ADN #1039 : caïman

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent. À l’occasion de son passage au MaMa Music & Convention et de la sortie de son nouvel album, caïman nous dévoile ses influences.

crédit : Elisa-Grosman

Screamin Jay Hawkins – I put a spell on you

Quand j’étais petite, dès que mon père mettait un disque d’Etta James ou de Screamin Jay Hawkins, il poussait tous les meubles du salon & on se mettait à danser comme des diables ~ alors que c’était quelqu’un de très stoïque et introverti. C’est la musique qui remonte à mes plus anciens souvenirs, avec Joni Mitchell aussi du côté de ma mère, ça me parle directement à l’âme.

C’est Screamin Jay Hawkins qui a écrit & composé ce monument I put a spell on you repris depuis par d’autres monuments, dont Nina Simone. À sa sortie en 1956 elle a été censurée par les radios. Ma version préférée est ce live de 1990, avec ce sceptre-crâne qui fume une clope & ce solo mortel de saxophone de David Sanborn.

C’est du spectacle, du groove & de la joie. Mon père me racontait qu’il avait vu Screamin Jay Hawkins arriver sur scène dans un cercueil… c’était un pionnier du shock rock sorcier, avec ses gris-gris & ses sortilèges.

Patti Smith – Beneath the southern cross

La poésie, la dévotion & la voix de Patti Smith ont été d’une importance capitale pour moi. Ses bouquins et ses chansons m’accompagnent partout où je vais. Elle est inspirante sur plein de plans : l’écriture, sa manière de décrire le bonheur de déguster le matin un café noir avec une tartine de beurre et des sardines (habitude que j’ai adoptée entièrement), son mode de vie dévoué à la création et à l’art, son engagement citoyen & politique, sa tendresse, sa rage, son courage d’être une pionnière du punk en tant que jeune femme dans les années 70…

Je l’ai vue en concert aux Nuits de Fourvière il y a un peu plus de 10 ans, deux jours après le décès de mon père. Au milieu du concert, elle a pris sa guitare acoustique, a dédié Beneath the Southern Cross à ceux qui nous manquent et qui ne sont plus là, elle a commencé à jouer et du ciel est tombé une pluie diluvienne. Je me rappellerais de ce moment toute ma vie, c’était salvateur, cathartique, et depuis je sais que c’est ça que je veux faire de ma vie.

Tool – Right in two

C’est toujours dur de choisir un seul morceau pour parler des influences qui ont marqué l’adolescente emo/goth/skateuse/hippie/timide/pas originale/révoltée que j’étais (oui tout ça à la fois merci), mais je crois que Right in two est celui que j’ai le plus écouté d’entre tous. Et que je continue d’écouter encore aujourd’hui sans me lasser, j’aime tout dedans.

Roomer – Much Too Loud

Ma petite pépite souterraine & méconnue du moment. J’écoute cet album en boucle depuis sa sortie en avril dernier. Roomer est un groupe berlinois et ce qui me rend fan c’est leur manière de parfaitement entremêler guitares électriques bien heavy & textures de guitares acoustiques – et les mélodies earworms qui restent dans la tête.

Et cette manière de jouer lentement, de mettre de l’intention dans chaque attaque de cordes, ça m’évoque un mélange de Low et de My Bloody Valentine, shoegaze & neo-folk, tout ce qui me fait vibrer. Meilleure manière, lente & insistante & puissante, de dire à un mec lourd qu’il fait trop de bruit ; )

Claire days – Mauvais Voyage

J’ai découvert Claire quand je suis revenue dans la région lyonnaise en 2018, après avoir vécu une autre vie & un autre métier à Bruxelles durant quelques années. C’était le premier EP qu’elle sortait, Tightrope walking je me souviens que ce morceau m’avait tapé dans l’oreille, et j’ai tout de suite été absorbée par ses mélodies enchevêtrées, son timbre de voix, ses harmonies de chœurs, son jeu de guitare pas conventionnel… on a commencé à discuter sur Instagram. On s’est rencontrées, on est devenues très amies et on ne s’est plus quittées. C’est quelqu’un qui m’inspire par sa liberté, sa manière d’enregistrer et de produire, qui ne se laisse jamais enfermer par le confort et l’habitude, qui se renouvelle constamment.

L’an dernier j’ai eu la chance d’intégrer son groupe au poste de guitariste-choriste et c’est une aventure qui m’enrichit énormément, humainement et musicalement. On fait de la musique et de la guitare de la même manière, en parlant de couleurs plutôt que de noms de notes. Avec ses chansons en français elle arrive à rendre notre langue onirique, pleine de suggestions et d’images, et c’est ce que je cherche aussi à trouver avec mon écriture. Mauvais Voyage est ma chanson préférée de son dernier album, ma préférée à jouer avec elle sur scène aussi. Je crois qu’on a aussi en commun de pas trop aimer les catégories, les frontières, les cases ~ folk, rock, pop, français, anglais, ça se mélange. Ça me fait d’ailleurs penser à une citation que j’adore de Patti Smith : « Vous ne pouvez pas découper le monde. Ce n’est pas une tarte.»

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