hello résonne comme le signe esquissé simplement de la main lorsque l’on retrouve des amis que l’on n’a pas vus depuis longtemps. Il est vrai, qu’après un premier EP — EP Standard — en 2018 et un album-mixtape — En 3 Lettres — paru l’année suivante, la crise sanitaire a mis en jachère le projet d‘Arthur Ely qui ne demandait qu’à prendre son essor. Néanmoins, cette pause fortuite a été l’occasion de prendre du recul et de réfléchir sur les nouvelles directions qu’il souhaitait prendre.
Car l’Arthur Ely de hello n’est plus celui qu’il était avant. Le personnage égotripé qu’il incarnait à ses débuts — Le Dernier Homme — a laissé place à une personnalité faisant preuve d’humilité. Cette qualité discrète lui permet de gagner en sérénité et ressentir à leur juste mesure ces petits moments que l’on vit au quotidien, qu’ils soient doux ou parfois un peu amers. Ceux que l’on a tendance à négliger tant ils nous semblent insignifiants, mais qui sont essentiels, car ils tissent nos vies. Le monde de l’infra-ordinaire comme aimait le décrire Georges Perec :
« Ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l’évident, le commun, l’ordinaire, l’infra-ordinaire, le bruit de fond, l’habituel, comment en rendre compte, comment l’interroger, comment le décrire ? »
Une des façons d’interroger ce quotidien a été de le brusquer, un peu, en allant à sa rencontre. C’est ce qu’a fait Arthur Ely lors de deux tournées pirates estivales, quinze dates, avec son complice Hector Di Napoli (le frère d’Iris plus connue sous son nom de scène, Joko) au volant sa twingo de Marseille à Paris en suivant le chemin des écoliers.
Rencontrer son public, en simple guitare-voix, presque à l’improviste pour partager ses mélodies, ses couplets, ses refrains et ses poèmes. C’est certainement ce qui l’a incité à aller musicalement vers le principal, à épurer ses mélodies en composant des mélodies plus pop, moins urbaines.
C’est un peu tout cela qui structure la démarche – nouvelle – de son EP hello. Elle se trouve parfaitement synthétisée dans le titre éponyme qui ouvre le disque. « Hello voici l’homme qui ne résout rien, le seul héros qui t’laissera trouver tout seul le chemin », se vit comme l’acceptation d’un quotidien qui paraît plus banal que celui que l’on aurait aimé avoir.
Les couplets répondent aux refrains. Les anaphores des premiers — « hello » — répondants aux épiphores — « ordinaire, ordinaire » — des seconds. Cela apporte au texte une scansion particulière – presque oscillatoire – qui produit un effet apaisant. Il est réconfortant de convenir que l’on ne pourra pas tout maîtriser, et que ce n’est pas si grave.
Car La plupart du temps, « J’ai fait ce que j’ai pu ». Et comme dans la chanson, les routines que l’on se crée peuvent rythmer nos journées avec intensité et donner l’élan nécessaire à aller à chaque fois un peu plus loin. Le son cadencé de la batterie répond aux accords de guitares marquant d’un « J’ai fait ce que j’ai pu » ce que l’on fait « La plupart du temps ».
Une thématique qui revient en leitmotiv également dans Carte Jeune. Avancer, c’est aussi se confronter aux premiers refus. Le refus de renouvellement de la carte jeune est symbolique car il nous propulse également dans l’âge adulte.
Passé 27 ans, les responsabilités prennent la place de l’insouciance qui nous était si plaisante, celle des réductions « Carte Jeune », qui suscitaient beaucoup d’espoir. Mais dans le refus que l’on nous oppose ou que l’on s’impose — « je dis nan nan nan nan » — se forge également une saine révolte. Celle, silencieuse, résiliente, enfouie en nous, qui nous permet de réagir avec recul face aux aléas que l’on subit et d’assumer.
Une action amenant une réaction, elle nous permet d’avancer dans la vie tel un équilibriste comme dans le très beau morceau Funambule. Ballottée par les notes de guitare, la douce mélodie du début se met à onduler et à tournoyer. Même fragile sur ses appuis, il faut toujours conserver la force d’avancer en regardant devant soi. Bien que l’on ne comprenne pas toujours tout.
Et même si les interrogations nous tenaillent et les doutes nous assaillent, on ne pourra pas avoir toutes les réponses. Pourquoi, nous confronte à nos incompréhensions et à nos contradictions. « Pourquoi je préfère les rêves à la réalité et le sexe sur internet plutôt que le vrai ? ».
Et si les couplets renferment nos multiples interrogations — Pourquoi s’y entend une vingtaine de fois — le refrain ne cherche pas à y répondre. Il apaise nos questionnements avec douceur sans chercher à leur trouver des réponses. Il faut accepter de ne pas toujours savoir.
hello, se referme avec un dernier morceau, À nous, qui se fait la synthèse des émotions et sensations partagées dans les cinq premiers titres. L’insouciance de la jeunesse laisse la place à la conscience d’être désormais responsable, de soi, des autres et du monde dans lequel nous vivons. Pour autant, ce n’est pas une résignation.
Les rêves continueront à se dessiner et les aspirations à s’exprimer par-delà les générations. Car comme laisse entendre l’émouvant refrain « une étoile est morte ce soir, ça ne fait rien — y’en a tellement d’autres qui brillent aussi bien — elles nous ressemblent, étrangement ».
Le dernier EP d’Arthur Ely forme avec ses six chansons un tout cohérent et signifiant. Forgé par les souvenirs, confessions, doutes partagés, il en devient le substrat du chemin qui mène à l’âge adulte.
À lui alors de s’inventer une vie remplie de cet infra-ordinaire qu’il a réussi à dompter. Et de la métamorphoser pour que cette vie en construction l’emmène encore plus loin.
À nous de l’accompagner en l’écoutant et en allant le retrouver sur scène.
hello est sorti et peut être consommé/écouté sans modération sur toutes les plateformes de streaming. Arthur Ely sera bientôt sur scène à Lyon, Caen, Lille, Paris, Toulouse et Bordeaux, ne le ratez pas.