Adèle Castillon : « Avoir grandi sur Internet ça a été une force »

A l’approche de sa venue au Botanique de Bruxelles dans le cadre de sa tournée, on a pris le temps de discuter avec Adèle Castillon. Fruit de sa génération, on a, entre autres, évoqué sa relation avec Internet, son amour pour la création musicale et bien évidemment son rapport à la scène. Une discussion fluide et remplie d’authenticité, à l’image de Plaisir Risque Dépendance, son premier album solo.

Adèle Castillon

LFB : Dernièrement, il s’est passé beaucoup de choses pour toi. Comment le vis-tu ?

Adèle Castillon : Je me sens sur un petit nuage. Je suis hyper contente des retours sur l’album, j’ai eu de super beaux messages. J’ai l’impression que ce que j’ai voulu véhiculer comme message a réussi à toucher le coeur de certaines personnes.
En plus de ça, j’ai été nommée aux Victoires de la Musique, je m’y attendais pas du tout et ça a été un vrai cadeau. Maintenant, il y a les premières dates de la tournée et c’est fou !

LFB : Pour revenir à cette nomination aux Victoires de la Musique, pour certaines personnes ça n’a pas vraiment d’importance, là où pour d’autres ça va vraiment être important. Quel regard poses-tu sur cette institution ?

AC : C’est une expérience assez spéciale, je n’ai pas l’habitude du live à la télévision. Déjà, je n’ai jamais vraiment visé une récompense ni même une nomination, pour moi, ce n’est pas une fin en soi. Il y a tellement d’artistes qui n’ont jamais été dans des cérémonies comme ça et qui ont fait de très grands albums. Mais c’est sur que quand j’ai appris que j’étais nommée, j’étais hyper heureuse et reconnaissante. Ca confirme le fait que ton album à pu séduire des gens et l’industrie. C’est cette reconnaissance qui fait du bien. Après, il est vrai qu’il y avait tout un enjeu autour de cette cérémonie avec la possibilité de performer, ce qui était un gros challenge pour moi. Surtout par rapport au stress, quand on a que trois minutes pour faire une chanson et devant des millions de spectateurs, c’est quand même impressionnant.
Je pense avoir relevé le pari et c’était une super expérience dont je suis très heureuse.

LFB : Félicitations, en plus ce n’est que ton premier album en solo, après l’aventure Vidéoclub. Est-ce que cette nomination t’as un peu rassuré sur ce saut vers une carrière en solo ?

AC : Complètement ! Après quand le duo Videoclub s’est arrêté, j’ai quand même pris le temps de me poser la question de si oui ou non je continuais en solo.
Je suis toujours parti du principe que j’avais envie de raconter des choses plus personnelles.
Après le gros succès qu’on a eu avec Videoclub, il y avait toujours cette crainte de ne pas réussir à plaire en dehors de ce projet là, de ne pas s’en émanciper. Ca aussi, j’ai l’impression que c’est un challenge qui a été réussi.

LFB : Avant Vidéoclub, on a pu aussi te connaitre sur YouTube et plus largement sur Internet. Des plateformes que tu as rejoins alors que tu étais encore assez jeune, avec le recul, quels souvenirs gardes-tu de cette période ?

AC : J’ai toujours été très impulsive et j’avais cette envie de partager des choses, comme les gens que j’aimais pouvait le faire.
Sur mes premières vidéos, j’ai le souvenir d’être très méthodique, j’avais tellement envie de faire les choses bien. Je me souviens de passer des heures sur mon ordinateur a monté. Je sentais que c’était là-dedans que j’allais trouver ma place et je ne me suis pas trompée. Je prenais tellement de plaisir à travailler que je ne me rendais même pas compte que c’était du travail.
Je ne regrette pas une seule seconde d’avoir commencé aussi jeune. Je sais que la crédibilité de certain.e.s artistes a pu être remise en question parce qu’iels venaient d’Internet. Pour moi, avoir grandi sur Internet ça a été une force et pour rien au monde je ne changerais ça.

LFB : Est-ce que cette aventure a pu t’inspirer dans le processus créatif qui entoure ta musique ? Est-ce que cette envie de faire de la musique était déjà présente à ce moment là ?

AC : L’envie de faire de la musique elle a toujours été hyper présente dans ma tête depuis petite, du coup, avant même que je découvre Internet. Mais pour moi, devenir YouTubeuse, actrice, réalisatrice c’était possible mais la chanson j’avais l’impression que c’était le graal et que je ne pouvais pas y toucher. Finalement, c’est vraiment ma rencontre avec Matthieu avec qui j’ai monté Videoclub qui a été l’élément déclencheur pour que je passe le cap de m’enregistrer et d’écrire. Avant ça, je faisais de la musique mais toujours sous forme de blagues, comme si, je ne pouvais pas être sérieuse dans la musique. D’ailleurs, ma première chanson, c’est celle sur les pâtes qui a été l’un de mes plus grands succès sur YouTube. Au final, j’ai passé le cap avec Vidéoclub et ça a été le plus beau cadeau que je me suis fait.

LFB : Par exemple, dans le rap, il y a aussi eu pas mal de YouTubeur qui sont passé de créateur de contenu à rappeur et ils ont plus de mal à se faire accepter comme artiste musical. J’ai l’impression que ça n’a pas été ton cas.

AC : Je me suis toujours posée la question du pourquoi moi ça a toujours été plus évident que pour d’autres artistes.
Je me souviens du jour où j’ai posté Amour Plastique, le premier titre de Videoclub, j’avais quand même assez peur. Je venais de faire des vidéos drôles et je déboule avec un clip où je présente mon premier copain et en même temps je chante premier degré. C’est vrai que j’aurais pu complètement me casser la gueule mais les premiers commentaires disaient que ça faisait sens avec qui j’étais. Je pense que j’ai tellement été authentique dans ma démarche de commencer la musique que ça a marché.
Depuis que je suis toute petite et depuis mes premières vidéos jusqu’à maintenant, j’ai toujours voulu garder cette authenticité. Toutes les fois où je me suis éloignée de ça, je me suis planté.

LFB : Le fait de te mettre en avant, de raconter ta vie sur YouTube, tu l’as fait évoluer pour que ça prenne maintenant vie dans ta musique. Ton dernier album est assez personnel voir même mélancolique par moment. Pour toi, c’était la continuité logique à tes premières créations ? Comment l’as tu transposé ?

AC : Au contraire, je pense que ça a été assez naturel. Pendant la création de l’album, je ne me suis pas vraiment posée de questions sur les thématiques que j’allais aborder. Ca a été naturel pour moi d’aborder ce que j’étais en train de vivre au moment où j’écrivais les chansons. Déjà parce que j’en avais besoin et c’était nécessaire de l’aborder dans mes textes.
Ce qui me fait du bien, c’est de créer. Là en l’occurence j’ai fait l’album à une période où j’allais pas super bien et il n’y avait que la musique pour m’aider à me sentir mieux.

Je crois que j’aime écouter des artistes quand ils sont authentiques et qu’ils montrent leurs failles. J’ai l’impression que c’est plus simple pour m’identifier. Du coup, il était hors de question pour moi que je ne le montre pas. Puis, ça va avec qui je suis depuis le départ de me montrer comme ça et d’écrire ce qu’il se passait dans ma tête.

LFB : La mélancolie se retrouve surtout dans les textes mais c’est assez bien contrasté par la composition qui est très entrainant. Est-ce que c’était plus simple pour toi de te confier sur ce genre de rythmique ?

AC : J’aimerais trop te dire que ça a été réfléchi, mais pas du tout. La plupart du temps j’ai bossé avec Surkin qui a produit l’album et je trouvais d’abord les mélodies et puis ensuite les textes venaient.
Je me rends compte aujourd’hui de certains mots que j’ai choisi dans mes chansons et d’à quel point ils peuvent être dur si tu les prends sans la mélodie.

Je sais que certain.e.s artistes vont faire attention à ce genre de choses mais pour cet album ça a été beaucoup d’instinct.

LFB : J’ai surtout l’impression que la partie production est une sorte de melting-pot de toutes tes influences.

AC : De fou ! Je suis une grande consommatrice de rap, surtout français et de musique électro-pop 90/2000 et c’est ce qui, je pense, infuse dans ma musique.

LFB : On se retrouve aujourd’hui dans le cadre de ta future date au Botanique. Quel rapport entretiens-tu avec la scène ?

AC : Il a fallut un peu tout réinventer car j’avais mes expériences de scène avec Vidéoclub.

Ca se regroupe aussi avec ce que tu disais tout à l’heure. J’ai des thèmes de chansons qui sont assez graves et j’ai quand même envie que mes concerts soient de grandes fêtes.
Pour avoir été à pas mal de concerts de rap, j’ai toujours envie que mon public s’ambiance de la même manière à mes concerts. Je suis toujours hyper étonnée et amusée des réactions. Par exemple, je suis allée voir winnterzuko à La Cigale il y a quelques mois et les gens étaient comme des oufs. J’ai vraiment envie d’amener cette ambiance là. Surtout après le covid, j’ai la volonté de faire danser les gens et de les faire sortir de leur réalité. C’est ce sur quoi je travaille pour cette tournée.

LFB : Si ce n’est une bonne tournée, qu’est-ce que je peux te souhaiter pour la suite ?

AC : Ce que je dis souvent quand on me pose cette question et ça rejoint un peu tout ce qu’on s’est dit avant, ce qu’on peut me souhaiter, c’est de toujours écouter et préserver l’instinct que j’ai depuis petite. C’est lui qui m’a amené à faire de la musique et j’espère qu’il va encore m’emmener loin et que je ne vais pas m’en éloigner car c’est ça le piège quand on a du succès.

Pour en savoir plus sur sa date au Botanique, c’est par ici.