Avec QU’AUJOURD’HUI NE MEURE JAMAIS, AnNie .Adaa nous peignait le récit d’un artiste qui peine à se sentir à sa place mais qui a la conviction qu’elle l’attend quelque part. Un projet intime et singulier, témoin d’une volonté ardente de surpasser ce qui le retenait jusqu’alors pour pouvoir donner le meilleur de lui-même. Ce cheminement, on le retrouve sur son premier album, Juste Un Peu De Ciel, où l’horizon semble enfin s’éclaircir pour l’artiste qui continue de prouver son talent. Une discussion avec lui sur sa manière de concevoir et de construire sa musique qu’il qualifie d’hybride, de son nouveau projet et des liens avec le précédent, de l’importance du partage en concert, de ses influences et de son point de vue sur l’industrie musicale.
LFB : Salut ! Comment vas-tu ? Ton projet sort bientôt (interview réalisée avant la sortie).
AnNie .Adaa : Je suis fatigué, j’en ai marre je veux que ça sorte ! (rires) Je le vis bien et mal en même temps, je suis fatigué. Ça fait 2 ans qu’on bosse dessus, dès QU’AUJOURD’HUI NE MEURE JAMAIS est sorti on a commencé à bosser dessus. On avait trop de morceaux, on ne savait pas quoi faire. On a pris les meilleures tracks qu’on pensait, on a fait une sélection. J’ai très hâte que ça sorte enfin.
LFB : Est-ce qu’on peut dire que c’est ton premier album ?
AnNie .Adaa : Je vais être totalement honnête, de base quand je l’ai fait, quand il y avait une vingtaine de morceaux, je me disais, oui, ça va être un album. Et quand j’y ai réfléchi, je me suis dit que ça allait être un album mais plus à ma manière, pas comme les labels ou les médias le voient ou le public le voit, plus comme moi je le vois. Je suis sûr de moi, c’est un album !
LFB: Est-ce que ça te met une pression de dire que c’est un album? Ou est-ce que c’est plus en terme de format, la manière dont tu l’as construit ?
AnNie .Adaa : Pas vraiment, c’est juste que mon premier album je ne le voyais pas comme ça, en termes d ‘organisation et de comment je le montre aux gens. Je voyais un truc lowkey. Pas trop parler, pas faire d’interviews… Je me suis rendu compte que c’était pas moi parce que j’aime bien parler, expliquer les détails dans ma musique donc on soit oui et non encore une fois, c’est la balance, mais j’en suis très fier.
LFB: Le titre de ton album, Juste Un Peu De Ciel, ça fait un peu une phrase comme QU’AUJOURD’HUI NE MEURE JAMAIS. C’est peu commun les titres longs. Pourquoi ce choix ?
AnNie .Adaa : À la base QU’AUJOURD’HUI NE MEURE JAMAIS c’était vraiment pour faire chier les gens en réalité. Même mon nom AnNie. Adaa il est écrit très bizarrement. Il y a des gens qui s’en plaignaient au début. Des auditeurs, des potes, des labels me disaient “mais tu peux pas l’écrire normalement ?”. Et moi j’aime déranger.
Je voulais trouver un nom d’album très beau et au fur et à mesure au lieu de faire chier les gens je me suis rendu compte que j’aimais trop ça parce que je fais de la musique comme j’aimerais écrire un livre, donc c’est un peu comme des titres de livre. Juste un peu de ciel c’était une image très poétique. Quand je faisais de la documentation pour le projet, que je lisais des livres, je regardais des films c’était toujours très gris mais avec un peu d’éclaircie au bout. Je ne trouvais pas que Juste un peu d’espoir sonnait très bien mais c’est l’idée.
LFB : J’ai remarqué que dans ta bio Instagram il y a une astérix après le titre et sur Twitter tu as rajouté une phrase après, “Juste un peu de ciel mais dans mes mains j’ai le chaos”…
AnNie .Adaa : Ça je peux pas trop en dévoiler mais vous verrez…
Je ne savais pas que les gens lisaient ma bio, elle est faite pour moi, pour pas que j’oublie des trucs… Peut-être que t’es la seule qui l’a remarqué (rires).
LFB : Le ciel, c’est quelque chose qui est beaucoup mentionné dans ta discographie. Est-ce que c’est pour ce côté spirituel d’une chose à laquelle tu te rattaches quand tu as l’impression de perdre pied ?
AnNie .Adaa : J’écris souvent chez moi la nuit, des fois je vais sur mon balcon et en vrai c’est le seul truc que je regarde au moment où j’écris, il y a ce truc un peu tête en l’air ou je lève la tête et je réfléchis. Pour moi il y a un truc très spirituel là-dedans. C’est un peu mystique. On ne peut pas le toucher. Quand j’étais petit je voulais fabriquer des nuages… Je trouve que ça représente bien ma musique. D’un endroit à un autre le ciel n’est pas pareil. C’est beau et simple.
LFB : Quand je suis arrivée pour l’interview, tu étais en train de regarder les chiens des passants… Dans ta musique il y a toujours eu ce gimmick et ces références aux chiens mais c’est la première fois qu’on les voit sur une cover. Quel rapport entretiens-tu avec cet animal ?
AnNie .Adaa : Quand j’étais petit, je ne pouvais pas avoir de chien. Il y a un truc d’instinct, moi ma musique je la fais à l’instinct, je ne réfléchis pas trop. Dogman par exemple, j’ai fait la prod en 30 minutes, ensuite j’ai été chez Jesza, j’avais le texte et je sentais que les gens allaient comprendre. C’est un animal fidèle, ce truc de meute qui me fait penser à mon entourage, les gens avec qui je fais de la musique, Jim Casanova, Jesza, Hiba, Roseboy666, Keight… on aime le même type de viande et on fait tout pour aller chercher ce truc là. Puis cet aspect social où pour certaines personnes le chien c’est dangereux, ça peut être une arme.
LFB: C’est aussi le meilleur ami de l’homme.
AnNie .Adaa: Pour certains, mais pour d’autres, ça fait peur. L’image du chien dans le rap, c’est très souvent le cliché du pitbull avec la laisse en métal, moi j’avais envie de montrer autre chose. Tu peux être rappeur et sensible. Il n’existe pas qu’un type de chien.
LFB: Tu parlais du morceau Dogman, dont le titre fait référence à un film.
AnNie .Adaa: Dogman c’est un film italien de Matteo Garrone. L’affiche ressemble un peu à la cover. C’est l’histoire d’un toiletteur pour chien, puis d’un mec qui sort de prison qui vient gâcher sa vie. Dans ce film je me suis revu au lycée avec mes potes qui faisaient des dingueries et malgré moi je finissais par en faire certaines, je ne regrette pas car ça m’a forgé, pour se débrouiller des fois t’as pas le choix… Dans ce film, là où je ne me vois pas, c’est que le méchant abuse un peu du personnage principal.
Il y a aussi un aspect de dualité que j’aime beaucoup dans ce film. Puis évidemment il y a des chiens. Même le méchant du film est vu comme un chien à un moment et je trouve cette image très forte. Il y a un passage vers la fin où le personnage principal met le gars qui lui a cherché des problèmes dans une cage et il est démuni. Je trouvais que c’était une belle scène et ça m’inspirait.
LFB: Dans ton projet précèdent, tu faisais déjà référence à un film avec DanNy The Dog. Dans un registre un peu différent, mais quand même avec cette idée de rapprochement entre l’humain et l’animal. Ce truc de violence. Quand il est dans son rôle de chien, il est très agressif, mais en réalité c’est une personne très sensible et ce n’est pas du tout son caractère. C’est intéressant que tu te nourrisses de ces influences là en termes de cinéma.
AnNie .Adaa: À chaque fois que je regarde un film, je me dis que j’aimerais trop faire la BO. Il y a un film animé qui s’appelle J’ai perdu mon corps dont je suis trop fan. Le soir même, je suis allé sur mon ordi, j’ai commencé des trucs. Le morceau n’est pas dans le projet mais quand j’ai vu le film, j’étais obligé de faire quelque chose. Quand j’ai vu Dogman et Danny the Dog, pareil, je me suis dit qu’il fallait que je fasse un morceau. A terme, j’aimerais trop bosser pour la musique à l’image. Donc c’est un peu un exercice, un truc que je kiffe faire, surtout quand je me retrouve dedans. Danny The Dog, c’est quand même un gars qui se bagarre pratiquement tout le film et en vrai ça l’affecte, il va pas bien du tout.
LFB: En plus, il a une sensibilité à la musique.
AnNie .Adaa: Ouais aussi ! Je trouve que même les couleurs, l’atmosphère du film, ça me parle. J’ai essayé de mettre tout ça dans le morceau et j’ai l’impression que je ne me suis pas loupé, les gens ont aimé ce morceau, en concert il marche bien. Je pense qu’il y a aussi un truc populaire. Moi j’aime trop le cinéma et si j’arrive à retranscrire ça dans ma musique c’est cool.
LFB: En terme de visuel, comment travailles-tu sur tes clips ?
AnNie .Adaa: J’adore l’image, c’est un truc pour moi qui est trop important. Je suis impliqué dans tous les niveaux de création. Mais je n’aime pas brider les réal et j’aime bien apprendre. Parce que moi aussi à terme, j’aimerais réaliser des clips. Et donc là, pour l’instant, j’apprends. Je suis parfois dans le processus d’écriture, sauf sur Dogman je crois. Je l’étais aussi sur mon projet précédent. Dans tout le processus de création de manière générale, la direction artistique, même choisir une subvention, j’ai besoin d’avoir un regard sur tout ce qui touche à ma musique.
LFB: T’es un peu control freak ou c’est juste que c’est tellement toi que tu es obligé de t’impliquer ?
AnNie .Adaa: C’est tellement moi que je suis obligé d’être control freak. La musique, ça a été la première fois de ma vie où j’ai trouvé un truc que j’avais vraiment envie de faire et où je me trouvais bon. Je me trouve méga créatif et très fort sans vouloir me jeter des fleurs, il faut le dire parfois. J’ai pas envie de tout gâcher en laissant le truc me filer entre les doigts et si ça foire de regretter toute ma vie de ne pas m’être impliqué à fond.
LFB: La musique ça a été une évidence pour toi ?
AnNie .Adaa: Depuis que je suis petit, j’ai toujours voulu faire ça. Chez moi il y avait beaucoup de musique dehors, à la télé etc. J’ai toujours écrit et je voulais le mettre en musique mais je ne savais pas si j’avais le talent pour. Donc j’ai essayé très tard et quand je l’ai fait et qu’on m’a dit que c’était bien, j’étais en mode vas-y, je vais faire ça de ma vie. Avant, j’avais pas le cran et une fois qu’on m’a donné les clés, j’étais lancé.
LFB: Tu as toujours voulu faire ce style de musique ? J’ai l’impression que tu écoutes des styles qui peuvent être très différents, d’un côté très rap US et d’un autre très pop, indie par exemple.
AnNie .Adaa: Avec Jim on dit que c’est de la musique hybride qu’on fait. Il n’y a pas de genre dominant à part moi dans mon récit qui est le rap. Quand j’ai commencé le rap, je voulais rapper sur tout ce qui était imaginable. Quand je vais chez Jim la première fois et qu’il me fait écouter GTI, je suis en mode “faut qu’on fasse le remix”. Et pourtant, c’est un son club qui n’a absolument rien à voir avec le rap. Mais en fait si, parce que c’est influencé très UK.
Quand j’étais petit, je faisais beaucoup d’allers-retours entre Paris et Londres et c’est là où j’ai vraiment découvert tout ce qui est garage, jungle, etc. La musique électronique comme nous on la conçoit avec mes potes. J’ai découvert cet univers dans des quartiers où il y avait des punks, pas mal de disquaires et le soir j’allais sur Youtube, j’allais tout checker et je n’ai pas tout aimé. Mais après ça, je me suis retrouvé dans des mecs comme Tyler, The Creator. Cherrybomb est un de mes albums préférés et pour moi c’est autant un album de rap qu’un album de rock… Yeezus pour moi, c’est un album de musique électronique autant qu’un album de rock. Même Billie Eilish, elle a ça aussi un peu. Paris, Texas. Deki Alem aussi. C’est pour ça que le rap, pour moi, c’est la nouvelle pop, c’est que la pop, c’est pas un son, c’est plus un mouvement pour que les gens puissent comprendre ta musique le plus facilement possible avec plein d’influences.
LFB: Maintenant il y a moins d’étiquettes précises, chaque genre va se nourrir d’un autre, ça fait des sons uniques à chacun.
AnNie .Adaa: C’est ça qui est cool parce que je trouve qu’avant on était trop cloisonnés dans un “rappeur street” “rappeur iencli” “rappeur variet” etc. En vrai, on s’en fiche, on fait juste de la musique. Laissez nous nous exprimer comme on a envie. On était à la Rotonde l’été dernier parce que j’avais envie de faire des soirées club, pourquoi je m’en empêcherait ? Pour moi il n’y a aucune barrière et peut être que des fois c’est ça qui fait que ça connecte pas avec tout le monde. Peut être parce que je ne vais pas droit au but et c’est peut être ça le soucis parce que tu regardes des artistes comme moi, qui font plein de trucs, à un moment ils se rendent compte qu’ils n’arrivent pas à connecter. Ils vont faire une seule chose qui va droit au but et là ça connecte. Sauf que moi j’écoute tellement de musique que je ne pourrais pas le faire. Me plier à une discipline, c’est impossible.
LFB: Tu parlais de Jim Casanova et de Jesza tout à l’heure, ce qui me permet de revenir sur les prods. Il y a qui d’autre sur le projet ?
AnNie .Adaa: Il y a eux, moi, RoseBoy666, Keight et c’est tout.
LFB: On retrouve presque les mêmes personnes que sur QANMJ. Tu travailles avec un cercle très restreint.
AnNie .Adaa: Oui, juste cette fois il n’y a pas PR. Il était occupé avec Wallace Cleaver et j’aime trop bosser avec lui mais là j’avais besoin de me prouver des trucs dans le sens où j’avais envie de faire les choses moi-même, m’émanciper, parce que PR et moi, on écoute pratiquement la même musique donc on se comprends mais je n’avais pas envie que ça sonne comme un album de Wallace Cleaver sur certaines prods. J’ai adoré Baiser mais j’avais un peu peur que nos prods soient trop similaires à ce moment-là. Du coup je me suis dit tant qu’à faire, fais vraiment ta sauce à 100 %.
LFB: C’est pour ça que maintenant on te retrouve en co-prod sur ce projet sur plusieurs sons. Tu ne fais pas de prods tout seul ?
AnNie .Adaa: Non, nous on bosse comme ça en fait, on commence un truc de notre côté, l’un envoie à l’autre, ça fait un triangle.
LFB: Vous ne créez pas sur l’instant même tous ensemble ?
AnNie .Adaa: Ça dépend. Pour Appartement 12, je suis allé chez Jesza et on a fait la prod. Sur QANMJ c’était que des maquettes avec PR que Jim a repris. Pour ce projet là, moi j’avais l’ambition de produire, j’ai toujours fait des prods mais c’était plus un passe temps. Et là les gars m’ont dit « vas y, c’est trop bien, envoie ce que tu fais”. Recovery et Mentality, je les ai commencé chez moi, je l’ai envoyé à Jesza, c’est passé par Jim ensuite. All Alone c’est différent, je suis allé en Suisse chez Roseboy666 et il a commencé le morceau. Puis quand il a fallu décider des détails, il est venu à Paris, on était avec Jim et on a refait certaines choses.
LFB: Ça se fait assez naturellement. Tu ne réfléchis pas trop à qui va être sur les prods de tes projets ?
AnNie .Adaa: Avant, oui. Et c’est fou que j’ai changé d’avis en très peu de temps, là on est sur la fin donc j’ai plus de recul. Je peux travailler sans Jim et Jesza. Mais ça ne me plait pas trop. Là je bosse avec un producteur de 99, c’est un gars qui bossait avec Kalika et Sean notamment. On a fait des morceaux qui sont trop biens. Mais je trouve qu’il manque encore le truc AnNie .Adaa.
LFB: Je ne te verrais pas faire un projet sans Jim et Jesza. Ils font vraiment partie d’AnNie .Adaa.
AnNie .Adaa: Ils font partie intégrante du projet. Pour moi, ils sont autant AnNie .Adaa que moi. Je peux commencer des trucs avec d’autres gens, ça c’est pas un souci. Par contre pour moi, ils sont la “caution hybridité” du morceau, et je leur fais une confiance aveugle.
LFB: Parce qu’ils comprennent vraiment ton projet et ta personne. Humainement parlant, ça fonctionne aussi.
AnNie .Adaa: Si demain je meurs, c’est les seules personnes avec Amaury, mon manager, Roseboy666 et Keight que je laisserai toucher ma musique en termes de production musicale. Peut-être Timothée Joly aussi. Sur le projet, on a des V30 de certains morceaux comme Le monde de demain mais on sait que c’est pour des détails. J’en parlais avec Amor de Hiba et Wallace Cleaver aussi, et ils m’ont tous les deux dit que je me prends trop la tête, de juste sortir les sons. Sauf qu’en fait pour moi c’est pas que juste des sons, c’est un travail d’équipe et c’est des équilibres. On fait tellement une musique hybride que s’il y a un truc qui fait sortir la personne de la musique, tout peut se casser la figure, c’est important.
LFB: Tu as une interlude parlée et des moments où il y a des voix qui interviennent dans ton projet.
AnNie .Adaa: Quand tu fais du son, tu dois tout condenser en un morceau à chaque fois pour que les gens comprennent ce que tu dis. Par exemple Saturé, c’est moi qui suis en train de craquer, je pète un câble. Dans Dents du bonheur je suis un peu perdu. All Alone, c’est une musique de post-rupture. J’ai envie de donner plus de cartes aux gens pour qu’ils comprennent. Ça rajoute un mood aussi à l’album, une autre grille de lecture et un fil rouge dans le projet.
LFB: Qui est la voix dans All Alone ?
AnNie .Adaa: J’allais pas bien et on m’a conseillé d’aller voir ma médecin. Je me suis dit, quitte à y aller, autant que ça me serve. Et ce n’était même pas dans un but précis. J’enregistre tout ce que je fais. Quand je suis en soirée avec des potes, quand je parle avec des inconnus dans la rue, j’enregistre pratiquement tout. J’ai oublié mon téléphone au bout de cinq minutes. Et je lui disais que je me sens mal de penser que le monde pue la merde alors que j’ai le taff de mes rêves entre guillemets, que j’ai un toit sur la tête, que je peux manger tous les soirs etc. C’était une conversation de 45 minutes mais elle m’a dit qu’en fait c’est légitime. Et par exemple la voix du feat avec Elisa Difallah, elle vient d’une interview Youtube d’un mec qui faisait un micro-trottoir. Il interroge une dame sur l’entre soi et elle dit des trucs assez sages et j’avais envie de mettre ça dans l’album.
LFB: Les concerts, c’est très important pour toi. Là, tu fais beaucoup de premières parties. Comment tu te sens quand tu es face à un public qui ne te connaît pas?
AnNie .Adaa: A Marseille par exemple, j’ai eu l’impression que les gens étaient attentifs, ils observaient beaucoup mais je pense qu’ils ont kiffé. Mais quand tu viens pour voir Dinos, tu pourrais croire qu’il y a des similitudes, il y en a sûrement, mais en termes d’énergie, ce n’est pas du tout la même chose. A Lyon, c’était différent, ils ont capté. Je kiffe trop cette ville en terme d’ambiance et de comment ils comprennent le rap.
LFB: Si t’es plus énergique que la tête d’affiche, ça passe pas trop.
AnNie .Adaa: À Marseille, j’étais à 30 %, j’étais pas à fond en vrai.
Ça ne me dérange pas parce que ça nous permet d’en apprendre sur le live. On est trop content. Maintenant, est-ce que j’aime faire des premières parties ? Bah ça me fait des cachets. Donc ouais. Est ce que j’aime faire des premières parties? Non, parce que je ne peux pas mettre en avant tout l’univers visuel, musical que j’ai envie de faire. C’est pour ça qu’on prépare une date à Paris cet hiver, la Maroquinerie. Ils vont comprendre ce que c’est vraiment en live. Et je pense qu’à Paris j’ai aucun souci à me faire. La meute elle sait trop bien. Avec le projet qu’on sort et avec tout ce qui va avec, je pense que ça va être beau. En fait, moi ce qui me saoule c’est que je ne peux pas parler à mon audience à moitié. Il y a des moments où j’ai envie de dire des trucs trop mignons ou genre trop réel, et je ne me sens pas à ma place parce que je me dis que c’est pas mon live, c’est peut être pas à moi de leur dire. Mais les gens découvrent ta musique et ça c’est trop bien. Quand on était en Suisse pour Swing à la fin, les gens sont venus me voir pour me dire qu’ils ont aimé, mais ce n’est pas mon audience. Ce n’est même pas un truc d’ego de vouloir “mon public”, c’est plus que je veux jouer devant des gens qui comprennent la musique qu’on fait. Et je ne crache pas dans la soupe. Merci aux gens qui acceptent qu’on fasse des premières parties et à mon tourneur qui se bute pour me booker.
LFB: C’est quand même des grosses dates à chaque fois, des artistes qui sont dans un univers qui fait sens, ce sont des premières parties de qualités.
AnNie .Adaa: Talent boutique (son agence de booking, ndlr), je les aime trop parce qu’ils croient vraiment au projet. Et du coup, quand je fais une première partie, je me dis aussi que c’est pour la Maroquinerie que je le fais. Pour moi c’est des grosses répétitions.
LFB: Tu as une musique qui est quand même très personnelle. Face à un public qui ne te connaît pas, il y a peut-être un peu de pudeur ? Je sais que par exemple Sans casque, tu n’aimes pas la jouer sur scène.
AnNie .Adaa: On a essayé de la faire trois fois. Je crois que je n’ai pas aimé, j’ai détesté.
Non, en vrai, ça va. Je pense que c’est plus des morceaux comme Paradis, où ça me remet dans un mood de quand j’étais vraiment mal. Sans casque les gens kiffent le morceau en soi donc c’est trop cool. Mais pour moi je ne sais pas trop en fait. Là je me remets en question.. Est ce qu’à la Maroquinerie on joue Sans casque? Je pense qu’il faut la jouer. Si je n’avais pas envie de la faire, fallait pas que je la sorte.
LFB: Tu n’es pas trop à l’aise avec ça ?
AnNie .Adaa: Je ne suis pas très à l’aise. Mais après moi ce que je pense avec mon recul et le recul de 200 ou 400 personnes, c’est pas le même. Peut-être que je me prends un peu trop la tête.
LFB: Ça peut faire un moment de communion avec ton public, s’ils adorent ce son et chantent avec toi.
AnNie .Adaa: Aux Ardentes, il y a une fille qui m’a demandé ce morceau pendant tout le set. Je crois qu’elle attendait vraiment que ça. On l’a fait et c’était cool mais à ce moment là que je me suis dit mec, en fait ta musique, elle t’appartient plus. C’est pas comme si j’étais un juke box parce que je ne suis pas un objet, mais tu dois donner aux gens aussi ce qu’ils ont envie d’entendre. Donc je vais faire Sans casque je pense. Je vais la faire, je n’ai pas le choix.
LFB: Ce sera écrit noir sur blanc, faudra tenir paroles. (rires)
AnNie .Adaa: Même des morceaux comme LE FAIRE, je sais pas si les gens le savent, le morceau est trop pronfond parce que quand on le fait chez Jesza, il me parlait de son meilleur ami qui est parti des suites d’une maladie quand il était jeune. Il y avait LE FAIRE qui était en fond, c’était qu’une prod. Et quand je rentre le soir, bah le truc que j’ai retenu de la journée c’est ça. Donc j’écris sur ça. Mais la jouer sur scène…c’est délicat. Est-ce que ça va lui faire du bien? Je pense que je me pose énormément de questions et il faut juste faire à un moment donné, c’est comme ça qu’on sait.
LFB : A quoi ça ressemble un live d’AnNie .Adaa ?
AnNie .Adaa: On est trois sur scène, il y a Jesza au synthé et à l’électron, c’est une machine qui fait des drums. Il envoie des effets sur les voix. Il gère toutes les séquences sur Ableton. Jim est à la basse, au SPD, une batterie un peu électronique, tu peux sampler des sons dessus. Jim a aussi un électron et un modulaire avec lequel il peut faire un peu de bruitages.
Moi, en réalité je m’en fiche d’être une star, que les gens prennent des photos avec moi dans la rue. Le seul truc que je veux c’est faire de la musique comme j’ai envie. J’ai l’impression que certaines personnes voient un truc élitiste dedans alors que moi je vois un truc beaucoup plus populaire. On donne l’occasion aux gens de voir des lives comme ça. Et quand il faut partager le secret du live, et ben je le partage avec des potes qui font de la musique. Je veux que tout le monde puisse avoir un beau live. Pour moi c’est trop important. Moi, en tant qu’auditeur, quand je vais voir des concerts, je t’avoue, je suis trop déçu parfois. Je ne veux pas que les gens sortent en étant déçus.
LFB: Il y en a qui ne sont pas dans le partage.
AnNie .Adaa: Des fois ouais. Et tu vois, moi il y a un truc où ma musique est hyper deep par exemple. Pourtant, je suis un gars hyper drôle et je suis trop dans le partage. C’est important que les gens ressentent en concert l’humain que je suis au-delà de la musique, le fait de parler avec les gens, de s’assurer que tout le monde va bien.
LFB: Quand on te voit en live et qu’on écoute ta musique, tu peux renvoyer une image assez sombre, et dans l’agressivité en termes de sonorités, quelque chose d’assez brut. Mais quand on te connait, tu renvoies une image totalement différente, très solaire. Est-ce que tu as l’impression d’avoir cette double personnalité des fois?
AnNie .Adaa: J’ai ce truc de balance où par exemple, au moment où j’écris, quand je suis seul, je suis vraiment comme ça. Quand je suis en société, des fois je peux être très chiant. Je peux m’énerver très vite, j’ai plein de défauts, comme tout le monde. Je ne considère pas AnNie .Adaa comme un personnage. Il n’y a pas de distinction. Évidemment j’ai un style, j’utilise des tournures de phrase, j’extrapole certaines choses. Mais tu ne peux pas incarner ce truc là si ce n’est pas toi. Quand je voulais être AnNie .Adaa, je ne voulais pas incarner quelque chose que je pouvais pas tenir jusqu’au bout. Avant, j’avais un autre projet sous un autre nom qui marchait bien mais je ne faisais pas la musique que je voulais être. Pour moi, le but c’est clairement d’être juste moi même. Je n’ai pas envie d’être froid avec les gens qui écoutent ma musique, qui achètent des cd, qui te soutiennent. Je respecte ceux qui ont cet univers très mystérieux, mais c’est un équilibre.
LFB: T’as quand même une image très mystérieuse de toi malgré tout.
AnNie .Adaa: Parce que c’est mon monde dans lequel vous rentrez. Du coup, c’est un monde que les gens n’ont pas l’habitude de voir parce que c’est comme si demain tu faisais du cinéma ou si tu écrivais un livre. Ton monde serait tout autant mystérieux que le mien. En y réfléchissant, je pense que les gens qui écoutent ma musique me comprennent mieux que des gens qui me connaissent dans la vie. Mais cette partie de moi qui a envie de mourir sur tous les morceaux, il y a autre chose derrière aussi, et j’ai pas peur de le montrer.
LFB: T’écris sur des thèmes assez sombres parce que c’est le moment où tu es seul tu disais. Tu parles pas mal de la solitude, d’anxiété. Mais là tu as un projet où tu abordes ces thèmes et c’est quand même moins sombre qu’avant. On a l’impression que tu es sur un chemin vers la guérison, t’as le regard tourné vers quelque chose de plus positif, mais tu es toujours dans un entre-deux.
AnNie .Adaa: Quand j’ai fait le projet à la base, j’en avais marre du rap emo. Mais pas dans le mauvais sens. Alors que tu vois, je trouve que c’était le mood de QANMJ. J’étais au plus bas. Mais quand je commence QANMJ, on vend tout les CD, je me pose la question de qu’est ce que je fais? Et je me dis que je ne veux absolument pas refaire le deuxième album. J’ai fait un travail sur moi même. J’essaie d’aller mieux, j’essaie de faire des choses qui me boostent. C’est pour ça que le projet a pris du temps en soi et c’est pour ça que tous mes projets prendront du temps. J’ai besoin de vivre des trucs. Et là, le mood, c’était que je me sens mieux en vrai, même s’il fait pas beau ou quoi ça va aller. Même dans Dents du bonheur, je l’ai écrit quand j’avais les dents de sagesse, on devait faire des concerts et je ne sortais pas. Et il faisait beau dehors, mais je me faisais chier chez moi. Je commençais à écrire un morceau et c’est parti d’un truc ambivalent entre le “il fait beau dehors mais pas du tout dedans.”
LFB: Tu parles pas mal de la météo dans tes sons, de la pluie, du temps. Il fait gris, il fait beau etc. Est ce que t’es un peu influencé par ton environnement?
AnNie .Adaa: Ouais, totalement. Après t’as le truc métaphorique, quand il pleut dehors et que ça ne va pas. Mais quand j’écris “Dehors c’est gris. Aujourd’hui ça pue la merde, il y a tout qui crame, à l’intérieur aussi.” C’était parce qu’à cette époque qu’il y avait des dingueries suite au décès de Naël et tout.
LFB: Tu peux nous parler du feat avec Gen et Nunca ?
AnNie .Adaa: On est trop content de cette track que je trouve incroyable ! J’avais jamais fait de feat à part avec mes potes proches.
LFB: Tu les connais quand même, ça fait sens. Nunca était à une de tes Reconnecting with People. Gen avant il était dans le délire chien aussi.
AnNie .Adaa: Je suis trop fan de Nunca. Gen est encore dans ce délire mais je crois que c’est moi qui suis un forceur avec ça. On rap la même chose, pas de la même manière. Gen taffe un peu comme moi avec Jim et Jesza, avec Med et San Juliet c’est à peu près le même délire. Nunca, c’est pareil avec Kamaji. Je sais pas pourquoi, quand j’ai fait le morceau chez Keight, je lui ai dit que le morceau était trop bien mais que j’avais envie de faire un truc de partage, de faire un crossover.
LFB: Comment ça s’est fait pour avoir les deux dessus?
AnNie .Adaa: On devait faire du son pour le projet de Nunca qui ne s’est pas fait parce que je crois que j’étais débordé. Je voulais que ça soit vraiment un gros morceau. J’avais pas envie d’être en dessous et de ne pas le respecter. Donc j’ai pris mon temps et finalement je lui envoie Stress et il prend du temps à répondre. En attendant, il y a Gen qui sort Gennifer. C’est Rose Boy qui m’en parle, j’avais déjà écouté mais ça ne m’avait pas touché comme Gennifer. Je lui parle de Stress, puis il m’envoie un truc et je me dis mais en fait c’est trop logique, faut qu’on fasse le crossover à trois ! Nunca m’envoie son couplet, on met les trois ensemble. Au début, tout le monde me dit qu’il aurait inversé les couplets, je suis pas du tout du même avis. Et pour moi, de tous les feats que j’ai entendus dans le rap français de ma génération, je pense que c’est dans le top cinq. La prod est trop bien. On dit des trucs quand même tu vois. On a fait un truc de fou ensemble et j’espère que les gens vont capter l’énergie. J’espère qu’on le fera tous ensemble à la Maroquinerie, ce serait vraiment trop beau. Je pense je pourrais arrêter le rap.
LFB: Il y a aussi le feat avec Elisa Difallah, Larmes de joie. Petit parallèle avec Larmes de sang, tu finis l’album sur une note positive.
AnNie .Adaa: On s’est déjà croisé et j’avais écouté son titre Modèle mais j’arrivais pas à faire le lien que c’était elle. Et du coup de là on discute et je lui propose de faire du son. Le lendemain, je réserve le studio pour la semaine prochaine. On est devenus amis pour le coup et pour moi c’était trop important d’avoir du R’n’B dans le projet. Je voulais un truc un peu différent, que moi je ne peux pas apporter. Un point de vue féminin sur une rencontre. Son style d’écriture qu’elle a aussi, qui est un peu plus léger que moi. J’adore ce morceau. Pendant longtemps, je ne l’ai pas assumé parce que j’avais trop peur qu’il soit trop gnangnan.
LFB: Ça veut pas dire que c’est mauvais, mais c’est un parti pris.
AnNie .Adaa: C’est plus les phrases sur le refrain qui sont hyper simples. Au début, j’ai eu du mal à me dire que je pouvais faire des sons comme ça. Et un jour j’ai eu un rendez vous avec Amaury. Il m’a dit “Faut pas avoir peur de marcher.” Il ne faut pas avoir peur de faire des trucs qui parlent à tout le monde.
En plus c’est une autre facette que les gens ne connaissent pas de moi et j’adore les sons comme ça, juste que comme c’est moi qui le fais, ça me fait bizarre. Je trouve qu’il répond bien à Larmes de sang.
LFB: Tu as plein de clins d’œil à QU’AUJOURD’HUI NE MEURE JAMAIS.
AnNie .Adaa: Moi j’aime les œuvres, j’aime que les gens se plongent dans un univers et pas faire des private joke mais des petites refs pour ceux qui m’écoutent vraiment en quelques sortes.
LFB: Ceux qui savent savent.
AnNie .Adaa: Ouais voilà, ceux qui savent savent. Je sais que les gens, quand ils vont savoir que c’est un film, ils vont capter Danny the Dog. Il y a plein de trucs comme ça. Larmes de joie, c’est pareil.
LFB: Tu as cette phrase “Je crois en dieu pas aux églises, en la musique pas aux labels”. Quel est ton rapport à l’industrie musicale, aux institutions ? Dans le rap, il y a ce fantasme de l’indépendance qui serait mieux.
AnNie .Adaa: C’est pas que l’indépendance c’est mieux, c’est que dans l’indépendance tu as le choix de tout. Quand t’es signé par exemple en artiste, je l’ai vu, il y a des gens qui se mettent dans des sauces où ton projet ne sort jamais ou quatre ans après.
LFB: Pour ce projet, tu as signé en distrib avec ton label MARLAA. Tu n’aurais pas pu signer en artiste ?
AnNie .Adaa: Non, j’ai pas assez confiance en l’industrie, j’ai confiance plus en moi, en ma vision des choses qu’en ce qu’un label peut avoir. Tu ne sais pas si la personne va vraiment capter. Mais du coup c’est cool parce qu’il y a un échange, un recul.
LFB: Tu as attendu de rencontrer les bonnes personnes.
AnNie .Adaa: Chez PIAS, j’ai signé avec Antoine Gaillet, on a parlé pendant un an et j’ai vu tous les labels de toutes les majors. Ils ne me donnaient pas envie d’aller chez eux parce qu’il y a un truc où c’est pas humain. Là j’ai pu rencontrer toute l’équipe et ils me respectent.
Ils savent que je suis noir par exemple, pour moi, c’est très important. Alors ils savent que ça va prendre du temps parce que la musique qu’on fait elle est peut être difficile pour certains à comprendre. On est en marge de ce qui se fait, mais par contre ils ont confiance.
Je suis trop fier d’avoir signé avec un gars comme Antoine. Il y a Jules et Capucine dans l’équipe aussi. Quand on fait des réunions, je me sens vraiment compris, à l’écoute et il n’y a pas de hiérarchie. Moi, je déteste la hiérarchie. Tu es artiste, il y a quelqu’un au dessus de toi qui doit te dire comment être artiste alors que ces personnes là, elles sont pas artistes. On va pas se mentir, il y a l’aspect financier qui est trop bien aussi, j’ai de l’argent pour les clips, pour payer les gens ce qu’ils méritent.
LFB: Ça veut dire quoi MARLAA ?
AnNie .Adaa: C’est pour boucler la boucle. C’est en référence à Fight Club.
Tous mes projets ont une référence à Fight Club. J’en chie pour que ça ne se voit pas. Dogman, c’est un peu Tyler Durden pour moi, c’est moi, mais en même temps c’est pas moi et tu sais pas trop. Là c’est pas un acronyme, j’ai rajouté le double A en référence à mon nom mais y’a un double sens que visuellement je trouve bien. Annie c’est le prénom de ma mère et Marla, si j’ai une fille, j’aimerais l’appeler comme ça.
LFB: Dans une interview qui date un peu maintenant, tu disais que ta mère ne savait pas que tu fais de la musique, malgré que tu ai son prénom dans ton nom de scène. C’est toujours le cas ?
AnNie .Adaa: Personne ne le sait à part ma petite sœur. Elle croit que je suis dans le montage audiovisuel. Elle écoute très peu la radio donc même quand je suis passé sur Mouv, France Inter, elle n’écoute pas ça. Il n’y a pas d’affiche de moi dans la rue. Pour l’instant, c’est pas assez gros pour qu’elle le sache. Il y a un truc où j’ai envie de la préserver. Tu sais, quand tu es artiste, financièrement ce n’est pas facile. Elle peut s’inquiéter et chez moi on est très pudique quand même. Dans Dogman je dis “on garde nos peines pour soi, chez moi, on appelle pas ça de l’anxiété.” On se sait, on ne fait pas semblant mais on ne rentre pas dans les détails. Mais j’essaie de changer ça un peu. Je pense l’inviter à la Maroquinerie. Je lui dirais juste de venir à tel endroit à telle heure.
LFB: Elle pourra être fière de toi.
AnNie .Adaa: Clairement, le but, c’est de la rendre fière. Et j’attendais que ce soit un vrai gros concert. J’aurais pu l’inviter à mes dates précédentes mais j’avais envie de l’inviter à un événement où c’est totalement mon univers pour qu’elle comprenne ce que je fais et de présenter toute l’équipe, tous les gens qui sont au sein du projet. Ce que je redoute le plus c’est qu’elle m’en veuille de lui avoir menti mais je pense qu’elle sera contente de voir ça. De base j’aurais aimé faire un Olympia et l’inviter à ce moment-là.
LFB: L’année dernière, tu étais programmé à la Cigale avec d’autres artistes, comment tu l’as vécu ? Il y a ce truc d’égo de vouloir remplir des grandes salles mais je te vois plus dans des concerts intimistes.
AnNie .Adaa: J’ai détesté. (rires)
LFB: Même Bercy, je te le souhaite mais ce serait bizarre non ?
AnNie .Adaa: J’ai pas envie en soi mais si ça se fait, c’est trop bien. Ça rejoint ce dont je te parlais tout à l’heure, d’intimité avec les gens, de proximité. De base, mes tourneurs voulaient faire une plus grosse salle où la scène serait plus en hauteur et j’avais pas envie de cette ambiance là. Pour l’instant, j’ai besoin que les gens soient proches de moi, sinon tu ne vois pas tout le monde, d’ailleurs je demande toujours si le lighteux peut allumer la salle pour que je puisse voir le public. Et même si on sold out pas la Maroquinerie en 24h je m’en fiche, même si on est que 300 ça va être trop bien. J’ai envie de faire les petites salles pour l’instant. Je peux comprendre pour des raisons économiques de préférer faire une seule grosse date à Paris mais je pense au mec qui est au fond de la France, s’il est obligé de monter à Paris pour te voir alors qu’il n’a pas l’argent pour ça. C’est aussi pour ça que je me permets de faire des premières parties parce que je sais que dans la salle il y a toujours des personnes qui connaissent les morceaux et pour qui c’est aussi la seule occasion de me voir.
Là j’ai juste envie de faire de la scène et que les gens captent ce qu’on fait et que cette musique là ça existe en France, que t’es pas obligé d’aller écouter des artistes anglo-saxons et de transmettre l’idée que n’importe qui peut le faire.
LFB: As-tu un message à faire passer pour clore cet entretien ?
AnNie .Adaa: Juste que j’ai envie de faire la musique que j’ai envie d’entendre. Avec les gens que j’aime. Que ceux qui ne se sentent pas totalement compris comme moi, ceux qui “cherchent les clés de la maison”, c’est une grosse image pour moi, de se sentir bien dans des espaces c’est trop important que tu sois une personne de la commune LGBT, que tu sois noir, arabe, asiatique, que c’est possible en fait, les barrières c’est que mentales et ça, c’est un peu une phrase de riche, mais on peut faire de belles choses avec très peu ici. C’est pas grave de ne pas percer tout de suite dès les premiers sons, d’avoir des clips de merde, c’est pas grave qu’on se foute de toi.
Autre chose, le rap n’est pas une obligation, il y a tellement d’autres choses dans la musique que tu peux faire pour aider des artistes dont on a besoin, surtout au niveau de la représentation. Il y a tellement de choses dans l’industrie de la musique qui ont changé au-delà de la musique en elle-même. Et par exemple, si t’aime écrire t’as pas forcément besoin d’un diplôme pour être journaliste, juste écris, fais toi un blog, pareil pour la photo, demande des accréditations et si tu manges un stop, prends ta place de concert, fais des photos. Je trouve que notre génération on se débrouille bien, on est plein à faire les choses, je vois ce qu’il se passe et j’en suis très content.
Retrouvez AnNie .Adaa sur Instagram et en concert le 18 octobre à La Maroquinerie.