Il y’a certains artistes dont l’ascension à venir apparaît comme une évidence : c’est le cas de Biig Piig, ou plutôt Jess Smyth de son vrai nom. Après avoir fait ses preuves au sein du collectif NiNe8 et à travers de multiples projets solo, nous avons pu échanger avec elle à l’occasion de son passage à la Maroquinerie le 10 mars dernier. Rencontre avec une artiste sur laquelle on mise beaucoup.
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La Face B : Ma première question m’est venue directement à l’esprit en regardant ta carrière dans son ensemble : c’est déjà ton cinquième projet mais tu n’as pas encore sorti d’album. Est-ce parce que c’est quelque chose d’important pour toi, ou est-ce que ces qualificatifs de « projet » ou de « mixtape » t’importent peu finalement ?
Biig Piig : Ce premier album dont tu parles est un projet auquel je pense depuis longtemps, parce que j’y accorde beaucoup d’importance. À vrai-dire, aucun de mes projets, qu’il s’agisse de ma dernière mixtape ou des précédents, ne correspond vraiment à la vision que j’ai de ce à quoi je veux que mon premier album ressemble ! Mais maintenant, je me sens prête à travailler dessus, alors j’ai déjà commencé à y réfléchir et à l’écrire.
LFB : Pour en revenir à ta dernière mixtape, Bubblegum, comment est-ce que tu l’as construite ? Tu peux nous parler de la façon dont elle a été travaillée ?
Biig Piig : Pour ce projet, j’ai écrit des morceaux sans m’arrêter pendant quasiment un an, sans même avoir de projet précis en tête. Au fur et à mesure que j’écoutais ce que j’enregistrais, je commençais à trouver que certains morceaux fonctionnaient bien ensemble : par exemple, je me disais que Liquorice devrait être écouté après Only One, et ainsi de suite. Assez logiquement, l’histoire a commencé à se former. Je dirais que le processus de création de mes projets est assez libre puisque je ne me fixe pas vraiment de règles : le principal est de faire confiance à son instinct.
LFB : Quel genre d’artiste es-tu en studio ? Est-ce que tu arrives en ayant tout préparé, ou te laisses-tu porter par ce qui t’inspire sur le moment ?
Biig Piig : En général, je me laisse porter par ce qui vient à l’instant T au studio. La plupart du temps, si l’énergie du producteur avec lequel je travaille matche avec la mienne et que l’on se comprend bien, que l’on a la même vision, et que je suis dans un bon état d’esprit, la chanson est terminée en moins d’une journée, ce qui est vraiment cool. C’est ce qui s’est passé pour cette mixtape : on a fait chaque morceau en une seule journée, donc le projet a été prêt assez rapidement.
LFB : En ce qui concerne toutes les activités de création centrées autour de ta musique, tu travailles généralement avec des amis proches ; je sais que tu as beaucoup travaillé avec Mac Wetha en tant que producteur par exemple, et avec Lava LaRue pour la direction artistique. Est-ce qu’avec le temps tu commences à vouloir t’ouvrir et à collaborer avec de nouvelles personnes ?
Biig Piig : Les deux ! J’ai l’impression que la scène artistique est tellement vaste qu’il me reste énormément de nouvelles personnes à découvrir ! Il y a évidemment des gens avec qui j’aimerai toujours travailler comme Mac Wetha, Lava LaRue, et tous les membres de NiNe8, et cela ne changera jamais. Mais d’un autre côté, j’aime aussi rencontrer de nouveaux producteurs qui ont des sonorités spécifiques, qui m’intriguent et me donnent envie de travailler avec et d’apprendre d’eux. Il y a beaucoup de gens avec qui je viens de commencer à travailler, mais également des collaborateurs de longue date.
LFB : En ce qui concerne l’aspect visuel de ta musique, joues-tu un rôle dans la direction artistique ?
Biig Piig : Ça dépend des morceaux. Il m’est arrivé de venir voir des réalisateur de clip simplement en leur faisant écouter la chanson et en leur laissant carte blanche, mais il y a eu d’autres titres pour lesquelles j’avais une idée très précise de ce que je voulais faire visuellement. Mon amie Lava LaRue a réalisé le clip de Picking Up et elle a eu des idées incroyables qui ont immédiatement collé à ce que j’avais en tête. Je pense que tant que le réalisateur et toi avez la même vision, ça ne peut que fonctionner.
LFB : Pour en revenir à la mixtape, j’ai vraiment l’impression que c’est le projet où tu sembles avoir le plus confiance en toi, tant en ce qui concerne l’ambiance générale qui est beaucoup plus pop et pétillante, que dans ta voix qui semble plus forte que d’habitude. Est-ce que c’est quelque chose dont tu es consciente ou que tu voulais montrer ?
Biig Piig : Oui, je l’ai également ressenti ! J’ai l’impression que l’expérience que j’ai acquise sur scène a joué un rôle très important dans ma prise de confiance en moi. J’étais très timide avant, mais avec le temps, j’ai appris à transformer cette faiblesse en une grande force. Au début, lorsque j’interprétais sur scène mes chansons, que j’avais écrites sur des sujets douloureux, ça me blessait presque à nouveau, mais maintenant, je le vois plus comme une célébration d’avoir réussi à surmonter ces épreuves difficiles, dans une salle remplie de gens qui peuvent me comprendre et qui ont peut-être vécu les mêmes expériences. Ce gain de confiance s’est répercuté sur la production des morceaux puisque je me dis que tous les morceaux que je fais maintenant, c’est pour les jouer en live, parce que c’est là qu’ils prennent vie.
LFB : Quel est ton objectif avec cette mixtape ? Que veux-tu que les gens ressentent en l’écoutant ?
Biig Piig : J’aimerais qu’ils ressentent ce que je ressens moi-même en l’écoutant : j’aimerais qu’elle leur permette de s’évader, que ce soit quelque chose qui leur donne l’impression d’être moins seuls dans ce qu’ils vivent. Peut-être même quelque chose qui les fasse « sortir » de leur corps pour qu’ils puissent danser dessus et se laisser aller. C’est important pour moi, car c’est comme ça que je vis la musique.
LFB : Quels sous-genres musicaux as-tu envie d’explorer par la suite ?
Biig Piig : Ces derniers temps, je mets beaucoup de synthés dans les morceaux que je suis en train d’écrire, mais honnêtement, comme c’est encore très tôt dans le processus de création de l’album, je veux juste voir ce qui se passe sur le moment, je n’ai pas d’idée précise pour l’instant.
LFB : C’est impressionnant de voir que tu travailles déjà sur le prochain album. Ressens-tu une sorte de pression pour être productive ou est-ce juste la passion de l’écriture qui te pousse ?
Biig Piig : Honnêtement, j’adore écrire, mais j’ai aussi l’impression que si je ne le fais pas, ma tête va exploser ! Se perdre dans la musique et dans l’écriture est certainement mieux que de se perdre d’une autre manière; c’est thérapeutique, c’est sûr. Écrire me permet aussi de rester connectée avec moi-même, de me comprendre. J’ai l’impression que si je n’écris pas pendant longtemps, je commence à ne plus savoir ce que je ressens et ça devient très vite le bordel (rires) !
LFB : Quelle est ta chanson préférée sur la mixtape ?
Biig Piig : C’est comme choisir son enfant préféré (rires) ! Je les aime toutes pour des raisons différentes, mais j’ai l’impression que Picking Up est ma chanson préférée à jouer en live, juste grâce à l’énergie qu’elle dégage. Quand je l’ai écrite, je traversais une période très sombre et le fait d’être aussi vulnérable avec Mac Wetha et Deb Never, avec qui j’ai fait le morceau, m’a vraiment aidé à transformer cette expérience assez dure à vivre en quelque chose d’énergique et de solaire.
LFB : Les gens ne le savent peut-être pas, mais tu as passé ton enfance en Espagne, avant de t’installer à Londres. Tu es donc bilingue, et cela s’entend dans certaines de tes chansons, comme Ghosting récemment, puisque tu y as inclus des paroles en espagnol. Est-ce qu’il y’a des thèmes spécifiques qui, selon toi, sont plus en phase avec l’une des deux langues ?
Biig Piig : Ça dépend vraiment, ça se fait souvent sur le moment ! Parfois, des idées me viennent à l’esprit et je me dis « je ne peux pas dire ça en anglais, c’est trop personnel ». En général, c’est quand les paroles s’adressent directement à la personne dont parle la chanson et que c’est assez intime : si je le dis en espagnol, cette personne ne comprendra pas ce que je dis, donc ça fait moins peur de le dévoiler.
LFB : Tu as également vécu un petit peu à Los Angeles. D’après ton expérience, en quoi la scène artistique qui s’y trouve diffère-t-elle de celle de Londres ?
Biig Piig : La scène créative de L.A est tellement vaste ! Je pense que la principale chose que j’ai trouvée différente, c’est que tout est extrêmement dispersé : il y a une scène artistique incroyablement diversifiée, mais elle est assez divisée, je trouve, alors qu’à Londres, tout est si condensé que tout le monde se connaît et travaille ensemble. C’était la principale différence, je pense, la familiarité des scènes et la proximité entre artistes. Je pense aussi que la manière de travailler est vraiment différente, puisqu’à Londres, on fait les choses sur le moment sans trop réfléchir plutôt que de tout planifier et de se dire « on doit avoir fait telles choses avant la fin de la session » comme ça se fait à Los Angeles.
LFB : Quelle est la chose la plus incroyable qui te soit arrivée depuis le début de ta carrière ?
Biig Piig : Il y en a eu énormément ! J’ai l’impression qu’avoir pu faire des concerts dont j’étais la tête d’affiche aux États-Unis était l’une des choses les plus folles qui se soient passées ; aller dans des endroits aussi éloignés de chez moi et que se rendre compte que même là-bas les gens me soutiennent et veulent me voir, c’est toujours un grand moment d’émotion,. Je me demande encore comment c’est possible que ma musique soit maintenant écoutée par des gens du monde entier, c’est toujours aussi fou pour moi.
LFB : Pour finir, que peut-on te souhaiter pour la suite ?
Biig Piig : Faire un super album (rires) ! C’est la principale chose sur laquelle je vais me concentrer à partir de maintenant.
Retrouvez les réseaux sociaux de l’artiste juste ici et sa dernière mixtape ci-dessous
ENGLISH VERSION
La Face B : My first question is something that instantly came to my mind by looking at your career as a whole : it is already your 5th project but you still haven’t put out an album, do you already know what you want your first album to be or sound like or do you just wait for ideas to pop up to think about it ?
Biig Piig : I feel like that first album is something that I’ve been wanting to be ready for ages, cause it’s something that I put a lot of weight on. This mixtape doesn’t feel to me like what I want to be my debut album. But now, I feel like I’m ready, so I’ve already started to write the album.
LFB : Back to this mixtape, do you have the idea of the global project first and you write songs according to it, or do the songs you write just happen to be in the same mood and you regroup them in the same project ?
Biig Piig : Basically, it became this thing where I was constantly writing for about a year, and I didn’t have a project in mind, but then I was listening to what I recorded and I’d listen to the songs and be like well I want to hear Only One, and then Liquorice, and suddenly the story started to form and I was like well this is a whole project. The whole process is honestly quite loose and a question of trusting your instinct.
LFB : What kind of artist are you in the studio ? Do you come with everything prepared or do you just go with the flow?
Biig Piig : Usually I’m going with the flow, but most of the time if it clicks with the producer that I’m working with, or if I’m in the right headspace, then the song will usually be done within a day which is great. That was the case for that mixtape; we made each track in only one day.
LFB : As far as all the creative activities around your music are concerned, you usually work with close friends of yours ; I know you’ve worked a lot with Mac Wetha as a producer for example, and with Lava LaRue on the creative direction, but are you only comfortable featuring and collaborating with close friends or do you tend to be more open to working with new people as time passes by ?
Biig Piig : It’s both ! I feel like the community in music is just so vast so there’s people that I’ll love working with forever like Mac Wetha, Lava LaRue, and all of Nine8 and that will never change. But on the other hand, I also like meeting with new producers who have specific sounds that are interesting to me, so I want to work with and learn from them. There’s a lot of people I have just started to work with as well as long-time collaborators.
LFB : Regarding the visual aspect of your music, do you play a role in the artistic direction ?
Biig Piig : Depending on the song, there has been times when I just came up to the director of the music video with the song, telling him or her “this is the track, what do you think we could do with it ? ” and there has been other songs for which I had a very specific idea of what I wanted to do visually. My friend Lava LaRue directed the Picking Up music video, and she had these insane ideas that immediately clicked with what I had in mind so I feel like as long as you and the director have the same vision in mind, it can only result in great stuff.
LFB : Coming back to the mixtape, I really feel like it is the project where you appear the most confident, regarding the global mood which is way more pop and bubbly, as well as your voice that sounds louder than usual, do you feel like you gaining confidence is showing through this project ? Is that something that you’re aware of or even that you wanted to show ?
Biig Piig : I felt the same ! I feel like the live experience of performing has played a huge role into it as well ! I used to be so shy on stage but with time, I learned how to turn songs written about painful things, that almost re-wounded me when I performed them into more of a celebration of these painful things in a room full of people that can understand me and that maybe went through the same experiences. That gain of confidence had a say in production in a way where I was like, everything that I make now I want to translate live because that’s where it comes to life.
LFB : What’s your aim with the mixtape ? What do you want people to feel while listening?
Biig Piig : I guess that, in the same way that I did, just escaping into it whether it’s something that you can find solitude in or something that can make you feel like you’re less alone in whatever you’re living, maybe even something that brings you out of yourself and you can dance to it and let go. Those things are important to me because that’s the way I relate to music.
LFB : What subgenres are you looking forward to exploring?
Biig Piig : I’ve been bringing a lot of synths through the tracks that I’m actually writing, but honestly, since it’s so early on in the process of the album, I just want to see what happens I do not have a specific thing I want to put into it right now.
LFB : It’s impressing that you’re already working on the next album, do you feel a kind of pressure to be productive or is it just the love of writing?
Biig Piig : I just love writing to be honest, and also, I feel like when I don’t do it my head will explode ! Getting lost in doing music is better than getting lost in other ways, it feels therapeutic for sure. And it’s also something that kind of keeps me like in touch with myself I feel like if I don’t do it for a long time, I really start to lose a sense of how I’m feeling and then that’s just a mess ! (laughs)
LFB : What is your favorite song on the mixtape?
Biig Piig : It’s like picking a favorite child ! I love them all for different reasons, but I feel like Picking Up is my favorite to play live just because of the energy conveyed. And, when I was writing it, it was about a really dark situation and being able to be so vulnerable with Mac Wetha and Deb Never was the purest form of making something dark into something bright and energetic.
LFB : People might not know it but you were born in Ireland, then moved to Spain for your childhood, before settling in London. You’re thus bilingual, and it appears in some of your songs such as Baby Zombies or Ghosting recently, since you put some Spanish lyrics in them: I wanted to ask you if you had specific themes that you think are more aligned with one of the languages ?
Biig Piig : It just flows ! I feel like sometimes ideas will come to my mind and I’ll be like “Fuck I can’t say that in English”, usually it is when I have lyrics directly talking to the person the song is about and it’s quite intimate, that specific person won’t understand what I’m saying so it feels less scary to put it out in Spanish.
LFB : You’ve also been living in Los Angeles for a bit recently. How does the creative scene there/or in the US globally differ from the London one from what you’ve experienced?
Biig Piig : It’s such a huge creative scene out there, there’s so many different pockets ! I think the main thing that I found different was that because everything is so spread out, there is such an incredible creative scene, but they’re quite separated I guess, whereas in London like everything so condensed you can hop from one jam to another jam, and everyone knows each other. That was the main difference I think, the familiarity of the scenes. Also, I think maybe in L.A it was a little bit less “go with the flow”, and more organised, when in London it’s just done on the whim rather than being like “we have that amount of time and we have to get this thing done.”
LFB : What’s the craziest thing that has ever happened to you since you started your career ? Although a lot of crazy things seem to be happening right now, what’s the one thing that marked you the most.
Biig Piig : There’s loads ! I feel like doing an American headline show was crazy, when you go to places that far from home and you know that people there are supportive and want to see you, that’s always a big moment. I keep asking myself how does something that started so tiny is now listened to by people across the world, it still feels crazy to me.
LFB : Finally, what can we wish for you next ?
Biig Piig : Making a great album (laughs) ! That’s the main thing I’m going to focus on from now.