On a parlé Football et Festival avec Baxter Dury

Dimanche, dernier jour du festival Beauregard, on reçoit un appel : « Est-ce que tu peux être là dans 1 heure pour interviewer Baxter Dury ? ». Ni une, ni deux, on se jette dans la voiture direction le festival pour retrouver notre dandy favori. Au programme : football, festival et une histoire de drogue qui ne se passe pas bien.

La Face B : La première question que je pose toujours est : Comment vas-tu aujourd’hui ?

Baxter Dury : Je vais plutôt bien, je suis très heureux ! Mais je suis venu sur un ferry, un gros bateau, et on s’est assis avec l’équipe de Massive Attack parce que nous les connaissons. On a bu des tas de pintes en regardant le match de l’Angleterre sur le bateau. C’était plutôt agréable d’être coincé dans un bateau qui tanguait de haut en bas et de voir une équipe d’Angleterre frustrante. Mais ils ont gagné ! Et nous avons bu… Je ne bois pas beaucoup ces jours-ci, mais j’ai bu sept pintes !

LFB : C’est comme la France, elle a été mauvaise mais elle a gagné le match. 

Baxter DuryC’est exactement la même chose ! C’est la même frustration je crois. Peut-être même pire chez nous. Pauvre vieux Mbappé. 

LFB : Mais vous avez marqué ! Pas nous (rires).

Baxter DuryC’est vrai, oui. Je plains Mbappé parce qu’il n’est pas très bien, n’est-ce pas ? Et il est très important en ce moment à cause de ce qui se passe.

LFB : Oui mais je ne sais pas si c’est pareil en Angleterre, ici les sportifs ne parlent pas de politique.

Baxter DuryIls n’en ont rien à foutre de la politique (rires). Ils n’en ont absolument rien à foutre. Heureusement, nous avons un gouvernement un peu modéré. C’est bien.

LFB : C’est la première fois que tu viens ici ?

Baxter DuryNon, je crois que c’est la deuxième fois. Une ou deux fois.

LFB : Est-ce que tu aimes revenir à ce festival ? 

Baxter Dury : Oui ! J’aime bien manger ce qu’il y a ici. Si on avait un de ces plats en Angleterre, on dirait « ah, bravo, bravo ! ». Il y a 500 plats différents là-dedans. Aucun d’entre eux ne pourrait être créé en Angleterre. 

LFB : C’était ma dernière question en fait. L’importance de la restauration dans un festival. 

Baxter DuryJ’étais à Glastonbury la semaine dernière et j’avais l’impression d’être dans une prison. Ils ont fait comme ça, avec tous ces aliments congelés, non identifiables… On leur a dit allez vous faire foutre ! C’était dégoûtant, condescendant, déshumanisant.

LFB : Tu as parlé de Massive Attack… Est-ce que tu regardes la programmation d’un festival quand tu joues ?

Baxter Dury : Parfois. J’essaie de chercher quelqu’un que je pourrais connaître. Nous partageons des musiciens et des amis. C’est sympa, mais on n’a pas beaucoup le temps de se voir. A Glastonbury, il y a tout le monde, donc tu peux voir des gens là-bas.

LFB : Comment prépares-tu ta setlist pour un festival ? Une setlist réduite.

Baxter DuryOn espère que tout ira bien, on se base sur le créneau qu’ils nous ont assigné. On se base sur le dernier album. On se base sur la fluidité d’un set… C’est assez évident en fait. Je n’essaie pas de la changer trop souvent. 

LFB : Mais est-ce que c’est différent parce que tu joues tôt aujourd’hui ?

Baxter DuryJe suis la même personne à quatre heures qu’à onze heures. Je suis la même personne, je ne m’adapte pas soudainement à l’humeur. 

LFB : Tu n’adaptes pas le set en termes d’énergie ou… non ?

Baxter DuryNon, je veux dire, on n’a pas le choix. Il n’y a qu’un certain type d’énergie dans notre musique, on ne peut pas changer ça. 

LFB : As-tu des incontournables dans ta setlist ?

Baxter Dury : Il y a des choses qui sont agréables à jouer, donc oui, en quelque sorte, ça change. Ça change d’une année sur l’autre, pas d’un concert à l’autre. 

LFB : Pour moi, parce que je t’écoute depuis Happy Soup, je pense que tu as un lien particulier avec la France. 

Baxter Dury : Ah ok, à cause de ça. 

LFB : Est-ce que tu as des chansons que tu joues en France et que tu ne joues pas en Angleterre ?

Baxter Dury : On joue les mêmes choses. Je m’en tiens à ce que je fais. Je ne change pour personne. Ça ne sert à rien. Tu dois faire en sorte qu’ils te suivent, pas les suivre. Si tu les suis, tu es foutu. Tout va mal ! Tu ne dois rien faire pour quelqu’un d’autre. 

LFB : Tu joues pour toi-même…

Baxter Dury : Exactement, oui. 

LFB : As-tu une routine particulière avant un spectacle ?

Baxter DuryLe calme. Le calme. Pas vraiment. Il faut juste essayer de garder un peu de calme. C’est à peu près tout, essayer de ne pas trop penser. Je ne bois pas trop, je me contente de me calmer. Le contraire d’être bruyant, excité… parce qu’il faut réserver ça pour la scène. 

LFB : Oui, parce que tu as un certain caractère sur scène. Je t’ai vu plusieurs fois, tu dois concentrer ton énergie pour le concert.

Baxter DuryOui, tu dois développer ça. Il faut être là. Sinon tu dépenses toute ton énergie avant, tu es nul sur scène, tu n’en as plus rien à faire.

LFB : Y a-t-il une époque de ta musique que tu aimes particulièrement ? Y a-t-il des chansons que tu ne veux pas jouer, parce que c’est quelque chose que tu as été à un moment donné et que tu n’es plus ?

Baxter DuryJe pense que c’est juste une question de tempo et de ce qui convient. On se base sur ce qui fonctionne l’un avec l’autre. Tu as une chanson lente, une chanson rapide, tu sais, tu dois te baser sur ça plus que sur n’importe quoi d’autre. Les plus anciennes sont plus difficiles, parce que je chantais différemment. 

LFB : Oui, et tu joues toujours Cocaine Man ?

Baxter DuryOui.

LFB : Oui. Et c’est un peu différent parce que tu n’es pas la même personne.

Baxter DuryPas du tout. Mais c’est une projection, n’est-ce pas ? En vieillissant, en devenant plus raisonnable, la projection est plus une tromperie que le naturel de la personne que l’on était avant, tu vois ce que je veux dire ?

LFB : Est-ce important pour toi d’avoir le même groupe, année après année, qui t’accompagne ?

Baxter DuryLe même groupe ?

LFB : Les mêmes membres du groupe, les mêmes musiciens qui t’accompagnent sur scène. 

Baxter Dury : Ça change tout le temps, parce qu’on ne peut pas garder le même groupe. C’est impossible, les gens ont des bébés, changent de carrière, déménagent à l’étranger…. Donc nous essayons de garder un noyau de personnes qui comprennent l’éthique de la musique.

LFB : J’ai une question bizarre, mais j’ai toujours pensé que ta musique était comme de la poésie. 

Baxter DuryOk, oui…

LFB : Penses-tu sortir un jour un recueil de poésie ?

Baxter DuryC’est un peu prétentieux, je trouve.

LFB : Je n’en suis pas sûr.

Baxter DuryJe n’en suis pas sûr. Si quelqu’un me le demandait peut-être. C’est peut-être une bonne idée. Peut-être que je suis censé écrire un livre en ce moment. Mais je ne l’écris pas, peut-être que je devrais écrire un recueil de poésie. C’est une très bonne idée ! Parce que comme ça je n’aurai pas besoin d’écrire un livre. C’est une bonne idée !

Tu m’as donné l’idée maintenant !

LFB : Ou des nouvelles. 

Baxter DuryC’est une bonne idée ! Bien joué ! (Rires)

LFB : J’ai une dernière question. As-tu un meilleur et un pire souvenir de concert ou de festival à partager avec nous ?

Baxter DuryProbablement. Une fois, il y a des années, je suis monté sur scène au premier festival Primavera à Barcelone et quelqu’un m’a donné beaucoup de drogues. Je ne suis pas très doué avec les drogues. Je suis monté sur scène, je me suis figé et j’ai répété le même mot « saucisse » pendant environ 10 minutes, les membres du groupe me regardaient et j’ai eu une sorte de psychose. C’était assez effrayant. 

Et puis, l’un des meilleurs moments a peut-être été dimanche dernier à Glastonbury, avec 10 000 personnes qui criaient ton nom. C’était vraiment incroyable.

LFB : C’est bon pour l’ego. 

Baxter Dury : C’est très satisfaisant, oui.

LFB : Merci beaucoup.

Baxter Dury : Ravi de te revoir. 

Crédit Photo : Grégory Forestier
Retrouvez notre précédent entretien avec Baxter Dury par ici

ENGLISH VERSION

La Face B: The first question I always ask is: How are you today?

Baxter Dury: I’m pretty good, I’m very happy! But I came on a ferry, a big boat, and we actually sat with the Massive Attack crew because we know them. We drunk loads of pints watching the England game on the boat. It was quite good conditions to be trapped in a boat that rocked up and down and a frustrating England team. But they won! And we drunk… I don’t drink that much these days but I drunk seven pints!

LFB: It’s like France, they were bad but they won the game. 

BD: It’s exactly the same! That’s the same frustration I believe. Maybe even worse with us. Poor old Mbappé

LFB: But you scored a goal! We didn’t (laughs).

BD: Well that’s true, yeah. I feel sorry for Mbappé because he’s not very well is he? And he’s very important at the moment because of what’s going on.

LFB: Yeah but I don’t know if it’s the same in England, here sport people do not speak about politics.

BD: They don’t give a shit about politics (laughs). They absolutely don’t give a shit yeah. Well, luckily, we’ve got a bit of a moderate government. So that’s nice. It’s good.

LFB: Is that your first time here?

BD: No I think maybe twice. Once or twice. Yeah.

LFB: Do you like coming back to this festival? 

BD: Yeah! Well I like to eat the food here. If we had like one of those dishes in England, we’d be like “ah, bravo, bravo!”. There are 500 different dishes in there. Not one of them would be able to be created in England. 

LFB: That was my last question actually. The importance of catering in a festival. 

BD: I was in Glastonbury last week and it was like being in what you call a life stretch in prison. They went like that, with all these frozen, unidentifiable… We went fuck off! It was disgusting, patronising, dehumanising.

LFB: You mentioned Massive Attack… Do you look at the lineup in a festival when you play?

BD: Sometimes. I mean I try and look out for someone I might know. But we share some musicians and some friends. Yeah, that’s nice but you don’t have much time to see anyone. Glastonbury has everyone there, so you get to see people there, yeah.

LFB: How do you prepare a setlist for a festival? A reduced setlist.

BD: You just hope for the best, you base on what time they’ve given you. You base it on what the latest album was. You base on how a set flows… It’s quite obvious really. I don’t try and change it too much. 

LFB: But is that different because you’re playing early today?

BD: I am the same person I am at four o’clock than I am at 11 o’clock. So I’m the same person, I don’t suddenly adapt to mood. 

LFB: You don’t adapt the set like in term of energy or… no?

BD: No, I mean, we haven’t got the choice, you know. There’s only a certain type of energy in our music, you can’t change that much. 

LFB: Do you have must-haves in your setlist?

BD: Well there are things that are enjoyable to play so yeah, sort of, it changes. It changes from year to year, not from gig to gig. 

LFB: For me, because I listen to you since Happy Soup, I think you have a special connection with France. 

BD: Ah ok, because of that. 

LFB: Do you have songs you play in France that you don’t play in England?

BD: We play the same things. I just stick to my guns. I don’t change for anyone. No point. You got to get them to follow you, not follow them. If you follow them you’re fucked. It all goes wrong! You mustn’t do anything for anyone else. 

LFB: You play for yourself…

BD: Exactly, yeah. 

LFB: Do you have a particular routine before a show?

BD: Quietness. Quietness. Stillness. Not really. Just try to keep everything a bit calm. That’s about it really, try not to think too much. I don’t drink too much, just calm really. The opposite of being loud, excitable… ‘cause you need to reserve that for the stage. 

LFB: Yeah because you have some kind of character on stage. I saw you multiple times, you need to focus your energy for the gig.

BD: Yeah you need to grow that. You need to be there. Otherwise you spend all your energy beforehand, you’re terrible on stage, you don’t care anymore yeah. 

LFB: Is there a particular era in your music that you like especially? And are there some songs you don’t want to play, because it was something you were at some point that you’re not anymore…

BD: I think it’s just about tempo and what fits in and stuff. You base it on what works with each other. You have a slow one, a fast one, you know, you have to sort of base it that way more than anything else. The older ones are harder to translate, because I was singing differently and stuff. 

LFB: Yeah, and you still play Cocaine Man?

BD: Yeah.

LFB: Yeah. And it’s kind of different because you’re not the same person and…

BD: Not at all. But I mean, it’s all a projection, isn’t it? As you get older, maybe more sensible, the projection is a more of a deception than maybe how naturally who you were before, you see what I mean?

LFB: Is it important for you to have the same band, year after year coming with you?

BD: Same band?

LFB: The same band members… players who are with you on stage. 

BD: Well it changes all the time, ‘cause you can’t keep the same band. It’s impossible people have babies, career changes, move countries…. And so, you know, we try to keep a core of people that understand the ethos of the music.

LFB: I have a weird question, but I always think your music is like poetry. 

BD: Ok, Yeah…

LFB: Do you think you’ll release a poetry book one day?

BD: It’s a bit pretentious I think.

LFB: I’m not sure.

BD: I’m not sure. Maybe if someone asked me maybe. Maybe that’s a good idea. Maybe I’m meant to write a book at the moment. But I’m not writing it, maybe I should write a poetry book. That’s quite a good idea, I might actually write that down! Because then I don’t have to write a book. That’s good!

You gave me the idea now!

LFB: Or short stories you know. 

BD: It’s a good idea! Well done! (Laughs)

LFB: I have like a final question. Do you have a best and a worst memories in concert or festival to share with us?

BD: Probably. I mean, I once, years ago, I went on stage at the first Primavera festival in Barcelona and someone gave me lots of drugs. I’m not very good at drugs. And I went up on stage and I froze and I repeated the same word “sausages” for about 10min and the bands looked at me and I had some sort of psychosis. That was quite frightening. 

And then maybe one of the best moments was last Sunday at Glastonbury with 10,000 people screaming your name. That was pretty amazing.

LFB: It’s good for the ego. 

BD: Very satisfying, yeah.

LFB: Thanks a lot.

BD: Nice to see you again mate.