ce n’est pas si évident. En trois minutes, en suivant la ligne de crête de sa sensibilité, Arthur Ely nous touche par les mots simples qu’il fredonne. à nous partage l’espoir que, de la fragilité que l’on ressent à ces moments-là, puisse éclore une vie éclairée.
Pour donner des images à ces émotions, La Sale Affaire nous entraîne dans une ronde où les personnages deviennent à tour de rôle, spectateurs ou acteurs de leurs histoires. Et, quelles que soient leurs personnalités ou leurs particularités, tous répondent aux mêmes aspirations, celles que chante Arthur Ely, simples et vibrantes à la fois. à nous, maintenant de nous y épanouir.
« Une étoile est morte ce soir, ça ne fait rien – y’en a tellement d’autres qui brillent aussi bien -elles nous ressemblent, étrangement »
You Said Strange – (Song For A) Wasted Land
Mois d’un an et demi après leur précédent opus, You Said Strange est de retour et annonce l’arrivée de Thousand Shadows Vol.2 avec un titre au nom évocateur : (Song For A) Wasted Land.
Dissonant, inquiétant et pourtant étrangement accueillant, le morceau est une plongée dans les angoisses et les inquiétudes d’Eliot, une lettre ouverte à un monde qui lui a beaucoup offert mais qui le bousille. Un cri dans le néant qui ne semble pas avoir de réponse, mais qui fait malgré tout du bien. Ce morceau est l’histoire d’une épiphanie, la réalisation qu’il n’y a plus grand chose à sauver et qu’il faut aller de l’avant, laisser de côté ce qui nous a fait du mal pour essayer de devenir ce que l’on a envie d’être.
Fatalement, c’est Eliot lui même qui se retrouve au cœur de la vidéo réalisée par Gregy Serres. On sent, dans ce lieu hors du temps, l’enfermement et même la folie qui grandit, comme si l’on se retrouvait piégés dans l’esprit du chanteur. Une sorte de prison mentale où le cendrier déborde alors que le héros tourne en rond, change de tenue, mais ne semble jamais pouvoir sortir, s’échapper de cet état qui le cloisonne.
Un grand morceau, qui annonce un nouvel album dont on attend énormément. Pour cela, on se donne rendez vous le 28 avril prochain.
Zed Yun Pavarotti – Ce que la lune éclaire
On a toujours pensé que Zed Yun Pavarotti avait une vraie gueule de rockstar ; les premiers morceaux de son nouveau projet semblent nous donner raison. Garçon moderne, le Stéphanois fait fi des genres musicaux et se donne le droit de se lancer dans ce qui le fait vibrer, nouvelle preuve en est avec l’excellente Ce que la lune éclaire parue cette semaine.
Une orientation musicale qui laisse beaucoup plus la place au chant, à un côté organique bien senti et à une interprétation toute en douceur qui se relâche avec intensité dans les refrains. Zed Yun Pavarotti parle d’amour, mais d’un amour peu doux amer, celui qui disparaît, qui n’est pas forcément su, ou qui n’est pas ressenti réciproquement.
Et pour mettre en images cette évolution, c’est une nouvelle fois vers la live session qu’il s’oriente, histoire de montrer que ces morceaux vivent très bien et que le live s’annonce impressionnant. Un vrai moment de pop-rock bien troussé, qui nous donne méchamment hâte à l’idée de le retrouver sur scène prochainement.