Après Australasie (2016) et L’infini, L’univers Et Les Mondes (2019), le troisième album d’Emmanuel Mario aka Astrobal, L’uomo e la natura, vient de sortir sur le label allemand Karaoke Kalk. Il se compose de dix plages qui donnent vie à dix ambiances que l’on perçoit comme autant de traces acoustiques de décors de films, forcément fantasmagoriques. Les mélodies qui les structurent ont quelque chose de pictural dans leurs façons de dépeindre les paysages sonores qu’elles engendrent. Ecouter un disque d’Astrobal, c’est comme se projeter dans un voyage – intérieur – qui éveillerait nos souvenirs et stimulerait nos pensées. Fermez les yeux, prenez votre temps et laissez-vous guider par votre imagination, Astrobal a créé pour vous les capsules oniriques qui vous permettront de vous évader.

Profitant de son passage à Paris pour un concert avec Leo Blomov à l’Olympic Café, nous avons discuté avec Astrobal de son dernier album. De ce qui l’inspire (Library Music, science-fiction ou philosophie), de la nécessité de s’engager écologiquement, politiquement et socialement, d’intelligence artificielle et d’avenir de la création et surtout de sa vision de la vie – entre passion et simplicité – qui l’anime.
La Face B : Comment vas-tu ?
Astrobal : Ça va très bien parce que j’ai la chance de vivre loin de tout, loin des grandes villes, entouré d’amis et de gens que j’aime. Et puis là, on joue. On est en tournée. Le fait de jouer est tellement rare que cela m’excite énormément. Je suis plutôt un travailleur de studio.
La Face B : Qu’est-ce que tu peux nous dire de ton dernier album L’Uomo e la Natura, sorti en février dernier ?
Astrobal : C’est toujours compliqué de présenter sa propre musique. Mes albums sont comme des interstices que je prends pour composer moi-même. Cela m’amène vers des choses assez différentes, de City Pop japonaise à la Library Music française ou italienne, même à la variété. De la musique qui convie l’imaginaire des grands espaces, plutôt positive, lumineuse.
« La Library Music, pour beaucoup de compositeurs, a permis d’aller dans des endroits dans lesquels ils ne seraient pas allés autrement »
La Face B : Tu parles de la Library Music. Comment abordes-tu un genre qui est souvent décrié et dont le terme même a pour beaucoup une connotation péjorative.
Astrobal : C’est ce qui est intéressant avec la Library Music c’est qu’elle n’a jamais été conçue comme un style en soi. Même si elle l’est peut-être devenue grâce aux diggers d’il y a 15/20 ans. C’était vu de façon péjorative car c’était de la musique à l’image, fabriquée en gros. Sauf que la Library Music, pour beaucoup de compositeurs, a permis d’aller dans des endroits dans lesquels ils ne seraient pas allés autrement. Cela a permis à de grands compositeurs, de Ennio Morricone à Alessandro Alessandroni, et même François de Roubaix de pousser des expérimentations folles.
La Library Music est un vaste fourre-tout. Tu y trouves plein de choses, des trucs nuls, mais aussi des perles. Ça va des bandes sons de dessins animés, de documentaires que j’ai pu voir enfant, de films… C’est hyper vaste ! Il y a une richesse et une ambition dans la composition qui est difficile de trouver ailleurs.
La Face B : On parlait également de Muzak. Je me souviens d’avoir entendu enfant un reportage qui cherchait déjà à explorer ce qui était considéré comme étant un sous-genre.
Astrobal : Ce qui est marrant, c’est de redécouvrir, au fil du temps, les musiques. On parlait de musique d’ascenseur. Certains ont pu y cataloguer Stereolab ou Ennio Morricone. Mais, avec le temps, quand tu les réécoutes, tu te rends compte que c’est extrêmement brillant dans les structures et les arrangements. C’est comme la musique brésilienne. Pour moi, on y trouve les plus belles perles de la Pop.
« J’aime bien l’idée de laisser de la place à l’imagination »
La Face B : Dans ton album, la plupart des morceaux sont instrumentaux. La musique suffit-elle à exprimer ce que tu souhaites ?
Astrobal : Sur les albums précédents, je chantais plus. J’adore chanter. Je trouve que c’est hyper stimulant de chanter en français. Mais là, quand je me suis mis à composer j’avais l’impression que les mélodies se suffisaient à elles-mêmes. Au final, je ne chante que sur deux-trois chansons titres. Oui, cela m’excite de faire de la musique instrumentale ou alors ne dire que quelques mots. J’aime bien l’idée de laisser de la place à l’imagination.
C’est marrant car normalement la musique n’est pas signifiante. Essaye de dire quelque chose sur un morceau instrumental et demande à dix personnes ce qu’elles en pensent, elles te diront dix choses différentes. Pourtant, là, sur mon album, les gens parlent de choses en rapport avec ce que je voulais dire. Je suis hyper content.
La Face B : Et quand le verbe vient, qu’apporte-t-il ?
Astrobal : Cela me met vocalement en avant. Comme un instrument, mais avec ma voix. En fait, je ne différencie pas trop une mélodie de synthé ou une mélodie de voix. Si ce n’est qu’il faut mettre des mots et que, parfois ce n’est pas facile de les trouver. Sur cet album, je me suis beaucoup inspiré de Gaston Bachelard. C’est un penseur que j’aime beaucoup et qui m’a aidé à mettre des mots sur ma musique. Comme je le disais, j’adore chanter. J’ai une voix très fragile. C’est un peu une mise en danger. Et cela apporte une touche humaine dans quelque chose qui est très produit.
« Ricky, j’adore »
La Face B : Dans les intonations et la modulation de ta voix, j’ai l’impression de retrouver un peu Ricky Hollywood.
Astrobal : Ça me flatte parce que pour moi, Ricky est un des plus grands compositeurs de musique Pop en France. Il a fait plus de vingt tubes et il est toujours inconnu. Dès que je suis arrivé à Paris, j’ai découvert sa musique et j’en suis complètement tombé amoureux. On s’est rencontrés, on est amis, on a travaillé ensemble. J’avais mixé son album Le Sens du Sens. On a travaillé également, ensemble, sur d’autres choses. Ricky, j’adore.
La Face B : Il a une sensibilité profonde
Astrobal : Incroyable, et puis c’est tellement dur d’écrire en français. Et lui, il a un truc à la fois hyper intime et second degré. C’est d’une intelligence folle. C’est comme Philippe Katerine. Dans l’écriture, c’est comparable.
« Il faut que l’imagination prenne trop pour que la pensée ait assez » (Gaston Bachelard)
La Face B : Pour en revenir aux thèmes abordés dans ton album, on a parfois l’impression de partir dans un voyage spatial, avec un côté très roman d’anticipation. Ton goût pour la science-fiction est-il celui de l’imaginaire et de la liberté ?
Astrobal : La science-fiction, je suis tombé dedans enfant et elle ne m’a jamais quitté. J’ai même beaucoup de mal à lire ce que l’on appelle de la littérature blanche, c’est-à-dire celle qui n’est pas de la science-fiction. Il y a quelque chose qui développe mon imagination comme jamais. C’était un genre assez niche avant. Aujourd’hui, elle apparaît partout. Elle fait partie du mainstream.
Dans la science-fiction, il y a eu et il y a toujours aujourd’hui des chefs d’œuvres qui permettent d’imaginer des choses à la fois sur toi ou sur notre civilisation. Pour moi, elle se rapproche de la philosophie. Je te parlais tout à l’heure de Gaston Bachelard. « Il faut que l’imagination prenne trop pour que la pensée ait assez » C’est une citation qui m’a beaucoup marqué pour l’album.
La science-fiction, c’est un plaisir. J’en lis tous les jours, tout le temps. Des auteurs d’avant, comme ceux d’aujourd’hui. Même si, je trouve qu’actuellement il y a trop de dystopies. Parfois, je me demande si la dystopie n’amène pas à la dystopie.
Dans les années 70, on avait une science-fiction beaucoup plus humaniste. Aujourd’hui, quelques auteurs qui y retournent et redessinent notre imaginaire par rapport au futur. Parce qu’actuellement, l’image que l’on a du futur, c’est de la folie. Après, il est vrai que l’on part d’une réalité. C’est terrible ce qui se passe par rapport au réchauffement climatique. J’en suis pleinement conscient. Mais si l’on n’évoque plus que ça, on perd tout d’espoir. Il n’y a plus rien. J’aime bien essayer d’imaginer d’autres choses. Qu’on puisse s’en sortir sans aller s’installer sur Mars, comme ce ßNM&$! de Musk.
La Face B : La science-fiction peut avoir des composantes poétiques, comme l’on peut en retrouver par exemple dans Le Maître du Temps (L’orphelin de Perdide de Stefan Wul mis à l’écran par René Laloux et Moebius)
Astrobal : Il y en a eu plein. Aujourd’hui, il y a des choses incroyables qui se passent, notamment en Asie.
La Face B : Étant originaire de Metz, j’ai eu la chance de croiser beaucoup d’auteurs lors des festivals de la Science-Fiction et de l’Imaginaire qui s’y sont déroulés (1976-1986)
Astrobal : C’était là où Philipp K. Dick avait fait sa conférence. Incroyable, tout le monde l’attendait comme un gourou hippie sous LSD et, en fait il était complètement vrillé.
La Face B : Je n’ai pas assisté à sa conférence, peut-être encore trop jeune, mais je me souviens de l’avoir rencontré lors de séances de dédicaces.
Astrobal : Incroyable. Aujourd’hui, il y a les Utopiales de Nantes, un grand festival sur la science-fiction. D’ailleurs, j’adorerais organiser un concert là-bas !
« J’ai l’impression de vivre dans un bouquin de Philipp K. Dick depuis vingt ans »
La Face B : Lors de son interview, j’avais demandé à Leo Blomov, s’il avait une question pour toi :« Est-ce que tu penses qu’en [Miami] 2064 on écoutera encore de la musique créée par les êtres humains comme on le fait aujourd’hui ». Sa question qui rejoint un point que je souhaitais aborder, un sujet où la science-fiction est en train de rejoindre la réalité, l’intelligence artificielle et ses impacts sur la création.
Astrobal : C’est une vaste question. Il est difficile d’y répondre, mais pour moi l’intelligence artificielle c’est quelque chose que j’attends depuis longtemps. Je sais que cela va arriver. C’est écrit depuis longtemps par des gens qui l’ont imaginé. J’ai l’impression de vivre dans un bouquin de Philipp K. Dick depuis vingt ans. Pour l’instant, l’intelligence artificielle touche surtout au mainstream. Pour les grosses boîtes qui ne veulent pas payer les artistes, c’est génial. Un morceau mainstream aujourd’hui, c’est tellement codé, que l’intelligence artificielle s’en débrouille très bien. Et de mieux en mieux. Sur Spotify, l’algorithme au bout de trois quatre morceaux t’amène dessus.
Pour une musique plus personnelle, ça prendra plus de temps. Mais cela finira par arriver qu’une intelligence artificielle te fasse un truc – musique contemporaine ou Pop Indé – à la manière de. C’est pour cela que, pour moi, ce que je trouve le plus important c’est de faire une musique qui te correspond. Tu auras, ainsi, moins de risque de te retrouver copié par une intelligence artificielle.
Ce que j’aime quand j’écoute un artiste, c’est de découvrir les singularités de ses compositions. Pour l’instant cela m’inquiète pour plein de gens autour de moi, dont les métiers vont s’arrêter, mais je ne me sens pas encore trop attaqué. On fait vraiment un truc de niche. Je ne vois pas en quoi cela intéresserait l’intelligence artificielle parce qu’aujourd’hui elle n’est utilisée que pour le business. D’ailleurs, on l’appelle intelligence, mais c’est fou qu’on ne l’utilise pas pour régler les problèmes environnementaux, les problèmes de partage de richesses. Non, on préfère l’utiliser pour faire du business. C’est logique, cela va avec le capitalisme.
Cela prendra encore des générations, mais je crois que l’on arrive à un échec total du capitalisme. C’est évident. On nous a vendu le capitalisme comme quelque chose qui allait amener une plus grande liberté. Et depuis plusieurs années, on se rend compte que le capitalisme s’installe très facilement dans des sociétés autoritaires. Et même, ça marche très, très bien. Tout ce qui nous amène à l’extrême droite aujourd’hui, c’est le capitalisme qui nous y conduit. Parce qu’il est évident que la concentration des richesses n’amène qu’à ça, à un repli sur soi.
Les gens n’en peuvent plus. C’est la fin de ça. Cela prendra encore plusieurs générations, mais je suis persuadé qu’il n’y a que le partage des richesses et la gauche qui peuvent sauver le monde. C’est une évidence.
La Face B : Cela rejoint la question que je voulais te poser sur les valeurs écologiques ou sociétales portées par ton album. Et que l’engagement est une chose importante.
Astrobal : Le choix de vie déjà. Ce que tu fais est hyper politique. La politique est quelque chose de très important pour moi. Le militantisme, ne serait-ce que par des choix de métiers, le choix de musique que l’on fait. Les communautés, essayer de vivre autrement avec d’autres gens… Pour moi, ce qui changera la démocratie, ce n’est pas d’aller voter une fois tous les cinq ans, mais de rester actif entre. D’être avec les gens que tu aimes, de discuter, de faire de la musique, d’écrire des livres…
« Dans les interstices, la nuit, j’arrivais à trouver quelques idées »
La Face B : Pour revenir à la composition de ton album, comment as-tu abordé sa composition ? Tu avais déjà une vision d’ensemble quand tu as commencé à y travailler.
Astrobal : Une vision globale, non pas du tout. Pour les deux albums précédents, j’avais déjà leurs titres et j’avais essayé de construire autour. Pour celui-là, cela n’a pas été les cas. J’ai eu beaucoup de travail de production pour d’autres ces trois dernières années. Je me suis énormément investi – en tant que directeur artistique, arrangeur ou producteur – que je n’ai même pas ressenti le besoin de faire de la musique pour moi. Mais dans les interstices, la nuit, j’arrivais à trouver quelques idées. Car c’est tellement séduisant de maîtriser tout de A à Z en suivant ses propres choix. J’enregistre toujours des trucs, et puis un moment, quand j’ai quinze jours devant moi, je reprends ce que j’ai commencé et les termine. Cela se fait tout seul.
La Face B : Il en ressort quand même une impression d’homogénéité.
Astrobal : Et pourtant, il y a plein de choses différentes. L’Abeille Pourpre, L’Uomo e la Natura ou Miami 2064, ne reflètent pas les mêmes inspirations. Les personnes qui viennent chez moi enregistrer se demandent si l’ensemble des morceaux de leur album est homogène. Je trouve que c’est un faux problème parce que l’homogénéité vient de toi. À la base, tu as créé les choses, donc, forcément à la fin, ce sera homogène. Jamais je n’ai entendu quelqu’un dire « Ah, mais non, mes morceaux ne marchent pas ensemble ». La personne qui crée, crée également une homogénéité, involontaire, mais intrinsèque.
La Face B : Après, il y a l’organisation de l’album, l’ordre dans lequel tu fais apparaître les morceaux.
Astrobal : Oui, l’ordre c’est hyper important. S’il peut y avoir plusieurs ordres qui fonctionnent, d’autres peuvent desservir ton album. Organiser les titres est à la fois excitant, mais aussi pas facile.
La Face B : Et dans tes compositions de ton album, il y a un titre qui résonne plus pour toi ?
Astrobal : Je les aime tous, mais je suis assez fier de Miami 2064. Je ne pensais pas arriver à ça. J’adore l’ambiance un peu digitale et City Pop, un peu japonaise. Elle me touche beaucoup. Et ce thème qui fait un peu Morricone… D’habitude je ne réécoute pas ma musique, car j’entends tous ses défauts, mais pour ce morceau-là je prends du plaisir à le faire. Il y a comme une évidence. Et ça, c’est confortable.
« Je savais qu’ils allaient m’apporter ce que je ne pourrai jamais faire »
La Face B : Quels ont été tes collaborateurs sur ton album ?
Astrobal : Je commence à travailler tout seul, même Nina [Savary] n’est pas toujours au courant que je bosse sur mon album. Et puis, arrivé à un moment, je sais que cette basse, je ne vais pas la faire moi-même parce que je sais que c’est Vincent [Guyot « Pieuvre »] qu’il me faut. Vincent a deux cents idées à la minute. C’est un arrangeur fabuleux. Il n’aime pas passer trop de temps à jouer, alors il me fait plein de propositions. Après, je construis de choses avec. Nina, je sais toujours où elle va être. Et elle aussi me propose plein de choses.
Michelle Blades et Gaétan Nonchalant ont également participé sur un morceau créé ensemble. Ils sont souvent venus à la Bergerie parce que l’on a enregistré là-bas le nouvel album de Gaétan. On a aussi enregistré le nouvel album de Michelle qui va sortir bientôt. À chaque fois qu’ils viennent, on se fait des improvisations. Et d’une d’elles est né La Terre est l’Espace.
Il y a aussi un copain anglais dont j’avais produit l’album. Il s’appelle Joe Carvell et a un groupe génial qui s’appelle Pink Shabab. Je savais pour l’Abeille Pourpre que c’était la basse qu’il me fallait. C’est un bassiste extraordinaire !
Ces collaborations ont été autant d’appels, un peu comme quand tu prends un acteur et que tu sais exactement ce qu’il va te proposer. Je savais qu’ils allaient m’apporter ce que je ne pourrai jamais faire et m’aidaient à mettre encore plus en valeur les morceaux.
La Face B : Et sur les arrangements ?
Astrobal : Sur mon album précédent – L’infini, l’Univers et les Mondes – Vincent avait beaucoup participé aux arrangements parce qu’on se découvrait. Ça ne fait pas si longtemps que l’on se connaît, six ans. Je me souviens que j’avais quasiment fini l’album. On était au studio et il commence à sortir des synthés, à faire des trucs. Et je me suis dit : « Pourquoi je n’ai fait pas pensé à ça ? ». Sur le dernier, je souhaitais m’occuper des arrangements, seul.
« Je sais que ce lieu, La Bergerie, représente 50% de mon pouvoir créatif »
La Face B : Dans les acteurs du disque, il y a un personnage qui me semble important, même s’il n’est pas vraiment humain. C’est celui de la Bergerie. Comme ce lieu réussit-il à influer sur tes compositions ?
Astrobal : Je sais que ce lieu, La Bergerie, représente 50% de mon pouvoir créatif. Les gens, quand ils viennent chez nous, ressentent vraiment une totale liberté, loin de tout. On fait tous à manger, on va manger des huîtres, se baigner. Et, on peut travailler jour et nuit parce qu’autour il n’y a aucun voisin. Le premier est à trois kilomètres.
Et pour Nina et moi, c’est un lieu incroyable. C’était un endroit que son père avait acheté dans les années 60 et dans lequel il a mis, pendant 50 ans, tout son argent. C’est comme un vieux paquebot qui prend l’eau de partout parce que c’est très mal foutu. Quand il pleut, il y a des bassines partout. Mais ce lieu est magique. Beaucoup trop grand pour nous. On ne sait même pas si l’on pourra le garder. Mais depuis que j’y suis, que j’expérimente tout là-bas avec Nina, je n’ai jamais aussi bien travaillé. Ça participe à toute la musique que l’on fait là-bas. Ce lieu est hyper important.

« Je suis un grand fan de Karen Carpenter »
La Face B : Et en s’y extirpant pour rejoindre la scène, qu’est-ce qu’un live peut apporter par rapport au travail en studio ?
Astrobal : Le live m’apporte une excitation folle. Déjà parce que, quand je fais les albums, je ne pense jamais à ça. Je suis plutôt du genre à rester à la maison que de partir en tournée. Pourtant, j’ai fait beaucoup de tournées en tant que batteur et j’aimais ça. Mais je prends encore plus de plaisir à être à la maison. Y rêver, y travailler. Et puis, il y a tout chez nous. Donc, je ne m’incite pas à bouger.
Mais c’est aussi un plaisir de pouvoir repartir avec Arthur [Sajas], Vincent, Nina… Je les admire énormément. Je sais qu’avec eux c’est possible, donc on le fait. J’ai envie que l’on développe autant que l’on peut ce live avec eux. Et puis surtout de le partager avec les gens. J’adore ça. Il y a beaucoup d’émotion quand je joue. Parfois, j’ai même du mal à ne pas me laisser emporter par ces choses qui me touchent énormément. C’est excitant de faire batterie, voix. D’être en ligne à la batterie. C’est ce que j’ai envie de développer plus. Je suis un grand fan de Karen Carpenter.
La Face B : Tu fais partie du club des batteurs chanteurs.
Astrobal : Comme Ricky, il est extrêmement fort là-dedans. Comme Julien Barbagallo qui est un super ami. On a commencé la musique ensemble à Toulouse. C’est une force. Et puis il y a beaucoup de batteurs qui sont producteurs. Quand tu es batteur, tu es au centre des choses. Ce qui fait que tu es très à l’écoute de ce qui se fait. Une sorte de pilier. Ça ouvre parfois beaucoup plus les oreilles que d’être à une autre place. Donc, ce n’est pas si étonnant que beaucoup de batteurs soient producteurs, arrangeurs…
La Face B : Quand tu accompagnais Nina sur scène, il me semble que tu étais aux claviers.
Astrobal : On n’avait pas la place de prendre une batterie. Je faisais des synthés et j’avais samplé mes sons de batterie que je jouais sur un clavier. Actuellement, on prépare le nouvel album de Nina et on partira en groupe, c’est sûr.
« Je ne rêve ni d’être riche ni d’être célèbre »
La Face B : Et pour la dernière question, que peut-on te souhaiter ? Un rêve que tu aimerais voir se réaliser ?
Astrobal : En fait, je n’ai pas de rêve. Je vis au jour le jour. Je ne me projette pas beaucoup ou à très court terme. C’est aussi une façon de se protéger. Cela fait longtemps que je fais de la musique. Je m’en sors à peine financièrement. On est intermittent avec 1 400 euros par mois. Quand j’étais plus jeune, je me disais quand je sortais un album que ça allait tout changer. Aujourd’hui, je me rends compte que cela ne se passe pas du tout comme ça. Si pour certains, c’est le cas, ça ne l’est pas pour moi. Et, je sais que cela se passera toujours ainsi. Cela vient peut-être la musique que l’on fait, je ne sais pas. Il y a plein de critères qui rentrent en compte.
La seule chose qui m’intéresse, c’est d’être avec mes amis et de faire de la musique. Tant que cela continuera, pour moi, il n’y a rien de mieux. Je ne rêve ni d’être riche ni d’être célèbre. Faire ce que l’on aime, c’est une chance incroyable ! J’ai galéré plein de fois. J’ai fait de l’intérim, mille métiers. Et de ne faire que de la musique… Je n’ai pas besoin de grand-chose. Avec Nina, on a la chance folle d’avoir cette maison, après il faut réussir à payer les charges. Une fois que l’on a la bouffe et que l’on peut se payer un peu de matériel de temps en temps. Il n’y a besoin de rien d’autre !
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Pour aller plus loin
Astrobal accompagnera Stereolab lors de sa tournée européenne, faites vous doublement plaisir :

Vous pourrez retrouver sur La Face B les inspirations d’Astrobal en cinq morceaux ADN #954 : Astrobal
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