Entre les différents travaux de Kamasi Washington (avec The Epic en tête de liste) et une nouvelle scène européenne en pleine mutation, un nouveau son se répand dans le monde du Jazz. Cette direction novatrice devient de plus en plus populaire et permet alors au genre de se faire une nouvelle jeunesse, tout particulièrement en France. Les prodiges d’AMG, avec leur premier album, AMG Extended, constituent exactement le genre de collectifs qui font partie de cette avant-garde.
Le quatuor parisien n’en est pas à son coup d’essai dans la scène locale. Les premiers moments d’alchimie prennent place en mars 2022, un soir de jeu sur la scène du Sunset, un des fameux clubs du premier arrondissement de Paris. C’est à partir de ce moment de vie qu’AMG va prendre forme et développer une identité propre. Ce moment va être la fondation d’une ruée vers l’or qui va peu à peu se transformer en ras-de-marée critique.
En passant des différents clubs de la capitale jusqu’aux tremplins auxquels le groupe va participer et dominer, la formation va emmagasiner de l’expérience et de la confiance. En parallèle, les quatre musiciens vont vont vivre leur première session d’enregistrement prenant place entre les murs du mythique studio Pigalle. C’est ainsi que va naître leur premier album, éponyme, qui sera plus tard retravaillé par le quatuor pour finalement donner vie à la pièce aujourd’hui au centre de notre attention.
AMG Extended met en avant une ambivalence forte et assumée de la part des quatre jeunes musiciens. Le morceau d’introduction, Jammu & Kashmir est un exemple parlant et indéniable. Après une entrée en matière douce et progressive, marquée au fer rouge par des influences orientales, le titre reste assis entre deux chaises : entre un Jazz moderne construit d’une main de maître et des influences Free qui prennent place régulièrement sur le disque.
Cette première piste de dix minutes constitue une carte de visite parlant du son qu’AMG a développé depuis ces débuts. Un swing redoutable, issue de la section rythmique composée d’Anthony Jouravsky et Mailo Rakotonanahary qui montrent une complémentarité bluffante. Le tout étant supporté par le jeu de saxophone (Alto et Soprano) versatile de Keïta Janota et le piano bondissant et déchaîné d’Antoine Fleury.
La première partie du disque, la version originale de ce dernier, démontre une réelle capacité à moduler ses ambiances pour proposer des nuances permettant une certaine respiration. Le rythme n’est pas effréné, comme en attestent les morceaux Mille Fleurs, Dilemma ou encore Naja dans une autre mesure, qui prennent de marquer un temps d’arrêt, pour de suite repartir de plus belle avec Senet et son piano tout bonnement délirant. Piste dans laquelle on trouve également un solo de saxophone impressionnant qui met une nouvelle fois toute la maîtrise technique et la maestria qu’AMG est capable de déployer à travers son art.
La première partie du projet, l’album initial, se clôture sur Bibina, une piste folle et pleine d’énergie qui fait rentrer pour la seule et unique fois de l’album une voix en son sein. Cela nous amène dès lors à l’extension de ce premier disque, les trois morceaux inédits, venant se rajouter une version radio de Kashmir, une version raccourcie de l’introduction que nous avons évoqué précédemment. All In, Lost Waves et A.T.T.A. Voici les trois nouvelles pièces de musique ici fouines pour les parisiens.
La première nous expose une nouvelle mise en avant franche du groove et du swing irrésistible de la formation. Une sortie qui met également en exergue la force collective d’AMG, démontrant leur capacité de donner vie à un espace d’expression commune unique. Tout cela pour ensuite nous démontrer la versatilité latente du quatuor qui propose avec Lost Waves une version douce et cool de leur Jazz. À mi-chemin entre Cool Jazz et une version plus sombre et mystérieuse du genre, pouvant par certains égards nous rappeler Ascenseur pour un Échafaud de Miles Davis.
A.T.T.A lui constitue finalement une conclusion parfaite à cette première épopée musicale. Avec son ostinato introductif paisible, et sa fin atypique, la piste se clôturant sur un solo de contre-basse, AMG met en exergue tous les pans de sa personnalité. Personnalité fortement marquée par de nombreuses influences, dont le Free ici ressort légèrement, donnant au tout un ton frais et hors des carcans standards, voire clichés, du Jazz.
AMG Extended semble prendre la forme d’une promesse, une belle promesse. Avec cette première collection de musique, le groupe francilien réussit à mettre sur pieds une musique pleine d’identité, une facette aussi bien originale qu’efficace, qui démontre beaucoup de talent et également de courage et de caractère. Il ne fait nul doute qu’AMG est promis à un avenir radieux dans une scène Jazz florissante en France. Ce premier album en est la preuve indéniable, qui donne même envie de voir la suite dès que possible, tant cette entrée en la matière est alléchante et excitante.
Un texte très enthousiaste, magnifique, très attentif et détaillé pour AMG, une musique qui nous embarque, avec tant d’énergie, de talent. On adore++++
A 75 ans je suis très ému par cette musique qui me rappelle ce jour de 65 où mon frère est arrivé à la maison avec un 30 cm de trane et ce sont devenus mes favorite things. Sanders, Coltrane et plein d’autres planent dans ces enregistrements. Très heureux que des jeunes musiciens s’intéressent à cette musique. Je ne trouve pas le CD, est il en préparation ?