ADN #495 : OK PLague

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent et les influencent. Aujourd’hui le groupe OK Plague nous partage ses inspirations.

portrait ok plague

Cheba Djenet – Nedirlah Tayha (Live)

Pour la prod de la voix et le mix ultra saturé super punk, c’était vraiment révolutionnaire à l’époque. Pour le mélange des langues qui est super naturel et pas forcé, preuve que tu peux parler avec ta musique à plein de communautés différentes .

Le côté « tu parles au public » et tu remercies les gens du quartier au début des morceaux nous plait énormément. On sent le public derrière la musique et le fait que l’artiste n’est pas seul mais qu’il est là pour les autres  – le rai a vraiment une fonction liante et fédératrice dans la forme même, la manière d’aborder le public.

Il y a aussi la question de l’autotune. L’autotune était à la base une solution aux mauvaises conditions d’enregistrement dans un milieu pauvre qui a fait ses preuves par la suite et qui est devenu une norme dans certains styles de musique, comme le rap en France, qui lui aussi est né dans des conditions similaires de pauvreté.

L’album qu’on a fait avec OK Plague, on avait un matériel un peu pourri d’enregistrement audio, du coup on est parti sur de la prod sale de la voix.

La prod sale, c’est souvent dû à des contraintes financières et matérielles, il faut légitimer cette manière de faire de la musique parce qu’elle a souvent beaucoup plus de choses à dire sur la condition des artistes au moment de la création que des prods lisses faites en studio. Il faut mettre en avant cette esthétique pauvre et ne pas la mépriser comme c’est souvent le cas dans les hautes sphères artistiques.

The Garden – Play Your Cards Right

The Garden parce qu’ils assument à fond leur position de bouffon en tant qu’artistes.

On sait pas si c’est volontaire d’avoir choisi cette figure du bouffon mais c’est super pertinent dans le contexte actuel de la musique où tu dois divertir absolument pour réussir, aux dépends de ce que tu voulais exprimer à la base. Ils poussent la figure tellement loin que ça en devient perturbant. Tu finis par te demander ce que tu recherches au fond quand t’écoutes de la musique.

Dans leur musique, ils font ce qu’ils veulent, ils passent d’un style à un autre de manière surprenante, utilisent des samples de cartoons, ils réaffirment carrément la liberté de pouvoir créer comme on veut, on les attend jamais au tournant, c’est un symbole de liberté créative, leur projet. 

Ça reconnecte aussi avec l’idée que l’art, c’est aussi apprendre à vivre avec l’inconnu et la nouveauté. Que faire l’expérience d’une œuvre artistique, c’est pas seulement regarder ta série confortable que tu connais sur Netflix, mais rencontrer d’autres perceptions et d’autres manières de vivre dans ce monde. C’est pas rester dans sa bulle quoi.

Khaled Freak – Marine le Pen chante du Rai

Ce remix de Khaled Freak est culte avec Cheb Jean Marie, c’était une évidence de le mettre ici parce que c’est vraiment la bonne culture internet que de faire exploser les frontières illusoires qui existent dans la vie réelle du vieux monde.

Ça montre un peu le côté absurde qu’on a à mettre les gens dans des cases quand tu vois que sur internet ces cases explosent aussi facilement.

JPEGMAFIA – Baby I’m Bleeding OK Plague

Parce que JPEGMAFIA est un vrai artiste politique sur les questions raciales aux Etats-Unis, peut être pas sur les autres questions en revanche. Il prend mot pour mot les discours des suprémacistes blancs et remplace le n-word par le terme de blanc et ça a fait des ondes de choc dans les milieux d’extrême-droite aux Etats-unis.

Il s’est ensuite fait harceler et menacer par des suprémacistes blancs et sa réponse ça a été de poster des photos de lui en train de s’essuyer les fesses avec le drapeau confédéré. On aimerait atteindre un tel niveau de style avec les fachos en France. Il faut que les artistes en France prennent position politiquement, on a vu par le passé que ça avait un impact sur la manière de penser de leurs auditeurs et que ça opposait une vraie force politique aux discours dominants mortifères.

T’as qu’à regarder BFM TV pour voir c’est quoi le discours dominants ultra raciste, climato-sceptique, sexiste..etc en France. Il faut choquer les gens au pouvoir et dans les médias autant qu’ils nous choquent avec les discours violents qu’ils nous font avaler, et qui divisent pour mieux régner 

Kill the white king

Dorian Electra – Man to Man

Parce que Dorian Electra perturbe de manière hyper ludique et divertissante, avec de la pop, les frontières de genres de l’espace social. 

Iel joue avec les codes internet et les algorithmes des réseaux sociaux pour faire venir un public homophobe dans l’espace artistique inclusif qu’iel crée. 

Iel avait par exemple réarrangé son profil instagram qu’avec des chansons chrétiennes qu’iel avait composé et s’était costumé en cliché de jeune femme chrétienne américaine pour qu’un public chrétien homophobe s’abonne à son compte pour qu’il ait accès ensuite à un contenu queer. 

C’est super intelligent, sachant à quel point les espaces idéologiques virtuels sont cloisonnés.  Quand t’es abonné qu’à des comptes type objectif millionnaire tu vas avoir accès en ligne qu’à du contenu ultra-capitaliste, vu que l’algorithme te présente que ce qui peut t’intéresser et du coup tu peux développer une manière de penser le monde qu’en termes d’argent et de profits.

Là, iel hacke littéralement la logique algorithmique pour y insérer des idées beaucoup plus ouvertes sur les autres, en l’occurrence sur la communauté lgtqia+ . Iel crée véritablement un espace virtuel démocratique d’échange, où t’as pas que les convaincus à ta lutte qui te suivent mais aussi celleux qui sont contre la vision du monde que tu portes, ça fait bouger les lignes par plein d’aspects.

(Re) Découvrir OK Plague :