La dernière soirée du Arte Concert Festival a proposé une soirée éclectique : de l’électro immersive de Toh Imago au punk-electro de La Jungle pour finir par la soul de ALA.NI. et la dance punk de Foals.
Une longue file d’attente nous attend à 19h devant la Gaité Lyrique. Le public est venu nombreux pour cette dernière soirée de ce festival atypique : un live de 360°, deux autres au milieu de la foule et un dernier avec des rocks stars de notre époque. Le programme est alléchant et promet de ne pas nous en ennuyer diversifiant les genres et les styles.
On commence donc par plonger dans la salle immersive pour le live de 360° de Toh Imago. Petit couac. La salle ne peut contenir pas plus de deux cents personnes. Nous devons patienter une dizaine de minutes avant de pouvoir profiter du show. Une fois à l’intérieur, on aperçoit l’artiste au centre de la pièce rectangulaire. Plusieurs rayons lumineux se propagent à l’identique aux quatre coins de la pièce : le visuel est d’abord granuleux et joue sur les différents tons du gris. Puis, quelques points noirs viennent ensuite picorer le décor pour ensuite s’étendre et se marier avec ce fond brumeux. Assurément, il s’agit d’une représentation de l’industrie minière de la région dont est natif l’artiste. Sa musique prend ainsi tout son sens en prenant vie avec ces images.
Tout est ici question de mise en scène. Dans le premier quart d’heure, à l’aide de sonorités aigus, on imagine très bien le bruit des pioches et des machines pour extraire le charbon. Sur un tempo à quatre temps, le rythme s’accélère pour signifier l’extraction de la matière. Oppressant, le rythme finit logiquement par s’essouffler. Le natif d’Hénin-Beaumont introduit ainsi un son plus organique pour finir la première partie de son set, qui correspond aussi au titre éponyme de l’album Nord Noir. Mais l’arc narratif n’est pas terminé. Le tempo s’emballe brusquement pour rentrer dans une phase plus techno. Nous sommes baignés dans une cadence infernale, festive et épileptique comme si nous ne pouvions plus maîtriser ce qu’il nous entoure. Certains passages nous font penser à la rave des années 90. La musique s’interrompt en douceur, comme une libération du travail accompli. Ce live nous détonne car il nous a plus hypnotisé et sublimé que fait danser. Nord Noir est, sans aucun doute, un album à écouter dans son intégralité.
Le second concert nous demande de faire un peu sport. Nous devons montrer de deux étages en passant du sous-sol au premier étage pour retrouver la grande salle de la Gaité Lyrique. La Jungle s’installe au milieu, joue quelques notes de guitare bien sympathiques pendant quelques secondes. Le batteur se chauffe quelques peu pendant que le guitariste enregistre sa boucle. Ces trente premières secondes nous intriguent sur la suite des événements. Subitement, les belges nous prennent à la gorge en lançant sauvagement leur folie sur scène. Au menu, loop de guitares énergiques et énervées avec batterie déchainées pendant quarante-cinq minutes, La Jungle sue et nous fait suer dans leur noise rock fusionné au math rock. Les voir au centre de la scène parait alors d’une logique implacable tant les Montois sont animés et s’orientent vers tout le public. Le deuxième titre du live est surement le plus charismatique du groupe. Hahehiho débute par ces quatre syllabes enregistrées en boucle pour s’emballer à l’infini, décrivant alors l’explosivité et la transcendante de leur composition. L’envie de s’agiter et de pogoter avec les artistes est présente mais le public du festival semble plus sage. La Jungle reste dans tous les cas une excellente première partie.
Avant le concert de Foals, ALA.NI prend place dans le foyer historique de la Gaité Lyrique pour un concert intimiste et convivial. A l’image de Toh Imago et de La Jungle, la chanteuse britannique se place au centre de la salle, encerclé par des dizaines de spectateurs. Pendant une quarantaine de minutes, la chanteuse soul délivre une prestation joviale et communicative. Sa musique est rythmée par sa voix suave qui joue avec les silences. Le contrebassiste, l’accordéoniste et un beatboxing l’accompagnent subtilement pour apporter quelques petites touches de mélodies supplémentaires. La fin du set est marquée par une improvisation musicale dont les textes poétiques se reposent sur des écrits fournis par le public juste avant le concert.
Il est temps de se rafraichir une dernière fois avant le dernier concert qui s’annonce bouillant sur le papier. Après cinq petites minutes de retard, Yannis Philippakis et sa bande se présente enfin sur la scène de la Grande salle, sur le son synthétique de Red Desert, l’introduction d’une minute de leur nouvel album Part 2 Everything Not Saved Will Be Lost. D’autres extraits seront présents sur ce live mais le groupe anglais débute, comme à Rock en Seine, avec On The Luna. L’entrée en matière est efficace.
Sur un « Bonsoir Paris ! » sans accent du leader du groupe, le groupe enchaîne sur ses premiers amours avec Olympic Airways. Aux bons souvenirs du premier album orienté math rock, le groupe avait déjà imposé ses griffes sur son style : au dernier tiers du titre, une coupure s’installe pour réaliser petit à petit une montée en puissance du jeu instrumental puis vient l’explosion avec le refrain libératoire tant attendu et qui nous fait bondir sur place. Foals connait par cœur sa « recette » et s’y emploie sur ce titre puis sur l’incontournable My Number qui rencontre, sans surprise, un franc succès auprès du public. En revanche, difficile de dire la même chose sur Moutain at My Gates qui a une structure trop proche de la précédente. La « recette » peut dès fois être lassante en force d’être trop usée.
Et si Spanish Sahara donne toujours autant de frissons grâce à ses six minutes de jeux de guitares déchirants et organiques, on ressentira également ce manque d’emballement de la foule pour Exist et Sunday (ah tiens, on est dimanche !). D’ailleurs, cette dernière fut une déception, la version de l’album propose un final énergique et apocalyptique, mais nous avons eu malheureusement le droit à une prestation plutôt morne et terne. Le groupe semblait fatiguer sur ce titre, dommage.
De son nouvel album, Part 2 Everything Not Saved Will Be Lost, le groupe anglaise en jouera deux en plus de Red Desert. D’abord, leur nouveau titre phare : The Runner. Là encore, c’est une déception. L’émulation est moins forte que sur la version album et les chœurs chantés par le bassiste du groupe ne sont pas convaincants. On peut même affirmer que ça chantait faux. Ensuite, il y a eu Black Bull qui fut, quant à lui, une excellente surprise : plus enragé et résolument rock. Le groupe tient là un excellent hymne pour déchainer les foules.
En plus de ce nouveau titre joué en fin de set, Foals a réussi à gagner la folie du public grâce l’incontournable Inhaler. Les pogos se sont inévitablement lancés de manière anarchique et la bande s’est même fait plaisir à rallonger la durée du morceau en répétant ses riffs de guitare. Le concert se clôture avec l’énergique Two Steps, Twice qui permet de voir, enfin, une communion entre Yannis Philippakis et le public conquis.
Les anglais, que l’on retrouvera au Zénith en avril 2020, clôturent donc cette bonne soirée. Le Arte Concert Festival a su proposer une programmation riche, avec de grands noms, mais aussi une formule originale et sophistiquée afin de repenser notre manière d’assister et d’apprécier un concert. Nous attendons avec impatience la prochaine édition.
Crédit photos : Mathieu Foucher