Après un rendez vous chez le docuteur, Bolivard a élargi son champ de vision avec M.Bolivard, un nouveau projet dans lequel il analyse la société avec humour et non sens. Alors qu’il sera ce soir devant un PopUp du Label complet, on a une nouvelle fois retrouver Bolivard pour une nouvelle conversation. Au programme : dualisme, humanité, mélodie, guitare, non-sens et Patrick Bateman.
La Face B : Comment va Monsieur Bolivard ?
Bolivard : Comment va « Monsieur Bolivard » ?
LFB : Oui. Ou Docteur. Ou Simon.
Bolivard: Monsieur Bolivard va toujours bien parce que lui, même ce qu’il se passe en ce moment, les retraites, il est à fond pour la réforme et pour la privatisation de tout. Docteur Bolivard, c’est un psy donc qu’il fasse toujours preuve de stabilité et Bolivard, donc moi, ça va. Un peu en tension vu que l’album sort et que j’ai envie que ça marche. Du coup, comme je ne peux pas encore en être sûr, je stresse. Mais il faut être fataliste dans ces cas-là.
LFB : Quelle influence a eu Stevenson sur ta musique ? (L’auteur de Docteur Jekyll et Mister Hyde)
Bolivard : En vrai, je n’ai jamais lu Docteur Jekyll et Mister Hyde et je crois que je n’ai jamais vu aucun film. Mais, c’est un mythe moderne dont tout le monde connaît à peu près le truc. C’est un thème universel de la part d’ombre. Donc du coup, ce n’est pas Stevenson qui m’a influencé mais plus la figure de Docteur Jekyll et Mister Hyde. Si, je l’ai vu dans le film La ligue des gentlemen extraordinaires qui n’était pas ouf d’ailleurs. C’est une sorte de Hulk, Mister Hyde. Mais c’est vrai que c’est une référence d’avoir mis Dr Bolivard et avoir choisi un deuxième personnage qui s’appelle M. Bolivard. Effectivement, je considère M. Bolivard comme un personnage dark et Dr Bolivard comme un personnage positif.
LFB : C’est une référence aussi sur la pochette où tu as la façade et l’espèce de sociopathe qui se cache derrière.
Bolivard: Exactement. De toute façon, je continue à filer le dualisme. Donc il y a le noir et le blanc. Là, il y a le masque social et on va dire toutes les envies qu’il ne vaut mieux pas avouer en public. Il se passe plein de trucs en ce moment sur les gens qui perdent confiance dans la politique, les influenceurs qui se révèlent être des mecs plus ou moins délicats avec les femmes. Du coup, je trouve qu’on baigne un peu dans une atmosphère avec de moins en moins de confiance dans les figures publiques et même les gens entre eux. Avec le COVID et tout aussi, il y a une espèce d’atmosphère assez flippante. Même chez nous. J’avais un oncle qui avait trop peur de choper le COVID . Donc il avait un masque et il voulait qu’on soit à 2 mètres de lui tout le temps. On avait beau lui dire qu’on avait fait les tests, il n’avait vraiment pas envie de crever et du coup, quitte à vraiment dégrader vraiment ses relations sociales.
LFB : Il y a un côté très American Psycho aussi.
Bolivard : Ouais, ouais. En plus j’adore. Je n’ai pas lu le bouquin qui paraît être 10 000 fois pire que le film. Mais j’adore le film. En plus, j’ai vu que le meme Patrick Bateman a explosé ces dernières années. Il est vachement utilisé dans plein de trucs. Du coup, ça m’a inspiré d’autant plus quoi.
LFB : Si Dr Bolivard regarde le sens de l’existence à la loupe, est-ce qu’on peut dire qu’avec M. Bolivard, il y a plus cette envie de regarder au télescope ? Dans le sens où tu as une vision bien plus large. C’est moins centré que ce que pouvait être le premier album.
Bolivard : En fait, le premier album, c’est introspectif. Je réfléchis à moi ce dont j’ai besoin pour aller mieux en fait. Et la conclusion, c’était que ce n’était pas vraiment qu’un sens à la vie mais plus comment faire pour apprendre à vivre de manière plus sereine, en étant plus dans le présent, en acceptant des trucs désagréables comme l’idée de la mort ou la tristesse et tout. Je sais pas si je répondais vraiment à la question s’il y a un sens à la vie.
Dans le deuxième, c’est plus extraspectif. Je ne sais pas si ce mot existe. Là, il n’y a pas vraiment de recherches de sens de la vie. C’est plus comment le thème du sens de la vie est présent dans plein de phénomènes sociaux, qu’il est prégnant dans la société et comment ça devient plus ou moins n’importe quoi. Ou comment certaines personnes abordent ce truc-là.
Et en fait, l’un des thèmes qui ressort le plus, c’est celui du développement personnel qui est pour moi, la version ultra libérale de la psychologie. C’est-à-dire qu’on réduit tout à sa plus simple expression, quitte à virer toute la substance. Parce que la psychologie, c’est beaucoup réfléchir à qui on est et du coup, qu’elle serait la réponse adaptée à nous. Le développement personnel, c’est : il faut s’assumer, il faut n’avoir aucun doute, il faut être toujours confiant, même quand on est toxique.
Donc du coup, le morceau M. Bolivard, c’est vraiment ce personnage là qui sort des tas de slogans et lui-même, il ne les applique pas du tout. Enfin, il applique le développement personnel mais il est absolument pas positif et il est ultra toxique. Ce qui l’intéresse, c’est plutôt d’être populaire parce qu’il est dans un truc court termiste de « il faut que je gagne de l’argent et que je sois populaire ». Il n’est pas du tout dans un truc, c’est quoi le long terme ? C’est quoi le bonheur sur le long terme ?
LFB : Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que si on pense à un morceau comme Sauvons, qui était sur le premier, on peut s’imaginer que le personnage de M. Bolivard c’est un personnage qui est complètement fucké et qui est devenu un peu l’inverse de tous les questionnements qu’il avait en fait.
Bolivard : C’est vrai que la chanson Sauvons, je trouve que c’est la plus proche de l’univers de M. Bolivard. C’était déjà l’idée qu’on ne peut pas réduire un sujet ultra complexe comme par exemple l’écologie ou je ne sais pas, l’économie en général à « il faut sauver ça » quoi.
En fait, la psychologie, c’est pareil. Ce n’est pas « assumez vous et tout ira bien ». Non. Il y a dix mille couches à gérer et puis, il y a des gens à qui il ne faut surtout pas dire « sois comme tu es ». Parce qu’il y a des gens, s’ils sont comme ils sont, ils vont faire beaucoup de dégâts autour d’eux.
LFB : Dans l’écriture, en termes de personnages, parce qu’au-delà de M. Bolivard, il y a d’autres personnages qui apparaissent aussi. Tu élargis les thématiques et le fait est que même si les personnages ont des idées très fermées et très centrées sur eux-mêmes, la façon dont tu les écris et dont tu as pensé ce nouvel album, fait que justement ce n’est jamais fermé et que tu es plus dans l’observation, dans l’ouverture.
Bolivard : Ouais complètement. En fait, le premier truc, c’était beaucoup centré sur moi et pour moi, ça aurait été chiant de continuer. De toute façon, je n’avais pas grand-chose de plus à dire à ce moment-là sur mon cheminement personnel. Et du coup, là, M. Bolivard, c’est plus effectivement le monde extérieur. Le monde extérieur, je n’avais pas non plus envie de faire « alors lui, c’est un con. Lui il fait n’importe quoi ». C’est plus, j’observe et je note. Par exemple, dans Psychopathe, il y a trois personnages. Il y a une femme, il y a un père qui parle à son fils. Moi, je n’ai pas d’enfants donc ce n’est pas moi.
Et en fait, je ne suis pas en train de dire « les femmes sont comme ça » ou « les parents sont comme ça ». Je suis en train de dire que j’ai vu ça et ça me paraît intéressant de signaler qu’il y a des gens qui fonctionnent de cette manière. Parce que je ne pense pas que ce soit une très bonne manière d’aborder la vie en société et le bonheur collectif. Donc, du coup, ce n’est peut être pas une bonne idée de suivre la façon dont fonctionnent ces personnes. Donc si on se prend à se dire, à penser de cette manière-là, il vaut mieux y penser à deux fois.
LFB : Au final, on pourrait penser qu’il y a une espèce de nihilisme et de rejet de l’espèce de l’humanité ou des choses comme ça. Mais je trouve que terminer l’album très justement par Tout le monde et le fait de dire que finalement, on est tous fait de chairs, de merde et qu’on finira tous en poussières, ça annihile un peu ce côté presque misanthrope que les personnages peuvent dégager tout au long de l’album.
Bolivard: Ouais, en fait je ne pense pas du tout être nihiliste parce que vraiment un nihiliste, il en a rien à foutre de quoi que ce soit. Il ne réfléchit pas. Moi, au contraire, j’essaie toujours de comprendre les trucs et d’essayer de trouver des solutions. En fait, c’est marrant parce qu’il y a plein de gens que ça déprime cette chanson, mais en fait pour moi, elle est très positive. En gros, je pense que M. Bolivard, ça parle beaucoup, je n’ai pas exprès, de l’hyper-individualisme et du fait que tout le monde se radicalise dans sa propre identité. Et tout le reste, c’est de la merde en fait. En gros, tout ceux qui ne font pas partie de leur mini communauté sont dans l’erreur.
En fait, Tout le monde, c’est plus une chanson sur le manichéisme et sur le fait que c’est bien d’avoir ses propres opinions, mais il est possible, pas forcément qu’on soit dans l’erreur, mais qu’il y ait d’autres manières de vivre qui soient valables. Donc, c’est pareil, je ne dis pas « oublie tout ce que tu sais, rien n’est vrai ». C’est possible de garder ses convictions mais il ne faut pas annihiler l’autre en se disant que lui, c’est une merde. Ce n’est pas comme ça qu’on va tous s’entendre en fait et avoir une société qui fonctionne mieux. C’est-à-dire qu’on est censés être capables de discuter avec tout le monde même si on n’est pas d’accord.
LFB : Finalement le morceau le plus positif de l’album mais, et c’est le cas avec les autres morceaux aussi, dans la composition et la production, il y a ce contraste absolu où le morceau est limite inquiétant. Alors qu’un morceau comme Psychopathe ou comme Rêve party, qui ont des propos bien plus négatifs, sont beaucoup plus dansants.
Bolivard : Ouais, c’est vrai que je trouve toujours que c’est plus intéressant quand il y a un contrepoids. Ça devient presque d’ailleurs un réflexe. Je pense que pour les prochains, j’essaierais d’arrêter ce procédé parce que ça peut être redondant. Mais c’est sûr que Psychopathe, ça ne pouvait être pour moi qu’un truc joyeux et sautillant et rappé parce que c’est plus drôle. Et puis, en plus, les psychopathes sont très contents d’être eux-mêmes. Donc ça marche aussi. Et puis Je danse aussi… En fait, moi je me suis retrouvé dans plein de situations où je suis en boite de nuit, tout le monde est hyper content et moi je trouve ça sinistre. Du coup, tout est joyeux autour de moi, et moi je suis là dans ma tête j’ai cette voix désabusé par-dessus la musique disco où je me dis que je crois que je suis une daube socialement. Et puis, après je rentre en bus. C’est vraiment ultra.
C’est la phrase la plus autobiographique de la chanson. Parce que j’ai tellement de souvenirs de moi qui rentre en bus comme ça en me disant « quel sens avaient ces dernières heures de ma vie ? ».
LFB : Plus encore que sur le précédent, tu utilises toujours beaucoup l’humour mais je trouve qu’il y a en plus une dose de surréalisme qui est beaucoup plus importante. Et notamment sur Rêve party que j’adore et qui pareil, est une succession de phrases qui n’ont aucun sens. Tu te demandes où tu es.
Bolivard: J’ai toujours adoré le surréalisme et l’absurde, les trucs qui n’ont aucun sens. Enfin il y a toujours un petit du sens quelque part, mais les trucs qui n’ont vraiment aucun sens, ça me fait vraiment beaucoup rire.
L’idée de cette chanson, c’était que j’allais écrire n’importe quoi. Alors évidemment, ce n’est pas le premier jet que j’ai pris parce qu’il était forcément hyper divertissant. Je vais écrire n’importe quoi et je vais faire une chanson avec ça. La petite astuce, c’est que je disais au début que c’était un rêve mais je ne l’ai pas pensé comme ça.
Je l’ai vraiment pensé en me disant que j’allais écrire n’importe quoi et que ça allait faire une chanson. Et c’est vrai que pour moi, c’est aussi mon texte préféré. Et en fait, je trouve que le sens c’est que c’est le pic de l’EP, du non-sens. Il y a quand même un peu des notions comme le fait que je vais à Pôle emploi et que j’essaie d’avoir un boulot, que la nana me dit de me barrer et le fait que le cheval rigole et qu’on ne sait pas pourquoi. En fait, ça se termine sur une impasse totale. Pour moi, c’est peut-être ça la chanson la plus nihiliste en fait finalement. Rien n’a de sens et il y a juste à rigoler. C’est tout quoi.
LFB : On va droit dans le mur mais on y va en se marrant quoi.
Bolivard : C’est ça, exactement.
LFB : On parle souvent du sens de tes chansons, parce qu’il y a un côté très parlé et je trouve qu’il y a un refus du chant. A part sur les refrains parfois mais j’ai l’impression parfois que c’est plus une obligation. Mais on parle jamais de ton rapport mélodique et je trouve que le rapport mélodique sur l’EP est hyper important et qu’il y a vraiment une recherche de gimmick et d’ambiance qui est hyper importante et propre à chaque morceau en fait.
Bolivard : Merci, c’est gentil. Ouais, en fait, moi je ne me considère plus comme un musicien vraiment au sens où je fais de la musique et pas des chansons. Je rajoute une piste de texte. C’est un peu comme si c’était un instrument qui apporte du sens. Mais oui, c’est sûr que quand je chante, c’est plus par nécessité parce que par exemple dans Je danse, il faut que ce soit moi qui chante sinon ça n’a pas de sens.
Du coup, j’ai pris des cours exprès pour pouvoir chanter correctement. Mais je ne me considère pas comme un chanteur mais plus comme quelqu’un d’abord qui fait de la musique, et puis qui raconte des histoires par-dessus.
La manière la plus simple, c’est de mettre du texte parlé. Après, quand c’est plus intéressant que ce soit un peu rythmé, je rythme. Mais ce qui m’intéresse surtout, c’est la musique et en fait, j’essaie d’amener des ambiances qui m’intéresse. Donc Rêve party, en vrai, mon influence je pense que c’était les films fantastiques des années 90 qui utilisaient certaines harmonies un peu particulières et puis certains sons propres aux années 90. Je danse, il y a un peu de Jamiroquai, un peu de Mickael Jackson. Et oui, au niveau des mélodies, j’ai un peu une obsession de la mélodie où il n’y a rien à retirer, rien à ajouter. Je ne sais pas trop d’où ça vient. Je pense qu’il y a les Buggles qui m’ont énormément marqués. Par exemple, dans Video Killed The Radio Star, il y a dix milliards de mélodies qui sont toutes super. Pareil au niveau des harmonies, j’essaie de toujours trouver des belles harmonies. Je commence souvent un morceau en posant une harmonie, et tant que l’harmonie ne me créé par une émotion… Déjà, rien que l’harmonie, je ne la sélectionne pas en fait. Donc, je pense que c’est surtout l’aspect musicien qui est au cœur du truc dont tu dois parler.
LFB : Est-ce qu’il n’y a pas une frustration parfois du fait que cet aspect passe au second plan par rapport aux histoires que tu racontes ?
Bolivard : Non, j’y ai pris goût. Je pense qu’au moment de Dr Bolivard, ça a dû me saouler parce que j’avais dû commencé Dr Bolivard avec uniquement de la musique et en fait, j’ai vu que ça fonctionnait en mettant du texte et que les retours étaient très positifs. Là, en fait M. Bolivard, c’est vraiment un point où j’y ai pris goût. Je me suis dit : allez ok, qu’est-ce que je peux faire avec ce procédé ? De toute façon, j’écrivais déjà des histoires mais vraiment sous forme de nouvelles, des scénarios donc j’ai juste transposé ça sur ma musique.
Mais après, oui c’est sûr quand on me parle de la musique aussi parce qu’elle est hyper importante. C’est plus l’homme de l’ombre de ma musique, la musique. C’est vraiment… On ne la repère pas mais elle a toute son importance. Parce que si elle n’était pas là et qu’il y avait juste le texte, ça n’aurait pas autant d’impact.
LFB : Il y a finalement un travail hyper cinématographique, dans le sens où chaque album est un concept qui raconte une histoire. Chaque morceau est un chapitre. Et la musique est comme la bande originale derrière, qui rajoute des émotions et même dans l’écriture, je trouve qu’il y a des cuts, des choses très recherchées dans le rythme. Ca donne un tout qui est hyper intéressant en fait.
Bolivard : Le cinéma, c’est vraiment avec la musique, le truc qui m’intéresse le plus. Et d’ailleurs, en faisant des clips, en faisant des interviews Dr. Bolivard, je fais déjà un peu ce que je veux faire depuis toujours. Moi j’ai une formation de monteur vidéo et je m’intéresse énormément aux rythmes, notamment le rythme comique.
Par exemple, les interviews Dr. Bolivard, je passe énormément de temps sur le montage pour trouver le bon rythme, les bons moments où il y a du silence et tout. Et en fait, forcément, ça influe sur ma musique et j’utilise vraiment des procédés cinématographiques je pense dans mes textes. Par exemple, dans Rêve Party, il y a des ruptures de tons, des trucs… « Soudain, le bâtiment s’effondra sur la dame de Pôle Emploi », c’est un peu comme… Je passe du coq à l’âne. Et en fait, c’est la rupture qui rend le truc drôle.
Parce que j’étais en train de discuter avec elle et d’un coup, ça s’effondre. Mais d’ailleurs, j’ai un frère qui fait une chaîne Youtube qui s’appelle Calmos, où il analyse les comédies françaises. A un moment donné, j’étais en colloc avec lui et on parlait vraiment de la théorie comique et même de la philosophie de la comédie. Genre Bergson. On essayait de décortiquer ce qui était drôle. Donc du coup, ça aussi, ça influe dans ma manière de créer des chansons qui peut être assez cinématographique.
LFB : Ouais, et au final, je trouve que le morceau qui en dit le plus dans l’album sur les ambiances que tu veux apporter, c’est le morceau où il n’y a pas de paroles en fait. Psychoville, c’est vraiment pour moi le morceau qui, à travers la musique, raconte toutes les ambiances et qui réhausse un peu, qui rappelle que tu es un musicien aussi.
Bolivard : C’était complètement l’idée. Je voulais absolument au moins un morceau instrumental, comme dans l’EP précédent où il y avait un morceau totalement instrumental et un morceau avec juste un tout petit peu de voix, qui s’appelle Mélancolie. Là, je voulais quand même en mettre un et effectivement, je trouvais que c’était une respiration au centre de l’EP et en fait, moi je l’entends comme ça le morceau.
J’ai attaqué l’auditeur avec Bolivard News, qui est un morceau coup de poing. Il y a deux morceaux où je raconte des histoires et Psychoville, c’est vraiment le truc où on digère un peu et aussi où on a un petit moment de flottement où on se dit : putain, c’était un peu déprimant tout ça en fait, c’était pas si marrant. Après, ça repart tout de suite avec Mr Bolivard. Donc ouais, la manière dont les trucs s’enchaînent, il y a presque une structure narrative générale.
LFB : Si je te dis que pour moi, le personnage principal, c’est la guitare. Est-ce que tu serais d’accord avec ça ? Parce que finalement, la guitare, c’est vraiment l’élément qui revient sur chaque morceau et qui est présent, qui est hyper important. Les gimmicks, ça crée aussi de la tension par moment ou des ruptures de tons aussi.
Bolivard : Bah écoute, je n’ai pas encore le recul sur l’EP je pense. Effectivement, maintenant que tu en parles, il y a de la guitare dans tous mes morceaux. Ouais, ouais. C’est vrai qu’elle est soit là en mode rythmique, soit elle fait des mélodies. Dans Bolivard News, elle est juste là pour faire un gros coup à la fin. C’est le seul instrument réel. Enfin, il y a de la trompette quand même. Mais sinon, c’est à peu près l’un des seuls instruments que j’ai joué dedans. A part la voix. Il est important en plus dans mon son parce que c’est lui qui apporte de l’humain dans ma musique. J’augmente beaucoup le souffle de la guitare, les bruits que les doigts font sur les cordes pour que ça vernisse un peu ma musique. J’essaie de la rendre au maximum, le moins numérique possible. Il y a plein de gens qui utilisent vraiment une esthétique full numérique pour faire des choses cool. Mais moi, j’ai quand même besoin d’un peu de textures. Donc c’est plus au niveau de la musique que ça se joue en fait.
LFB : Après Dr Bolivard et après M. Bolivard, est-ce que l’humanité peut être sauvée ?
Bolivard : Là, on revient à Sauvons en fait. Sauvons l’humanité. Je pense que ça fait des millénaires que les humains essaient, pas de sauver l’humanité mais de la rendre meilleure. Je pense que ça va continuer. Et à moins qu’on s’anéantisse avec un doigt mal placé sur un bouton nucléaire, je pense qu’on va continuer. En vrai, moi, mon opinion, c’est que je ne vois, avec mes faibles connaissances, qu’un seul salut possible, c’est la fusion avec l’intelligence artificielle qui nous rendrait beaucoup plus intelligents et du coup, peut être capables déjà d’avoir un gouvernement qui fonctionne et après, éventuellement, que les individus soient heureux et à peu près équilibrés. Mais là, en l’état, avec les capacités cérébrales des humains actuellement, je pense que c’est mort.
LFB : On est d’accords. L’être humain, ça reste quand même un enfant dans un magasin de jouets. Il a plus envie de tout casser que de construire quelque chose.
Bolivard : En fait, le truc, c’est que… Je lis un peu des bouquins de psychologies évolutionnistes, et de neurologie. C’est très déprimant mais en gros, ils expliquent que le cerveau reptilien, c’est le même qu’il y a 100 000 ans et en fait, on est juste une couche par-dessus qui s’est créée. On a un cerveau de gogolle et par-dessus, une espèce d’ordinateur qui fait ce qui peut pour dire : non mais attends, ne fais pas ça, n’attaque pas cette personne. Le pauvre cortex fait ce qui peut mais il n’est pas armé pour réguler des pulsions aussi puissantes et primitives. Il y a plein de gens qui disent : de toute façon, rien à foutre, je vais vivre yolo et puis voilà. Du coup, ça revient à ce que je dis. Qu’est-ce que ça veut dire être soi-même ? Est-ce ça veut dire laisser le cerveau reptilien faire ce qu’il veut ? Parce que si tout le monde fait ça, c’est la merde dans les rues très vite.
LFB : La dernière fois qu’on s’était vus, tu cherchais un peu la bonne formule pour ton live. Où est-ce que ça en est ? Qu’est-ce qu’on peut attendre de ta date au Pop Up ?
Bolivard: Je suis sur une formule là. Je ne sais pas si c’est la bonne encore parce que je suis encore en train de travailler dessus. Mais ouais, du coup c’est au terme de cet deux EPs, j’ai un truc qui est autour du fait de raconter des histoires. Donc la voix à priori sera assez importante sur de la musique et avec une importance des moments instrumentaux.
Mais en gros, je me considère plus comme quelqu’un qui fait de la musique tout seul dans mon coin. Une fois que j’ai la musique, elle est là et par-dessus je raconte des histoires pas forcément comme un instrumentiste ou comme une bête de scène. Donc ça ressemblera plus à une sorte de one-man show musical avec des moments dansants je pense. C’est à ça qu’on peut s’attendre pour le 13 mars au Pop Up.
LFB : Est-ce que tu as œuvres culturelles qui pourraient rattacher et étendre l’univers de M. Bolivard ?
B : Buffet froid de Bertrand Blier. Le Charme discret de la bourgeoisie de Buñuel. Et 12 jours, de Raymond Depardon qui est un documentaire. C’est des interviews de gens qui ont été internés, par obligation. Au bout de 12 jours, pour savoir si on doit les garder ou pas, ils sont interrogés par quelqu’un, un ou une juge. Il y en a plein qui ne sont pas au top quoi. Et peut être Hapiness de Todd Solondz aussi. J’ai cité que des films. Là j’en profite pour dire que j’attends impatiemment le prochain Ari Aster, qui a l’air justement complètement surréaliste et complètement affreux. J’ai parcouru le scénario parce qu’il y a une version de 2015 qui est sur internet et ça a l’air vraiment affreux.