ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent et les influencent. Pour la sortie de son premier album, Bile Noire, Emmanuel Emo passe sur La Face B pour nous raconter ses influences musicales.
Mickael Jackson – Black or White
Emmanuel Emo : Un après midi, alors que ma mère lisait un polar et que mon père était plongé dans un nouveau dessin, Black or White de Mickael Jackson passe à la télé. Le gamin de Maman j’ai raté l’avion (Macaulay Culkin) envoie le patriarche à travers le toit en plaquant un accord de guitare sur deux enceintes géantes. La saturation extrême envoyait valser le patriarcat. Je me suis mis à danser, en sentant une certitude me parcourir la colonne vertébrale : « Plus tard je serai Michael ! ».
J’ai développé une véritable obsession pour le Roi de la Pop jusqu’à ce que, quelques années plus tard, il m’apparaisse dans ma chambre au pied de mon lit… Ma mère inquiète m’a alors fait décrocher tous les posters qui recouvraient l’intégralité de mon mur. Finalement avec du recul cela m’a permis de faire le vide et de m’intéresser à d’autres trucs.
Nirvana – Territorial pissing
Je me suis mis à faire du skate et un ami m’a expliqué qu’il existe une musique particulière pour ce genre de pratique. Il m’a fait écouter quelques groupes comme Offspring, NoFx puis Nirvana ! Et là ce fut le choc. En écoutant Territorial pissing je me suis senti renaitre.
Mon père faisait pas mal de musique et malgré l’intro du clip de MJ, j’avais fini par associer la guitare électrique à un truc ringard, j’étais en pleine phase d’opposition à l’image du père. Je voulais que tout vienne de moi sans l’aide d’aucun adulte.
Je profitais alors de l’absence de mon père pour lui piquer sa SG Junior en regardant la VHS du MTV unplugged in New York de Nirvana pour apprendre à jouer. Je mettais sur pause pour reproduire chaque position de doigts de KURT. En parallèle je me suis mis à lire pas mal de poésie, aussi bien du Rimbaud ou Lautréamont, que les textes de Kurt Cobain.
Le coté abstrait de toute cette littérature a tout de suite résonné en moi. J’ai écrit mes premières chansons dans la foulée. Mes notes scolaires ont commencé à chuter, je suis passé de premier de la classe au petit marginal en quelques mois. Plus rien n’avait d’importance en dehors de mon nouvel objectif, je serai leader d’un groupe de Grunge et rien d’autre !
Joy Division – She Lost Control
Durant ces années collège, je commençais à faire mes premiers concerts avec mon groupe au Havre. Notre musique était très inspirée par le Neo Métal qui était en pleine apothéose. Mais l’énergie parfois très virile de cette musique ne m’apportait pas exactement ce que je cherchais. Mon père (encore lui 🙂 ) a accumulé une collection gigantesque de vinyles qu’il ramenait d’Angleterre en pleine période cold wave / Post Punk.
En ouvrant quelques cartons, je suis tombé sur la compilation Substance de Joy Division avec She’s lost control ! A ce moment j’ai clairement compris ce dont j’avais le plus besoin ! Les ambiances mélancoliques, contemplatives, c’est vraiment ma came. Je me suis identifié à fond à Ian Curtis, qui comme Kurt avait décidé de mettre en avant son caractère introspectif et solitaire.
J’ai alors écrit des morceaux plus personnel et développé une façon abstraite et poétique de décrire mon rapport au monde. Je pense d’ailleurs que ce que je fais aujourd’hui n’est qu’une extension de cette découverte. C’était une première porte ouverte dans le monde des « outsiders » dont je suis fou comme Daniel Johnston, Car Seat headrest ou encore…
Jean-Luc Le Tenia – Les Otaries
Jean Luc le Tenia ! Avec l’expérience j’ai fini par les reconnaitre au premier coup d’œil les solitaires mystérieux et dépressifs. C’est en rencontrant Benjamin Cashera de la Souterraine qui me proposait de participer à une compile hommage à Jean Luc que j’ai eu un autre tremblement de terre intérieur. J’avais maintenant la certitude qu’il existait des beautiful losers sur notre vieux continent, avec autant de charme et de profondeur qu’outre atlantique. C’est par Les Otaries que j’ai accroché à son univers. C’est toujours mon morceau préféré parmi les 2000 qu’il a écrit. D’ailleurs lors d’un de mes passages chez mes parents, j’ai balancé du Daniel Johnston et Jean Luc le Ténia, et mon père est instantanément devenu aussi fan que moi. Je dois avoué que ça me réjouissais de pouvoir à mon tour rendre à mon père ce qu’il m’avait donné.
XXXTENTACION – Moonlight
Mais je sentais que le combat des générations n’était pas terminer pour autant…
Il fallait trouver d’autres armes. On ne pouvait plus compter sur les guitares électriques pour le moment. Je suis tombé sur un nouveau rappeur US, un outsider de plus, XXXTENTACION et son single Moonlight , parfaite symbiose entre une attitude grunge, une profonde mélancolie dans les textes et des tas de nouveaux ingrédient musicaux. Je m’étais déjà mis aux synthés quelques années plus tôt mais il était temps de passer à la nouvelle guitare électrique, l’instrument de torture pour la génération précédente : l’AUTOTUNE !
L’effet, historiquement relié au rap, pouvait aller bien au delà de ce qu’on pouvait imaginer et apporter cette attitude provocatrice que j’avais toujours
cherché, tout en gardant intact cette mélancolie qui m’est chère.
J’aurai pu citer d’autres artistes comme Mansfield.TYA, Ange, Malicorne, Jessica93 ou encore Feldup… chers à mon cœur mais l’impact dans le développement de ma musique étant plus subtil, ce sera pour la prochaine fois !