Il y a à la fois une légèreté et une intime profondeur à la musique de Dana Gavanski. Chaque morceau nous prend au cœur, comme un secret murmuré. Conçu juste avant le confinement, Wind Songs a vu le jour quelques mois seulement après la sortie de Yesterday Is Gone, son premier album. Composé de reprises de King Crimson à Chic, Tim Hardin ou encore Judee Sill, la musicienne serbo-canadienne a approfondit et s’est appropriée ces morceaux qui l’ont influencée. Inscrit dans la ligné de son premier opus composé après une rupture, les morceaux y sont mélancoliques et éthérés sans jamais tomber dans la désolation mais au contraire montrant la force et la détermination de la musicienne.
C’est en revenant d’un stage d’écriture à Banff en Alberta où elle apprit à être seule et se connecter à ses émotions, que Yesterday Is Gone a pris forme. Selon la chanteuse son premier opus est une tentative à « apprendre à dire ce qu[‘elle ressent] et ressentir ce qu[‘elle dit] ». Et le résultat est ce mélange de calme et sérénité faisant face à l’incertitude du présent. Ce sont ces sentiments qui resurgissent tout au long des cinq morceaux bercés par le thème du vent, titres glanés aux fils des années et des expériences.
Wind Songs est une ode à la vie d’après, tout en apesanteur, principalement joué la guitare folk et aux percussions légères, parfois accompagnés du saxophone d’Alabaster DePlume, artiste et poète basé à Londres, la nouvelle ville de résidence de la musicienne.
L’EP commence par la reprise de I Talk to the Wind de King Crimson, morceau qui figure sur l’emblématique premier album du groupe The Court of the Crimson King (1969). Si la chanson originale évolue au son de la flûte aérienne de Ian McDonald, celle de Wind Songs toute aussi légère s’accorde au style folk, à fleur de peau de la chanteuse. Une chanson introspective qui s’adresse au vent et exprime le désarroi éprouvé lorsqu’une relation prend fin : « I’m on the outside looking inside what do I see, Much confusion disillusion all around me » (« Je suis à l’extérieur, regardant vers l’intérieur, que vois-je ? Beaucoup de confusion, de la désillusion tout autour de moi »). Si la chanteuse n’a pas écrit les paroles, elle les fait siennes et délivre un morceau d’une intériorité et d’une magie infinie.
At Last I Am Free, le second titre, initialement écrite par Niles Rogers et Bernard Edwards pour Chic – groupe disco culte des années 70 – est une ode mélancolique à la liberté retrouvée et aux directions infinies mais encore confuses que peut prendre la vie après une rupture. La musicienne écrit : « C’est en partie une chanson de rupture, mais elle va plus loin. Il y a quelque chose de beau dans l’ambiguïté de la chanson. Les couplets sont assez personnels, et puis il y a cet énorme refrain, extatique mais mélancolique.» La magie opère et la vidéo qui l’accompagne réalisée Nuha Ruby Ra en fait gré et offre un portrait mouvant de la musicienne se démultipliant en silhouettes fantasmagoriques multicolores libérant ainsi toutes les énergies enfouies.
Never Too Far, reprise de Tim Hardin – connu pour avoir écrit If I Were a Carpenter rendu célèbre par les reprises de Johnny Cash, Joan Baez ou encore Bob Dylan – continue dans la lignée folk, quand les deux autres titres de l’EP explorent eux des sonorités différentes. Jano Mome est une chanson d’amour en macédonien sur laquelle la musicienne (qui a pris des cours de chant pour se familiariser avec les résonances qui définissent les chansons folk serbes) joue avec sa voix. Et l’instrumentation de The Kiss, reprise de Judee Sill – musicienne américaine à la vie tourmentée qui a sorti deux albums de son vivant dans les années 70 avant d’être redécouverte par Jim O’Rourke dans les années 2000 – a un air de jeux de fête foraine qui contraste avec la basse sombre et les paroles intensément profondes du titre, qui oscillent entre espoir et tristesse : « Stars bursting in the sky, Hear the sad nova’s dying cry, Shimmering memory, come and hold me, While you show me how to fly » (« Étoiles qui éclatent dans le ciel, Entend le cri de mort de la triste nova, Mémoire chatoyante, vient et serre moi dans tes bras, Quand tu me montres comment voler »).
Avec Wind Songs, Dana Gavanski s’est laissée porter par le vent, et a repris les morceaux qui lui sont chers comme un moyen d’explorer et d’approfondir son art mais aussi de partager les émotions qu’ils confèrent. Plus que de simples exercices de style, la musicienne que l’on compare à Aldous Arding ou à Cate Le Bon, partage sa mélancolie mais aussi sa force, et son optimiste dans l’EP qui s’inscrit ainsi dans la lignée de son album, Yesterday Is Gone. On écoute les deux opus en boucle…
La tournée de Dana Gavanski a été re-programmée pour mars prochain. Elle devrait être le 12 au Po-Up du Label à Paris et le 3 au Lexington à Londres !