Vous connaissez sans doute Clémence Quélennec en tant que chanteuse au sein du groupe La Femme. Depuis quelques années, elle explore également avec son projet solo ambient – Aja – d’autres univers musicaux, différents, mais tout autant singuliers. De petits biotopes sonores, qu’elle désigne par le terme d’Ajasphères, qui agissent comme des ouvroirs de nos imaginaires. Fermez les yeux et laissez-vous (trans)porter par sa musique.
Après un premier volume paru fin 2020, elle revient avec Ajasphère Vol. II à paraître le 24 mai. Sept compositions – longues ou moins longues – qui seront les bandes-son de vos futurs songes et voyages immobiles.
À quelques jours de la sortie de son nouvel album, nous sommes allés à la rencontre de Clémence pour tenter de saisir ce qui l’inspire et l’anime dans son projet Aja.
La Face B : Bonjour, comment cela va à quelques jours de la sortie de ton nouvel EP ou album – je ne sais pas trop – Ajasphère Vol. II ?
Aja : Oui d’ailleurs, on ne sait pas si c’est un EP, un album ou une compilation. Moi, je dis album. Maxime parle plutôt d’un EP. Comment ça va ? Trop contente. J’ai trop hâte qu’il sorte. Aussi, super contente de continuer sur cette série que j’avais commencé. Quand j’avais fait Ajasphère Vol. I, j’avais mis un « I » par que j’avais envie que cela fasse partie d’une série. Je suis trop contente de continuer. Qu’il y ait un deuxième volume. Qu’il y en aura sûrement un troisième. Et ainsi, pouvoir rester dans la continuité de ma vision.
« J’ai toujours écouté des musiques atmosphériques, instrumentales. »
La Face B : Avant d’explorer les Ajasphères, j’aimerais savoir – même si on a déjà dû te poser la question – d’où vient ton attrait pour la musique ambient sachant que tu collabores avec La Femme. Cela paraît antinomique, mais à bien réfléchir, cela ne l’est pas forcément.
Aja : C’est marrant. C’est une question que l’on me pose alors que pour moi ce n’est pas si curieux. Mais je comprends que cela puisse l’être pour les autres. En fait, ça ne l’est pas pour moi parce que j’en ai toujours écouté. J’ai toujours écouté des musiques atmosphériques, instrumentales, des musiques de film ou des musiques assez expé. Très jeune j’écoutais Radiohead, Sigur Rós ou Godspeed You! Black Emperor. Des morceaux avec des formats très longs comme chez Aphex Twin. J’ai toujours écouté de la musique comme cela, même de la musique classique, très instrumentale. Qui n’était pas de la pop. En fait, cela peut paraître étonnant, mais j’ai rarement écouté de la pop. Ce que j’écoutais c’était plutôt avec des musiques expé, un peu de rock aussi. Et c’est vrai qu’ensuite j’ai travaillé et je travaille toujours pour La Femme depuis plus de 10 ans.
Et oui, ce n’est pas du tout antinomique. Dans La Femme – et c’est ce qui fait l’originalité de ce groupe – il y a des phases expérimentales, des morceaux très longs, sans aucune percussion comme dans Vagues, avec beaucoup de reverb. Il y a une recherche sur les textures sonores. Tout cela pourrait être un point de rencontre. Cela fait partie d’un équilibre, je trouve intéressant d’explorer l’un et l’autre.
La Face B : Ce sont dans les deux cas des lieux de recherche.
Aja : Oui, de recherche. Et puis l’expérience scénique n’est pas la même non plus. C’est totalement différent [Rires]. Et ça fait partie d’un équilibre. J’ai besoin des deux pour trouver mon compte.
La Face B : C’est une ambivalence qui te nourrit et qui te permet de trouver du plaisir et d’un côté et de l’autre.
Aja : Oui, à la fois j’adore aller sur scène, chanter, danser et être dans une énergie de feu, très brut, rock.
La Face B : La dernière fois que je t’avais vue avec La Femme, c’était à la Fête de l’Huma (2023). Et ça avait été dantesque.
Aja : Il y a parfois des états de transe. C’est très grisant et souvent ce sont de grandes scène. À la Fête de l’Huma, je ne sais pas combien de gens il y avait, mais c’était énorme. C’est un shoot d’émotions immense. Mais cette transe, je peux également l’expérimenter avec mon projet solo Aja où je suis transportée dans la musique et les gens aussi.
Et je suis hyper contente d’être dans une tout autre attention. J’ai le temps de développer, je suis hyper centré avec moi-même. Je profite du son, je peux créer des paysages sonores longs, je peux envoyer les gens dans un grand voyage de rêve. Pareil, je peux ressentir des sensations assez fortes. J’aime ce travail qui me nourrit. Parfois, je suis même assise par terre et les gens sont par terre et ne bougent même pas.
La Face B : Justement, dans ta posture, lors des premiers concerts tu jouais débout. Aujourd’hui tu es plutôt assise.
Aja : J’ai testé assise. Ça a ses limites parce que maintenant j’ai mal au dos [Rires]. Et puis j’aime bien être quand même dans une forme de mobilité. Quand j’ai fait la première partie de Flavien Berger à La Cigale, j’ai choisi d’être debout devant un public debout. J’avais une petite appréhension en me disant que ça n’allait pas créer les bonnes conditions pour créer une attention. En fait, pas du tout. Ça a très bien fonctionné.
Et cela a donné d’autant plus de puissance que les gens pouvaient me voir et que je pouvais les voir. Ainsi, j’étais moins contrainte. Aussi, je pense que maintenant, je vais faire mes concerts peut-être assise ou debout, mais plus assise sur le sol. Car cela fatigue, cela fait mal au dos. Je ne suis pas très mobile en plus. Et pour évoluer avec la voix, ce que j’ai fait sur certains morceaux, être assise par terre n’est pas pratique.
« J’ai ainsi eu la volonté d’ouvrir ma musique et d’y faire intervenir des gens »
La Face B : Tu vas sortir ton deuxième volume d’Ajasphère. Le projet a pas mal évolué par rapport aux premiers morceaux. D’autres instruments entrent dans tes compositions.
Aja : J’ai fait le premier au Maroc quand j’habitais là-bas. J’étais seule et je n’avais aucun instrument avec moi. En fait, tout a été fait avec des plugins. Et puis les formats étaient très longs. J’avais même envie d’en faire des versions d’une heure. J’ai conçu Ajasphère Vol. I comme cela.
Pour Ajasphère Vol. II, j’étais revenu à Paris. J’avais commencé à connecter avec des musiciens, à être de nouveau dans le contact, dans l’échange et le partage. J’ai rencontré ceux avec lesquels on a créé une formation qui s’appelle le Radeau Consort. C’est un groupe de musique et d’instruments acoustiques. On fait de la musique expé, ambiente, en acoustique. Être entourée par ces gens – clarinette, trompette, contrebasse, guitare – m’a éveillé et m’a donné envie de collaborer avec certains d’entre eux. Ainsi, j’ai ainsi eu la volonté d’ouvrir ma musique et d’y faire intervenir des gens.
Sur Ondéambule, Jonas Dannecker a joué de la clarinette. Avec lui, ça a été aussi une rencontre. C’était en Allemagne où j’avais été pour un concert et il jouait de la clarinette après moi. C’était magnifique. Du coup, je lui ai demandé si on pouvait faire un peu de son ensemble avant que je reparte. En fait, ça a tellement bien matché que je lui ai demandé s’il était d’accord pour collaborer avec moi. Ça s’est fait comme ça, sur une rencontre.
Il y a également une autre clarinette sur l’album, celle de Léon Haouzi du Radeau Consort. Il y a aussi Clément Variéras que j’ai enregistré à l’organetto. C’est un instrument que j’ai découvert l’année dernière. Un son incroyable. Je ne sais pas si tu vois ce que c’est. C’est un petit orgue portatif médiéval.
La Face B : En fait, c’est l’instrument qu’il avait lors de votre concert “22e ciel” de l’Hyper Festival à la Maison de la Radio ?
Aja : Oui c’est ça ! Je lui avais dit, ramène-le ! C’est un instrument magnifique et je suis tombé tout de suite dingue de ce truc-là. On a essayé quelque chose ensemble. Ça s’est fait comme ça. C’est vrai que sur cet album, il y a des instruments acoustiques. Et même au niveau des morceaux on retrouve un peu plus de mélodies. Le travail sur les textures est également différent. Cela vient peut-être de mon évolution, des choses que j’écoute ou que j’expérimente.
La Face B : Tu as rajouté également un peu de voix à tes compositions.
Aja : Exactement, il y a de la voix disséminée un peu partout. Je l’ai utilisée pour faire des textures, des nappes. Et ça, c’est nouveau aussi. Qu’est-ce que j’ai rajouté d’autre ? De l’ocarina, de la harpe, du piano. Il y a un mélange électroacoustique.
« Il y a ce truc avec la harpe : arriver, chanter et raconter une histoire. »
La Face B : Et tu t’es mise à la harpe.
Aja : Oui, j’apprends la harpe. C’est un instrument que j’ai toujours rêvé de jouer. Je n’en avais jamais eu l’occasion. Quand j’étais toute petite et que je voulais faire de la harpe, il n’y avait pas de cours autour de chez moi. Il a fallu que je me résigne à faire du piano. Ce qui était cool aussi. Mais c’est vrai que j’ai toujours nourri une frustration de ne pas avoir pu faire de la harpe. Et quand j’ai reconnecté avec tous ces instruments, avec toutes ces rencontres de musiciens, il y a eu un nouvel appel.
Je me sentais contrainte avec mes synthétiseurs de toujours devoir être branchée pour faire de la musique. Ne pas pouvoir juste prendre une guitare ou un autre instrument pour jouer en soirée. Car, il fallait soit brancher un synthétiseur avec des enceintes, soit l’ordinateur…
Et j’ai « re » eu l’appel de la harpe. J’ai écouté pas mal d’albums de harpe à ce moment-là – notamment l’album de Mary Lattimore – et en fait je me suis dit « Let’s go, vaut mieux maintenant que jamais ! ». Et puis, j’ai découvert qu’il y avait des petites harpes sur Thomann à 300 €. Ça vaut son prix. Et même si ce n’est pas vraiment de bonne fabrique, mais ça sonne à peu près bien et cela me permet d’apprendre à en jouer. Aussi, pouvoir enregistrer des choses avec, en jouer au sein du Radeau Consort. Maintenant, je l’ai avec moi en live. Je joue de temps en temps avec. Je la passe dans des effets et m’amuse avec.
Ça me procure beaucoup de plaisir. Avant cela j’avais aussi un koto indien que j’avais ramené d’Inde. C’est une sorte de harpe plate avec quelques cordes, mais c’est très limité. Mais c’était déjà dans le process.
La Face B : En fait la harpe est un instrument que l’on voit de plus en plus. Camille (de Grand Blanc) en joue sur leur dernier album.
Aja : Oui et ça fait longtemps. Elle a toujours utilisé sa harpe dans le groupe de manière hybride. C’est un super harpiste. D’ailleurs je lui ai demandé de participer sur Absolune à l’album de remix ou plutôt de variations que je prépare. Pour cet album, j’ai demandé à des amis musiciens, instrumentistes de faire une variation autour du morceau.
Et oui, c’est magnifique. Hier, j’étais au concert de Shabaka, un jazzman qui vient de sortir un album merveilleux. À la base il est saxophoniste, mais là il était avec des flûtes, des clarinettes dans tous les sens et également deux harpes sur scène. Et c’était incroyable. Le travail des deux harpes ensemble et avec la flûte.
En fait la harpe, on en voit peu parce qu’il y a peu de joueurs et que c’est contraignant comme instrument. C’est énorme. J’ai une amie harpiste qui s’appelle Laure Brisa. Et cela, je m’en suis rendu compte à la Maison de la Radio quand on m’a prêté une harpe classique, une harpe à pédale immense. C’est intransportable.
La Face B : Et aussi, vous avez profité de l’invitation à la Maison de la Radio pour jouer sur des instruments d’exception.
Aja : Oui, on a fait appel au parc instrumental de l’Orchestre Philharmonique de la Maison de la Radio. On s’est fait plaisir [Rires]. Je suis passé d’une harpe de 27 cordes – d’ailleurs ma harpe est tellement petite que ce n’est même pas une harpe celtique, mais une harpe bardique – à quelque chose d’énorme. En fait, ils ont tout. Des percussions, des gongs…
La Face B : Et puis, ils ont dû être ravis de vous les prêter.
Aja : Ça permettait aux spectateurs d’avoir un très beau son. On était contents. C’était chouette ! Pour la harpe, comme je suis d’origine bretonne j’ai été biberonnée aux contes et légendes celtiques. À tout cet univers folklorique. Il y a ce truc avec la harpe : arriver, chanter et raconter une histoire. C’est un instrument que l’on associe au mystère, à la féérie. Il y a quelque chose de très cristallin qu’on croirait qu’il raconte. C’est ce qui m’attire dans cet instrument, il me fait rêver.
Il y a aussi quelque chose de physique à jouer de la harpe. Et ça, je m’en suis vraiment rendu compte à la Maison de la Radio. Avoir ce grand corps, cette caisse de résonance contre soi, c’est incroyable. Ça fait vibrer tout le corps. C’est dingue. On tient la caisse de résonance contre sa poitrine et ça fait vibrer tout le corps. Il y a quelque chose de très charnel, physique. J’ai aimé cette sensation que l’on ne trouve pas avec les synthétiseurs.
« J’aime bien jouer avec les mots ! »
La Face B : Pour en revenir aux mondes que tu décris dans tes compositions ce qui ne change pas trop entre le premier et le deuxième volume, c’est la façon que tu as de les nommer. Tu utilises ce que l’on appelle des mots-valises. Tu crées un nouveau nom en fusionnant deux termes existants. Comment cela se passe-t-il ? La musique vient d’abord ou c’est l’idée qui prime ?
Aja : En général le processus se déclenche à partir d’un son que j’aime bien. Je me dis : « Whaou, je kiffe ce son de synthé ». Je commence à faire une petite séquence de notes. Et souvent, cela m’appelle un univers. « Là, je vais développer comme ça », « Là, je suis plongé dans tel univers ». Une envolée, une course, un truc épique. Ou au contraire, une sieste au bord d’une rivière. J’ai des petites histoires qui se façonnent dans ma tête au fur et à mesure que je compose le morceau. Souvent la structure du morceau va s’appuyer sur le récit qui émerge dans ma tête. Alors tout un univers va se créer.
Pour les nommer, comme je n’ai pas de paroles, au début, je leur donnais des noms abstraits. Mais je trouvais cela un peu plan-plan. Et comme j’adore faire des jeux de mots, jouer avec eux, j’ai commencé à composer des termes. Mon premier mot-valise a été pour Pegazote. Je trouvais qu’il correspondait parfaitement au morceau. Je me suis dit : « C’est trop magique ». J’ai associé deux mots qui définissent bien le morceau. En fait, c’est l’histoire que je voulais raconter. Car j’imaginais un cheval ailé dans l’espace. J’ai pensé à Pégase et Azote. C’est très bête. C’était mon nom de démo.
Et puis j’ai trouvé que c’était trop fun à faire. J’ai essayé de voir si je pouvais en trouver pour les autres morceaux. Et à chaque fois j’en trouvais un qui correspondait exactement au mood. Pour le deuxième volume d’Ajasphère, je me suis dit que j’allais faire de même. Je trouve cela très ludique. C’est comme si les titres existaient déjà. J’ai l’impression juste de les trouver. Comme s’ils étaient dans une caisse et que je n’avais qu’à les en sortir. En fait, ça m’amuse beaucoup. Et puis je trouvais sympa d’avoir une DA qui se suive sur tous les volumes.
La Face B : Et c’est vrai que cela marche très bien. Ils permettent de bien définir les morceaux et pour nous d’avoir des petits points de repère.
Aja : C’est la poésie qui ressort de ces mots-valises. Au-delà de ça, je n’aime pas écrire. Mais j’aime bien jouer avec les mots ! C’est un terrain de jeu que je partage avec les mots.
« Il y a beaucoup d’inattendus à la Villa Médicis. On arrive avec une idée et autre chose s’est ouvert »
La Face B : Associés à tes compositions il y a tes jeux avec les mots, mais également un rapport aux dessins. Tu as fait une résidence à la Villa Médicis à Rome pendant laquelle tu as travaillé sur l’aspect graphique.
Aja : En fait à la Villa Médicis, j’avais proposé un projet pour le pensionnat d’un an autour d’un travail graphique. Un herbier imaginaire que j’avais déjà entamé à l’époque de la sortie d’Ajasphère Vol. I. J’ai commencé à peindre, à développer un univers graphique. À créer des plantes imaginaires, à les mettre en mouvements en 2D, à mettre de la musique. En fait, je n’ai pas été prise sur le pensionnat d’un an, mais j’ai fait une résidence d’un mois.
L’objet de la résidence n’a pas été axé sur un travail graphique. J’ai surtout fait de la musique et préparé un live. J’ai bossé sur mon live qui a été le rendu de ma résidence. Un mois c’est très court. En fait, aller à la Villa avec tous ces projets en tête c’est complètement irréaliste. Parce qu’une fois là-bas, on est happé par la ville. Rome est très magnétique. Aussi, je n’avais qu’une envie : être dehors et me connecter avec cette ville. Déambuler, visiter, rencontrer des gens. Finalement, tous les projets que j’avais je n’ai pas pu vraiment les réaliser. Mais bon.
La Face B : Ainsi, tu as capitalisé pour demain.
Aja : Oui c’est ça et puis j’ai fait beaucoup de sons. J’ai aussi rencontré un écrivain qui s’appelle Pierre Adrian avec qui j’ai collaboré et avec qui je vais probablement recollaborer pour la sortie de son livre à la rentrée. On a créé une lecture performée. Il lisait des extraits de son texte et je l’accompagnais en musique. Ce sont de belles rencontres.
C’est marrant, il y a beaucoup d’inattendus à la Villa Médicis. On arrive avec une idée « Je vais faire mon herbier ». J’étais venue avec du matériel pour dessiner. Et puis, autre chose s’est ouvert.
La Face B : Et tu continueras ton herbier à un autre moment.
Aja : Oui. Là, je n’ai pas trop le temps de me mettre au travail graphique. Parce que je suis en pleine sortie et que j’ai plein d’autres projets. Je t’ai parlé du Radeau Consort, il y a les concerts avec La Femme. Je joue aussi dans un autre groupe avec Albert Newton. En fait, c’est vraiment par période, par cycle. Mais c’est vrai que cela commence à me manquer un peu.
La Face B : Pour revenir à ton process de création. Sur le premier volume d’Ajasphère tu avais mis en place des contraintes sur la composition en te basant sur les cycles lunaires. Ce jeu de contrainte a-t-il perduré sur le second volume ?
Aja : Non. Il n’y avait aucune contrainte pour Ajasphère Vol. II. La contrainte du premier n’était pas tant de se caler sur les cycles lunaires. L’idée primaire était de faire un son et une vidéo avec mes visuels toutes les deux semaines. Ainsi, c’est ce qui a fait que je me suis ensuite calé sur le calendrier lunaire.
Pour celui-là, il n’y avait aucune contrainte. Je n’en avais pas forcément besoin. Pour le premier, cela a été un levier pour sortir des choses, sortir des sons, être dans une régularité. Là, j’étais plutôt dans une collecte de sons que j’avais déjà. Certains étaient finis. D’autres étaient encore à leurs prémices. J’ai pioché dans ce que j’avais et les ai réunis : « Je vais mettre ces sept morceaux ». Ensuite, le travail a été de les terminer.
Ce sont des morceaux que pour certains j’ai faits au Maroc, à Paris ou pour d’autres encore ailleurs et avec d’autres gens. Certains ont beaucoup évolués, d’autres sont restés globalement tel quel. En fait, je vois cela comme une compilation parce qu’il y a plein d’univers différents. Cela n’a pas été fait comme le premier sur une période définie, cinq mois. Pour le deuxième volume, cela a été plus étalé.
« Je me suis dit que la vie est magnifique. Merci pour ces moments d’émotions »
La Face B : Lors de tes concerts, j’ai eu la chance de te voir dans des endroits très différents, mais aussi très inspirants. Comme, la Fondation Carmignac sur l’île de Porquerolles, la Maison de la Radio, la Chapelle étoilée de Provins.
Aja : En fait, mon projet me permet d’explorer des salles, des endroits insolites avec une âme différente des salles de concert des SMAC que j’ai beaucoup parcourues avec La Femme. Mon attention était d’aller chercher des endroits qui éveillent, qui puissent mettre en condition et créer une attention particulière. Lorsque tu rentres dans une chapelle tu te tais. Tu parles doucement. Et j’ai vraiment vu ça chez les gens. Ça les a mis dans une condition particulière d’écoute, de silence, peut-être aussi d’intériorité. Les gens se sont tout de suite tus en rentrant dans la chapelle.
Et oui, c’est une expérience extraordinaire parce que c’est un lieu spirituel. Et comme dans tout lieu spirituel, il y a un truc magique qui opère. Savoir que les gens viennent ici pour prier, faire silence ou chanter. Ce soir-là on était seulement éclairés par des bougies. Il y a aussi l’acoustique. Ce qui est souvent intéressant dans les chapelles, ce sont leurs acoustiques. Ce sont des lieux faits pour recevoir du chant, de la musique. Ils sont faits pour que tout le monde puisse écouter. Il en émane quelque chose d’assez unique.
À la Fondation Carmignac, jouer en pleine nature au pied de cette œuvre « Sea of Desire », entouré du chant des cigales qui m’ont accompagné tout au long de mon concert, avec la mer au loin, c’est exceptionnel. Avec des gens, qui pareil, sont dans une autre disposition d’écoute. Ils étaient installés sur des cousins avec en fond sonore le bruissement des feuilles et le chant des cigales. C’est très plaisant. J’aime bien parce qu’à chaque fois c’est différent. J’essaye de communier avec le lieu. Je me demande comment les gens vont être. Comment le lieu va-t-il réagir ? Comment, pour moi, cela va sonner ? J’aime bien ce truc qui n’est pas normé. J’explore.
La Maison de la Radio. Incroyable. C’est un lieu qui suscite tout de suite le rêve.
La Face B : En plus, il y avait même comme un sas pour arriver là-haut. Un ascenseur qui nous menait par petits groupes 22 étages plus haut.
Aja : En plus, j’y ai passé deux jours de répétition avant tout la journée. Plus, deux concerts par soir pendant trois jours. J’ai passé cinq jours tout en haut de la tour centrale de la Maison de la Radio. Le temps des concerts et après, on buvait des verres jusqu’à minuit avec cette vue incroyable. Je n’ai même pas vu le reste du festival. On ne pouvait pas descendre de cet endroit. On était coincés là-haut parce que magnétisés par cette vue incroyable. Un lieu qui suscite le rêve, l’imaginaire, l’apaisement.
La Face B : Et puis il y a eu pendant le concert le lever d’une pleine lune juste à côté de la tour Eiffel.
Aja : Ah oui, merci de me le rappeler. C’était incroyable. En plus, cela avait été à un moment où je joue un morceau que j’avais écrit pour flûte. Là, le rêve devient réalité parce que Blumi le joue à la flûte. Il se passe déjà quelque chose dans mon cœur. Je suis concentrée, je suis les accords et j’écoute Blumi. Je me disais que c’était trop beau que mon morceau devienne comme je l’avais imaginé. Déjà dans une émotion, je lève la tête et je vois la tour Eiffel illuminée, dorée, magnifique et à côté une énorme pleine lune dorée. Vraiment énorme, juste en face de moi pendant ce morceau qui est un peu épique. J’ai eu une petite larme à l’œil. Je me suis dit que la vie est magnifique. Elle est trop belle. Merci pour ces moments d’émotions.
La Face B : Et pour les prolonger, tu as des actualités liées à la sortir de ton album.
Aja : Oui je vais avoir un concert le 18 mai au Toujours Festival d’Annecy. Ensuite, je vais sortir les variations sur Absolune. Je sors également une mixtape sur Station Station [Sieste Ambient #119 w/ Aja]. Je vais faire un DJ Set, je commence à mixer aussi. Pas trop d’autres concerts de programmé. Ma release party, c’est sûr, mais on n’a pas encore fixé la date exacte. L’album sort en vinyle le 24 mai.
La Face B : Et pour finir que peut-on te souhaiter ?
Aja : Plein de rêves. J’aimerais me souhaiter de pouvoir continuer. Je suis en train de réaliser mes rêves et j’en ai encore plein d’autres. C’est comme ça que je vois la vie. C’est ce qui me fait avancer. J’ai mes rêves et j’essaye de les réaliser. Aussi, vous pouvez me souhaiter d’aller au bout de mes envies, de ce qui me fait vibrer. Et puis de réussir à rendre mon projet pérenne. Car, c’est encore très précaire. De trouver une forme de stabilité économique. Même si ce n’est pas glamour.