ALIAS : « Il y a quelque chose de positif dans l’idée de tout détruire pour tout reconstruire »

On ne va pas se mentir, on adore suivre des artistes en interview. Cela créer un lien et permet de suivre l’évolution d’un projet. Retrouver ALIAS est donc toujours un immense plaisir. Déjà parce que le garçon est un bon client et aussi parce que sa musique est en évolution permanente. On a donc repris notre conversation avec lui pour parler d’EMBRACE CHAOS. Au programme : la fin de la guitare, jouer avec la musique, l’importance de la sincérité, la science fiction, la violence et la libération du chaos.

Crédit : Rémi Sourice

La Face B : Comment ça va Manu ?

ALIAS : Très, très bien. J’ai un whisky avec un mélange de glace pilée bizarre mais c’est cool. (rires)

LFB : L’album est sorti vendredi. Tu as déjà une grosse tournée qui commence maintenant. Est-ce que c’est quelque chose de rassurant pour toi de voir que ça continue et que tu es attendu, qu’un chemin se trace pour ALIAS ?

ALIAS : Oui, c’est vraiment trop cool. C’est flatteur, c’est super chouette. Mais non, ce n’est tellement pas rassurant parce que j’ai tellement peur de la montagne de concerts et de shows qu’on doit faire. Et aussi de se dire nouvel album, nouveau show, 14 nouvelles chansons. Je n’aime pas faire des transitions, tu me connais. Il y a un nouvel album, on joue le nouvel album. D’un coup, c’est 14 nouvelles chansons. C’est moi qui décide comme un con mais ça me met de la pression en live. Il y a une grosse tournée, beaucoup de shows, 14 nouvelles chansons. J’aime beaucoup ça, c’est rassurant mais en même temps, j’ai peur.

LFB : Du coup, tu ne rajoutes pas des morceaux de Jozef dans le set ?

ALIAS : Il y en a peut-être deux.

LFB : Tu les transformes pour coller à l’esthétique d’EMBRACE CHAOS ?

ALIAS : Ouais, un petit peu. On joue encore Together et Dance with a Psychokiller. Ce sont des chansons qu’on a un peu réadaptées effectivement. Il n’y a plus de guitare sur scène donc faut faire avec.

LFB : Plus du tout ?

ALIAS : Non, du tout. Donc on les a réadaptées un petit peu.

LFB : Jozef était noyé dans le rouge et le noir. Là, même sur la présentation quand les premiers singles sont sortis, on était sur des couleurs entre le rose fluo et le pastel qui correspondent bien pour moi à ce que je représente l’album. Je me demandais comment la couleur influence ta musique ?

ALIAS : En fait, je voulais que ce soit un peu bordélique. À la base, j’avais une référence un peu esthétique qui était l’iridescent. C’est comme quand tu retournes un CD. Le côté un peu hologramme avec toutes les couleurs, c’est assez énigmatique pour moi. Tu regardes ça, c’est un peu le bordel. Le côté un peu arc-en-ciel, plein de couleurs qui pop dans tes yeux. Déjà, j’aimais que ça soit un peu un chaos dans les couleurs mais aussi j’aimais que l’album s’appelle EMBRACE CHAOS. Quelqu’un m’a dit que ça connait comme un titre d’album d’un groupe metal. Finalement, je trouve ça cool d’y aller avec une esthétique beaucoup plus plastique, kitsch, glamour… Beaucoup de couleurs, vraiment plastiques. Le violet, le mauve, le rose, le turquoise. Que ce soit EMBRACE CHAOS, c’est un côté totalement faux, plastique. J’aimais bien.

LFB : Ce qu’il y a de marrant, c’est que sur la pochette, tu as aussi ce côté un peu de patchwork et d’assemblage un peu désordonné. Tu as vraiment le marquage de coupures.

ALIAS : C’est ma fiancé, Léa, qui a fait ça. C’est elle qui a fait tout le graphisme de l’album. Elle a vraiment su mélanger un peu le côté manuel, elle a imprimé des choses qu’elle a redécoupées, elle a refait du design, elle refaisait du graphisme dessus. Elle a du couper ma tête un million de fois, je pense qu’elle ne doit plus me voir en peinture aujourd’hui. Elle a reçu toutes les photos de Gaëlle qui étaient prises pour l’album, et elle devait faire du découpage. On a essayé plein de choses et c’est elle qui a vraiment designé la pochette. Je suis super content parce qu’il y a plusieurs lectures.

LFB : Tu as l’impression que même toi, dans la façon dont tu es représenté sur la pochette, on ne sait pas si tu as la rage ou si tu sors d’une overdose.

ALIAS : C’est drôle. Je me suis amusé vraiment de manière très directe un peu imagée. Comme ce bleu. J’ai pété une pilule de truc pour que ça sorte un peu, on m’a peinturé un peu le bas de la bouche. Cet album, c’est comme le « Inner chaos », le chaos que tu as en toi. C’est quand même beaucoup sur le let it out. Laisse le sortir. C’est comme si je le vomissais un petit peu mais tranquillement. Ça coule de ma bouche.

LFB : Jozef était un album concept dans le sens où tu étais sur un personnage et il y avait une histoire, alors que là j’ai l’impression que c’est un album d’idées. Il n’y a pas vraiment de personnage unique et il y a cette idée du chaos et comment elle se développe dans chaque morceau et dans chaque histoire très différente.

ALIAS : Une fois de plus, tu m’énerves. Tu as entièrement le truc. C’est juste des idées, des contextes, des situations qui contextualisent un chaos. Dans tous les cas, dans toutes les chansons, c’est positif. Même si ça passe par le chaos, le néant. Tout détruire pour tout reconstruire. Ça pour moi, c’est le chaos et j’aime beaucoup cette idée. Tout détruire pour tout reconstruire. Il y a quelque de positif là-dedans. Quand tu détruis tout, c’est que tu laisses ton chaos sortir de toi. C’est positif.

LFB : C’est ce que tu fais avec ta musique en fait parce que finalement, l’hôpital psychiatrique en feu de Jozef, ça peut être l’album qui a cramé complètement et avec les cendres, tu as composé quelque chose d’autre.

ALIAS : J’aime beaucoup ça. Oui. C’est surtout aussi que j’aime bien le désordre. J’aime bien commencer quelque chose sans avoir vraiment une direction particulière. Je n’ai pas envie de redire ça, j’allais dire que j’aime bien quand c’est chaotique mais c’est vraiment comment je compose. Pour cet album-là, j’ai vraiment voulu illustrer la manière dont comment je compose et comment je vois les choses. EMBRACE CHAOS, pour le coup, c’est très personnel. C’est beaucoup plus personnel que Jozef. J’avais créé quelqu’un derrière qui je me cachais mais là, c’est vraiment limite comment j’ai fait l’album, comment je l’ai enregistré, comment j’ai écris les paroles, ce que j’avais en tête. C’est le bordel total dans ma vie, dans mon quotidien, dans mon emploi du temps.

LFB : Si on suit le projet ALIAS depuis quatre ans, j’ai l’impression qu’il y a deux idées et deux lignes malgré tout directrices dans ce que tu fais : l’expérience de l’auditeur qui est hyper importante et la peur de l’ennui. J’ai l’impression que si tu changes en permanence, c’est parce que tu as peur de te faire chier dans quelque chose que tu as déjà traité.

ALIAS : Tu me connais mieux que moi-même. Honnêtement, tu as entièrement raison. Comment j’aborde mes projets depuis le début, effectivement il y a ce côté où je change beaucoup parce qu’il y a cette peur de l’ennui. J’aime bien divertir et pour divertir, j’aime bien donner du relief. Et pour donner du relief, je n’ai pas envie de faire tout le temps la même chose. Donc ça veut dire que je fais des choses très souvent différentes. Donc tu as totalement saisi le truc. Je n’aime pas la répétition, j’aime être surpris moi dans ma vie. Donc si je dois l’appliquer dans mon travail, il va falloir que je travaille pour surprendre. Ça peut déplaire, mais c’est ok si ça déplaît.

Crédit : Cédric Oberlin

LFB : Tu créés ta musique comme tu l’écoutes en fait. C’est ça que je trouve hyper intéressant. Tu as des artistes qui réfléchissent trop à leur public et à ce que le public attend. J’ai l’impression que tu en as rien à branler et pour moi, c’est une qualité. Tu créés la musique en fonction de ce que toi, tu as envie d’entendre sur le moment.

ALIAS : Le but, à la base, c’est d’être vraiment full sincère. J’essaie le plus possible. Dans ma vie, effectivement, c’est la fameuse phrase où on fait de la musique et on ne sauve pas des vies. Effectivement, l’art musical a un impact dans la vie des gens. Je ne dis pas que je ne prends ça au sérieux non plus mais quand je le fais, je n’ai pas trop envie de me prendre la tête. Ce que je fais, il faut que je sois à 100% sincère. Dans le reste de ma vie, quand je fais de la musique à l’image, j’essaie de l’être le plus possible mais je réponds à une demande. Donc là, si je réponds à ma propre demande et je ne suis pas à 100% sincère, pourquoi je fais ça ? Je veux être 100% sincère donc je m’écoute moi-même, même si ce sont des mauvaises idées. Je vais jusqu’au bout.

LFB : La façon dont tu le fais est sans cynisme alors que c’est un album qui en est rempli.

ALIAS : Le cynisme, j’adore ça. Être cynique, l’humour noir, aller dans des avenues, des directions musicales qui sont à l’encontre de ce que je projette visuellement ou inversement, j’aime ça. J’aime brouiller un peu les codes.

LFB : Pareil pour la violence. J’ai l’impression que l’idée de la violence est une espèce d’obsession qui est mise dans ta musique pour l’évacuer de ta vie réelle.

ALIAS : Ouais mais tu vois, par exemple, je ne pense pas que je le verbalise par violence. Je vais parler du chaos, oui effectivement un serial killer c’est de la violence mais si tu écoutes vraiment Jozef, il n’y a pas vraiment de violence.

LFB : Elle est sous-entendue.

ALIAS : Il y a plusieurs lectures. Comme je te le disais la dernière fois, j’aimerais que Jozef soit un dessin animé créé par Pixar. C’est sûr que ça ne passerait pas mais c’est ce que j’aimerais. Effectivement, il y a ce truc. J’adore la boxe, je suis un grand fan de MMA. J’aime beaucoup le sport de contact. Ce n’est pas hasardeux. Miles Davis était un boxeur. Il y a quelque chose de relié. On appelle ça de la percussion. Moi, je suis un batteur. J’ai toujours aimé cette violence, let it out. J’aime quand ça sort, que ça devient bestial et j’aime surtout aussi quand c’est tout contenu. C’est implosif. Moi, je le fais de manière explosive et je respecte beaucoup les personnes qui le font de manière implosive.

LFB : L’ouverture de SAIGON, pour moi la ligne mélodique est la même que celle de The End.

ALIAS : Tu as un peu raison. C’est vrai. Je ne sais pas pourquoi. Ça, je pense que c’est inconscient. Je le réalise. C’est toi qui me le dis parce qu’on se connaît mais tu as raison.

LFB : J’ai l’impression que même si c’est inconscient, il y a une espèce de rappel mélodique en mode : c’est le même artiste mais je vais complètement déconstruire ce que j’ai fait avant.

ALIAS : J’aime ça. Je vais faire une référence vraiment bizarre. Je suis un grand fan de Mario. Je sais que c’est un peu toujours les mêmes codes. Tu es sur les mêmes trucs : tu as la cape, tu voles, tu as l’étoile, tu cours super vite. Mais j’aime ça, quand je change de monde. Quand tu changes de map, tu arrives dans un autre truc. C’est d’autres choses. Tu glisses sur la glace. Il y a plein de petits trucs en plus mais c’est toujours les mêmes codes. Je suis très geek, je joue beaucoup. Je pense que peut-être que la musique, je l’aborde un peu comme ça. J’aime avoir comme des nouveaux level.

LFB : Il y a un rapport hyper intéressant dans l’écriture à la science-fiction sur EMBRACE CHAOS. Que ça soit SAIGON qui est une version déglinguée d’Un jour sans fin ou DIET COKE ON ICE.

Même OLD MAN est aussi un truc de science-fiction. Il y a vraiment ce rapport à l’histoire, qui est aussi dans la musique et de faire passer des idées très contemporaines.

ALIAS : Ouais. En fait, cette fois-ci, le chaos, le bordel, désarroi, ce qu’on a en nous, c’est assez large comme sujet. Quand je dis Embrace it, c’est assume-le. Let it out, c’est exprime-le. Des sujets comme OLD MAN, je trouvais cool quand même. Mais ce n’est pas nouveau, ça existe déjà. Il y a des films qui sont faits sur ça. Tu rencontres ton toi plus vieux. La personne que tu rencontres plus vieux qui est toi est fucking triste, a fucking échoué dans sa vie. Tu as le droit à une discussion avec cette personne-là qui dit qu’elle a échoué sa vie. Vous parlez ensemble et il te dit qu’il ne faut pas faire ça. C’est presque une relation paternelle mais avec toi-même, c’est bizarre. J’aimais ça quand même.

DIET COKE ON ICE, je ne sais pas pourquoi j’ai cette passion pour cette sorte de court-métrage sci-fi où des robots arrivent sur la planète et défoncent tout en tuant à la Black Mirror. Sans le côté donneur de leçons. J’aime quand même ça le côté chaotique. Pour moi, j’aurais trouvé ça cool que des robots arrivent et découvrent. Ils sont là pour tout défoncer mais en fin de compte, ils découvrent le coca light et ils en veulent avec glaçons parce que c’est trop cool pour eux. Ils adorent ça. Je pense que c’est un peu une petite référence à mon double Jameson on ice. Je ne l’ai pas écris comme ça mais je pense que c’est un peu lié.

LFB : Est-ce que tu avais envie de faire un album sexy ? Musicalement attrayant.

ALIAS : J’avais des attentes par rapport à moi-même. Je voulais faire des featurings. J’aimais bien l’idée des doubles featurings. J’ai travaillé avec Virginie B. Incroyable musicienne. Et Meggie Lennon, incroyable musicienne. Les deux, sur une même track. KROY et Cadence Weapon, j’avais envie d’aller sur des avenues où je faisais du hip hop, faisons du hip hop. C’est comme le début de la fin. Je suis un grand fan des featurings.

LFB : Ça t’aide dans ton interprétation aussi j’ai l’impression. On en avait déjà parlé, du fait que tu joues beaucoup avec ta voix. Mais là, le fait d’avoir un dialogue dans le morceau te permet aussi parfois d’aller beaucoup plus loin que ce que tu avais pu faire auparavant.

ALIAS : Je m’amuse à chaque album. Ce sont des nouvelles règles. C’est comme si tu créais un nouveau jeu à chaque fois. Comme un jeu de société, on change les règles cette fois-ci, sinon c’est boring. C’est un parti pris, ça plaît ou ça ne plaît pas. Je ne fais pas de la musique pour plaire aux gens. Je donne ce que j’ai à donner et les gens à qui ça plaît, viennent. Je ne fais pas ça pour alpaguer tout le monde et faire du fric, même si j’ai envie de faire du fric comme tout le monde.

LFB : Tu le fais autrement. Tu as une carrière à côté du projet ALIAS qui te permet aussi de ne pas jouer ta vie.

ALIAS : Bien sûr. Je le fais avec toujours une approche sincère mais c’est clair qu’avant tout, ce que j’aime voir, ce sont des artistes sincères. Je ne dis pas que j’aime tel style de musique ou tel style de musique. Je n’aime pas un style de musique en particulier. J’aime voir des artistes sincères. Donc je m’efforce, je m’exerce un peu sur le fait d’être le plus sincère possible. Si ça déplaît parce que c’est complètement différent à chaque chanson, it is what it is.

LFB : Si je te parlais d’album sexy, c’est surtout parce qu’il y a une sur-importance de la basse sur cet album, et des percussions. Il y a un rendu très, très physique.

ALIAS : Tu as totalement raison. Il n’y a plus de guitare, donc la basse a pris un certain rôle. C’est devenu un peu main. Je n’ai pas commencé l’album avec les basses, au contraire. Ce sont des choses qui sont arrivées en dernier mais qui… C’est un peu dur à décrire. Comment j’ai procédé ? Beaucoup pour cet album, c’est beaucoup parti d’erreurs. Je partais sur des synth, je créais des loops, des glitchs. Sur des synthés et des claviers que je ne comprenais même pas. Des trucs modulaires. Je mettais des câbles, je ne savais même pas ce que je faisais. Il y avait une sorte de loop d’erreurs qui se créait. Je trouvais ça trop cool, je l’enregistrais. J’enregistrais de la drum dessus mais il n’y avait aucune tonalité. D’un coup, là je prends la basse et je commence à apporter le support mélodique. Et d’un coup, la chanson existe un peu grâce à la basse. Mais tout part d’une erreur.

LFB : La basse que tu tritures beaucoup moins. Tu le dis toi-même, je trouve que la batterie a une importance prépondérante dans l’album. Parfois, tu la doubles, la triples.

ALIAS : Il y a trois drums sur BAD KIDS.

LFB : Il y a un côté très métal du coup. Mais c’est intéressant parce que là aussi, ce sont des éléments classiques mais la manière dont tu les utilises rend la musique inattendue.

ALIAS : C’est gentil. Je ne sais pas quoi dire.

LFB : Le morceau avec Cadence Weapon qui est très hip hop, là aussi. La batterie et les percussions déboitent complètement.

ALIAS : Il y a quelque chose de messy un peu dans les percussions. Il y a quelque chose un peu incontrôlable. J’aime beaucoup l’aspect tribal. Si tu écoutes l’album Taste, c’est très bordélique au niveau des percussions. J’ai commencé la batterie et j’ai plus de plaisir à directement créer des choses complètement bordélique. Genre EMPTY HEAD, j’ai mis des des cymbales au sol dans mon studio. Je tapais avec des spatules, des cuillères, des trucs et j’avais mis des micros, juste pour m’amuser. Pour essayer de retrouver un petit truc à l’ancienne où tu te dis que tu n’as pas les moyens d’avoir une drum.

LFB : C’est la création dans le chaos encore une fois.

ALIAS : Une fois de plus, tu l’as. La création dans le chaos, ça je vais le récupérer.

LFB : Ce que j’aime bien sur l’album aussi, c’est qu’il n’y a plus de guitare mais tu traites les synthés comme des guitares.

ALIAS : Tu ne te trompes jamais. Incroyable, tu lis tellement dans tout ce que j’ai fais. Mais oui, j’ai acheté des synthés que j’aimais vraiment beaucoup. Un Korg, un prophet… J’ai mis effectivement… J’avais mon pédale board de tournée de Jozef, je l’ai enlevé, j’ai mis les pédales sur les synth. J’étais là : on laisse la guitare de côté, maintenant ce sont les synth. Je me suis vraiment amusé et là-dedans, ce que je voulais retrouver, c’est la recette un peu rock un peu dirty dans les synth.

LFB : Il y a une patte sonore.

ALIAS : Je ne dis pas que ça remplace les guitares.

LFB : Moi, ça m’a beaucoup fait penser à From Deewee de Soulwax qui est l’album avant qu’ils vrillent complètement électro. C’est un album très rock mais qui tendait vers cette idée de dancefloor.

ALIAS : Ouais, mais vers des avenues… Oui c’est ça. Comment traiter les synth. C’est comment chacun l’aborde.

LFB : Je me demandais si dans la création de l’album, même si c’est le bordel assumé, est-ce que tu avais mis des sortes d’étapes ? J’ai l’impression qu’il y a un peu des morceaux étapes qui permettent d’aller du début à la fin. Tu as des espèces de morceaux qui ressortent. Tu as DEMO et COCKTAILS AND DREAMS qui finit. J’ai l’impression qu’ils hachent l’album pour permettre de reprendre une respiration et de marquer certains points d’accès aux idées qui en ressortent.

ALIAS : Oui, tu as raison. Comment le pacing de l’album a été fait ? C’était sur les conseils de Lorène, avec qui on travaille, qui est notre attachée de presse aux UK. Je lui avais envoyé un premier pacing, elle m’avait dit que c’était trop logique, trop slow burn. Les morceaux dansants, les morceaux post-punk… Elle avait dit que si je voulais vraiment embrace chaos, il fallait aussi embrace chaos aussi dans le pacing. Là, d’un coup, boom elle m’a envoyé une droite. Donc j’ai respecté ça mais je ne l’avais pas pensé en amont. En amont, j’ai commencé ce process avec COCKTAILS AND DREAMS. Il y avait simplement à la base beaucoup de styles différents. J’avais vraiment une envie d’écrire suit à Jozef, un album très joyeux. C’est drôle, ma copine se moque de moi quand je le dis. Je suis parti d’un truc où je me suis dit que j’allais faire quelque chose dansant, joyfull. Vraiment hopefull. J’ai commencé par COCKTAILS AND DREAMS qui est happy ending. Et puis finalement, j’ai vite bifurqué dans le dark.

LFB : Tu as été rattrapé.

ALIAS : Oui, EMPTY HEAD, BAD KIDS, EVIL TWIN, MOTHER LOVE, … Je ne peux juste faire des trucs où je suis content tout le temps. Je n’aime pas ça finalement. J’aime la noirceur. Je ne sais pas, c’est parti d’un principe de vouloir être positif et finalement, c’est passé à travers un tas de styles dark.

LFB : C’est intéressant parce que finalement, COCKTAILS AND DREAMS, c’est cette espèce d’apaisement qui vient quand tu as l’acceptation des choses. C’est évident que ce morceau-là termine l’album.

ALIAS : C’est le premier que j’ai composé pour l’album. J’y tenais vraiment. Et c’est un néon, juste avant que tu rentres dans mon studio. Il y a vraiment un petit couloir et il y a un néon avec marqué Cocktails and dreams. Je ne faisais même pas des mots, je ne sais pas ce que je faisais. Je créais des choses, ça partait à partir d’erreurs. Je me baladais avec mon micro dans mon studio, je sors du studio et il y avait cette lumière. Donc ok, cette chanson, c’est COCKTAILS AND DREAMS.

LFB : Il y a un côté, plus que les autres, très LCD Soundsystem je trouve.

ALIAS : J’adore. Tu es la première personne à qui je dis ça mais quand on était en tournée pour Jozef, j’adorais IDLES. J’adore. C’est surtout que j’ai dis aux gars que le prochain album allait être un plusLCD Soundsystem. J’avais envie plus d’aller vers les machines, le dansant… Ce n’est pas toujours nécessairement positif. C’est juste que je veux aller dans le côté mécanisme, un peu James Murphy, je suis vraiment un grand fan. Ce qui est fucking drôle…

LFB : C’est que IDLES a fait un son avec LCD Soundsystem.

ALIAS : Je les admire. Ça m’a fait dire que je n’étais pas fou. Si on voit ça comme de la cuisine, IDLES c’est un ingrédient. LCD Soundsystem, c’en est un autre. Je ne vais pas non plus me faire grossir les chevilles. Mais je ne suis pas fou. Il y a un an et demi, je disais que je voulais faire un in between. Ils l’ont fait ensemble. C’est trop cool en vrai. Je suis jaloux et en même temps, super content.

LFB : Il y a un morceau qui m’a beaucoup marqué dans l’album, qui est pour moi ton plus beau morceau, c’est WATER CALLS. Je trouve que c’est le morceau le plus pur émotionnellement que tu aies fait, même dans sa progression musicale, il y a un truc à la fois hyper triste mais très, très beau. J’aimerais bien que tu me parles de ces morceaux-là.

ALIAS : Pour moi, c’est tellement dur. J’aime créer du bordel, faire rire les gens. Je suis un peu un gars bordélique mais dès qu’il s’agit d’avoir une discussion sérieuse, écrire une chanson un peu sur l’émotion, c’est dur, ça me demande beaucoup plus de réflexion. Et en fait, ces chansons-là, c’était un peu mon challenge. J’avais peur que tout ce que j’écris qui est un petit peu plus émotion, ça devienne vite ringard. Le côté un peu cheesy. En fait, j’aime bien faire passer mes émotions par un sujet qui n’est pas moi. Donc là, c’était un chien. Je n’y peux rien mais dans ma tête, c’est un chien. J’ai écris cette chanson-là, j’imaginais un chien bloqué sur un bateau avec un équipage et qui est genre, dressé mais qui n’a rien à faire là. En fin de compte, il est bloqué et il en a marre d’être dressé par l’Homme. D’être son escale finalement. Il a une simple solution de sauter au fond et de passer par dessus le bateau. C’est un ami à moi qui a analysé ça. De se dire que ce chien-là, quitte à jouer sa vie, va sauter et nager. C’est pour ça que WATER CALLS, l’appel de l’eau.

LFB : Je vois le morceau comme une personne qui regarde à l’intérieur d’elle-même pour se libérer des convenances d’une société qui l’aliène.

ALIAS : C’est exactement ça. Je l’illustre juste comme dans une BD. Ça a plusieurs lectures. Bien évidemment, pour moi, c’est comme se libérer de quelque chose que tu as au fond de toi et que tu as du mal à digérer. Tu vas devoir sacrifier quelque chose si tu le dis. Une fois de plus, let it out. Ça faisait partie d’EMBRACE CHAOS qui est un autre type de chaos qu’on a en soi. Parce que parfois, le chaos peut être silencieux. Ça peut être quelque chose de très discret et très sournois. C’est quelque chose où tu ne t’aperçois même pas que c’est dans ta vie. C’est ça cette chanson et je l’ai juste illustrée avec un chien parce que j’aime beaucoup les chiens.

LFB : En réécoutant l’album, je me demandais : toi qui est à Montreal, quelle contrainte tu vois et quelle limite tu vois là-bas au fait de chanter en anglais dans une industrie musicale québécoise qui est quand même très orientée sur le francophone ?

ALIAS : C’est un parti pris pour moi. Maintenant, on a beaucoup d’activité en France et en Europe. J’ai une question pour toi. Est-ce que tu penses que ça vaudrait le coup que moi je fasse une chanson en français ?

LFB : Si c’est naturel pour toi.

ALIAS : Oh shit. Est-ce que vraiment tu me verrais chanter en français ?

LFB : Honnêtement ? Non. Surprend moi.

ALIAS : Je trouve ça drôle. Je vais y aller doucement. Je vais me joindre un peu à la francophonie. C’est un peu dur encore pour moi mais je m’y joins un petit peu, avec des artistes, des featurings. C’est autre chose de chanter en anglais et en français. Tu n’as pas la même voix, tu n’as pas les mêmes intonations, tu n’es pas la même personne. Moi, de toute façon, je suis arrivé au Québec, mes seules références étaient des trucs anglo. Je n’ai jamais lâche ça. S’il faut faire des trucs franco, let’s go. Mais en ce moment, je dirais que je n’ai juste pas le talent.

LFB : Ce n’est pas la même écriture.

ALIAS : C’est exigeant. La langue est exigeante. Ça peut être très vite boring. Même si en anglais, si tu regardes les rimes des Beatles, c’est boring aussi. Ça passe mieux. Il y a un enjeu au Québec, tu as raison, il y a un réel enjeu. Le label, le bookeur, c’est que c’est comme ça. Je ne dis pas que c’est plus facile en français mais je ne vais pas aller là-dedans maintenant.

LFB : Dans Fight Club, tu as le projet chaos. Dans Antichrist, tu as le renard qui dit que le chaos doit régner. Si tu devais passer une soirée complètement déglinguée, tu choisirais qui entre Chuck Palanhiuk et Lars Von Trier ?

ALIAS : Oh my god.

LFB : Les deux représentent une certaine partie de l’album.

ALIAS : Fight Club. C’est moins emblématique dans le sujet, moins désespéré. C’est drôle que tu parles de Fight Club. Je suis vraiment à fond. Depuis que je me suis cassé la jambe, je n’ai qu’une envie, c’est de me la recasser. Non j’ai dit ça, mais non. (rires)

LFB : Est-ce que tu as des coups de coeur récents ?

ALIAS : Water from your eyes. Hot Garbage de Toronto. Semiwestern du Texas. J’en ai quand même quelques uns qui sont cool mais je te dirais de watch out sur Virginie B. C’est un projet francophone hyper pop music qui va tout déboiter au Québec. Genre vraiment. C’est elle qui chante dans EVIL TWIN. Elle s’est associée à Bonsound, le label. Ça déboîte ce qu’elle fait. J’ai eu la chance d’écouter son album. Crois moi, ça déboite vraiment.

Retrouvez notre chronique de EMBRACE CHAOS d’ALIAS par ici