On aime tous les albums où les artistes se montrent plus que misérables. Des albums où on ressent le désespoir, la peine, la tristesse et la médiocrité. Mais pour être tout à fait honnête, il est parfois rassurant, gratifiant et reposant d’écouter l’exact opposé. Ode à l’amour éternel, criant son bonheur à qui veut l’entendre et majestueuse idylle des temps modernes. Prise de recul nécessaire pour en apprécier tout le corps, parlons de Baby de Dijon.

Architecte de l’étrange
Dijon fait partie de ces artistes assez mystérieux. Vrai homme de l’ombre multi-instrumentiste, songwriter à ses heures perdues et chanteur absolument fou le reste de la semaine. L’artiste natif de l’Allemagne est connu pour faire partie de cette génération d’artistes tous plus fascinants et étranges les uns que les autres. Actif depuis maintenant 2018, il est souvent à mettre dans le même panier qu’un Sampha, une Tinashe, une Teyana Taylor, ou un Frank Ocean. Cette génération, réponse à un RnB décadent ne sachant plus quoi faire ni à qui parler, s’est surtout fait connaître pour son désire de l’étrange. Album concept, jeu vocal les plus occultes, productions imperceptibles, le but de RnB alternatif est de bousculer les genres. Cette envie se caractérise aussi par l’ambition d’être le plus intimiste possible. C’est minimaliste, expérimental et souvent, mélancolique à crever. Bien entendu, une telle atmosphère doit s’entretenir. Et pour pouvoir maintenir ce côté « étrange », il faut être peu présent. Dijon, pour revenir à lui, c’est un artiste qui prend son temps. 4 ans d’attente entre son premier et deuxième album, il y en avait des choses à raconter. Et sur cet album, il va en raconter des choses.
S’entourer des meilleurs
Baby de Dijon fait partie de ces albums qui ont comme thème de prédilection l’amour. Mais ici, on ne parle pas juste de relation amoureuse standard. Ici, c’est l’amour dans absolument toutes ses formes. Deuxième album solo de l’artiste, « Baby », il fait suite à un petit run de featuring assez intéressant. Présent, notamment, sur SWAG de Justin Bieber, et Sable de Bon Iver. Le deuxième point commun avec ces albums, est l’ami de longue date de Dijon, le guitariste Mk.Gee. Mk.Gee et Dijon remettent le couvert ici, et collaborent sur la quasi intégralité de l’album. En plus du guitariste, nommons aussi les très talentueux Tommy King, Sarlo ou BJ Burton. Featurings Indie/Alternatif Rnb, des producteurs de génies et un format court, tous les ingrédients sont désormais présents. Et si l’album est aussi bon, c’est son côté chaotique maitrisé. L’album est un foutoir, totalement imprévisible mais qui parvient à rester constamment cohérent avec son propos et son matériau de base.

L’amour comme seul boussole
Comme dit précédemment, l’album est un hommage absolu à l’amour, sous toutes ses formes. C’est le premier album depuis que Dijon est devenu père, thème central de l’album. Le premier morceau notamment, titre éponyme de l’album. Dijon est en dialogue avec son enfant, expliquant la conception de ce dernier. On est ici face à un artiste qui hurle l’amour, en parle avec sensualité et désirs sulfureux. Le son d’après Another Baby reste aussi dans cette lignée. On parle toujours d’amour, sans concession, sans limite. L’amour est aussi le sentiment que Dijon perçoit de la musique. De Prince à D’Angelo, en passant par des samples de DJ Quik, tout est un hommage à la musique qu’il aime. On parlait de Prince, mais la façon dont il performe sur Higher peut faire penser au premier album de la légende. Funk, Blues, Rock, RnB ou Néo-Soul, Dijon s’essaye à tout, tente tout pour partager un propos qui l’anime. Mais ce travail d’hommage n’est rien face à l’exceptionnel effort de construction. Si Baby a autant marqué, c’est qu’il est un album explosif. Les sons sont abrupts, imprévisibles, changent de rythme et de couleurs toutes les minutes mais tout en restant cohérent. Le projet est un tout cohérent qui part à fond dans sa direction. Fire notamment, dans son côté saturé, étouffé et rachitique qui, pour autant, ne brise pas le rythme de l’album. Finissant aussi sur un Kindalove, apothéose de tout le propos de l’album. Le piano de fin y est somptueux, et la conclusion n’y est que plus forte.
Baby de Dijon prouve que l’attente est toujours justifiée si la musique qui en suit en vaut le coup. C’est le genre d’album qu’on aimerait écouter plus souvent, qu’on appréciera dans le temps. Le thème de l’amour est peut-être celui qui est le plus nommé en art, mais pour autant, lorsque c’est bien fait, on peut toujours en reprendre un bout.
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