Avec son troisième album, Off The Clock, Alex Van Pelt affine son style et trouve une sorte de sérénité. 10 titres pour 10 explorations d’univers musicaux qu’il a façonnés avec la minutie et la tendresse qui lui sont propres. Nous sommes allées à sa rencontre quelques jours avant sa release party au Pop-Up du Label.
La Face B : Bonjour Alex, comment cela va ?
Alex Van Pelt : Ça va [Rires]. En ce moment, je prépare mon concert du 26 octobre au Pop-Up -ma release party – et je suis, j’avoue, un peu éparpillé. Je me suis mis dans la tête de faire beaucoup de choses. Aussi, je me retrouve en ce moment dans un état un peu chaotique. Mais c’est cool ! Je prépare un fanzine pour le vendre au concert et je suis à la bourre là-dessus. Je fais donc de la BD préparant le concert en lui-même, en faisant en sorte qu’il y ait aussi des guests… J’ai donc le cerveau un peu en vrac !
La Face B : Mine de rien, tu viens de sortir ton troisième album (Off the Clock sep 2023, Global Crush nov 2021, Tum Tum mars 2019), c’est plutôt pas mal pour quelqu’un qui a mis du temps à se lancer en solo.
Alex Van Pelt : En fait, j’ai toujours composé. Dans mon premier groupe, le principe mis en place était que chacun écrive des chansons et les amène, ensuite dans le groupe. Dès le début il y avait donc cette idée d’écrire mes propres chansons. J’ai été formé à l’école de Coming Soon. Lorsque j’ai eu davantage de temps – Coming Soon s’était mis un peu mis en pause – j’ai eu envie de faire des choses plus personnelles. Le solo permet cela. J’ai le sentiment que le dernier album est plus intime que les deux précédents. Même si j’essaye toujours dans mes chansons d’écrire des choses qui parlent de moi, dans Off the Clock c’est plus profond.
La Face B : Et comment as-tu fait évoluer tes compositions au fil tes trois albums ? Le premier me semble par exemple plus expérimental.
Alex Van Pelt : Ce n’est pas réfléchi à l’avance mais j’ai tenté, à chaque fois, d’être plus minimal. Il y a cette image du geste comme celui que l’on fait lorsque l’on dessine. À force de faire la même ligne, elle devient plus fluide et en même temps plus simple. J’essaye d’épurer de plus en plus. Le premier album, c’était plein d’idées que j’avais eu en même temps. Un patchwork de beaucoup de choses même en termes de textures, de sons. Dans le deuxième, j’ai voulu faire quelque chose de plus maîtrisé. Le dernier est, pour moi, un retour au song writing. Plus simple. Je me suis davantage interrogé sur ce qui était essentiel dans une chanson. J’ai travaillé l’écriture des chansons. Si j’ai quand même gardé des textures, j’ai souhaité que chaque objet sonore soit judicieusement choisi, que cela ne forme pas une jungle.
La Face B : J’ai le sentiment que ton dernier album est plus introspectif, plus contemplatif. Que tu as appris à prendre le temps.
Alex Van Pelt : C’est cela. C’est un album qui parle beaucoup du temps et de ma manière d’être, face au monde. J’ai un peu l’impression que les choses vont très vite autour de moi, et j’ai du mal à suivre le rythme effréné auquel on est soumis. Le rapport aux réseaux, les contenus… J’ai envie de dire avec cet album « Prenons le temps de faire les choses » afin de mieux les apprécier.
La Face B : À inspirer et à expirer comme dans la chanson Breathe In Breathe Out
Alex Van Pelt : Tout à fait ! Cela relève de la méditation [Rires]
La Face B : Il y a même quelques sonorités japonisantes comme dans Dig Dig Dig ou Breathe In Breathe Out. Tu as de nouvelles sources d’aspiration ?
Alex Van Pelt : J’ai toujours été fan de Ryūichi Sakamoto et du Yello Magic Orchestra. Ce sont des inspirations qui étaient déjà présentes dans les albums précédents sur les textures de synthé. Là cela revêt un aspect plus contemplatif. Plein d’artistes japonais du courant ambient sont présents en moi et ressortent par moment comme dans l’instru de Breathe In Breathe Out.
La Face B : Si ton album renferme des ballades aux rythmes lents, d’autres prennent par moment des teintes plus rock
Alex Van Pelt : J’ai des racines « groupe de rock ». Ça peut ressortit par moment même si j’ai le sentiment que Off the Clock est l’album le plus calme que j’ai fait. C’est vrai qu’il y a une tension derrière.
La Face B : Ce n’est pas quelque chose que l’on ressent à la première écoute, mais que l’on remarque ensuite.
Alex Van Pelt : Oui, il existe une nervosité sous-jacente. Les chansons ont un côté thérapeutique. Derrière le calme apparent, souvent cela bouillonne !
La Face B : D’ailleurs lorsque tu avais accompagné Léo Léonard en décembre dernier au Pop-Up ça envoyé plutôt bien !
Alex Van Pelt : C’est vrai, il y avait beaucoup de guitares électriques assez saturées. Je continue à apprécier les sons plus violents. Pour l’instant, je ne les incorpore pas complètement. Mais pourquoi pas, un jour, refaire du rock.
La Face B : En fait tu aimes bien expérimenter, explorer de multiples chemins sonores.
Alex Van Pelt : C’est quelque chose que je partage avec mon autre groupe, Mont Analogue. Avec lequel on est davantage dans la recherche de textures. Je pense que cela m’a nourri. Et quand je fais des morceaux pop, j’ai envie qu’il y ait des choses qui accrochent l’oreille dans la production. Je le fais par instinct, de façon pas très réfléchie, « Il faut qu’il y ait quelque chose qui déborde ». Je n’aime pas trop que ce soit trop rangé. J’ai envie qu’il y ait un peu de bordel.
La Face B : Cela commence tout calme pour partir ensuite sur complètement autre chose.
Alex Van Pelt : C’est ce que l’on a essayé de faire avec le clip aussi. L’idée de passer du quotidien routinier au film d’horreur.
La Face B : Comme dans les films des frères Coen où le chaos s’installe sans crier gare.
Alex Van Pelt : Complètement. Pour le clip, la ref – assumée – c’était Evil Dead que j’avais reregardé. Avec Pacôme [Henry], on en a beaucoup parlé, il y a plein d’idées de mises en scène qui ont jailli. Ce qui est marrant dans les films d’horreur, c’est qu’ils ont un côté hyper ludique. On retrouve cela dans le rapport à la musique : des textures et plonger les mains dans des trucs gluants.
La Face B : Pour revenir à Mont Analogue, je crois qu’il y a un nouvel EP de prévu pour novembre (Faire Fleurir – Avec Ben Lupus).
Alex Van Pelt : Cela va être une sorte de mini-album de six ou sept morceaux. On a travaillé avec un danseur pour un spectacle et c’est la musique de ses solos de danse. C’est un album qui n’est pas exactement ce que l’on fait en direct, mais qui se pose comme une réminiscence de ce spectacle. On est parti sur un délire un peu SF du style Premier Contact.
La Face B : Faire de la musique pour de la danse, c’est une façon d’élargir votre champ d’intervention ?
Alex Van Pelt : Avec Mont Analogue, on avait déjà fait de la musique pour le théâtre. Là, on a rencontré un danseur que l’on aime bien qui s’appelle Nicolas Fayol. À force de discuter, on s’est dit que l’on devait faire quelque chose ensemble. Nos univers matchent bien ensemble et l’on a un peu le même langage. C’est toujours cool à faire, car c’est une autre approche de la musique. Ça me sort du cadre de la pop où je n’ai pas à concevoir un morceau sous la forme refrain-couplet. L’approche est différente, peut-être plus sensible aussi. Cela peut s’apparenter à de la peinture.
La Face B : C’est amusant, Flavien Berger vient de mettre en musique le dernier spectacle de Léo Walk.
Alex Van Pelt : J’ai vu ça. Cela devient grave à la mode ! Cela change et du coup quand tu reviens à des formats plus classiques tu es content, car cela t’a nourri différemment.
La Face B : Pour en venir aux thèmes que tu abordes sur ton album, comment peut-on traduire le titre de l’album Off the clock ? Asynchrone ? te sens-tu en décalage dans le monde d’aujourd’hui ?
Alex Van Pelt : Il y a plusieurs sens. Off the Clock, « asynchrone » peut être un bon terme, mais il y a aussi l’aspect « hors du temps ». Où je n’ai pas envie de faire des choses calées dans la mode du moment. J’ai plutôt envie de prendre des inspirations de partout. En anglais on utilise cette expression quand on sort du travail. Quand tu es Off the Clock, tu as fini de travailler et tu disposes de temps libres. J’avais envie que l’album soit cela, un éloge de l’oisiveté, que ce soit comme une récréation. On retrouve le thème de la contemplation, d’arrêter la course.
La Face B : Le fait de chanter en anglais n’est-il pas un frein à la compréhension de tes textes. Est-ce vraiment grave si on loupe certaines subtilités des textes. La mélodie et l’interprétation sont souvent plus signifiantes.
Alex Van Pelt : Ça « limite » en France, mais pas dans le monde. Je chante en anglais parce que je l’ai toujours fait. C’est ce qui m’est le plus naturel. J’aime bien la langue. Elle me semble plus élastique que le français. Et aussi toutes mes inspirations et mes influences sont à la base anglo-saxonnes. Par conséquent, c’est une manière de rester dans un monde que je me suis construit. Je ne pense pas que j’arriverai à écrire en français. J’ai tenté une fois, mais cela devient très rapidement pompeux. L’anglais me permet d’être efficace. Mais être en anglais ne signifie pas qu’il faille écrire n’importe quoi. On doit rester attentif à ce que l’on dit. Cela reste des mots et les mots sont importants.
La Face B : Tu prépares la release de ton album au Pop-Up du Label le 26 octobre. Tu prévois plein de choses.
Alex Van Pelt : Oui, effectivement, j’essaye de prévoir un concert qui ne ressemblerait pas juste à un concert. Mais j’avoue que c’est encore un peu flou. J’ai préparé des trucs avec des petites surprises à droite à gauche. J’ai envie que ce soit un moment avec les gens.
Dernièrement, j’ai fait une tournée en première partie de Ryder The Eagle où je n’étais qu’en guitare-voix. Je ne l’avais jamais fait avant sur tout un set. Et en fait, je me suis rendu compte de la liberté que cela me donnait. Liberté de ne pas à attendre soit des musiciens, soit des bandes. Ça m’a permis de parler plus facilement avec le public. J’avais presque la sensation de faire quelque chose se rapprochant du stand-up. Le stand-up c’est la forme parfaite du live. Arriver avec juste un micro et essayer d’avoir une réaction de gens. C’est un truc de fou. Je n’ai pas la prétention d’arriver à faire cela, mais j’aimerais réussir à créer un espace avec les gens qui va au-delà du concert. Je ne sais pas encore comment je vais le faire.
La Face B : Tu auras des invités, je suppose, à commencer par Géraldine [Baux aka Geagea] en première partie.
Alex Van Pelt : Elle prépare son concert exprès pour cette date. Elle n’avait pas assez de morceaux. Elle en a composé d’autres pour ce concert. Ça va être chouette ! Pacôme – qui fait mes clips – sera en DJ Set après le concert. Ça va être en famille. Et en plus, je vais avoir quelques invités sur le concert que je ne dévoilerai pas aujourd’hui.
Quand on fait de la musique, rapidement on se côtoie. Et, ce qui est drôle avec Géraldine ou Norma c’est que cela remonte à loin. Géraldine, je l’ai connue à l’époque des Dodoz, en 2006 ou 2007. Pareil pour Jazz Lambaux ou Ryder the Eagle, tous ces musiciens de Toulouse sont des gens que j’ai toujours connus. On a suivi par moments des chemins parallèles et finalement on se retrouve à 32 ans à faire encore la même chose.
La Face B : C’est important de se sentir ensemble
Alex Van Pelt : Oui, c’est un métier assez solitaire. En particulier aujourd’hui où tu fais souvent de la musique solo, où tu passes beaucoup de temps dans ta chambre à être seul sur ton ordi. C’est important de pouvoir partager avec des gens qui font pareil que toi. Sinon tu deviens complètement fou.
La Face B : Et pour finir que peut-on te souhaiter ?
Alex Van Pelt : La paix. La paix intérieure et la paix mondiale aussi parce qu’en ce moment, elle en a bien besoin. Le calme et la sérénité