Début janvier, on a eu le plaisir de retrouver AVIONS. Le trio venait présenter son nouvel album à L’International. L’occasion idéale pour une conversation afin de revenir sur leur évolution, sur leur rapport à la mélodie, aux paroles et leur amour sincère pour la power-pop. Pour accompagner le tout, on vous propose de découvrir en exclusivité une vidéo live de Fields Of Gold tournée à Lyon.
La Face B : Salut AVIONS, comment ça va ?
Luc : Ca va.
Simon : Bah là, ça va, on est content. C’est la release party. On a attendu ce moment, on y est donc franchement ça va, je suis en forme, j’ai bien dormi. Je suis plutôt bien, ça passe.
LFB : L’album a relativement un bon accueil, avec beaucoup de retours. Est-ce que vous en êtes satisfaits ? Ou est-ce que vous en êtes un peu surpris justement
Anthony : Surpris et à la fois on s’y attendait.
Simon: On s’attendait à ce qu’il y ait plus de couverture qu’avant au niveau de la presse qu’il y allait avoir. Mais c’est vrai que les retours, j’ai été très agréablement surpris. On était un peu pris de haut et un peu boudés pendant longtemps je trouve. Là, on a trouvé des gens qui écrivaient des articles sur nous, qui comprenaient notre musique et qui étaient dans le même délire que nous. Donc ça fait beaucoup plaisir.
Luc: Ouais, ouais, très content des retours. Content de la couverture qu’on a eue et voilà. J’espère que ça sera pareil en concert.
LFB : Si je vous dis que votre album qui vient de sortir, il a le bonheur délicat et parfait de me ramener directement à mon adolescence. Est-ce que c’est un compliment qui vous va bien ?
Anthony: T’es né quand ?
LFB : Je suis né en 87.
Simon: Ouais, ça colle. On ne va pas, ne pas assumer le côté 90-2000 de notre musique. Ça, c’est sûr.
Luc : C’est vrai, même si je trouve que cet album là en soi est moins dans le pastiche de ce qu’on a pu faire avant. C’est plus digéré, avec d’autres choses qui sont vachement extérieures aux influences indie-rock ou pop qu’on avait avant.
Simon: On adore évidemment cette musique, power-pop. On écoute plein de choses différentes aussi. On n’écoute évidemment pas que ça. Mais du coup, ça a mis le temps de ne pas faire une copie et d’essayer de se l’approprier vraiment.
Luc : De manière générale, l’adolescence, c’est une période chargée d’émotions donc si ça te ramène à cette période, ça te ramène à des émotions.
Simon: Ouais, clairement. Quand on écrit des chansons, c’est aussi ça les idées.
LFB : C’est quand même marrant que le premier titre de l’album s’appelle 1999.
Luc : Oui, alors à la base, le titre était beaucoup plus littéral au sens où, à la base, je voulais écrire une chanson sur un souvenir que j’avais de 1999 et au fur et à mesure, j’ai complètement rayé cette idée et c’est une chanson de rupture. Mais 99, à l’époque, ça ressemblait à la fin du monde parce que tout le monde avait peur de l’an 2000. C’est pour ça que je l’ai appelé 1999.
LFB : Puisque vous avez une passion assumée pour des choses comme ça, c’est un style que vous réutilisez. Est-ce que pour vous, c’est quelque chose qui vous contraint ou c’est quelque chose qui vous libère ?
Simon: Je ne dirais pas que ça nous contraint.
Luc : Déjà, sur l’album, je trouve qu’il y a des choses plus variées qu’avant.
Simon: C’est vrai que maintenant, il y a eu plus de couvertures et on est très identifiés comme un groupe sur ce créneau, on ne se prend pas trop la tête. On a des nouvelles chansons qui ne sont pas encore sorties où on s’éloigne un peu de ça. C’est quelque chose qui nous vient naturellement quand même de mettre de l’émotion de ce genre, des chœurs et tout.
Luc: Je dirais qu’on s’est ouverts à plus d’aspects des années 90, plus de truc de post-harcdore, enfin plus d’influences de post-hardcore et indie-pop plus emo qu’avant. Même pour les prochains morceaux, dont certains qu’on joue déjà en concert, il y a des influences beaucoup plus power-pop années 70, d’autres choses qu’on aime. Je crois qu’on ne se limite vraiment pas trop là-dessus.
Simon: On ne se retient pas de faire des suites d’accords qui peuvent être évidentes ou des trucs qui rappellent des choses. Ça ne nous bloque pas de le faire. On se fait plaisir avant tout. C’est ce côté de cette musique qui est un rock émotionnel on va dire, à la française qui était un truc qui était moins représenté. On avait l’impression d’être un peu tout seul là-dedans, enfin sur ce créneau en France. Et de plus en plus j’ai l’impression que c’est accepté.
Luc: On était beaucoup plus introvertis avant donc je pense que c’était peut-être le problème également.
LFB : Il y avait peut-être un truc comme tu le dis où il fallait que tu ressortes. Enfin c’était des trucs qui étaient très assumés en Belgique ou des choses comme ça mais moins en France.
Luc: Moi, je me rappelle que quand on était vraiment jeunes, parce que le groupe a commencé il y a longtemps, on a commencé quand on était très jeunes.
Simon: C’était moins bien.
Luc: Il y a ce côté… Je trouve que dans l’approche de la musique en France à l’époque, il y avait un côté où il fallait beaucoup trier entre premier et second degré. Le kitsch était directement mis de côté. Nous, on ne cherchait pas franchement à faire de différence entre les deux. Il y avait des trucs, si on trouvait ça un peu abusé quand on enregistrait, ça nous dérangeait pas et on aimait bien ça quoi.
Simon: On trouvait ça marrant ouais. Ce n’était pas de l’imposture ou du second degré.
Luc: Mais je crois que ça s’est détendu. Je trouve que dans l’approche de la musique en France, ça s’est détendu à ce niveau-là. Faire une grosse distinction entre premier et second degré ou bon goût et mauvais goût quoi.
Simon: Soit t’es sérieux et t’es rock et tu détruis tout, soit tu fais des blagues et tu parles de tes sentiments.
LFB : Est-ce que vous pensez que l’étiquette Howlin Banana vous a aidé un petit peu aussi ?
Luc: Ouais, beaucoup.
Simon: Clairement. Ça, c’est sûr. Le fait que Tom ait aimé notre musique, sachant que lui était beaucoup connu pour des trucs de garage, etc. donc pas vraiment notre truc.
Luc: Même si son catalogue a beaucoup évolué je trouve.
Simon: Ouais, maintenant. Ça fait pas mal d’années qu’il se… Et le fait qu’il nous ait soutenu. On ne s’y attendait pas trop, pareil. On était agréablement surpris.
Luc: On avait déjà vu une bonne différence quand il avait sorti juste en digital notre EP, 5 for Nacho en 2020. On avait eu une bonne différence avec la distribution d’avant alors que c’était deux jours avant le confinement. Ce n’était vraiment pas un contexte propice à écouter de la musique ou à la diffuser. On avait déjà vu une bonne différence. Et là, sur cet album-là, on a grave été soutenus.
Simon: On le sent, clairement. Je pense, c’est une grande première pour nous, toute la visibilité et tout ça. C’est cool.
LFB : Vous parliez de digestion tout à l’heure, c’est quelque chose que j’avais noté. Je trouve que quand on écoute l’album, justement, vous avez pu « digéré » les influences que vous aviez et surtout gardé que le meilleur de cette époque-là. Pour ceux qui l’ont vécu, il y avait quand même beaucoup de merde.
Simon: Comme à toutes les époques, il y avait de la merde.
LFB : Ce qu’il y a d’intéressant, justement, c’est que finalement vous obtenez une musique qui est très personnelle et qui vous représente énormément.
Luc: Ça me fait très plaisir que tu dises ça parce que quand on est passés à l’écriture de cet album, par rapport à l’album d’avant, Lonerqui est sorti en 2016, au début, j’avais du mal à me mettre dans ces nouveaux morceaux parce qu’ils étaient moins efficaces, codifiés comme le popunk des années 2000 ou l’indie-rock des années 90. Je me suis rendu compte avec le temps que je les aimais plus parce qu’ils étaient plus personnels et que j’avais du mal au début à digérer. Ce que je prenais pour une perte d’efficacité était en fait juste une approche plus personnelle de la composition quoi.
LFB : C’est un peu l’album de la maturité quoi.
Simon: Ouais, on l’a appelé Avions aussi un peu pour ça.
Luc: C’est un peu un reboot quoi. Ne tenez pas compte de ce qui a précédé (rires). Non, ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai en plus.
Simon: Après, on prend vraiment le truc comme ça nous vient.
Anthony: On a eu une période où on a écouté beaucoup de hardcore et de black-métal.
Simon: Il y a un peu des périodes où dès qu’on écoutait un truc, notre groupe changeait et devenait un peu ça, etc. C’est vrai que du coup, au fil des années, on a réussi à trouver notre style.
LFB : Ce côté personnel et sincère vient aussi essentiellement des paroles parce que là encore, même si vous utilisez des thématiques qui sont proches du style que vous faites, l’amour, la désillusion, le voyage, tout est rattaché à vos vies. Tout ce que vous racontez sonne vrai parce qu’on voit que c’est des choses que vous avez vécues en fait.
Luc: Ouais, il y a eu une grosse différence qui est potentiellement liée au fait que j’ai commencé à aller voir un psy (rires).
Simon: Non mais c’est vrai, c’est un truc qu’on apprécie par forcément chez les autres groupes. Quelque chose de vrai dans les sentiments qui sont mis dans une chanson.
Luc: Ça se remarque tout de suite.
Anthony: Peut-être que le fait que les gens en avaient un peu rien à foutre des paroles, ça a aussi permis de se dire : s’ils s’en foutent, autant y aller franco.
Luc: Je ne sais si on se retenait avant mais je pense qu’on était beaucoup plus dans des postures qui étaient assez rattachées aux genres liés. Il y avait une espèce de cynisme qui était également dans nos vies de manière générale. Je pense qu’on est beaucoup plus sincères aujourd’hui entre nous ou avec nos proches qu’à l’époque. Ça se ressent dans notre musique et dans l’écriture des paroles aussi.
LFB : C’est peut-être une question d’âge aussi.
Luc: C’est très probablement une question d’âge.
Simon: Ouais peut-être. D’assumer un peu ce que tu ressens et tout ça. Moi, personnellement, j’ai toujours écrit des chansons comme ça parce que je ne sais pas de quoi parler d’autre.
Luc: Ouais mais tu avais une approche plus oblique de le faire je pense.
Simon: Oui, c’était des métaphores très incompréhensibles, que seul moi comprenait.
LFB : C’est peut-être un truc post-covid en fait. Tu as tellement été renfermé sur toi-même, et encore plus quand tu es musicien parce que vous ne pouviez pas tourner, vous ne pouviez pas forcément vous voir, des choses comme ça. Finalement, tes réflexions et ton travail d’écriture s’en ressent aussi je pense.
Luc: Ouais.
Simon: Même dans les paroles que moi j’aime aussi, d’autres artistes, le mec parle de sa vie, de ce qu’il ressent, de trucs simples.
Luc: Moi je trouve que dans l’écriture des paroles, c’est lié aux choses que j’ai écouté pendant le covid mais Bruce Springsteen et Joni Mitchell m’ont beaucoup aidé à trouver le côté profond du quotidien et d’arriver à l’incorporer dans les textes.
LFB : Finalement même si les paroles sont là et qu’elles sont hyper importantes, ça n’enlève rien à la cohérence de l’album et au travail mélodique qui est finalement hyper important. On se dit que c’est du punk-rock, c’est facile mais en fait, il n’y a rien de plus difficile que de faire une chanson qui sonne simple.
Anthony: Il y a des trucs plus difficile (rires).
Luc: Il y a des choses plus difficiles ouais, comme l’ingénierie aérospatiale.
LFB : Ouais mais toi tu ne sais pas le faire mais c’est pas dit qu’eux savent faire une chanson d’Avions.
Simon: C’est vrai.
Luc: C’est sûr que la mélodie est toujours le truc qui guide tous nos morceaux quoi.
Simon: C’est un truc qui… On a mis le temps et c’est difficile à faire, d’allier l’aspect mélodique qui est hyper important pour nous et l’énergie qu’on essaie quand même de mettre. Et donc d’allier les deux, sans que l’un mange l’autre, c’est un équilibre qui est assez dur à trouver.
Luc: Je pense qu’on s’est aussi assez libérés… Alors ça reste des formats pop, on ne fait pas des chansons de 7 minutes mais je crois que la ligne de voix est devenue vraiment la guide du morceau. On a plus composé autour de la ligne de voix en changeant des couplets. C’est rare maintenant qu’on joue deux fois un même couplet par exemple. Il y a toujours un truc un peu différent et on s’accorde autour de la ligne de chant qui est vraiment le guide de chaque morceau.
Anthony: Ouais, c’est ce qui finit par le moins bouger au final.
Luc: C’est ça. La ligne de chant est souvent le truc qui bouge jamais dans le morceau.
Simon: On ne va pas rajouter la ligne de chant par-dessus ce qu’on a fait.
LFB : Est-ce que vous vous considérez comme des êtres nostalgiques ? Dans le sens pur du terme. Pas forcément de tristesse, mais d’être très rattaché aux souvenirs et au passé.
Anthony: Peut-être dans la vie mais dans Avions. Je pense qu’on n’a pas vraiment le sentiment de faire un truc ancien. C’est juste que c’est ce qu’on kiffe. On a toujours plus ou moins fait cette musique entre nous et du coup, on continue.
Simon : Après, moi oui, j’ai un rapport… J’aime bien mon enfance, etc. C’est un truc que j’aime bien me rappeler mais c’est pas une période que je regrette. Pas du tout. Plutôt au contraire.
Luc: Ouais, c’est une question personnelle mais qui est intéressante. Dans la musique qu’on fait, je ne pense pas qu’on soit nostalgique des années 90 et des années 2000.
Simon: Ouais de cette époque plus particulièrement. Après, on est tous grands fans des années 60 aussi, les chœurs moi ça vient aussi beaucoup de là. Oui, après c’est comme tous les amateurs de musique, tu as un fantasme un peu de l’époque que tu n’as pas vécue.
Luc: En soi, je ne crois pas qu’on soit un groupe qui regarde tant que ça vers le passé.
LFB : Si je disais ça, c’est essentiellement le côté très personnel des paroles sur cet album fait ressortir le côté limite sentimental et nostalgique de vos chansons.
Simon: Ouais. Après ce sont des sentiments qui sont dans les musiques de ce genre-là aussi. La mélancolie, la nostalgie.
Luc: Je dirais que personnellement, j’ai réussi à écrire une chanson positive, joyeuse qui est Lean On Me mais je me suis séparé de la fille pour qui je l’avais écrite pendant qu’on enregistrait donc le dernier couplet n’est pas positif. Enfin si, il est positif à sa manière mais il n’est pas… Il finit de manière nostalgique, j’ai tenté. La vie m’a rattrapé.
LFB : Ces morceaux, comment ils vivent en live ?
Anthony: On les joue depuis super longtemps maintenant. On les jouait vraiment avant l’album.
Simon: L’album devait sortir à la suite de l’EP en 2020. Après, on a pas fait de concerts pendant le Covid.
Anthony: Là, on en a trois nouveaux par exemple.
Luc: Sur cet album, on a vraiment pris le partie pris inverse de ce qu’on faisait avant. Avant, on pensait d’abord en studio et on se disait « bon là, il y aura telle partie, on rajoutera tel truc ». Sur celui-là, on l’a d’abord vraiment pensé en live, pour faire en sorte que tout sonne juste avec nous trois.
Simon: On l’a direct pensé pour que juste à trois. Donc ça aide pour les jouer en concert par rapport à nos morceaux.
Luc: L’album est beaucoup plus dépouillé que ce que ça aurait pu être.
Simon: On y travaille, c’est pas mal, tu verras ce soir.
LFB : La pochette, c’est un hommage à Weezer ou un hommage aux Ramones ?
Simon: Plus un hommage aux Ramones puisque la couleur est plus proche.
Luc: C’est ce qu’on s’était dit depuis le début. Moi je l’avais pas tant vu venir Weezer, on me l’a sorti mais je n’y avais pas trop réfléchi. C’était plus un hommage aux covers de de powerpop.
Simon: Dans les années 70, tu as les mecs, ils sont juste sur leur pochette.
Luc: On avait pas vraiment pensé à la pochette, ni à l’esthétique générale de l’album pendant longtemps. Je crois que quand on l’a enregistré, ce qui est ressorti de l’ensemble des chansons, c’est que c’était sur le plaisir de nous retrouver après le covid et de pouvoir répéter et juste être ensemble. Donc la thématique de l’album, c’était d’être ensemble. C’était logique que la pochette, ce soit nous, ensemble.
Crédit Photos : Cédric Oberlin
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