ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent. Bilou a dévoilé en fin d’année dernière son album Sursoleil. À cette occasion iel nous confie aujourd’hui ses influences musicales.

micachu & the shapes – turn me well
Micachu (Mica Levi) est arrivé.e dans ma vie comme l’annonce d’une bonne nouvelle dont on se souvient pour toujours. Je me rappelle d’où j’étais quand cette chanson est arrivée à mes oreilles. C’était la nuit, j’avais la vingtaine et j’étais à mon bureau à me faire balader par YouTube.
C’était une époque où je commençais à mettre le doigt sur la musique qui me plaisait vraiment. Je me souviens de la sensation de chaleur et de coups de poing dans le cœur, de sa voix libre et grave qui m’a fait serrer les dents et ouvrir grand mes yeux pour parcourir la pièce avec eux, comme pour la première fois.
Un.e énergeticien.ne pourrait sûrement retrouver en moi la marque de ce jour-là. C’est resté ma chanson préférée.
Brigitte Fontaine · Areski Belkacem – Le brin d’herbe
J’ai une forte attraction pour le symbolisme qui se sert des jeux d’échelles. J’ai parfois le vertige quand je monte un peu trop haut, il parait que c’est un mal oculaire souvent victime de nos vies en ville, parce qu’on a perdu l’habitude de voir au loin.
Pour ma part, une fois qu’on parle d’art, toutes les sensations sont bonnes à prendre et cette chanson me bouscule à chaque fois. Le ton m’envoie presque en l’air alors que le texte me colle au sol. J’ai l’impression que c’est un.e docteur.resse qui m’explique d’où vient cette sensation. J’ai aussi une admiration pour les personnes qui arrivent à faire des œuvres très courtes qui disent tellement de notre monde.
Colin Stetson – The storm
Je me souviens aussi du moment où j’ai découvert ce morceau et cet artiste il y a des années grâce à un ami. J’ai un souvenir précis de cette transportation. Depuis des années je l’écoute souvent en boucle pour écrire, surtout pour écrire des images et donner un ton. C’est vraiment un morceau pour fermer les yeux très fort et se demander pourquoi on tremble.
Et ce qui est fascinant c’est qu’on peut l’écouter à n’importe quelle saison et elle nous racontera toujours autre chose mais en nous donnant la conviction qu’elle fonctionnerait moins sur une autre période de l’année. C’est le genre d’œuvres majeures qui peut se trouver une nouvelle place toujours plus juste chaque jour qui passe.
Baths – Lovely Bloodflow
Au début des années 2010 la musique pop électronique indé a connu un age qui s’est inscrit en moi. Plein d’artistes mélangeaient des petits sons connus du quotidien avec des beats et autres instruments plus numériques. C’était aussi la grande phase Mount Kimbie, animal collective, Tirzah, dirty projector et pleins d’autres…
C’est à ce moment-là que j’ai réussi à comprendre que ce qui me faisait plaisir au cœur c’était de sentir un sens de la mélodie innovant mais simple, embrassé par la surprise, la déstructuration. J’aurais pu choisir une autre chanson d’un.e autre artiste de cette période mais là tout de suite, je pense à celle-ci. Aussi parce qu’il y a une mélancolie qui m’a toujours donné des images à mettre sur la pluie quand je l’écoutais. Je me souviens ne pas l’avoir comprise à la première écoute mais de l’avoir aimée tout de suite.
C’était un vrai moment d’altérité, encore aujourd’hui je ne comprends pas comment il a pu penser à cette ligne de chant sur cette instru, c’est une grâce qui m’échappe.
ML Buch – Can You Hear My Heart Leave
Celle-ci je l’adore pour sa structure coupée en deux, elle est comme un voyage dans le temps sans bouger. J’adore écouter un morceau attentivement et puis me retourner pour regarder la piste de lecture en me demandant si c’est la suite d’un discours ou une nouvelle chanson.
Quand je découvre que c’est le même morceau, ça me fait des gargouillis dans le ventre que j’adore. Ça me fait penser à une conversation entre des gens intelligents qui arriveraient à s’écouter et changer d’avis au sein d’une même discussion. Ça m’est déjà arrivé de penser à ce morceau en stroboscope quand je débat avec des gens et que je sens que mon égo prend la place sur l’écoute et ma capacité à me remettre en question.
C’est un bel exemple de ce qui peut nous arriver si on essaye de rester perméable aux propositions de chemins différents des nôtres, comme un pense-bête.