Derrière le projet de Bisou Genou se cache Ludovic Gerst alias Frise Lumière, grand barbu tatoué à la voix douce et à la discrétion feutrée. S’il a officié pendant plusieurs années à la basse avec Hush Frequency, un groupe de post-rock aux sonorités math rock, il nous dévoile en octobre sur son label, Tapenade Records, un album qui n’a pas son pareil dans le paysage français actuel.
Frise Lumière nous révélait un soir sur une terrasse parisienne qui abritait nos corps frigorifiés, que là où le studio fige un instant, il en était tout autre avec la scène. Et il faut le voir en concert pour poser des mots sur l’expérience live. Il faut le voir s’agiter sur sa basse, son pedalboard réduit à néant et ses doigts qui accrochent les cordes. Il pousse la recherche à son paroxysme, éclairage intimiste et mystique. Ce n’est que lui au centre de la pièce. La basse devient tout à coup percussion, caisse de résonance. Tantôt frappée, tantôt caressée, elle n’est que le prolongement de son propre corps. Et de courts motifs se répètent, évoluant lentement…
Alors, fermez les yeux un instant. Laissez-vous captiver par l’atmosphère si particulière. Laissez-vous emporter au cœur de chants traditionnels et de vos pensées les plus profondes. Enfin, ouvrez-les et vous verrez devant vous un musicien tenant dans sa main gauche une cuillère ou bien une baguette. Finalement on ne sait plus trop ce que l’on voit. Finalement on ne sait pas trop qui est cet homme, s’il a des doigts magiques et comment il parvient à recréer des sons ronds et denses avec sa basse comme seul instrument.
L’album est composé de 9 titres aux noms évocateurs. Car l’artiste, grand amateur de poésie, aime jouer avec les mots et leur donner un nouveau sens. Et son amour va bien au-delà de la littérature. En effet, de la photographie argentique noir et blanc qu’il pratique, à la danse contemporaine qu’il mobilise dans ses projets annexes, il se saisit de chaque médium.
Pour Bisou Genou, Frise Lumière s’est entouré de nombreux artistes. Et cela commence dès la découverte de ce bel objet. Ainsi, au sein d’une enveloppe artisanale créée par Camille Anton est déposée un carreau unique de céramique. Il a été réalisé par Vincent Doreau. L’artwork du vinyle qui rappelle l’empreinte d’un tatouage et la trace laissée par les mots, est réalisé par Nikos DADC. De plus, avec le clip vidéo d’Abscondre, réalisé par Banana Bill, c’est donc bien une œuvre protéiforme qui se dévoile sous nos yeux.
L’écoute, elle, est prenante, intense. Elle va crescendo, toujours à la recherche d’une émotion pure et juste, de Vétiller à Jessica Plast – colonne vertébrale du projet dans laquelle, à partir d’une note continue, un motif mélodique ne cesse de se déployer, de rebondir et de flotter.
Platane sous soleil quant à elle, nous fait sauter à pieds joints au sein d’un feu de bois qui nous emporte dans une dernière danse, d’un feu de joie qui nous élève vers une certaine transe. Elle a le goût du fer et le caractère sacré d’un voyage de l’esprit. Enfin, Gros maux laids, morceau très court, clôt l’écoute et apporte juste ce qu’il faut d’allégresse et de lumière.
En définitive, Bisou Genou est un album rythmique, fait de respirations et de silences où les harmonies deviennent mélodiques et percussives. Un album également empreint de paradoxes et de nuances.
Car comme le dit si bien Frise Lumière : « Bisou Genou est à la fois cette douceur quand suite à une blessure, un bisou vient se (dé)poser sur le genou de l’enfant afin de le guérir. Mais il est aussi cette violence brutale d’un coup de genou dans les gencives ».
Vous pouvez suivre son actualité sur Instagram, Bandcamp et Tapenade Records.