Shame est un groupe qui a définitivement passé un cap avec Food for Worms, leur troisième album. Au Cabaret sauvage, le quintet nous en a apporté la preuve, de la meilleure des manières.
Mais quelle première partie ! Un choix osé, à n’en pas douter. Pour ouvrir shame, on attendait un groupe de rock, français pourquoi pas, typiquement comme Pamplemousse ouvrait pour Fuzz la veille. Eh bien non, They Hate Change est un duo de rap tout droit venu de Floride. Ils suivent shame, dans leur lourde tache d’ouvrir leur concert. Chose dument réalisé au Cabaret Sauvage.
D’abord un peu circonspect de voir ces deux là arriver, lancer leurs prods sur des pads, le public s’est rapidement prêté au jeu. Il faut dire que le duo a mouillé le maillot pour rendre cela possible. Les tracks s’enchaînent, les rappeurs haranguent la foule, faisant montre d’une complicité touchante. Le tout est ficelé à merveille, et le pari fût plus que réussi. On ne se risquera pas à une description du duo de rappeur (faute d’une connaissance plus que maigre dans le domaine, soyons honnête). Pour autant, arriver à faire danser sur du rap étatsunien une foule compacte venu écouter du rock anglais, on peut imaginer que le duo est loin d’être dénué de talent. Ce choix fort annonçait un concert gigantesque, et il faut croire que personne dans la salle n’a été déçu du résultat.
On a découvert shame avec Sons of Praise en 2018 (Dead Oceans). Cette sortie tonitruante a propulsé le groupe comme un des gros noms de la scène anglaise. L’album est un condensé de rock anglais fait par des ados, avec son brin de mélancolie compensé d’une énergie débordante. Après leur première tournée acclamée, on attendait le groupe au tournant pour leur deuxième album. Plusieurs possibilités s’offraient à eux, faire un flop, continuer sur la même lancée, ou regarder ailleurs. Drunk Pink Tank (2021, Dead Oceans) a clairement pris la troisième voix. Le quintet aurait pu juste faire une redite, mais non, ils ont décidé de creuser plus profond, chercher des sonorités, créer leur genre. Et ce fut un réussite, cet album est exceptionnel (Snow Day, quelle chanson exceptionnelle)
Food for Worms (2023, Dead Oceans), troisième effort du groupe, suit cette droite lignée. A la première écoute, l’album peut paraître un brin ésotérique. Pour autant, quel plaisir, une fois les présentations faites, de suivre l’évolution du groupe. En plus de toujours plus creuser dans leur style qui devient une vraie marque de fabrique, shame ose, parle, déclame. Les ados ont bien grandi, et avec leurs préoccupations. Finger of Steel parle d’aider un ami, Adderall de survivre la dépression grâce à des médicaments. L’amour et ses méandres n’est jamais bien loin et fait partie intégrante de l’album, et de l’identité du groupe, depuis leur début. Et aussi .. Napoléon (Six-Pack). on est sur un groupe anglais, l’humour loufoque n’est jamais bien loin.
Impossible de se faufiler. La magnifique salle du Cabaret Sauvage était pleine, il fallait soit dépasser les deux mètres, soit faire preuve d’un art digne des meilleurs souris parisiennes pour se faufiler en fosse, une fois le groupe apparu sur les planches de la scène. Et, on pourrait utiliser tous les superlatifs du monde, on ne saura atteindre exactement le stade du groupe. Epoustouflant, complètement dingue. D’un concert, d’une traite, le quintet a sur gérer son live à merveille. admirablement bien construit, le set est un vrai plaisir. Des retours judicieux sur leurs deux premiers albums, une succession de moments intenses et parties plus calme, le rythme est excellent.
Porté par un chanteur survolté, et rapidement torse nu, et un bassiste dans le même état, l’énergie du groupe est à son sommet. La fosse répond présent, accueillant parfois en son sein le leader qui n’hésite pas à y aller tête la première. L’heure et demi passe d’une traite, la salle est portée par les hymnes créées par le groupe, les différents tons et couleurs du concerts se succèdent à merveille. shame a passé un cap, une étape. Plus qu’un groupe d’ados, le quintet est aujourd’hui quelque chose de plus, d’exceptionnel. Quelque chose qu’on aimerait voir et revoir encore.
Toutes les photos ont été réalisées par Clara, qu’on peut retrouver sur insta juste ici : @cl_dl