À l’aube de la parution de son premier album et de son intervention sur la scène du MaMA Festival, nous avons rencontré Antoine Pesle qui nous a parlé de son album Hi-fi Romance, sa construction, son rapport à ses influences et la vision de son projet.
La Face B : Pour commencer, bonjour Antoine, comment ça va ?
Antoine Pesle: Ça va bien. Je vais bien.
LFB : On s’est rencontrés il y a quelques mois et tu nous avais présenté ton parcours dans la musique. Aujourd’hui, après des années de travail sur de nombreux projets, tu sors ton album, à toi. Qu’est-ce que ça te fait ?
AP : Je suis bien content que ça arrive cette affaire, il est temps que ça sorte. Je suis plus la tête dans le prochain que dans celui-là pour tout t’avouer. J’ai déjà pas mal de choses en tête, je voulais passer à l’action. Et puis là je suis passé un peu à la phase live avec le groupe et du coup, les morceaux vivent plus avec le son du groupe qu’avec le son de l’album, mais c’est cool, tout va bien. C’est super.
LFB : Pour le deuxième album dont tu parles, il y a des choses que tu aurais envie de changer ?
AP : Déjà, je n’écrirai plus en anglais. J’écrirai en français, peut-être un peu en italien, je vais voir. Et puis j’ai envie de confier la production de l’album à quelqu’un d’autre, même si j’y mettrai toujours mon nez, parce que je ne saurais pas faire autrement.
LFB : Sur ton premier album, c’est toi qui a fait la production ?
AP : Voilà, entièrement. Je voulais avoir la mainmise sur tout, je voulais que ce soit fait dans mon studio, avec mes instruments que j’avais achetés. Et là j’ai bien envie de moins bosser dessus et de plus laisser les choses respirer. Que l’album soit moins chargé de temps, de boulot, de choses un peu laborieuses que pour le premier, même si c’était quand même très plaisant à faire, c’était assez minutieux.
LFB : Quand on écoute ton album, on a envie de faire l’amour en l’écoutant, est-ce ce normal ?
AP : On me dit souvent ça, j’ai du mal à comprendre parce que moi je ne sais pas faire l’amour en écoutant de la musique, étant donné que la musique me distrait bien trop et que j’aime bien être concentré quand je fais quelque chose. Les gens font ce qu’ils veulent, je suis ravi si cet album évolue avec des ébats amoureux, ça me ravit.
LFB : Cet album, comment tu l’as composé ?
AP : Ah, ce sont des processus assez longs. Longs et moindres. Il y a un titre qui a été plié en une journée et un autre en huit ans, donc tu vois je ne vais pas te dire qu’il y a un processus cohérent. Il y a des titres qui ont subi dix versions différentes et il y a des titres qui en ont une seule. Moi, je fonctionne un peu comme tous les esprits d’aujourd’hui, avec des références. J’ai une tête médiathèque, une tête sampler… Je mélange plein d’influences qui ne se ressentent pas forcément à la fin. Les choses qui font référence aux oreilles des gens, quand ils entendent, ne sont pas forcément celles qui ont motivé le truc. Même s’il y a un background de musique Noire américaine 70s, 80s, avec un peu les goûts de la production d’aujourd’hui parce que je suis toujours attentif à ce qui se fait aujourd’hui. Mais bon, il y a des musiciens qui interviennent, il y a des processus conventionnels d’enregistrement avec des musiciens, il y a des trucs plus de l’ordre du geeking et de la bidouille à l’ordinateur et tout ça mélangé, ça donne des morceaux tels qu’ils sont là.
LFB : Dans ton esthétique il y a un peu d’italo-disco et sur scène tu reprends un morceau en italien. C’est quoi ton lien avec l’Italie ?
AP : J’ai une longue histoire d’amour avec quelqu’un qui vit en Italie, que je vais d’ailleurs voir demain. J’y vais assez souvent. Je ne sais pas si ça se ressent beaucoup sur cet album, c’est plus sur les trucs précédents. Mais oui, j’aime beaucoup l’Italie, ils ont un raffinement qui est assez proche du français mais ils ont une grille de lecture moins affinée qu’en France, ce qui crée des vacances un peu pour moi. C’est un pays dans lequel j’arrive à me détendre et à me reposer assez facilement.
LFB : C’est quelque chose que tu avais évoqué lors de notre précédente rencontre, ton besoin de te ressourcer. Tu peux nous en dire plus ?
AP : Oui, je suis un peu agité de la tête, j’ai beaucoup de choses qui se mélangent un peu tout le temps. J’ai la bougeotte, j’aime bien aller à gauche à droite, donc je suis très content d’être dans mon studio, de geeker mais je suis aussi très content de pouvoir bosser ailleurs, je vais souvent dans la Drôme ou en Italie. J’étais dans la Drôme encore il y a quelques semaines, aller me baigner dans la rivière et chiller autant que faire se peut mais tout en bossant. Malheureusement je fais pas tant de musique que ça, j’aimerais bien en faire plus. Mais à la sortie d’un album, quand on n’est pas signé dans une maison de disques, il faut faire face à beaucoup de fronts. Même si j’ai des collaborateurs, il faut être présent, je ne peux pas faire que de la musique. C’est beaucoup de mails, il faut motiver les troupes.
LFB : Dans l’album et sur scène, il y a un jeu d’effet sur la voix. Qu’est-ce qu’il représente ?
AP : C’est plusieurs choses. Au début c’était un peu un alibi à entendre ma voix. Il y a peu de gens qui commencent la musique en étant totalement satisfaits de leur son de voix. Quand j’étais sur scène j’avais besoin d’un truc qui me permette de la timbrer autrement. Après j’ai une grosse culture de musique électronique même si j’en écoute beaucoup moins depuis quelques années. J’ai été DJ dans les années 2000, j’ai beaucoup beaucoup rincé la house music et tout type de musique électronique dans lesquels les voix sont un peu transformées. C’est peut-être quelque chose qui est aussi lié à l’anglais. Peut-être que quand je chanterai en français je serai moins susceptible d’utiliser ces effets. Sur scène en tout cas, je sais que j’aime bien avoir plusieurs timbres de voix, les effets permettent ça. Ça permet peut-être d’incarner plusieurs personnages dans les morceaux, ça vient comme ça. C’est d’abord un besoin de se satisfaire de son son de voix, et puis après de satisfaire un goût musical aussi, je pense. J’ai écouté beaucoup de choses avec des voix transformées, ça ressort. Pour te parler pragmatiquement, y’a une chanson sur l’album qui s’appelle Quite Still, qui est la dernière du disque, y’a un vocoder. J’ai utilisé ce vocoder parce que je ne savais pas chanter la ligne de chant donc il fallait bien trouver quelque chose, là c’est une contrainte factuelle qui m’a fait venir à la machine et qui m’a fait trouver que le son était vraiment chouette. En mélangeant un vocoder avec un son de vrai groupe, j’étais tout de suite content et je me suis dit tiens, c’est un peu le truc de production du titre. Ce sont les hasards des recherches de production qui font qu’à un moment on est charmé par une machine, un timbre, et on va vraiment vers ça plus qu’autre part.
LFB : Effectivement, ce morceau-là nous a tout de suite évoqué Daft Punk.
AP : Alors Daft Punk évidemment, plus que grosse influence. Le premier concert que j’ai fait, je devais avoir 12/13 ans j’étais à Nancy et j’ai vu Daft Punk en concert en 1996, ils avaient passé Stardust je me rappelle, mais c’est un DJ-set à Nancy, pas un live. Et j’étais trop heureux, je découvrais, c’était sans doute un des premiers moments où j’avais la house music aussi fort, c’était au Zénith de Nancy. Je suis en plein dedans évidemment, je suis toujours attentif à ce qu’ils font. Je crois que les premiers vocoders que j’ai entendus c’est aussi je pense les influences de Daft Punk, c’est Herbie Hancock. Mon père écoutait beaucoup Herbie Hancock quand j’étais petit. Clairement il y a ce son de vocoder que les Daft Punk utilisent, il est déjà présent chez Herbie Hancock sur 2/3 albums qui sont exclusivement faits avec un vocoder, un vocoder Sennheiser je crois, qu’ils ont utilisé aussi pour leur dernier album, puisqu’il y a ce grain de voix très très articulé qui est propre à ce vocoder. Mais Daft Punk évidemment, à mort Daft Punk, à fond les ballons Daft Punk.
LFB : Tu peux nous dire quelques mots sur les musiciens qui t’accompagnent sur scène ?
AP : On s’amuse bien, on est des bons copains, là on vient d’enregistrer une session live dans mon studio, en vidéo. Et j’invite tout le monde à venir nous voir sur scène parce que ça prend une autre gueule, les titres prennent une autre gueule, pas tous, il y en a qui sont assez proches au niveau de la production, mais il y en a que je suis très heureux de voir éclore d’une autre manière avec les musiciens. C’est des mecs avec qui j’ai des affinités musicales depuis longtemps, avec qui j’avais très envie de jouer depuis quelques temps et puis là l’occasion fait qu’on est tous synchro pour jouer ensemble. Moi j’avais très envie de jouer avec des gens et manifestement les morceaux leur plaisent donc c’est très agréable.
LFB : Comment vous avez abordé cette transition du studio au live ?
AP : En fait, tous ont enregistré au moins une piste sur l’album. C’est l’avantage aussi d’avoir les morceaux déjà faits quand tu attaques un projet collectif. Les arrangements sont déjà faits, les structures sont déjà là donc il n’y a pas la phase laborieuse où les égos ont du mal à se placer quand tu essaies de coordonner un esprit de groupe. Là, le nom du projet c’est mon nom, je suis le leader, il n’y a pas d’équivoque. Après ils entendent les titres, ils sont contents de les jouer et à moi d’être suffisamment exigeant mais aussi tranquillou-bilou pour les laisser se réapproprier les morceaux et qu’ils les fassent résonner un peu autrement aussi. Parce que je suis très content d’avoir une batterie qui s’énerve un peu plus, et d’avoir plus de relief. Le processus idéal ce serait d’enregistrer l’album maintenant avec le groupe. Ce serait génial mais malheureusement c’est dur de réinstaller cette temporalité, là aujourd’hui. Mais j’aimerais bien faire ça sur quelques morceaux pour le prochain album.
LFB : Tu vas jouer au MaMA Festival en octobre, pourquoi c’est important pour toi d’y jouer ?
AP : Nous on cherche un booker, il y en aura. On va jouer devant des bookers, j’espère et avec un peu de bol il y en a un ou deux qui trouveront que ce qu’on fait est intéressant. Clairement, le fait de jouer devant des pros ça peut amener des collaborations, c’est cool. J’espère que ça va plaire à des gens. Vu que je suis avec des copains, je suis toujours content de jouer, dans n’importe quel contexte, que ce soit dans un bar ou sur un gros plateau. On va essayer une fois de plus de passer un bon moment, de jouer les morceaux et de s’amuser. J’espère que les gens s’amuseront aussi à nous regarder.
LFB : C’est quoi le plan une fois que l’album sera sorti ?
AP : Je bosse pour d’autres aussi, je fais la production d’autres personnes mais j’ai très envie de m’atteler au prochain album rapidement. Donc c’est bosser de nouveaux titres avec le groupe pour pouvoir commencer à enregistrer avant l’été prochain l’album suivant.
LFB: Tu as déjà participé à des sessions d’accompagnement de groupes émergents, est-ce que c’est quelque chose que tu souhaites refaire à l’avenir ?
AP : Je n’ai rien à cacher, je suis content de discuter avec des gens de comment je fais les choses, du process, des machines, de l’inspiration. Je suis pour partager les choses parce qu’il faut partager les choses, c’est important, c’est cool. Moi j’ai beaucoup appris de gens avec qui j’ai travaillé. J’ai beaucoup appris d’interviews de gens qui jouaient de transparence, je pense par exemple à Philippe Zdar qui est mort il n’y a pas longtemps. C’est un mec qui, à chaque fois qu’il était en interview, disait tout de son process, ne cachait rien. Ça m’a fait beaucoup de bien de voir qu’un gars avec autant d’expérience était totalement décomplexé par rapport au fait de lâcher des infos sur les machines, sur sa manière de faire. Je sais que ça m’a beaucoup motivé donc oui, il faut que tout le monde dialogue sur ses manières de faire et ne garde pas le mystère. C’est cool d’échanger.
On retrouvera Antoine très vite à l’occasion de la sortie de son premier album Hi-fi Romance le 04 octobre prochain.