Qu’est-ce qui définit un groupe ? Est-ce ses membres ? Ses fans ? Son style ? Cette question, on a dû souvent la poser à Torre Florim, tête pensante de De Staat, groupe néerlandais qui prend un plaisir certain à ne chercher à se définir justement. Alors que sort leur sixième album, Bubblegum, on peut se demander si la vraie réponse à cette question ne serait pas simplement des bonnes chansons. Dans ce cas De Staat a tout pour plaire.
On vit tous dans une bulle. Elle est parfois poreuse, parfois hermétique. On partage parfois notre bulle avec quelqu’un, avec un groupe et il nous arrive même de passer d’une bulle à l’autre selon l’envie, le besoin d’information ou la nécessité d’évasion. Si le titre du sixième album de De Staat (qui signifie l’état en néerlandais) relève d’une certaine légèreté à première vue, il est bien plus malin qu’on ne pourrait le penser. En effet, Bubblegum, peut faire penser à quelque chose de léger, de plaisant et d’explosif mais finalement il ressort de ce titre quelque chose de bien plus profond, à l’image de la musique du groupe de Torre Florim. Si les 11 chansons qui fondent l’album dégagent un sentiment premier d’efficacité, d’engagement et d’éclectisme brutal et jouissif, il serait malvenu de ne les considérer que comme des titres electro-rock efficaces mais sans âme. Car derrière cette apparence première, qui réjouira sans doute un public qui s’intéresse plus au BPM qu’aux paroles, se cache en vérité un album bien sombre, qui fait état de pas mal de déviance qui guide la société contemporaine.
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Ca commence fort avec KITTY KITTY, sa basse monumentale et un titre qui prend le temps monter en puissance que ce soit dans son efficacité et dans ses émotions. Le titre s’attarde ainsi à pointer du doigt une politique internationale qui n’est plus à une contradiction près et tire à boulet rouge sur un certains Donald Trump, sans le nommer mais un peu quand même (Orange Entertainer …). Pas le temps de tergiverser que Fake It Till you Make It prend le relais et charge ceux qui se voient plus grands qu’ils ne le sont, quitte à mentir pour arriver à faire croire qu’ils existent.
Mona Lisa continue le combat avec son rythme impressionnant que n’aurait pas renier Soulwax ou autre Kasabian .
Pikachu continue la charge, sonore et mentale. Un rythme électronique aussi dansant qu’il peut être pesant, tape sur Instagram et ses déviances mais toujours de manière fun et détachée. Il offre d’ailleurs un parfait contrepoids à Phoenix titre puissant, lent et cinématographique qui calme le tempo et offre une balade sombre qui laisse le cœur lourd et sombre, comme le point de vue sur l’humanité qui s’y développe .
C’est là le gros point fort de Bubblegum, trouver l’équilibre entre le propos et le divertissement, ne jamais prendre son auditeur pour un idiot mais ne pas oublier que la musique doit aussi provoquer le relâchement et le plaisir.
A ce titre l’enchainement de titres plus légers comme Me Time, espèce de mise en avant de l’égocentrisme de chacun, ou la chanson d’amour Tie Me Down en passant par la très positive I Wrote That Code, qui essaie de voir le remplacement de l’homme par la machine comme une victoire et non comme une défaite, et ses pulsations électroniques grandioses, font autant d’effet au pied qu’à la tête.
Mais l’album n’est pas terminé et c’est avec le titre le plus personnel du groupe qu’il s’achève. Luther dure près de 7 minutes et raconte de manière forte les émotions par lesquelles est passé Torre Florim lorsqu’il a été victime de migraines invalidantes qui l’ont totalement bloqué dans son processus artistique mais aussi dans sa vie puisqu’il était devenu partiellement aveugle. C’est donc un titre lourd de sens mais qui finit par une explosion musicale toute en force qui vient clôturer l’album.
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Avec Bubblegum, De Staat ne fait pas de coup d’état (oui on est fier de notre jeu de mot) mais prouve qu’il n’est pas nécessaire de se définir dans un son ou dans un style à partir du moment où la musique est portée par une passion et une écriture qui voit plus loin que ce qu’on veut lui confier. Bubblegum est donc un album à l’éclectisme réjouissant qui ne révolutionnera sans doute pas la musique mais y apportera un bon lot de titres aussi efficaces qu’intelligents. Et c’est déjà beaucoup !