Astral Bakers nous avait déjà impressionnés avec leur premier album The Whole Story. Nous avons eu le plaisir de les retrouver à l’occasion de la sortie de leur deuxième album : Vertical Life, sorti le 10 octobre.

La Face B : Comment allez-vous ?
Ambroise : Très bien
Theodora: Super
Zoé : Bien
LFB : Votre album sort le 10 octobre, comment vous sentez-vous ? Vous vous sentez prêt ?
Zoé : On n’est jamais prêt
Ambroise : C’est toujours un peu étrange parce qu’on est dans une sorte de flou artistique. Tant que c’est pas sorti, on ne sait pas du tout comment il va exister. En même temps, ça fait longtemps qu’on le porte, qu’on est les seuls à pouvoir vraiment l’écouter et le connaître. Du coup on a hyper hâte.
Zoé : c’est vrai que nous on le connaît bien en fait.
Ambroise : Non mais c’est un mélange d’excitation, d’appréhension. Et puis de flou comme ça où on a l’impression que tant qu’il n’est pas sorti, il n’existe pas. Alors qu’il existe déjà. Donc c’est comme si on avait besoin d’avoir une validation. Il faut que les gens trouvent ça bien pour que nous aussi on trouve ça bien.
Theodora: Malgré tout, c’est vrai que c’est cool, c’est le troisième single qu’on a sorti quand même extrait de l’album.
Ambroise : Le quatrième !
Theodora: C’est le quatrième ?
Zoé : T’es virée
Théodora : Bon bah rendez-vous à Vienne ou pas ! C’est quand même super agréable de sortir des extraits en amont parce que c’est des petites facettes à chaque fois. Et là, la dernière facette c’est Healing. Et je trouve que ça raconte bien l’histoire et la connexion qu’on a au sein du groupe.
LFB : Oui je trouve qu’il y a vraiment une belle connexion notamment à travers le clip. Quand Nico tombe et vous le rattrapez tous. On sent vraiment l’esprit hyper familial.
Zoé : La première fois on l’a pas rattrapé.
Ambroise : Lui, il est comme Tom Cruise, il fait lui-même ses cascades.
LFB : J’ai l’impression que vous cherchez à transmettre un esprit familial. Dans vos morceaux, on ressent vraiment une unité : même si chacun apporte sa propre touche. Le résultat donne l’impression que tout est joué d’une seule voix, comme si vous ne faisiez qu’un. Je trouve ça vraiment chouette.
Ambroise : Trop bien. Bah c’est vrai que c’est quelque chose qu’on recherche pour beaucoup cette espèce d’unisson. À la fois on se complète. Et en même temps quand on arrive à vraiment être comme un seul instrument et une seule voix. C’est là qu’on a l’impression de vraiment faire notre son en fait.
Et ça se joue à peu de choses. Mais quand on y arrive, on voit tout de suite la différence. Quelque part, il y a une sorte d’alignement de planètes ou de phases qui se crée quoi.
LFB : Pourquoi Vertical live comme titre d’album ?
Theodora: En fait, souvent il y a quelqu’un qui arrive avec une mélodie ou un bout de chanson. Et après cette personne apporte aussi des idées de textes ou propose à l’un d’entre nous de compléter. Ambroise était arrivé avec un début de chanson et j’ai écrit un texte dessus. Après on a tous ensemble arrangé et fini la chanson quoi et le titre c’était Vertical Life.
J’aimais bien l’idée de parfois un peu se battre pour se mettre debout dans la vie. Mais parfois d’être un peu flemmard et de rêver sa vie, donc de manière plutôt horizontale quoi et allongée. Mais de se dire qu’un jour on va bien vivre la vie verticale. La vie verticale pour moi c’est la vie où on ressent de l’énergie. On ressent l’amitié, l’amour, des choses quoi et on a envie de la vivre cette vie verticale. On n’a pas juste envie de la rêver quoi.
Zoé : À la sortie du premier album, c’est vraiment le premier morceau qu’on a fait ensemble, refait et joué en concert. Je pense que ça a vachement évolué. Mais c’était symboliquement assez marrant de se dire que c’était vraiment la première pièce du deuxième puzzle.
Ambroise : C’est vrai que c’est un morceau qu’on a porté plus longtemps que les autres. Enfin on l’a joué à notre premier concert, on l’avait même fait avant que le premier album sorte. Donc c’était presque comme une sorte de queue de comète du premier album.
Zoé : qui nous suit depuis le début
Ambroise : et en fait paradoxalement, c’est un morceau qu’on a eu beaucoup de mal enregistré. Parce que quelque part c’est comme s’il existait déjà un peu dans nos têtes. On voulait être fidèle à cette première idée qu’on avait. Comme on l’avait déjà un peu joué en concert, on pensait que ça allait être super facile. Et en fait on a fait je sais pas combien de versions. C’est vraiment le morceau qu’on a réenregistré le plus de fois.
Zoé : Et aujourd’hui encore, on fait de nouvelles versions.
Theodora: Au point éphémère on va jouer une nouvelle version de Vertical Life.
Zoé : C’est une chimère.
Theodora: En fait, il garde son nom, c’est comme l’Argos c’est le vaisseau des Argonautes. En fait, il garde son nom mais il est tout le temps en réparation. Il change des pièces. Il garde son nom mais il change de forme tout le temps.
Ambroise : C’est un peu le morceau qui vaut une chanson de Taylor Swift.
LFB : C’est un morceau qui vous fait recréer à chaque fois.
Zoé : Oui c’est comme un Rubik’s cube. On est tout le temps en train de chercher des trucs. Du coup même si on se dit « ok on répète les morceaux ». Bah lui, il a toujours ce petit truc, on va partir à gauche à droite. C’est comme s’il n’était jamais terminé ce morceau.
Ambroise : Ouais c’est un peu la sensation qu’on n’a jamais vraiment fini.
Zoé : Alors que les autres on a vraiment l’impression de les avoir terminés.
Theodora: De les avoir trouvés.
Zoé : On cherche à les interpréter du mieux qu’on peut. Par rapport à l’album, par rapport au mood dans lequel on était à l’enregistrement. Et Vertical Life c’est un puits sans fond d’idées.
Ambroise : C’est une chanson vivante.
Zoé : Et en même temps ça nous représente aussi plutôt bien de se mettre dans un petit cocon alternatif. Où on peut faire des choses qui ne sont pas forcément les plus concrètes.
Ambroise : Qui ne sont pas gravées dans le marbre.
LFB : Puis ça permet aussi au public de redécouvrir à chaque fois.
Zoé : J’avoue que c’est assez cool. J’aime bien quand les morceaux sont assez fidèles aux albums mais qu’il y ait une petite surprise. « Ah purée c’était ce morceau j’avais pas capté tout de suite ».

LFB : Si vous l’aviez déjà quand vous avez enregistré votre premier album pourquoi ne pas l’avoir mis dans le premier ?
Ambroise : En fait on l’avait pas à ce moment-là. Sinon je pense qu’on l’aurait mis dedans. Il est arrivé à cette période de no man’s land.
LFB : Votre premier album évoquait l’idée de refuge, et celui-ci parle de guérison avec Healing notamment. Il y a quelque chose de très positif qui se dégage de votre musique. Quand vous composez, est-ce que vous pensez d’abord à ce que vous, personnellement, avez envie de transmettre comme émotion ? Ou bien est-ce davantage une recherche tournée vers le public. Avec l’envie que vos auditeurs se sentent mieux en écoutant vos morceaux et que cela les aide dans leur quotidien ?
Theodora: Moi j’ai l’impression que quand on est par exemple chanteuse solo, on pense souvent d’abord à ses propres émotions, à soi, on est en introspection. Mais quand on est un groupe, on a envie que ça parle au groupe. Enfin moi; quand j’essaie d’exprimer quelque chose, j’essaye de parler de la langue d’Astral Bakers qui n’est pas tout à fait ma langue personnelle. Mais du coup ça raisonne. La guérison et comment s’entraider quand quelqu’un ne va pas bien dans le groupe. On essaie de l’aider à aller vers la lumière, à sortir de son tunnel. Comment faire pour que ça nous parle à tous les quatre. J’ai l’impression que déjà s’il y a une caisse de résonance au sein du groupe, ça peut parler à d’autres gens.
Zoé : Peut-être que ce n’est pas valable pour tout le monde. Mais par rapport à quelqu’un qui est vraiment en solo, on est peut-être moins explicites. Dans les paroles, on se dit que si on veut que ça résonne chez plusieurs personnes. Donc auprès du public en général, il faut garder un petit côté mystérieux. Que ça puisse te concerner toi, ou toi, et chacun peut s’y retrouver. C’est vrai qu’on cite rarement des prénoms ou des choses très ciblées. C’est plutôt des expériences que tout le monde pourrait vivre.
Ambroise : J’ai l’impression que les chansons évoquent des choses assez précises quand même quand on les écrit. Mais par contre, ça veut pas dire que ça peut pas être universel. Mais j’ai l’impression que c’est quand même des choses assez personnelles à chaque fois.
Theodora: Mais je vois ce que tu veux dire quand même. Il y a plusieurs degrés d’interprétation, c’est concret, mais c’est pas si concret que ça.
LFB : Ça reste ouvert.
Theodora: Exactement.
Ambroise : Il y a une marge d’interprétation.
Theodora: C’est ça qui fait parfois une chanson qu’on aime. On croit qu’on comprend des choses et en fait non.
Zoé : Ça me fait penser à la chanson Why du premier album par exemple. C’est hyper personnel, c’est vraiment toi qui parles de quelqu’un d’autre, mais c’est suggéré en fait. Tu te dis jamais « ah oui je sais très bien de quoi il parle ». Il faut vraiment se glisser un peu dedans.
Ambroise : Je pense que l’anglais c’est une langue un peu indirecte. Parce que déjà ce n’est pas notre langue maternelle. Puis ça met une petite distance mais qui permet quelque part d’être peut-être plus personnel encore dans les textes. Je ne pense pas que j’arriverais à chanter les mêmes choses en français, enfin j’en suis sûr même. Et il y a ça aussi qui met une petite distance forcément. Parce que les quelques fois où on est allé dans des pays anglo-saxons pour chanter des chansons. On redécouvrait un peu le sens quelque part parce que on se rendait compte en les chantant que les gens les comprenaient. Ce qui est moins le cas quand on joue en France. C’est plus impressionniste comme façon de recevoir les textes. Mais c’est super intéressant aussi.
LFB : Tu dis que tu ne pourrais pas les chanter en français, pourquoi ?
Ambroise : En français, ce serait trop personnel. Ce serait trop gênant. Je pense que c’est un truc que j’admire aussi chez les interprètes français et francophones. Cette capacité à vraiment raconter sa vie devant des foules. Désigner des gens de sa famille. Je pense qu’il y a un switch à faire dans sa tête genre « Je ne suis pas ce que je chante ou alors j’assume à 100 % » mais c’est vrai que je trouve ça pas forcément évident.
Theodora: Et dans la musique qu’on fait je trouve que ça s’y prête pas mal de chanter en anglais.
LFB : Parlons justement des différentes interprétations possibles. J’ai beaucoup aimé la chanson Within a Heartbeat. Je l’ai trouvé très touchante. J’ai eu l’impression d’écouter une déclaration d’amitié. Est-ce que vous pourriez m’en parler un peu plus ?
Ambroise : C’est une chanson qu’on a écrite à quatre mains avec Theo. Moi j’ai écrit surtout une phrase qui est devenue un peu le refrain, mais c’est toi qui as finalement donné un peu la perspective à cette chanson. Moi j’avais ces phrases qui me traînaient dans la tête depuis longtemps sur cette grille harmonique qui faisait presque comme un vieux standard de jazz. Et puis on l’a retravaillée ensemble et c’est pareil, tu t’es emparée du texte et qu’est-ce que tu as voulu dire ?
Theodora: Ce qui est intéressant c’est que ça peut être une déclaration d’amitié, ça peut être une déclaration d’amour, chacun peut imaginer ce qu’il a en tête et ce qu’il souhaiterait. J’aime l’idée que ce soit polysémique et ambivalent. Mais c’est d’un grand romantisme.
LFB : Avec What It Means, vous nous parlez de solitude. Et est-ce que vous pourriez aussi me parler de cette chanson. J’y ai senti beaucoup de vulnérabilité et de sensibilité.
Ambroise : C’est une chanson que j’ai écrite pour ma fille, quand elle avait quelques mois. J’étais à la maison, elle était dans son parc, elle ne tenait pas encore debout. Et je me suis rendu compte que je ne lui avais jamais joué de guitare. Comme j’en fais déjà toute la journée ailleurs, je n’ai pas forcément le réflexe d’en jouer à la maison. Mais là, on était tous les deux et je me suis dit : « tiens, je vais te jouer un peu de guitare, ce serait bien que tu découvres cet instrument ». Et en fait, ce morceau est né spontanément.
Les paroles ont commencé à venir à ce moment-là. Le sens de la chanson, c’est que quand on a une vie de groupe, qu’on part en tournée et qu’on rentre ensuite à la maison, surtout avec des enfants, il y a un côté presque schizophrène : ce sont deux modes de vie totalement différents. C’est une manière de parler du fait que je suis loin, mais que je pense à elle en même temps. C’est autour de cette idée de se sentir éloigné de chez soi tout en essayant de vivre sa vie de musicien, d’artiste, qui est tellement différente de celle de parent. Et puis c’est aussi une façon de lui laisser quelques clés pour qu’elle puisse comprendre tout ça plus tard.
Zoé : Pourquoi t’étais jamais là ?
Ambroise : En vrai, c’est un peu fantasmé parce qu’au final je suis quand même souvent là. Mais c’est vrai que pendant les périodes où on est beaucoup en tournée, ça me demande un gros temps de réadaptation. Quand on est artiste, même dans un groupe, on est très centré sur soi : on réfléchit à sa musique, à qui on est, à ce qu’on veut dire et à ce qu’on veut faire. Alors qu’avec des enfants, surtout quand ils sont petits, on est tout sauf autocentrés. On est entièrement dédié à ce petit être qui demande beaucoup d’attention et d’énergie. Donc c’est un peu de ça dont je parle, de cette espèce de switch qu’il faut faire.
LFB : Sur votre pochette d’album, il y a un collage avec tous vos visages, je voulais savoir si c’était une idée que vous aviez eue ensemble, de transmettre l’unisson à travers la pochette d’album aussi ?
Zoé : Le sujet de l’unisson c’est vraiment la base de ce groupe clairement mais on en a pas mal parlé avec Juliette Gelli qui s’est occupée de trouver une cohérence visuelle avec toute la musique qu’on avait faite pour ce deuxième album. On a beaucoup discuté avec elle. Elle nous demandait des clés de compréhension et elle a fini par en déduire qu’on n’était pas loin d’être un unique personnage qui était un mélange de tous les quatre.
D’ailleurs, c’est elle aussi qui a réalisé les deux derniers clips qu’on a faits et Healing avec une autre réalisatrice qui s’appelle Roxanne Gaucherand. Elle a vraiment su bien capter autant sur la pochette que sur le clip parce que le deuxième album était un travail plus abouti sur notre façon de créer des choses ensemble et elle a pris des photos de notre ami Matthieu Thomas qui avait fait tous les visuels du premier album, puis elle a commencé à découper et faire des collages car elle aime bien recréer des choses aussi de façon manuelle.
Theodora: organique
Zoé : On a essayé de lui expliquer le mieux possible notre fonctionnement. Et puis elle est arrivée avec ce collage et évidemment il y a eu pas mal de modifications mais ça nous a tout de suite parlé. On hésitait, on ne savait pas si on voulait avoir nos visages sur la pochette du deuxième album ou si on restait un peu mystérieux. Et là ce qui est marrant c’est que c’est une personne qui n’en est pas vraiment une. Personne ne se sent trop mis en avant.
Ambroise : En portrait
Theodora: C’est presque une chimère.
Zoé : C’est vraiment presque une chimère… comme le morceau Vertical Life. Et du coup ça nous a vraiment parlé et elle a fait d’autres collages avec les mains, les visuels des singles qu’on a sortis. C’était hyper cohérent pour nous et en plus réutiliser le travail de Matthieu, c’était vraiment trop chouette de pouvoir conserver un lien avec le premier et le deuxième album, à travers une autre personne. Ça a été assez évident en fait le collage.

LFB : Est-ce que c’est pas difficile quand on a déjà sorti un album d’en ressortir un deuxième ? Est-ce qu’on a pas peur de perdre l’inspiration ? Ou est-ce que justement c’est plus simple. Parce qu’on l’a déjà fait, donc on sait comment ça marche et on sait comment s’organiser pour le faire ?
Ambroise : Je pense que ce n’est jamais facile de faire un album. Et en même temps l’inspiration c’est pas forcément quelque chose qui se tarit. Quand on a beaucoup créé, c’est souvent presque comme un muscle. Plus on écrit de chansons, plus on arrive à en écrire. J’ai l’impression que la page blanche ça arrive souvent quand on s’arrête et qu’on s’arrête longtemps.
Et là, c’est un album qu’on a fait dans la foulée vraiment du premier, donc on était encore dans cette énergie de découverte encore de nous quatre et de notre fonctionnement. Même si on se redécouvre un peu tout le temps, on avait encore envie de dire beaucoup de choses, comme une sorte de suite de cet album. Et en même temps, je trouve que c’est un disque qui est assez différent, parce que les chansons sont assez différentes. C’est pas vraiment une suite logique mais on n’a pas eu de mal à se mettre à le faire.
Parfois un deuxième album, c’est dur quand on l’a beaucoup joué en tournée, puis qu’un an et demi, deux ans après, on se dit : « bon alors, on va se mettre au troisième album », sachant qu’on sait que c’est un long process entre le moment où on se dit qu’on va commencer et le moment où il sort, il peut se passer un an, un an et demi voire plus. Quelque part on a tout de suite été dans le mouvement et presque trop vite dans le sens où limite on n’en a pas assez profité parce qu’en fait faire un disque c’est vraiment trop bien, être en studio, expérimenter…
Là, on a tout de suite eu la matière de cet album et on l’a retravaillée. Mais comme on l’a enregistré dans une période très restreinte quand on était aux États-Unis, enfin la plupart des prises, de groupes live, on avait cette matière-là qui arrivait vraiment très vite quoi et en même temps ce n’est pas juste une suite du premier, c’est vraiment un autre album. Mais j’ai l’impression que l’excitation ou l’appréhension, en tout cas le fait de le sortir, que ça soit le premier, le deuxième ou le 40ème, je pense que c’est toujours pareil. C’est comme d’être sur scène, c’est quand on est un peu blasé que ça devient inquiétant.
Zoé : C’est peut-être moins évident qu’un premier album parce que quand tu fais un premier album, les gens aiment, n’aiment pas, en tout cas ils ont accès à cette musique. Et quand tu sors d’autres albums ensuite, il y a toujours un truc de comparaison de s’y retrouver ou pas et d’attente de la part de personnes qui savent ce que tu fais. Alors que finalement le premier album t’as vraiment aucun compte à rendre. Ça plaît ou ça plaît pas. Et ensuite le deuxième c’est « je me demande ce que ça donne ». Ce n’est pas évident de surfer encore sur un truc de nouveauté en même temps de pas décevoir. Faut surtout pas se poser ce genre de questions.
Ambroise : Faut pas trop penser à ça.
Zoé : Mais entre le laps de temps où l’album est terminé et la sortie, ça laisse libre cours à pas mal de questionnements une fois que les choses ne sont plus entre nos mains.
Theodora: Oui donc on en profite pour penser au troisième album !
Zoé : C’est ça la technique qu’on adopte.
Theodora: La fuite en avant !
Zoé : Non mais ce qu’on aime à la base c’est faire de la musique et si on a fait le premier album c’est parce qu’on avait envie de passer du temps ensemble à créer des morceaux et c’est toujours le cas et on continuera quoi qu’il arrive.
Theodora : Quoiqu’il arrive !
LFB : Il y a une vraie continuité dans vos albums, une vraie logique et c’est à la fois hyper différent et on ressent en même temps toujours les mêmes émotions positives quand on les écoute. Votre musique est un cocon.
Vous m’avez dit que vous aviez enregistré cet album aux États-Unis, pourquoi et comment ça s’est passé ?
Ambroise : En fait, on a enregistré chez un artiste qui s’appelle Sam Evian. Il avait déjà mixé le premier album. On était allés le chercher parce qu’on adorait sa musique et aussi parce qu’il est mixeur, ingénieur du son, il a son studio. Mais il est aussi artiste, il sort des albums, il fait des chansons, produit pour pas mal de gens. Et en fait, on avait un peu tenté le coup comme ça, comme une bouteille à la mer pour le premier album et il avait répondu : « je trouve ça super », il a mixé ce premier album. Puis, il est venu faire une tournée en Europe et à Paris, je sais plus, il y a un an et demi et on s’est rencontré pour de vrai à ce moment-là.
On s’est hyper bien entendu et il y a un moment où il est venu voir le studio, et puis il y avait un truc où on a l’impression qu’on était presque dans le même état d’esprit et dans la même recherche. Du coup c’est lui qui nous a dit « pour le deuxième, il faut que vous veniez carrément l’enregistrer à mon studio ». On y a pas mal réfléchi quand même parce que c’était un certain engagement financier d’y aller à quatre plus Mathieu qui nous suivait pour faire toutes les images. Mais on y est allé, et c’est ça aussi qui a un peu précipité le process, c’est le timing entre nos agendas à nous et à lui.
Zoé : Il y avait une fenêtre de tir restreinte.
Ambroise : On avait une période libre et celle d’après c’était presque un an plus tard quoi. Donc en fait, c’était un peu là où rien, sauf que nous, on avait à peine commencé à composer les chansons, on avait Vertical Life, on avait peut-être Into the Sea mais on avait trois ou quatre chansons quoi. Donc on s’est mis à écrire à fond pendant 2-3 semaines, on y est allé et on a enregistré toutes les chansons qu’on avait composées pendant ce moment-là quoi.
C’est pour ça qu’on est allé à son studio, en fait c’était une façon, quelque part, d’aller encore plus loin dans cette recherche de son qu’on avait commencée sur le premier album et d’être à la source avec vraiment une personne qui nous paraît comprendre notre musique, et même nous aide à la faire. C’était vraiment super et en même temps assez intimidant d’avoir quelqu’un qu’on admire et qu’on respecte beaucoup au casque derrière qui écoute pendant qu’on est en train de jouer. Sachant que c’étaient des morceaux qu’on maîtrisait pas encore vraiment, on avait peur je pense, de le décevoir quelque part donc ça a été un petit moment d’adaptation.
Zoé : On avait peur de ne pas être à la hauteur de la musique des États-Unis quoi. Il y a énormément de nos influences qui sont des groupes qui sont des voisins de Sam accessoirement. Et c’est vrai qu’on savait ce qu’il avait réalisé, avec qui il avait travaillé, c’était en grande partie des gens qu’on admire musicalement donc on était un peu… C’était pas évident d’arriver avec nos petites guitares, 300 balles et d’essayer de retrouver notre son, notre énergie ensemble. Sachant que sur le premier album, on a tout fait ici en autarcie, on sortait pour manger et de temps en temps. Il y avait une personne qui venait écouter mais c’était vraiment pas du tout le même processus, là on était beaucoup plus exposés.
Theodora: Hors de nos petits cocons, de notre petit abri. C’était intense mais quelle belle expérience quand même. C’était fou !
LFB : Ça vous a poussé à faire mieux au final.
Ambroise : Ouais et en fait c’était super intéressant parce que quand on a fait le premier album on n’avait pas du tout de contrainte de temps, on l’a fait sur une période de je sais pas peut-être presque un an ou six, neuf mois. Et en fait, tout restait installé comme ça, les micros branchés, et puis quand on se retrouvait, si on le sentait, on enregistrait une chanson et puis si c’était pas bien on recommençait la semaine d’après. Mais quelque part, on avait ce luxe de pas avoir du tout d’échéance.
Du coup là-bas on s’est retrouvé dans un truc où on avait sept jours d’enregistrement en tout et il fallait faire 12 morceaux. Mais du coup je pense qu’il a fallu le temps d’accepter qu’on ne pouvait pas être comme ici et aussi à l’aise. Mais j’ai l’impression que pour les quelques prises de voix qu’on a gardées de là-bas, puisqu’on a gardé quasiment toutes les bases instrumentales, j’ai l’impression qu’on chante différemment et qu’on chante plutôt mieux. Parce que on est comme sans filet, enfin je sais pas, il y a un truc où c’est plus risqué et c’est super intéressant. Mais c’est vrai que ça donne envie presque de le refaire en ayant conscience de ça et en restant un tout petit peu plus longtemps. Parce qu’on s’est dit qu’on y retournerait une deuxième fois, on pensait y aller une semaine-là, puis une semaine plus tard.
Theodora: Mais les caisses étaient vides.
Ambroise : Il y avait plus d’argent. Vide.
Zoé : Et puis, on s’est aperçus qu’on avait beaucoup de matières et quelque part à peu de choses près on avait l’album. On avait pris ce qu’il fallait là-bas. Ensuite, on a peaufiné un peu tout ça entre nous et c’était bien de prendre du recul, de se remettre dans la sphère qu’on connaît et de chercher des choses sans être pressé par le temps. Il y a pas mal de recherches sur les voix, sur les chœurs qui est vraiment une matière qu’on a voulu travailler en profondeur sur ces morceaux.
C’était un arrangement qui était vraiment important pour nous. Quand on a sorti l’album et qu’on s’est mis à tous chanter en concert, c’était vraiment un truc qui revenait, c’était trop chouette quand on chantait tous ensemble. On a poussé un peu ça et c’était bien de le faire aussi dans une autre sphère un peu plus apaisée, moins dans l’idée d’être efficace et rapide.
LFB : Et si vous deviez décrire votre album, comment vous le décririez en une phrase ou un mot.
Ambroise : Ben je trouve qu’il est assez brut, il y a une matière qu’on entend vachement je trouve, comme un son. Le premier album est plus un tableau, le deuxième album est plus une sculpture. Je trouve qu’on ressent ça, vous voyez ce que je veux dire ?
Zoé : Je vois ce que tu veux dire, on a taillé de la matière. Entre tout ce qu’on avait en fait c’est vrai qu’on est tous allé sculpter des choses les uns les autres pour faire quelque chose qui est assez dense au final.
Ambroise : Et puis, il y a le fait que ce soit aussi un album enregistré sur bandes, donc c’est sur un magnéto analogique. Et en fait, il y a ce truc vraiment où on sent que le son est gravé sur une matière. Il n’est pas gravé comme sur un vinyle, mais il est enregistré et dans le son, on entend cette matière sonore qui ressemble plus à un instrument en fait. Ça vibre très différemment de juste le fait de passer par un ordinateur et c’était vraiment une question de recherche de perspective, de plans, de dimensions.
Theodora: J’ajouterais que, pour moi, c’est à la fois dense et aérien. Il y a la densité de la bande effectivement, mais c’est éthéré aussi parce qu’on essaie de créer l’espace. On essaie de retrouver les plans, donc la perspective et la largeur aussi d’une perspective, d’un angle assez grand.
LFB : Et ma petite dernière, vous écoutez quoi en ce moment ?
Ambroise : J’ai découvert un gars qui s’appelle Malice K. Et je dois dire que je trouve ça vachement bien. Notamment la chanson qui s’appelle The Old House.
Zoé : On a notre petite playlist où on met à jour plein de choses. Sur Spotify et Deezer.
Theodora: Moi j’écoute Ora Cogan. C’est hyper stylé. On va les rajouter sur la playlist.
Zoé : J’ai réécouté plusieurs fois l’album de Big Thief et l’avant-dernier aussi. On a pris nos places pour aller les voir à l’Olympia. Et je me rends compte que j’aime vachement plus quand je connais les morceaux avant d’aller voir un concert. Je me sens plus englobée dans le concert que quand je vais voir un truc que je ne connais pas ou que je connais mal.
Crédits photos : Louise Desnos