Chez La Face B, on est des grands sentimentaux avec des cœurs prêts à accueillir et à donner tout l’amour du monde. Récemment, on est à nouveau tombé en amour de la musique d’un groupe québecois qui a lui seul aurait pu faire vaciller notre cœur : Bon Enfant. Impossible de résister à leur premier album, un vrai album de musique, libre, ambitieux et généreux. On a donc pris contact avec Guillaume et Daphné pour en savoir plus sur ce groupe qui fait vibrer nos oreilles, battre nos cœurs et secouer nos têtes.
La Face B : Salut Bon Enfant, comment ça va ?
Bon Enfant : Ça va pas pire pentoute! Et vous?
(« Ça va pas pire pentoute! » = « Ça va pas mal du tout! » ndlr)
LFB : Ça va bien merci ! Puisqu’on ne vous connaît pas encore très bien en France on va commencer simplement : Qui se cache derrière Bon Enfant ?
B.E : Guillaume et moi (Daphné, guitariste, chanteuse) avons eu l’idée de se partir un band. Nous avions envie de composer des chansons ensemble depuis longtemps. On avait alors nos projets musicaux respectifs (Canailles et Ponctuation notamment) qui prenaient tout notre temps et on habitait deux villes différentes. C’est lorsque Guillaume a déménagé à Montréal que finalement le projet est devenu possible. Nous étions tous deux en quête de changement. Au départ, on imaginait faire un projet un peu plus country/psych, à la Lee and Nancy. Finalement, au fil des compositions, le projet est devenu beaucoup plus éclectique et pop. On a pris notre temps pour bien choisir des camarades musiciens, trouver les «bonnes personnes». C’est ainsi qu’Étienne, Mélissa et Alexandre sont arrivés dans le portrait et que la magie s’est produite.
LFB : Vous venez tous de projets différents à la base : Est ce que vous considérez Bon Enfant comme un « side project » ? Ou a-t-il pris une importance plus importante pour vous ?
B.E : Je crois que c’est difficile de faire un side project au Québec. T’as pas le choix de mettre tout ton temps et ton énergie si tu veux qu’il y ait un minimum de résultat. J’aime l’idée qu’on a donné tellement d’amour aux chansons, et de regarder ça voler maintenant.
LFB : J’aime beaucoup votre nom. Pour moi Bon Enfant ça me ramène à ce côté joyeux des choses simples et enfantines et qui résonnent avec les chansons, cette idée d’échapper à la maturité, de garder une part d’enfance. Est-ce que le nom vous est venu tout de suite ou a-t-il été influencé par les premières chansons ?
B.E : Trouver un nom de band est pas mal plus difficile que d’écrire un album. On a lancé pleins d’idée jusqu’à se qu’on tombe par hasard sur celui-là. Ça me fait penser à Peter Pan.
LFB : Il y a un vrai côté organique dans votre premier album. C’est okay pour vous de parler d’album de musiciens ? On sent un vrai plaisir communicatif à partager une musique avec une âme.
B.E : Le côté organique vient surement du fait que nous avons pas mal tout enregistré en live. Nous étions tous installés dans la même pièce et nous interprétions les chansons tous ensemble, comme dans les années 1970. Quelques petits overdubs et edits ont été faits, mais glogablement, on a gardé la vibe du studio rendu au mix. On souhaite que notre musique rejoigne le plus de monde possible, on ne perçoit pas notre musique comme en étant une élitiste, mais plutôt rassembleuse.
LFB : De la même manière, on sent une vraie envie de mélanger les genres, à aller chercher des influences 60’s/70’s (l’idée des chœurs hyper présents ou cette vibe hyper épique qui ressort des titres) pour les mêler à de la pop, de l’afrobeat ou de la folk. Finalement Bon Enfant, c’est un grand espace de liberté non ?
B.E : Certainement, on ne veut pas se donner de barrière. Le prochain d’album ne sera certainement pas une tentative de recréer le premier album. Notre plus grand souhait est de ne jamais avoir de balises ou de contraintes créatives. On ne cherche pas forcément une homogénéité dans les styles ou les arrangements, car nous croyons que nos personnalités vocales et musicales suffisent pour lier le tout ensemble.
LFB : L’album peut se voir comme un livre ou un film, chaque morceau est un chapitre, une étape, les paroles amènent souvent des indicateurs visuels … Comment avez-vous travaillé ce rendu très cinématographique et progressif ?
B.E : Lors de la création des chansons, on ne voyait pas nécessairement le « big picture ». On allait au bout de chaque idée sans penser à ce que serait l’album. Par contre, une fois les chansons composées, un « tout » semblait se dessiner et j’oserais dire une trame narrative, un conte. Il semble y avoir un début et une fin entrecoupés d’adversité, ça a un peu guidé le « pacing». On a malgré tout eu un désir de lier les chansons ensemble en ajoutant quelques transitions instrumentales telles que Ode aux pissenlits qui a été composée dans le but de lier Petites Batailles à Hiver à l’année en passant de la tonalité de Ré majeur à Do mineur. Cette pièce m’a inspiré ensuite la pochette du disque. On s’est beaucoup demandé comment le nommer pour finalement se rendre compte qu’un homonyme était tout à fait cohérent pour ce premier album.
LFB : Ce que j’ai beaucoup apprécié dans l’album, c’est que si il est très « feel good » dans le son, il y a des thèmes parfois assez sombres dans les paroles. Jouer sur les contrastes c’était une chose qui vous intéressait ?
B.E : Oui, comme beaucoup d’auteurs, les moments plus sombres sont souvent les plus prolifiques et l’écriture de chanson devient une sorte de catharsis. Par contre, un peu comme un blues, on aime bien que la musique nous aide à passer au travers de ces moments difficiles et d’en retenir quelque chose de positif. On peut penser à des chansons comme « Et moi, et moi, et moi » de Jacques Dutronc ou « Quand t’es pas là » de Louise Forestier. Cette idée de contraste nous inspire beaucoup autant dans la relation entre les paroles et la musique que par les éléments anachroniques qui s’insèrent ici et là dans les arrangements et qui nous éloignent des pastiches.
LFB : J’aimerais parler des paroles de Daphné. J’ai la sensation que les morceaux sont à la fois hyper personnels, mais poussent aussi dans un certain sens à un rendu universel. Au niveau des paroles, est-ce que tu écris tout seul ou les autres membres du groupe interviennent ?
B.E : Guillaume et moi avons écrit beaucoup de brouillons avant d’arriver à un propre qui colle bien à la musique. L’avantage de travailler les textes à deux, c’est qu’on peut toujours se remettre en question même si parfois ça fait mal de devoir changer un mot. C’est toujours dans le but d’écrire la meilleure chanson possible. J’ai une grande liberté de travailler les textes avec Guillaume, je me sens en confiance, je peux tout dire ou presque. C’est important lorsqu’on travaille sur des textes très personnels. Ce qui est bien, c’est que les gens finissent par adopter tes chansons et se les approprier à leur façon. J’aime écouter des artistes qui parlent d’eux même, sans filtre, sans personnage et qui me parle de choses profondes, ça les rend plus intéressants.
LFB : L’une des belles réussites vient aussi que les mots « groovent ». Tu as une voix très puissante et unique. Quel travail cela a demandé au niveau du vocabulaire et des mots pour trouver la bonne formule sur les chansons ?
B.E : La langue française a ses particularités et ses obstacles. On pense souvent que l’anglais est plus facile à chanter, mais j’aime penser qu’on peut le faire en français, qu’il suffit de trouver les bons mots. Le plus difficile est de trouver ceux qui collent le mieux à la mélodie, ce n’est pas tous les mots qui se chantent bien. De plus, les mots sonnent différemment lorsqu’ils sont chantés avec une voix douce plutôt qu’une voix puissante. Elles n’ont pas la même intention. Souvent, avec une grosse voix, certains mots sonnent « quétaine » (ringard en bon Québécois) donc il faut doser. De notre côté, on écrit et chante dans la langue vernaculaire québécoise, car nous croyons qu’il est plus facile de communiquer une émotion lorsqu’elle est chantée de la même façon que l’on parle. Chanter dans un français international serait donc pour nous du même ordre que chanter en anglais puisque dans les deux cas, ce serait distant de notre identité langagière et ainsi moins sincère.
LFB : Quand on écoute l’album, on sent bien que c’est un album qui est fait pour vivre sur la scène. Comment vivez-vous la crise sanitaire actuelle ? Est-ce que l’envie de revenir sur scène se fait plus fort ?
B.E : Effectivement, on avait une année 2020 très chargé côté spectacle, avec un passage par la France par ailleurs. On a été très déçu lorsqu’on a vu notre été de spectacle s’effondrer, mais bon, la santé des gens passe avant tout. On a extrêmement hâte de recommencer à jouer, car jusqu’à présent, la réponse en spectacle est extraordinaire. On a beaucoup de plaisir à jouer sur scène et on improvise beaucoup. Ceci dit, on a composé plein de nouvelles chansons durant le confinement alors le retour sur scène sera très excitant. On va probablement enregistrer du nouveau matériel cet été.
LFB : D’ailleurs en parlant de scène, est-ce qu’on peut espérer vous voir débarquer en France bientôt ?
B.E : On espère bien sûr, c’est toujours un grand plaisir d’aller jouer chez vous, l’accueil est exceptionnel et le public français est très curieux et ouvert d’esprit. On va voir comment la situation évolue, mais on a déjà quelques opportunités qui se dessinent. Ce n’est qu’une question de temps.
LFB : Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour le futur ?
B.E : Un maximum de spectacles et de rayonnement. On a hâte de recommencer à partager notre musique sur scène.
LFB : Est-ce que vous avez des coups de cœur récents à partager avec nous ?
B.E : Mon Doux Saigneur, Crabe, Gab Paquet, Les Deuxluxes, Jonathan Personne, Les Hay Babies, Duu, Laurence-Anne, VICTIME, Pottery.