Bons baisers du Québec #1 : Plongée dans la Montréal Bagarre de Of Course

Chez La Face B, la musique se vit sans genre ni frontière. Malheureusement, le monde est différent de nous. On a donc décidé de casser tout ça pour mettre en avant des artistes québécois qu’on adore. Entre jeunes pousses et artistes confirmés, Bons baisers du Québec c’est le rendez-vous voyage chez nos cousins du Canada. Premier round aujourd’hui avec une plongée dans la Montréal Bagarre de Of Course.

Ok, il nous faut vous l’avouer, pour ce premier article, on a un peu triché : William Maurer et Émile Tempère, les deux têtes pensantes et multi-instrumentistes derrière le projet Of Course sont bel et bien français. On triche mais pas vraiment, puisque les deux garçons sont installés à Montréal depuis maintenant 8 ans et leur carrière musicale s’y est donc complètement développée avec deux premiers EP. First a constitué la première pierre d’un édifice qui les voyait utiliser l’anglais comme langage de leur musique et dont les intonations électroniques et funk laissaient tout de même transparaître dans les élans vocaux des souvenirs d’un passé plus proche du punk et du métal. Naufrage un jeudredi voyait, lui, leur bateau s’accoster aux côtes d’un français parlé-rappé et d’une musique de plus en plus funk, ne renonçant jamais à un optimisme et à un son plus disco et funky. S’en suit le départ de leur batteur et le passage de trio à duo. Un mal pour un bien ? Sans doute car en troquant une batterie organique pour des drums kits électroniques, les deux garçons permettent à leur musique de s’offrir une nouvelle dynamique, transparaissant déjà avec la superbe Féline et l’excellente reprise de Chacun fait (ce qui lui plait) de Chagrin d’Amour, et mettant en avant leur groove incandescent basé sur des synthés entêtants et une basse qui roule et nous emporte. Bienvenue dans le club de Montréal Bagarre.

Ça commence avec un riff de guitare que n’aurait pas renié Rocky. Le monde de Montréal Bgrr s’ouvre ainsi, comme une cloche qui sonnerait le début d’un combat. Les présentations sont faites dès le départ, ça groove, ça rappe et ça vise le second degré tout en racontant de vraies histoires. Cette sainte trinité, cette couleur musicale, se retrouveront sur tous les titres de Montréal Bagarre, un troisième EP jouissant d’une cohérence assez classe.

À l’écoute, on sent que plus qu’une compilation bête et méchante de titres éparses, on est face un bloc compact fait d’une même matière. Et c’est aussi là qu’Of Course frappe fort : cette unité n’est pas que sonore, elle est aussi thématique. L’évolution est notable, on sent que les textes creusent une veine plus personnelle et si l’humour est toujours là, l’émotion et le côté personnel se taillent la part du lion de textes qui d’écoute en écoute, se révèlent aussi malins qu’ils sont sensibles. Que la nostalgie pointe gentiment le bout de son nez sur Trente, ode aux trentenaires tranquilles devenus sans vraiment le vouloir génération transitoire entre deux époques qui se dévorent autant qu’elles agissent comme des miroirs, qu’ils dévoilent avec tendresse cet état de décalage constant d’une personne entre deux mondes dans Jetlag ou s’attaquent à des sujets plus sérieux en déconstruisant l’image du mâle alpha dans Brutal pour finir par mettre en pièce les comportements intolérables, et pourtant encore trop présents, de ce même machisme toxique dans un Elle ne veut pas danser aussi crépusculaire que nécessaire, Of Course n’hésite pas à prendre le premier degré à bras le corps quand les sujets le nécessitent, à ralentir le rythme pour laisser au texte le loisir de respirer comme il le désire.

Bien-sûr, l’humour n’est jamais loin et pointe le bout de son nez dans les titres où les deux bonhommes se mettent en image dans des rôles un peu winner, un peu loser pour offrir les morceaux du projet qui bougent le plus. Ceux-ci voient ainsi apparaître les feat. de Kirouac et Mantisse (de LaF) sur les accrocheuses Minuit et Oublie-moi, superbes hommages à ces moments où l’on se retrouve tous avec le poids de la flemme sur les épaules et où le chill n’est plus seulement nécessaire mais obligatoire. C’est d’ailleurs sur ces titres que le flow se fait le plus rappé, le plus carré, proche, et c’est un compliment, de certains standards actuels tout en nonchalance, de Lomepal à JeanJass.

Vous l’aurez compris, avec Montréal Bagarre, Of Course rabat les cartes de son jeu et transforme la perte d’un camarade de jeu en force, ouvrant son univers vers un rap qui groove et qui ne ressemble qu’à lui, jouant avec l’humour pour mieux mettre en avant des sujets plus graves. Une somme d’influences et d’idées qui explosent et qui groovent, tout simplement. Du tout bon pour ce premier voyage en terre québécoise.

photo de couverture : Elliott Katane.