ADN #632 : Amaurie

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent. Alors qu’Amaurie dévoile aujourd’hui son nouveau titre Aventure et sera sur la scène du PopUp du Label le 7 juin prochain; elle nous raconte cet après-midi ses influences musicales.

Amaurie portrait

Betty carter – You’re Driving Me Crazy 

Le choix de ce standard est un peu un prétexte pour parler de jazz. J’ai une réelle obsession pour les standards de jazz. J’en chante tout le temps ! Ma mère a toujours chanté des standards, dans des groupes amateurs ou en famille. Petite, je me souviens de Sarah Vaughan et d’Ella Fitzgerald à la maison. 

Beaucoup plus tard, je suis entrée au conservatoire de jazz. Je pensais m’y connaître mais j’étais loin de la vérité. J’ai découvert plusieurs époques du jazz et j’ai constaté qu’on n’en écoutait qu’une infime partie chez mes parents. C’est un style qui peut devenir obsessionnel quand on se plonge dans la subtilité des thèmes, des arrangements, dans l’art de l’improvisation. Je pense à Benny Golson, Esperanza Spalding, Chick Corea, Herbie Hancock, Quincy Jones ou John  Coltrane. Je dois dire que plonger dans les œuvres de ces grand.es maitre.sse.s est un souvenir merveilleux de ma vie !

Et Betty Carter dans tout ça ? J’ai aussi défriché le terrain des chanteuses de standard. J’ai découvert Blossom Dearie, Abbey Lincoln et donc Betty Carter. Elle a été l’une des trouvailles les plus marquantes. Dans l’apparente simplicité des chansons qu’elle interprète, se cache une irrévérence, une liberté, une folie ! Elle a une voix un peu crado mais très maîtrisée qui me transperce le cœur. Son flow est impeccable, la rythmique des mots est inouïe. Une précurseuse du rap et du hip hop, pour sûr. 

Starmania – La chanson de Ziggy

Difficile de ne pas citer Starmania. C’est en allant voir la comédie musicale, récemment, que j’ai constaté que j’en connaissais presque tout le répertoire. Je me revois, enfant, ouvrir la malle de déguisements et refaire les scènes narrées dans les chansons de Michel Berger et Luc Plamondon. Elles sont tout simplement fascinantes : la richesse des mélodies, les histoires qu’elles déroulent, leur apparente simplicité derrière laquelle se cache un véritable travail d’orfèvre. Pour moi, c’est ça, une grande composition ! Le propos y est tellement actuel. C’est sûrement la raison pour laquelle Starmania traverse les époques. Cette comédie musicale, c’est aussi beaucoup de ramifications : Michel Berger, France Gall, Daniel Balavoine ou même Véronique Sanson et son histoire cosmique avec Michel… Tout.e.s ces chanteuses et chanteurs ont bercé mon enfance. Ils sont rentrés dans une oreille sans jamais ressortir par l’autre. 

La chanson de Ziggy, c’est sans doute ma préférée. J’adore le riff de piano au début. Et puis, elle est tellement agréable à chanter ! J’aime beaucoup son propos aussi : Ziggy qui découvre qui il est vraiment et ce qui vibre en lui à travers David Bowie notamment. Ça me parle !

Serge Gainsbourg – Comme un boomerang

Il est tant de magie dans le travail de Serge. C’est un génie du texte, de la mélodie et de l’arrangement. Rien que ça ! Il m’arrive régulièrement, quand je digge de la musique, de constater qu’une chanson est écrite par Serge. Je me sens très reliée à son écriture. J’aime les chansons qu’il interprête mais aussi certaines qu’il a pu écrire pour d’autres : Brigitte Bardot, Jane Birkin ou encore France Gall. Ce qui m’attire le plus, c’est sa malice, sa poésie, la flamboyance de ses mélodies. “Comme un boomerang” en est le meilleur exemple. Peut-on imaginer meilleure top line ? Meilleur riff de guitare ? Et meilleur texte !? Si l’irrévérence de Gainsbourg était sa force, elle est aussi très problématique de nos jours par certains propos. Une œuvre à déguster avec parcimonie, donc. Gainsbourg a des leçons à nous donner mais certains textes ne sont plus à la page.

Pour moi, ça symbolise un peu l’amour de mon père pour la chanson française. Il a un rayon entier de livres sur le sujet dans sa bibliothèque, il a toujours fait beaucoup de projets autour de ça : des groupes de musique, des chorales. C’est quelque chose qu’il m’a longuement transmis. Je ne suis pas certaine que Gainsbourg soit dans son top 10 (qu’il me rabâche souvent) mais il est dans mon top 1, à moi, des “grands de la chanson”.

Camille – Kfir

Camille est ma chanteuse d’adolescence. C’est peut-être avec elle qu’est né, très inconsciemment, mon désir d’être chanteuse. Elle est la reine de la topline, tout simplement ! Son album Musical Hall est incroyable. Il concentre tant de richesse et de créativité. Il regorge de couleurs, d’idées, de concepts. Toutes les chansons de Camille sont intéressantes. Elle ne laisse rien au hasard. C’est la raison pour laquelle je croise beaucoup de gens qui les connaissent toutes par cœur. Il y a une profondeur et une âme dans chacun de ses morceaux. 

Ce qui me touche dans “Kfir”, c’est son côté un peu gospel écrit par une française. Ça a beaucoup de charme. Cette chanson cristallise pleins de souvenirs d’adolescences. L’horizon de quitter la maison familiale pour m’installer dans mon propre appartement, les vacances avec les copains, loin, sans les parents, les premiers amours fulgurants, le bac, les soirées musique un peu foutraques et pleines de rêves. Et les grandes désillusions bien sûr ! 

Bonnie Banane – L’Appétit

Cette chanson et ce clip m’ont complètement matrixée. Je crois que c’est le clip que j’ai le plus regardé dans ma vie. Quand c’est sorti, en 2016, c’était très innovant. On est avant #metoo et on a cette femme ovni qui débarque et qui fait des grimaces face caméra. C’était si libérateur ! Cette musique a été comme une permission pour moi. Essayer de n’avoir aucune limite dans la création, chanter en français, être folle et fière de l’être. Bonnie a donné toutes ces autorisations à la fois. Pour moi ça a été un virage à 360° pour écrire pour de bon, composer, concrétiser un projet. 

On reconnaît dans ce morceau beaucoup de caractéristiques de Bonnie Banane : les synthés acides, le côté hyper créatif et psychédélique, la forme déstructurée de la chanson et bien sûr la mélodie, encore et toujours saisissante chez cette artiste. Mention spéciale pour le producteur du morceau, Gautier Vizioz, un des beatmakers les plus talentueux en France, selon moi.

Bonnie Banane est comme une télé. On pourrait la regarder des heures sans jamais s’ennuyer. Je ressens toujours un immense bonheur quand elle sort un track. C’est comme la nouvelle saison d’une série. Je la découvre avec joie, je me hâte de regarder. Des fois, je suis décontenancée mais je finis toujours par adorer ce qu’elle fait. C’est vraiment un de mes petits plaisirs de la vie. Elle est mon artiste préférée de la scène française actuelle. Sans doute parce que c’est l’une des plus libres. Merci pour tout Bonnie <3

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