Bon voyage organisation : « ce qui m’intéresse c’est la performance, nous tous, ensemble »

Bon Voyage Organisation ce n’est pas un groupe, mais un ensemble de musiciens qui s’affranchissent des contraintes de style, de marketing ou encore des standards radiophoniques. Cette liberté est organisée par Adrien Durand, compositeur et chef d’orchestre de cette joyeuse bande de musiciens cosmopolites en quête d’harmonie et de paysages sonores. On a profité de leur prochain concert le 29 juin à la Gaité Lyrique pour lui poser quelques questions sur (Loin) Des Rivages, leur dernier album, et gratter des informations sur ce qui nous attend sur scène.

LFB : Le nouvel album (Loin) Des Rivages est disponible depuis début mars, comment s’est passée la sortie et comment tu te sens depuis ?

Adrien Durand : La sortie s’est très bien passée avec de bons échos dans la presse. On l’a enregistré en juin 2020, donc j’étais content de le sortir. Aujourd’hui, je suis surtout très excité à l’idée de le jouer sur scène à la Gaité lyrique le 29 juin. C’est principalement là dessus que je me focus, je ne suis pas trop le genre à regarder derrière mais plutôt devant.

LFB : Tu dis qu’il a été enregistré en 2020, mais votre deuxième album La Course est sorti à la même période non ?

Adrien Durand : En fait La Course est sorti en mars 2020 et on a enchainé avec ce troisième album. Du coup, on aurait pu sortir (Loin) Des Rivages beaucoup plus tôt, mais je ne voulais pas le faire tant qu’il y avait encore des restrictions liées au covid. Même si, malgré le contexte, la sortie pendant le covid s’est très bien passée car durant le premier confinement les gens ont eu du temps chez eux pour l’écouter.

LFB : C’est vrai qu’on ressent le besoin d’avoir plus de temps pour écouter La Course comparé au premier album qui était plus « facile » d’accès.

Adrien Durand : Oui, c’est marrant car quand je l’ai fait, c’était un peu pour marquer un tournant dans ma vie de musique, dans le sens où je constatais autour de moi une forme de course à l’instantané, à la nouveauté etc.. Je trouvais que c’était une véritable pollution et je pensais que ça pouvait se dompter, mais en fait je n’ai pas réussi. Ça donne qu’aujourd’hui on fait de la junk musique de la même manière qu’on fait de la fast fashion et je ne suis pas trop là-dedans. Mais ça m’a donné l’idée de faire un disque qui s’appelle La Course et tout y est hyper lent à cause du fait que tout va trop vite. C’est quand même hyper bizarre qu’il soit sorti au moment du premier confinement.

LFB : Avec La Course justement tu amorçais un virage uniquement musical, tu continues dans cette lignée pour (Loin) Des Rivages, est ce que c’est quelque chose de définitif ?

Adrien Durand : Ce n’est pas dogmatique, il n’y a rien de décidé mais en tout cas, là, c’est ce que j’avais envie de faire. En fait c’est pas un groupe BVO, donc il n’y a pas de membres attitrés c’est à dire chanteuse, musiciens etc… Je trouvais que c’était bizarre de prendre cette musique et de la faire incarner par une seule personne, alors que c’est souvent un ensemble de plusieurs musiciens avec beaucoup de choses derrière ; non pas qu’on n’ait pas eu des chanteuses fantastiques, mais j’avais envie de mettre la musique au centre. Maintenant, ça me manque d’écrire des paroles de temps en temps, je ne pense pas que je referai des trucs comme j’ai déjà fait avant, mais ce n’est pas dit qu’il n’y ait pas des voix de nouveau.

LFB : Justement, au niveau des musiciens, tu dis qu’ils changent, est ce qu’il y en a qui sont là depuis le début ?

Adrien Durand : Il y en a un qui est toujours là, c’est Maxime Kosinetz, avec qui je bosse beaucoup en studio aussi car il est également ingé son. Il fait souvent les prises sur les disques que je réalise. Sinon, cela change en fonction de qui est disponible, qui a envie de jouer avec nous, qui en a marre, qui a d’autres choses à faire, quelle type de musique on fait en studio etc… En général, il y a toujours un noyau dur et l’ensemble se complète en fonction de la direction du disque assez naturellement.

LFB : J’ai l’impression qu’au lancement de BVO via la presse, les concerts etc, il y avait une dimension de groupe ,et que petit à petit tu incarnes vraiment le projet BVO en tant qu’Adrien Durand.

Adrien Durand : Il y a plusieurs raisons. Au début on était jeunes, c’était présenté comme un groupe au niveau marketing mais on était surtout un groupe d’amis qui se regroupait pour faire de la musique, puis ensuite c’est devenu plus ou moins un orchestre comme aujourd’hui.

On a quelques photos de live, j’adorerais les mettre plus en avant mais il faut dire que la presse et les médias refusent souvent les photos concerts au profit de photos posées. C’est déjà difficile de réunir dix musiciens sur scène, alors les réunir pour un shooting photo c’est très compliqué. Je suis le seul qui est d’accord pour prendre le temps. Et c’est normal, c’est aussi mon projet, ma vision, de manière générale c’est moi qui en parle en interview et qui représente BVO. Cela ne dérange personne dans le groupe, il n’y a pas d’égo.

Mais c’est vrai que je n’aime pas trop le concept des vedettes, se mettre en avant etc. Je déteste cette génération et cette époque de l’égo parce que ce n’est pas du tout ma vision de la musique et de la vie en générale. Au début, ça me gênait et d’ailleurs j’adore toujours quand on vient nous voir en concert et que personne ne sait qui est vraiment derrière BVO.

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LFB : Je reviens sur l’enregistrement de (Loin) Des Rivages, juste après le premier confinement, comment ça s’est passé ?

Adrien Durand : J’ai écris la musique pendant le premier confinement, ensuite j’ai fait appel à différentes personnes pour les morceaux . Notamment Julien Cavard, qui fait souvent les enregistrements cuivres et qui m’a écrit, ou Gustave Rudman, qui est un super compositeur qui a co-écrit et arrangé un morceau avec moi. On a répété 5 jours à La Boule Noire pour travailler tous ensemble puis on a enregistré en 5 jours aussi au studio Atlas. Après, je l’ai mixé sur les 2/3 mois de l’été.

LFB : Ah oui, c’était assez rapide comme enregistrement non ?

Adrien Durand : Oui, ça ne prend généralement pas beaucoup de temps d’enregistrer un disque, car on le crée tous ensemble dans une pièce. Le travail en amont est plus long mais j’arrive le jour J avec déjà ce que je veux en tête. Pour moi, le studio, ce n’est pas forcément un moment d’expérimentation, ce n’est pas là que la musique se compose, la musique peut se modifier en studio mais je crois que la forme doit être là avant.

J’aime bien l’idée de prendre plein d’éléments : des musiciens, un studio, des instruments, une composition, des arrangements, et puis tout jeter comme ça et voir comment le truc se met en place. J’aime les accidents, j’aime qu’il y ait des choses qui se passent le jour du studio qui n’était pas prévues mais qui se créent instantanément. Sinon, je ferais de la musique tout seul derrière mon ordi. Dans BVO, ce qui m’intéresse, c’est la performance de nous tous ensemble et pas de faire l’un après l’autre.

LFB : (Loin) Des Rivages est un album qui nous fait voyager, on sent des sonorités d’Amérique du Sud, est ce que tu puises ça dans tes expériences personnelles ?

Adrien Durand : Le groupe est assez cosmopolite, il y a beaucoup de Sud-Américains. En fait je suis fasciné par ce qui est différent, par l’ailleurs, alors sans forcément y aller soi-même, mais par l’imaginaire que ça crée, les images d’Epinal. La jungle pour moi ce n’est pas la jungle tropicale, c’est la jungle urbaine. Celle dont je parle, c’est le fait qu’on vive dans une jungle. Il y a quelque chose de très agressif, on peut même dire survivre dans la ville. J’ai toujours été parisien et on voit que c’est de plus en plus difficile, donc j’essaye de créer un endroit imaginaire, rien en particulier, mais c’est une espèce de cliché.

Je vois la musique comme un conduit pour arriver à transporter les gens et les faire se sentir ailleurs. C’est aussi ça mon style de production, de créer des ambiances et des endroits, une forme de paysagisme sonore.

LFB : C’est vrai qu’on ressent beaucoup ça dans toutes les chansons, notamment sur Les Pêcheurs, un de mes titres préférés du dernier album, où on plonge complètement dans un paysage en fonction des instruments actionnés.

Adrien Durand : Il y a un truc c’est que je suis fasciné par le timbre des instruments. Les flûtes, les percussions etc.. il y en a beaucoup dans BVO. Je dis souvent que c’est sont les premiers instruments que les hommes ont eu, donc ça déclenche peut être un truc dans mon cerveau reptilien. Mais c’est aussi un projet qui fonctionne car la musique est habitée par plein de musiciens qui se complètent et ce serait plus difficile à obtenir tout seul.

LFB : J’adore les titres des chansons que je trouve très poétiques, ils viennent d’où ?

Adrien Durand : Parfois c’est des blagues… Non j’aime bien la poésie un peu surréaliste, Breton, Supervielle etc… J’aime les titres pour poser ou tromper un paysage qui va venir. Souvent, les morceaux ont des titres de travail qui ne sont pas les mêmes que sur l’album. Tu vois Le Sentiers des Orpailleurs s’appelait Le Jardin, avec cette idée d’une clairière, où le morceau démarre avec quelque chose de très dynamique, puis il y a le moment du milieu qui me faisait penser à un jardin. Tout ça vient aussi de ma passion pour la musique française, avec des chansons très imagées comme ça.

LFB : Le live à La Gaité Lyrique arrive vite, comment cela s’organise ?

Adrien Durand : Il va y avoir un gros groupe avec plein de nouveaux musiciens, notamment Jeanne Michard au saxophone, Jim Grandcamp à la guitare, Pedro Barrios, Inor Sotolongo, Antonin Violot, Maxime Kozinets, Arnaud Sèche (qui va d’ailleurs sortir un projet solo très beau, des petites bulles musicales de voyage car il est passionné par l’Asie), un trompettiste, Hermon Mehari. Et on aura aussi beaucoup d’invités.

On va jouer beaucoup de morceaux, pas seulement (Loin) Des Rivages, mais aussi des deux premiers albums. Je suis en train de finaliser les partitions et je suis surtout hyper curieux de les présenter aux musiciens de voir comment ils vont les interpréter. J’ai vraiment hâte car tu sais, on ne fait pas beaucoup de concerts.

LFB : Et il ne peut pas y avoir des projets de tournée ?

Adrien Durand : On a des dates à venir mais une tournée, c’est tellement mobilisant en termes de logistique, de répétitions etc. Puis j’ai aussi conscience que notre musique ne s’offre pas aussi facilement en live pour nous programmer dans des festivals, il faut du temps pour rentrer dedans, l’écouter etc. On a quand même des dates qui arrivent l’année prochaine, notamment le Nancy Jazz Pulsation.

LFB : Les deux derniers albums m’ont fait penser à des BO de films, est ce que tu pourrais travailler pour le cinéma ?

Adrien Durand : J’adore ça, c’est quelque chose qui me fascine et qui m’intéresse énormément. Je viens de faire une musique pour une série, Chair Tendre, qui a gagné le prix de la meilleure série à Série Mania et qui va sortir en septembre sur France TV Slash, c’était super. Il y a d’autres projets qui se présentent pour moi de musique à l’image et j’en suis très content, il n’y a rien dont je peux parler maintenant mais ça va venir.

LFB : En dehors de BVO, tu produis et composes aussi pour de nombreux artistes, quels sont tes projets de ce côté ?

Adrien Durand : L’année dernière, j’ai produit le dernier album de Jo Wedin et Jean Felzine et là, je vais travailler sur l’album solo de Jean. Je vais aussi mixer des projets pour La Femme et pour un groupe allemand, RIKAS.

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