Rencontre avec Blumi

Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Blumi, l’artiste qui nous dévoile la création de son EP intitulé there is no end in me., tout en partageant ses influences et sa vision unique de la musique .

La Face B : Salut Blumi, ça fait un moment que sur La Face B nous suivons de près ton travail, donc nous sommes très contents de te recevoir. Merci beaucoup !

Blumi : C’est moi qui vous remercie !

LFB : Comment vas-tu en ce moment ?

Blumi : Écoute, ça va, je suis bien naze parce que j’ai bien enchaîné, donc j’ai l’impression que je pourrais dormir 2 semaines. J’ai mon concert à Paris la semaine prochaine, donc mercredi, et je me mets un peu la pression parce que j’ai un milliard de trucs à faire. Donc oui, je suis un peu naze comme tu peux le voir haha, mais après c’est cool, c’est une bonne énergie. Je suis contente de faire ce concert, il y en a plein d’autres qui se profilent, il y a plein de bonnes nouvelles, je suis dans une bonne dynamique. J’ai un peu l’impression que je touche du bois, moi je sens un tout petit peu la fin de la période Covid qui a été un peu dure tout de même.

LFB : Si tout va bien pour toi, c’est super ! Pour les personnes qui ne connaîtraient pas ta musique ou ton univers, comment les définirais-tu ?

Blumi : C’est de la folk parce que je compose à la guitare et au piano. Il y a une grande importance donnée aux textes, je raconte des histoires. Voilà, ce ne sont pas des chansons basées sur la production, je compose initialement juste avec guitare-voix ou clavier-voix. Après, c’est de la folk moderne, on peut parler de post-folk, neo-folk ou autres, car il y a également des synthés, de la batterie et un peu de production. En ce qui me concerne, je n’écoute pas seulement de la folk, loin de là, je dirais même que cela représente seulement 20 % de ce que j’écoute. Donc en réalité, j’ai de nombreuses influences, et c’est vrai que ma musique en résulte ainsi, elle traverse en moi, et la plupart des gens me disent que c’est de la folk, mais je dois avouer que j’ai du mal à la définir car finalement ma musique est un mélange de diverses influences.

LFB : C’est intéressant parce que tu avais donné une interview il y a un peu plus d’un an pour les Inrocks et tu avais dit : « Je n’aime pas du tout la folk « culcul coin du feu » ». Donc cela signifie vraiment que tu souhaites offrir autre chose au public que de la simple folk, si je puis dire.

Blumi : Je pense que c’est vraiment une question d’énergie. Pour moi, lorsque l’on parle de Folk, mais peut-être que je me trompe, j’associe cela à la guitare au coin du feu, des chansons douces, etc. En réalité, je me dis que peut-être c’est un peu idiot ce que je dis, car Bob Dylan fait de la Folk, Joan Baez fait de la Folk, Joni Mitchell représente une forme de Folk un peu décalée, et finalement, c’est génial et ce n’est pas du tout mièvre. Ce que j’apprécie, c’est qu’il y ait une énergie un peu intense, un message un peu intense, que ce soit du point de vue politique ou émotionnel, et qu’il y ait également une recherche sonore marquée, que ce soit au niveau de l’harmonie, du rythme, etc. Nous connaissons tous des chansons Folk très simples avec seulement 4 accords basiques, mais cela n’empêche pas que cela peut être très beau. Pour ma part, ce que j’écoute de plus Folk, avec grand plaisir, c’est Gillian Welch. C’est un peu country et elle a des paroles puissantes et une façon incroyable de chanter. Elle fusionne avec sa guitare. Sa musique est d’une intensité et d’une densité très fortes. Joni Mitchell est pareille, avec des harmonies complètement audacieuses qui tirent beaucoup vers le jazz. Donc, pour moi, finalement, c’est une question d’émotion et d’énergie, car il y a quand même quelque chose d’un peu intense.

LFB : Justement, en parlant d’énergie et d’émotion, tu as sorti ton deuxième EP : there is no end in me. en novembre de l’année dernière. C’est un EP qui est émotionnellement très parlant. Est-ce que, à travers tes titres, tu as voulu transmettre des émotions et énergies bien précises, ou chaque personne est libre de ressentir ce qu’elle souhaite ? Sachant que tu chantes en anglais et que certaines personnes ne sont pas familiarisées avec cette langue et se reposent donc davantage sur les mélodies.

Blumi :Bien sûr, je sais, et ça me demande vraiment comment, du coup. Parce que, vu que je suis bilingue depuis toujours, je ne me souviens pas d’avoir vraiment apprécié la musique uniquement pour ce qu’elle transmet dans ses mélodies. C’est drôle, car j’ai eu cette discussion avec des amis il n’y a pas longtemps : Est-ce que j’écoute beaucoup de musique que je ne comprends pas ? Et en réalité, non. Parce que je comprends un peu l’espagnol, l’italien et le portugais, totalement l’anglais et le français. En gros, pour there is no end in me., j’avais envie d’explorer une palette d’émotions un peu plus large que dans le premier EP, qui pour moi était resté dans une forme de mélancolie, de noirceur que je connais très bien, qui fait partie intégrante de ma personnalité et qui était l’émotion que j’exprimais historiquement et qui était la plus présente dans ma vie. Puis avec le temps, l’âge, la vie change et j’avais envie d’exprimer autre chose. Donc, dans cet EP, j’avais envie d’exprimer parfois plus de colère ou une forme d’un côté un peu plus tranchant, voire même un côté plus aventureux parfois. Je voulais que les voix soient plus franches, sur 3 chansons sur 5, les voix enregistrées sont des prises uniques et il n’y a pas d’édition, on ne l’a pas fait exprès, ça s’est fait un peu comme ça et ça donne un côté plus brut et spontané où tu contrôles moins et acceptes plus tes émotions. Après, je sais que mes amis me disent « On sent quand même que c’est hyper intime et doux », cependant, mon ressenti est différent, j’essaie parfois d’exprimer ma colère, une forme de malaise et d’ambiguïté également. En ce qui concerne les gens, je ne contrôle pas du tout ce qu’ils peuvent ressentir, je trouve ça cool de voir qu’ils peuvent ressentir leurs émotions, j’aime ça.

LFB : Ta réponse est pertinente, car il peut y avoir des artistes qui peuvent être frustrés que le public ne capte pas les émotions et les messages transmis dans leurs projets.

Blumi : Je comprends, après je suis control freak sur beaucoup de choses, mais pas du tout là-dessus. Au contraire, j’aime que le public ressente leurs sentiments personnels, je trouve que cela fait partie du processus créatif. Tu crées ta chanson, tu la libères, puis ensuite tu vois ce que les gens en retirent, c’est leur création à eux et la créativité perdure même après la sortie d’un projet, et je trouve ça génial.

LFB : Tu as une superbe vision de cela. Ton EP est sorti en novembre 2022, tu as commencé à travailler dessus à partir de quand concrètement ?

Blumi : Le titre Border Country, je l’ai écrit il y a déjà plusieurs années. Everyone Heals, Outside the Church et I See You, je les ai écrits en 2021. Dresden a été créé à partir d’un texte que j’ai écrit il y a 10 ans. Ce titre a subi de nombreuses transformations au fil des années, je l’ai beaucoup retravaillé jusqu’à arriver à la forme qui figure sur l’EP. Ensuite, j’ai commencé la prod en 2022.

LFB : Tu as eu des inspirations particulières pour ton EP ?

Blumi : Beaucoup moins que sur le premier, et cette fois-ci, j’ai vraiment galéré avant de commencer la prod, car j’avais l’impression d’avoir trop d’envies différentes et de ne pas réussir à trouver un élément unificateur pour l’ensemble des titres. Finalement, j’ai réussi à me débloquer en me disant : « Mais au contraire, Emma, accepte ça et assume-le ». J’ai réussi à faire plein de choses différentes. Dresden, je l’ai écrite avec un ami qui a une culture musicale bien plus alternative et avant-gardiste que la mienne. I See You, j’avais beaucoup de Rodrigo Amarante en tête, de la folk un peu brésilienne. Pour Everyone Heals et Outside the Church, sur ces titres, je n’avais pas de modèle en particulier, puisqu’ils ont été créés en groupe. Les morceaux ont été faits au feeling avec les talents des musiciens présents. Et pour Border Country, j’avais simplement envie d’explorer au maximum avec ma voix. Je fais de la musique pour explorer qui je suis, donc je me sens obligée de tester différentes sonorités pour me trouver, car c’est ma personnalité.

LFB : À côté de ton projet solo, Blumi, tu es également membre de plusieurs groupes tels que Orouni ou O, pour n’en citer que quelques-uns. Y a-t-il une grande différence dans la façon de travailler entre ton projet solo et ces groupes ?

Blumi : Lorsque je suis avec O ou Orouni, je suis uniquement interprète. J’apporte ma patte artistique, mon énergie, ma personnalité aux groupes en tant que chanteuse, mais je n’ai pas du tout de part créative. C’est une autre façon de faire par rapport à Blumi, mais j’adore ça ! J’adore être interprète, c’est un endroit où je me sens très bien, le fait de me faire nourrir par la créativité des autres membres et de la laisser me traverser. C’est beaucoup plus reposant aussi, tandis qu’avec Blumi, c’est plus laborieux. J’oscille beaucoup entre le fait de tout faire toute seule ou de vouloir travailler avec d’autres.

LFB : Le fait que tu me parles d’être interprète me fait repenser à une interview, qui date un peu, du chanteur Liam Gallagher où il exprimait que le fait d’être interprète était plus important qu’écrire. Du coup, c’est une question qui peut se poser : est-ce que c’est l’écriture ou l’interprétation qui est le plus important ?

Blumi :Je pense qu’en ce moment, nous sommes dans une phase où la « norme » consiste à tout faire du début à la fin. Nous disposons de plus en plus d’outils qui nous permettent de le faire, et c’est génial, mais ce n’est plus l’époque des grands interprètes. Quoi qu’il en soit, j’adore être interprète. Cela me permet de chanter des textes et d’exprimer des choses auxquelles je n’aurais probablement jamais pensé dire ou écrire. De plus, c’est agréable de ressentir la créativité des autres. Ça me plonge davantage dans l’instant présent et rend l’expérience moins cérébrale.

LFB : Il y a un peu plus d’un an, tu avais fait la première partie de la tournée française de The Divine Comedy. Comment cette connexion s’est faite ? Comment ça c’est passée ?

Blumi : C’est simplement grâce à mon tourneur. Mon tourneur connaissait celui de The Divine Comedy, ils ont discuté et mon tourneur lui a dit : « C’est une artiste solo qui parle parfaitement anglais, donc je pense que cela se passera très bien sur le plan humain. La musicalité des deux matche super bien. » Donc oui, ça s’est super bien passé, ils étaient tellement sympas !

LFB : Tu connaissais auparavant The Divine Comedy avant de partager cette tournée avec eux ?

Blumi : Pas bien en vérité, j’ai appris à connaître leurs musique durant la tournée.

LFB : Est-ce que nous pourrions espérer une collaboration entre vous un jour ?

Blumi : Peut-être ! Je suis toujours en contact avec eux et on s’est déjà dit qu’on ferait peut-être des choses ensemble, donc à voir. Ce serait cool !

LFB : Désormais, je vais te demander, si tu le veux bien, de te projeter et d’imaginer le concert de tes rêves. Quel serait le lieu, les artistes sur scène avec toi, et trois personnes que tu voudrais voir dans le public ?

Blumi : Oh, bordel ! Je vais commencer par le lieu. J’ai envie d’un endroit un peu original, pas nécessairement une salle de concert traditionnelle. J’ai participé à un super festival à la Funkhaus de Berlin, qui s’est déroulé dans l’ancienne maison de la radio de l’époque soviétique. C’était un lieu vraiment original, qui avait une âme particulière, donc je choisirais cet endroit.

En ce qui concerne les artistes sur scène avec moi, je dirais : Bon Iver, Kadhja Bonnet, Cate Lebon, Aldous Harding et John Coltrane. Ce serait incroyable de partager la scène avec eux. Et dans le public, j’aimerais voir mon pote Carlos, ma petite sœur et ma grand-mère.

LFB : Parlons de la pochette de there is no end in me.

Blumi : Ah, c’est génial ! Je vais te raconter l’histoire derrière cette pochette car je l’adore. Pour commencer, j’avais cette envie d’être en maillot de bain. Je suis une grande nageuse, je nage tout le temps, l’eau est mon élément. Donc, je voulais être en maillot de bain, mais pas de manière sexy, plutôt dans un style de « nageuse professionnelle, aqua ». Ensuite, je suis partie à Dresde en Allemagne avec Juana Wein, une photographe et réalisatrice de grand talent, pour tourner le clip de ma chanson Dresden. Dans cette ville, il y a une piscine en plein air où j’étais allée il y a 10 ans, et c’est là que j’avais écrit la chanson. J’ai proposé à Juana d’aller là-bas avec moi pour prendre des photos. Nous sommes donc arrivées sur place, mais en Allemagne, il est strictement interdit de photographier n’importe quoi, n’importe où. Nous avions donc envoyé des demandes officielles de permission de shooting, mais nous n’avions que deux jours sur place. Nous nous sommes dit : « Ce n’est pas grave, on improvisera ». Nous sommes allées sur les lieux, en cachant l’appareil photo sous les serviettes. Cependant, pour accéder à la partie extérieure de la piscine, il fallait passer par l’eau, et nous ne pouvions pas le faire avec l’appareil photo. Nous avons donc fait demi-tour et décidé d’aller voir l’un des maîtres nageurs pour savoir s’il y avait un moyen d’y accéder quand même. Nous avons discuté avec le maître nageur, en expliquant notre projet, mais nous parlions très peu allemand et il ne parlait que cette langue. Nous avons eu du mal à nous comprendre, mais j’ai quand même compris que le maître nageur nous parlait de son chef. Nous avons pensé que c’était mort, que c’était le chef qui décidait et que ce n’était pas possible. Nous nous apprêtions à partir lorsque le maître nageur nous a rattrapées. C’est là que nous avons réalisé que le maître nageur nous parlait bien de son chef, mais qu’il n’était pas là, donc nous pouvions y aller si nous le voulions ! À ce moment-là, nous étions super contentes d’être tombées sur les seuls punks allemands, et nous sommes rapidement parties faire cette photo en maillot de bain en plein mois de février, donc il faisait très froid. Mais finalement, la pochette est magnifique et je suis super contente d’avoir mené cette idée jusqu’au bout.

LFB : Quelle anecdote ! Quelle est la suite pour Blumi maintenant ?

Blumi : Album, c’est décidé ! J’ai déjà des démos, mais je ne vais pas trop t’en parler, désolée, je suis un peu superstitieuse. En tout cas, la prochaine étape, c’est l’album !

LFB : Nous avons super hâte d’écouter ça ! Merci encore Blumi.

Blumi : Merci à toi !

Retrouvez notre chronique de There is no end in me. ici